Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] Le demandeur, G. B., est diplômé de l’école secondaire et a occupé divers emplois de courte durée, dernièrement celui de nettoyeur dans une mine souterraine. Il soutient qu’il est invalide en raison de problèmes de dépression, d’anxiété, d’asthme et d’apnée du sommeil. Il a 28 ans et est sans emploi depuis mai 2015.

[3] En février 2016, le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande du demandeur, parce que ce dernier n’avait pas démontré qu’il était atteint d’une invalidité « grave et prolongée » au sens de l’article 42(2)(a) du RPC pendant la période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle a pris fin le 31 décembre 2017.

[4] Le demandeur a interjeté appel du rejet du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada. La division générale a tenu une audience par vidéoconférence et, dans une décision datée du 26 août 2018, a rejeté l’appel, estimant qu’il était plus que probable que le demandeur demeurait capable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Plus précisément, la division générale a conclu que les problèmes médicaux du demandeur, et compte tenu de ses caractéristiques personnelles, n’étaient pas assez graves pour l’empêcher d’apprendre de nouvelles compétences.

[5] Le 23 novembre 2018, le représentant légal du demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal, soutenant que la division générale avait commis diverses erreurs.

[6] Après avoir examiné les observations du demandeur par rapport au dossier, j’ai conclu qu’aucune de ces observations n’a une chance raisonnable de succès en appel.

Questions en litige

[7] Selon l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle; elle a commis une erreur de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permissionNote de bas de page 1, et elle doit d’abord être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droitNote de bas de page 3.

[8] Je dois déterminer si le demandeur a une cause défendable selon les questions en litige suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en tirant des conclusions négatives en ce qui concerne la crédibilité du demandeur sans lui donner la possibilité d’expliquer les allégations d’incohérences sur lesquelles ces conclusions négatives étaient fondées?

Question en litige no 2 : Est-ce que la division générale a erré en tirant des conclusions qui ne reposaient pas sur des éléments de preuves à propos de l’apnée du sommeil dont le demandeur prétendait être atteint?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que, contrairement au témoignage du demandeur, on lui avait recommandé de suivre une thérapie?

Question en litige no 4 : Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en se fiant au rapport psychiatrique du Dr Rajender KumarNote de bas de page 4, au détriment d’éléments de preuve plus pertinents, qui avait été produit plus de quatre ans avant la fin de la PMA?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle manqué à un principe de justice naturelle en tirant des conclusions négatives en ce qui concerne la crédibilité du demandeur sans lui donner la possibilité d’expliquer les allégations d’incohérences sur lesquelles ces conclusions négatives étaient fondées?

[9] Le demandeur prétend que la division générale a ignoré l’essentiel de son témoignage et a fondé sa décision sur des incohérences mineures, telles que le nombre de fois où il a vu un médecin particulier, sans lui donner l’occasion d’aborder la question à l’audience.

[10] J’estime que cette observation n’est pas défendable. Au paragraphe 14 de sa décision, la division générale a [traduction] « remis en question » la crédibilité du demandeur, car des éléments de son témoignage présentaient des [traduction] « incohérences lorsqu’on les compare à la preuve médicale au dossier et parce que certains passages de son témoignage semblaient simplement sonner faux ». Au paragraphe 15, la division générale a signalé des incohérences entre les renseignements au dossier et le témoignage oral du demandeur, en commençant par le récit du nombre de fois qu’il a vu son psychiatre :

[traduction]

Par exemple, le 26 juillet 2016, l’appelant a écrit à l’intimé et a déclaré qu’il voyait son psychiatre une fois par mois et parfois deux fois par mois. Cela est différent de ce que démontre l’élément de preuve présenté par le Dr Kumar. En novembre 2016, le Dr Kumar a affirmé qu’il avait vu l’appelant à quatre reprises durant cette année-là. Les autres rapports du Dr Kumar mentionnent les dates de ces consultations, soit le 10 février 2016, le 27 avril 2016, le 13 juillet 2016 et le 17 octobre 2016. J’ai vérifié si l’appelant avait vu le Dr Kumar tous les mois en 2015, mais ce n’était pas le cas. Le Dr Kumar a déclaré qu’il avait vu l’appelant cinq fois, en tout, en 2015. Les rapports de ces consultations se trouvent au dossier et montrent que l’appelant a eu des rendez-vous le 19 janvier 2015, le 14 avril 2015, le 8 juillet 2015, le 14 octobre 2015 et le 11 décembre 2015.

