Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La demanderesse, A. M., est née en Inde, où elle a obtenu un baccalauréat ès arts. Elle a maintenant 44 ans. Elle est arrivée au Canada en 1997 et a occupé une série d’emplois dans des usines jusqu’en novembre 2011, lorsqu’elle a été blessée au cou et au dos dans un accident de la route. Elle n’a pas travaillé ni cherché de travail depuis l’accident.

[3] En juillet 2016, la demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), soutenant qu’elle n’était plus capable de travailler en raison du syndrome de la douleur chronique, de la fibromyalgie, de la dépression et du syndrome du canal carpien. Le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande parce qu’il a conclu qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC pendant la période minimale d’admissibilité (PMA), qui a été déclarée comme ayant pris fin le 31 décembre 2013. Le ministre a reconnu que la demanderesse avait de la douleur aux bras et au dos, mais il a établi que cela ne l’avait pas empêchée d’effectuer un travail adapté à ses limitations.

[4] La demanderesse a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 17 septembre 2018, a rejeté l’appel, ayant établi, somme toute, que la demanderesse était capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de fin de la PMA.

[5] Le 17 décembre 2018, le représentant de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal, en prétendant que la division générale avait commis une erreur lorsqu’elle a omis de tenir compte de l’ensemble de la preuve de la demanderesse selon laquelle elle est invalide au sens de l’article 42(2)(a) du RPC et d’évaluer la gravité des déficiences de la demanderesse à la lumière des facteurs réalistes énoncés dans l’arrêt Villani c CanadaNote de bas de page 1.

[6] J’ai examiné la décision de la division générale par rapport au dossier dont il est question, et j’ai conclu que la demanderesse n’a invoqué aucun motif qui pourrait conférer à son appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Conformément à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel à la division d’appel sont les trois suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; elle a commis une erreur de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permissionNote de bas de page 2, mais la division d’appel doit d’abord être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droitNote de bas de page 4.

[8] Je dois déterminer si la demanderesse a une cause défendable selon les questions en litige suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle tenu compte de la preuve dans son ensemble?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle appliqué le critère du « contexte réaliste »?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle tenu compte de la preuve dans son ensemble?

[9] La demanderesse prétend que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve, notamment de nombreux rapports médicaux précisant qu’elle était incapable de travailler en raison de ses déficiences.

[10] J’ai examiné la décision de la division générale, et rien ne me porte à croire qu’elle a ignoré un élément de preuve important ou qu’elle n’en a pas adéquatement tenu compte. La division générale a résumé les principaux éléments de preuve qui se trouvaient dans le dossier médical de la demanderesse et elle a ensuite analysé de façon significative la preuve orale et documentaire. La division générale a explicitement tenu compte de tous les problèmes de la demanderesse, qui comprennent le syndrome de la douleur chronique, la fibromyalgie, la douleur dans tout le corps, la dépression et l’anxiété.

[11] Selon la demanderesse, la division générale n’a pas tenu compte des rapports et des notes cliniques du Dr Hussain; j’estime qu’il n’existe pas de cause défendable pour cette allégation. De fait, la division générale a réservé une grande partie de son analyse (aux paragraphes 16, 17 et 23) au Dr Hussain. Si la division a eu de la [traduction] « difficultéNote de bas de page 5 » avec les notes cliniques du Dr Hussain, c’est que le Dr Hussain a simplement cru la demanderesse sur parole lorsqu’elle a affirmé qu’elle ne pouvait plus se servir de ses mains pour effectuer des tâches répétitives, même si elle n’avait jamais tenté un retour au travail après son accident de la route ou ses interventions chirurgicales pour le syndrome du canal carpien. À mon avis, la conclusion de la division générale selon laquelle le Dr Hussain ne s’appuyait que sur des plaintes subjectives est une raison défendable pour écarter cet élément de preuve. Quoi qu’il en soit, bien que le Dr Hussain ait soutenu fermement la demande de pension d’invalidité de la demanderesse, la preuve qu’il a fournie ne représentait qu’un facteur parmi d’autres dont la division générale devait tenir compte. L’évaluation de l’invalidité au sens du RPC est une question tout aussi juridique que médicale, et la prise de position d’un médecin ne vient pas nécessairement sceller l’issue d’une affaire.

