Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à compter d’avril 2015.

Aperçu

[2] Le requérant a travaillé pour la dernière fois en tant que compagnon monteur d’échafaudages à temps plein de 2005 au 27 janvier 2014. Il a alors arrêté de travailler après s’être blessé au genou au travail. Le requérant a dit qu’il ne pouvait plus travailler depuis ce moment en raison d’une déchirure du ménisque, de dépression ainsi que d’arthrite et de déchirures musculaires à l’épaule gauche. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 22 mars 2016. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel de la décision issue de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, le requérant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le requérant reçoit une pension de retraite du RPC qui est devenu payable en décembre 2015. Pour être en mesure de remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité, la partie requérante doit être réputée être devenue invalide avant le mois où elle a commencé à toucher sa prestation de retraiteNote de bas de page 1. Je constate que la PMA du requérant a pris fin le 30 novembre 2015.

Questions préliminaires

[4] La représentante du requérant au dossier ne s’est pas présentée à l’audience prévue. Le requérant a affirmé qu’elle n’était pas disponible et qu’elle n’avait pas prévu être présente. Il a dit que la représentante avait confirmé avoir reçu une copie de l’avis d’audience et qu’elle avait fait une demande téléphonique au Tribunal le 12 décembre 2018 pour qu’un interprète polonais soit présent à l’audience pour le requérant. Le requérant a affirmé qu’il était préparé et prêt à procéder.

Questions en litige

[5] Est-ce que l’état de santé du requérant l’a mené à être atteint d’une invalidité grave, ce qui signifie qu’il était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 30 novembre 2015?

[6] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie en date du 30 novembre 2015?

[7] Le requérant est-il admissible au remplacement de sa pension de retraite du RPC par une pension d’invalidité?

Analyse

[8] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 2. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la personne de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si la personne ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

[9] J’ai jugé que le requérant était crédible. Il a témoigné d’une façon franche en répondant aux questions relatives à ses antécédents professionnels et médicaux ainsi qu’à l’incidence de son état de santé sur sa vie quotidienne. 

Invalidité grave

i. Le requérant est atteint d’un problème de santé grave.

[10] Je dois évaluer l’état du requérant dans son ensemble, ce qui signifie que je dois prendre en considération toutes les détériorations possibles, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principaleNote de bas de page 3.

[11] Le requérant a affirmé qu’il a de la douleur au genou droit et à l’épaule gauche depuis de nombreuses années, qui sont le résultat de nombreuses blessures qu’il s’est faites au travail au fil du temps. Il est aussi atteint de dépression et d’une blessure au dos, ce qui l’a rendu incapable de travailler pendant environ 10 ans jusqu’en 1997.

[12] Bien qu’une échographie de l’épaule gauche ait été effectuée peu de temps après l’expiration de la PMA, elle a permis de confirmer la déchirure complète du tendon du sus-épineux de même que des déchirures partielles de pleine épaisseur du tendon du sous-épineux ainsi qu’une atrophie graisseuse des muscles. En août 2016, la médecin de famille du requérant, la Dre Marcu, a aussi signalé que le requérant avait de la douleur à l’épaule depuis cinq ans et que cette douleur empirait. Cela démontre que le requérant avait un problème important à l’épaule avant sa PMA. À la suite de la blessure au travail en janvier 2014, le Dr Greidanus, chirurgien orthopédiste, a signalé qu’un examen d’imagerie par résonance magnétique du genou droit de février 2014 avait révélé de l’arthrose tricompartimentale, une déchirure complexe du ménisque interne sans déplacement, et une entorse du ligament latéral interne du genou. Une chirurgie arthroscopique a été effectuée en avril 2014, qui comprenait une méniscectomie interne, une méniscectomie latérale partielle, un débridement et une synovectomie. Depuis cette chirurgie, divers orthopédistes ont recommandé que le requérant subisse une arthroplastie totale du genou. Le requérant a affirmé qu’il est toujours sur une liste d’attente pour subir cette intervention, mais il continue d’être obligé prendre beaucoup d’analgésiques narcotiques. Sa dépendance à ceux-ci a aussi fait en sorte qu’il a été recommandé que l’arthroplastie du genou soit retardée.

[13] En plus de prendre des narcotiques pour gérer sa douleur, depuis janvier 2014, le requérant a subi une chirurgie arthroscopique et il a reçu des injections articulaires de viscosuppléments. Même s’il reconnaît que les injections ont effectivement aidé à réduire sa douleur dans une certaine mesure, l’effet n’était pas durable, alors il n’a pas été se faire donner d’autres injections par la suite. Un spécialiste de l’épaule que le requérant consulte actuellement lui a apparemment dit que même si une chirurgie pouvait l’aider avec la douleur qu’il ressent la nuit, elle ne rétablirait pas le fonctionnement de son épaule et elle aurait seulement une chance de réussite de 50 %. Le même résultat est possible pour l’arthroplastie du genou. Le requérant a fait valoir que bien que l’intervention pourrait aider soulager sa douleur en partie, elle ne rétablirait pas le fonctionnement à un point où il pourrait recommencer à travailler dans le seul domaine de travail physique pour lequel il est qualifié.

[14] Je retiens le témoignage du requérant et j’estime que bien que certaines interventions chirurgicales demeurent en suspens, l’objectif de celles-ci serait de réduire la douleur du requérant à un niveau tolérable et non de rétablir son fonctionnement à un niveau qui lui permettrait d’être régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pour laquelle il serait qualifié en fonction de son âge, de son expérience et de ses études.

ii. L’état de santé du requérant n’a fait que se détériorer depuis qu’il a arrêté de travailler, ce qui l’a empêché de retourner au travail.