[11] Après avoir examiné le dossier, je peux confirmer que la division générale a résumé correctement la fréquence des interactions documentées entre le demandeur et le Dr Kumar. Le demandeur affirme que la division générale a accordé trop d’importance aux différences relativement mineures qui existaient entre ce qu’il a dit dans son témoignage et ce qui a été noté dans les rapports psychiatriques. Toutefois, la division générale, en tant que juge des faits, a droit à une certaine déférence dans la manière dont elle apprécie la preuve et dans les conclusions qu’elle en tireNote de bas de page 5. En l’espèce, la division générale a fondé ses conclusions selon lesquelles le demandeur était peu crédible sur les trois occasions où son témoignage contredisait les éléments au dossier. Les incohérences relevées par la division générale n’étaient pas insignifiantes; elles étaient liées à des questions centrales, soit celles de connaître la fréquence des traitements que le demandeur nécessite pour ses problèmes médicaux et de savoir s’ils l’empêchent de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[12] Quant à l’observation du demandeur selon laquelle la division générale aurait dû lui donner la possibilité de s’exprimer à propos des incohérences sur lesquelles elle s’est fondée par la suite, je ne crois pas que cela soit défendable. On ne peut ignorer, évidemment, la règle bien connue établie dans la décision Browne c DunnNote de bas de page 6 qui empêche un contre-interrogateur de s’appuyer sur des éléments de preuve qui contredisent le témoignage d’un témoin sans tout d’abord porter ces éléments à la connaissance du témoin et lui donner l’occasion de résoudre les contradictions. Cependant, la situation est bien différente en l’espèce, car la division générale est un arbitre, et non un plaideur; son rôle est donc d’entendre la preuve, et non de la présenter. Le demandeur semble laisser entendre que la division générale lui a tendu un piège dans sa décision, mais les incohérences que la division générale a notées se trouvaient dans la preuve du demandeur; avant et durant l’audience, il pouvait détecter les faiblesses, les contradictions et les incohérences dans sa cause (en fait, il lui incombait de le faire) et y répondre. On ne peut blâmer la division générale d’avoir examiné de près la preuve du demandeur; elle avait le droit de relever toutes les contradictions qu’elle y a trouvées.

[13] Quoi qu’il en soit, après avoir écouté en entier l’enregistrement sonore de l’audience d’août 2018, je constate que la membre de la division générale présidant l’audience a, de fait, directement mentionné deux des trois incohérences au demandeur. À 30:50 de l’enregistrement audio, on peut entendre la membre questionner le demandeur sur la façon dont il s’était acquitté de la charge de travail de ses cours de préposé aux services de soutien à la personne, s’il avait manqué autant de cours qu’il le prétendait. À 32:45, la membre a confirmé que le demandeur n’avait pas été congédié de son dernier emploi en raison de son rendement, même s’il venait de mentionner qu’il manquait en moyenne trois jours de travail sur cinq.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle erré en tirant des conclusions qui ne reposaient pas sur des éléments de preuves à propos de l’apnée du sommeil dont le demandeur prétendait être atteint?

[14] Au paragraphe 8 de sa décision, la division générale a fait remarquer que, dans son rapport daté du 13 juin 2013, le Dr Lawrie Oliphant a mentionné que le demandeur utilisait un appareil de ventilation spontanée en pression positive continue et que cela se passait bien. Au paragraphe 9, la division générale a ajouté ce qui suit :

[traduction]

L’appelant a déclaré que son dernier rendez-vous avec un spécialiste du sommeil remontait à environ trois ans. Cela me donne à penser que l’apnée du sommeil de l’appelant est demeurée stable pendant un bon moment. L’appelant a également déclaré que, depuis octobre 2017, son appareil démontre que sa respiration arrête 120 fois chaque nuit. Il a dit qu’il était actuellement sur une liste d’attente pour voir un nouveau médecin du sommeil parce que l’ancien a pris sa retraite. Je n’ai pas vu d’élément de preuve corroborant cette demande de consultation à un nouveau spécialiste du sommeil, mais, même si c’est avéré, il semble qu’il existe encore des options de traitement qui pourraient aider l’appelant. Il est possible, par exemple, qu’il soit seulement nécessaire d’ajuster la pression de l’air sur son appareil. Jusqu’à ce que ce soit réglé, et en l’absence de preuve médicale qui le contredit, il m’est impossible de conclure que l’apnée du sommeil dont est atteint l’appelant a contribué dans une grande mesure à son invalidité avant le 31 décembre 2017.

Le demandeur soutient que la division générale a erré lorsqu’elle a rejeté sa déclaration selon laquelle son nom était sur une liste d’attente pour consulter un spécialiste du sommeil seulement parce qu’il n’y avait rien dans le dossier qui confirmait ce renseignement. Le demandeur accuse aussi la division générale de spéculer sans fondement probatoire par rapport au problème qu’il pourrait y avoir avec son appareil de ventilation spontanée en pression positive continue.

[15] J’estime qu’un appel sur ces motifs n’a aucune chance raisonnable de succès. Premièrement, la division générale n’a pas simplement fait abstraction du témoignage du demandeur selon lequel son apnée du sommeil n’était plus contrôlée; en fait, la membre a tenu compte du témoignage à ce sujet, mais elle a conclu que cela ne signifiait pas nécessairement qu’il y avait une invalidité grave. En tant que juge des faits, la division générale a la compétence d’apprécier la preuve dont elle dispose, et l’absence de corroboration documentaire était un motif raisonnable de faire abstraction du témoignage du demandeur. Deuxièmement, je ne pense pas que la division générale a fait des conjectures; si le demandeur cherchait vraiment à consulter un spécialiste du sommeil, ce devait être parce qu’il croyait jusqu’à un certain point qu’il pouvait essayer d’autres traitements. Il est bien connu que l’apnée du sommeil est un problème que l’on peut gérer, et la division générale n’avait aucune raison de croire que le cas du demandeur faisait exception ou que la médecine ne pouvait rien faire pour l’aider.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que, contrairement au témoignage du demandeur, on lui avait recommandé de suivre une thérapie?

[16] Le demandeur fait valoir que la division générale a laissé entendre qu’une [traduction] « thérapie lui aurait été recommandéeNote de bas de page 7 » lorsqu’il a été hospitalisé en août 2016. Le demandeur nie qu’on lui ait recommandé à quelque moment que ce soit de suivre une thérapie, et il fait remarquer que les rapports du Dr Kumar ne proposent pas cette option de traitement.

[17] Au paragraphe 13 de sa décision, la division générale traite de l’étendue des traitements en santé mentale suivis par le demandeur. Voici ce qu’elle a écrit :

[traduction]

Le rapport du Dr Kumar datant de novembre 2016 mentionne que l’hospitalisation s’est produite en août 2016, mais il ne fournit pas beaucoup de détails. Il dit que l’hospitalisation a duré "seulement" trois jours environ et il n’a pas précisé qu’il s’agissait d’une hospitalisation involontaire. Il dit aussi que durant la brève hospitalisation de l’appelant, quelqu’un (on ne sait pas qui au juste) lui a suggéré de subir des électrochocs et que l’appelant a refusé. On ne peut établir clairement si d’autres recommandations (comme une thérapie) ont été formulées. Je l’ai demandé à l’appelant et il a déclaré qu’on ne lui avait pas recommandé une thérapie. Même si je reconnais que le rapport du Dr Kumar datant de novembre 2016 ne mentionne aucune sorte de thérapie (y compris des rencontres avec un travailleur social), il n’est pas évident de savoir si c’est parce qu’il n’y a pas eu de recommandation ou si le Dr Kumar n’était pas au courant de toutes les recommandations qui ont été faites à l’appelant durant son séjour à l’hôpital.

[18] J’estime que les observations du demandeur ne sont pas défendables. Le passage ci-dessus représente la tentative de la division générale d’évaluer l’importance de l’hospitalisation du demandeur en août 2016, malgré la preuve fragmentaire. Contrairement à ce que prétend le demandeur, la division générale ne tire aucune conclusion définitive selon laquelle ses fournisseurs de soins lui ont conseillé de suivre une thérapie ni n’ignore le fait que le rapport du Dr Kumar ne mentionnait aucunement une thérapie. Enfin, rien ne démontre que la division générale ait tiré une conclusion défavorable du fait que le demandeur n’avait pas suivi de thérapie. J’ajouterais que, même si la division générale avait tiré une conclusion défavorable de ce fait, je n’aurais toujours pas jugé qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis une erreur, car l’absence de traitement peut être interprétée comme un signe qu’une invalidité n’est pas grave.

Question en litige no 4 : Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en se fiant au rapport psychiatrique du Dr Rajender KumarNote de bas de page 8, au détriment d’éléments de preuve plus pertinents, qui a été produit plus de quatre ans avant la fin de la PMA?

[19] Le demandeur conteste ce qu’il interprète comme le fait que la division générale se soit fondée sur le rapport du Dr Kumar datant de décembre 2013, où le demandeur a reçu une note de 80 à son évaluation globale de fonctionnement, ce qui signifie qu’une déficience est loin d’être grave. Le demandeur soutient qu’il n’a jamais prétendu qu’il était invalide en décembre 2013.

[20] Je ne constate pas une cause défendable à cet égard. Au paragraphe 12 de sa décision, il est évident que la division générale a fait référence à la note obtenue par le demandeur en décembre 2013 seulement pour démontrer à juste titre qu’un diagnostic n’est pas synonyme de déficience importante; le Dr Kumar a diagnostiqué chez le demandeur un trouble dépressif majeur et un trouble d’anxiété généralisé, mais il lui a tout de même attribué une note de 80 à l’évaluation globale de fonctionnement.

[21] Je ne constate pas non plus qu’il est défendable, comme le dit le demandeur, que la division générale ait mal interprété le rapport du Dr Kumar datant de novembre 2016. Il est vrai que la division générale a insisté sur le fait que le Dr Kumar n’avait pas précisément écarté la possibilité de travailler, mais il ne s’agit de rien de plus qu’une interprétation fidèle de ce que le psychiatre a écrit. La division générale a souligné que le Dr Kumar n’avait pas établi un lien direct entre l’incapacité du demandeur de conserver un emploi et son état psychologique. La division générale a également fait référence aux éléments de preuve qui démontraient que plusieurs des emplois du demandeur ont pris fin pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec une déficience. Le Dr Kumar a conclu que le demandeur allait « demeurer dépressif avec une gravité modérément [sic]Note de bas de page 9 », mais, comme l’a noté la division générale à juste titre, cela ne voulait pas nécessairement dire que le demandeur était incapable de détenir tout type d’occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[22] Comme le demandeur n’a invoqué aucun moyen d’appel conférant à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentante :

Terry Copes, pour le demandeur

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