[15] Dans des affaires où il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 4.

[16] Le requérant travaillait à temps plein comme monteur d’échafaudages jusqu’à ce qu’il se blesse en janvier 2014. Malgré le fait qu’il s’était blessé plusieurs fois au genou, aux épaules et au dos par le passé, il a continué de faire un travail exigeant sur le plan physique parce qu’il s’agissait du seul type de travail qu’il connaissait. En mai 2014, le requérant a tenté de reprendre  des tâches sédentaires modifiées dans un environnement de bureau auprès de son employeur précédent pour des demi-journées seulement. Toutefois, la douleur importante que le requérant ressentait et son incapacité à utiliser un ordinateur ont fait en sorte qu’il lui a été extrêmement difficile d’apprendre ou d’être productif. Par conséquent, il n’a pas été capable de retourner au travail après un seul quart de travail de quatre heures. Son contrat de travail a donc été résilié.

[17] Du mois d’août au mois de septembre 2015, le requérant a affirmé que la Commission des accidents du travail (CAT) l’a inscrit à un programme de réadaptation qui était axé sur la réadaptation physique et sur le perfectionnement des études. Il y a participé chaque jour à raison de quatre heures par jour et il a acquis des connaissances de base en informatique et en dactylographie. Lorsque le requérant n’a pas été capable de passer à huit heures de formation par jour, il a été sorti du programme de réadaptation. La CAT n’a pas demandé au requérant de participer à d’autres programmes de perfectionnement ou de recyclage professionnel. 

[18] Bien qu’il ait été mentionné dans un rapport médical indépendant du Dr Greidanus de juillet 2016, que le requérant aimerait travailler comme préposé au stationnement, le requérant a affirmé que la Dre Marcu lui avait conseillé de ne pas retourner au travail en raison des postures statiques et de la marche que même un travail non spécialisé, comme préposé au stationnement, aurait exigé. Le requérant a déclaré qu’il n’est qualifié pour aucun autre type de travail et sa douleur constante fait qu’il est difficile pour lui de se concentrer suffisamment pour acquérir une nouvelle compétence ou apprendre une nouvelle tâche. Il a participé au programme de réadaptation de la CAT parce qu’il était tenu de la faire et non parce qu’il pensait être capable d’exercer quelque type de travail que ce soit.

[19] Le requérant a démontré que de nombreux obstacles l’empêchaient d’exercer même un travail sédentaire. Il est limité physiquement pour ce qui est de toute posture statique et il est peu probable que cela s’améliore au fil du temps. J’estime qu’il a démontré qu’il avait respecté les recommandations de traitement et qu’il avait déployé des efforts pour atténuer ses circonstances afin de pouvoir retourner au travail. Toutefois, j’estime que son état de santé ne s’est simplement pas amélioré suffisamment pour qu’il puisse réellement obtenir ou conserver une occupation véritablement rémunératrice depuis sa blessure au genou de 2014.  

iii. Le requérant n’est pas employable dans un contexte réaliste.

[20] Je suis tenu d’évaluer la gravité du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 5. Ainsi, pour déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité grave, je dois tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie.

[21] Le requérant avait 60 ans lorsque sa PMA a pris fin. Il a terminé son secondaire à une école de métiers en Pologne et il a obtenu une certification comme compagnon monteur d’échafaudages au Canada. Le requérant ne maîtrise pas parfaitement la langue anglaise écrite ou parlée. Il ne possède aucune compétence transférable compte tenu de l’uniformité de son expérience de travail en tant que monteur d’échafaudages, charpentier et travailleur non qualifié, et il ne possède aucune connaissance informatique. J’estime que compte tenu de ses limitations fonctionnelles, de sa connaissance limitée de l’anglais, de son âge et de son manque de compétences transférables, il ne serait pas un bon candidat pour le recyclage professionnel ou pour un travail plus sédentaire adapté. Dans un contexte réaliste, j’estime que le requérant ne serait pas employable dans un milieu de travail concurrentiel.

[22] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve ayant été présentée, je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, le requérant était atteint d’une invalidité grave, tel que définie par le RPC, avant le 30 novembre 2015.

Invalidité prolongée

[23] J’estime aussi que l’invalidité du requérant devait durer pendant une période longue, continue et indéfinie au 30 novembre 2015. Il est principalement atteint de douleurs chroniques et de dégénérescences articulaires et musculaires à de nombreux endroits. Malgré le fait qu’il a reçu divers traitements et consulté multiples médecins spécialistes, l’état de santé général du requérant ne s’est pas beaucoup amélioré. Compte tenu de la nature chronique de ses symptômes, j’estime qu’il est peu probable que son état s’améliore à un point qui lui permettrait d’être régulièrement apte à reprendre une occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[24] Le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2014, lorsqu’il s’est blessé et a arrêté de travailler. Toutefois, pour calculer la date à partir de laquelle la pension est payable, une personne ne peut être réputée être devenue invalide plus de 15 mois avant la réception par le ministre de la demande de pensionNote de bas de page 6. La demande a été reçue en mars 2016, alors l’invalidité est considérée comme ayant débuté en décembre 2014. Les paiements commencent quatre mois après la date réputée de l’invalidité, à compter d’avril 2015Note de bas de page 7.

[25] L’appel est accueilli. Le requérant peut faire remplacer sa pension de retraite par une pension d’invalidité.

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