[12] La demanderesse fait aussi valoir que la division générale a ignoré l’élément de preuve qui montrait qu’elle avait besoin de physiothérapie, mais qu’elle n’avait pas les moyens d’en faire. Même s’il est vrai que la division générale n’a pas explicitement fait référence au document en question (un rapport d’évaluation chiropratique datant de 2015Note de bas de page 6), il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisi et n’est pas tenu de mentionner chacune des observations déposées par les partiesNote de bas de page 7. De plus, la division générale n’a pas ignoré cet aspect du traitement de la demanderesse; elle a fait remarquer que la demanderesse avait reçu de nombreux traitements de physiothérapie avant 2013, mais sans grand résultatNote de bas de page 8.

[13] En somme, j’estime que les observations présentées sur ce motif consistent à me demander d’évaluer et d’apprécier à nouveau la preuve afin que je tire une conclusion différente de celle de la division générale. L’article 58(1) de la LMEDS prévoit des moyens d’appel très restreints et ne permet pas à la division d’appel d’examiner à nouveau les demandes de prestations d’invalidité sur le fond.

[14] Je ne suis pas convaincu qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle appliqué le critère du « contexte réaliste »?

[15] La demanderesse soutient également que la division générale n’a pas correctement appliqué les principes prévus dans l’arrêt Villani, qui exigent qu’un juge des faits, au moment d’évaluer l’invalidité, tienne compte de la requérante comme étant une personne à part entière, y compris des facteurs relatifs à ses antécédents tels que son âge, ses études, ses compétences linguistiques, ses expériences professionnelles et ses expériences de vie.

[16] Encore une fois, j’estime que ce motif ne donne pas lieu à une cause défendable. Les observations de la demanderesse représentent essentiellement une demande de réévaluation de la preuve en ce qui a trait à ses circonstances personnelles. Je cite ici le propos que la Cour d’appel fédérale a tenu dans l’arrêt Villani :

[T]ant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)(a)(i) [du RPC], il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

Ce passage laisse entendre que, conformément à son rôle de juge des faits, la division générale a droit à un certain de degré de déférence en ce qui a trait à la façon dont elle évalue les antécédents d’une requérante. Il permet aussi de supposer que la question de savoir si le critère relatif à l’invalidité a été appliqué est plus importante que la façon dont le critère a été appliqué. Il s’avère que cette approche est en conformité avec la jurisprudence récenteNote de bas de page 9 qui a clairement énoncé les trois moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la LMEDS. En bref, la Cour d’appel fédérale a statué que la division d’appel n’a pas la compétence pour intervenir sur les questions mixtes de fait et de droit; il est donc nécessaire de se demander si un motif d’appel peut être clairement qualifié d’erreur de droit ou de conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[17] La division générale a correctement cité l’arrêt Villani et a fait référence aux aspects pertinents des antécédents de la demanderesse au paragraphe 33 de sa décision. En outre, elle a effectué une évaluation sérieuse de l’incidence des déficiences de la demanderesse en tenant compte de son âge, de ses études, de ses compétences linguistiques et de son expérience professionnelle :

[traduction]

[La demanderesse] avait seulement 39 ans à la fin de sa PMA. Son expérience professionnelle se limitait au travail de manœuvre générale dans des usines. On pourrait soutenir qu’un retour à un tel travail n’était pas réaliste avant la fin de sa PMA en raison de la déficience au niveau de ses mains, ainsi que des déficiences à soulever des objets, avec sa mémoire et sa concentration, et à être assise et debout. Cependant, [la demanderesse] a présenté ses arguments en anglais et je constate qu’elle a une bonne compréhension de l’anglais. Je suis d’accord avec l’observation du ministre selon laquelle il est possible que la capacité de travailler de [la demanderesse] ait pu être limitée, mais que ces limitations ne l’auraient pas empêchée d’occuper tous les types d’emploi à partir du 31 décembre 2013. J’estime que [la demanderesse] avait la capacité d’occuper un emploi sédentaire qui lui aurait permis d’alterner entre la position assise et debout au moment de sa PMA. Elle aurait pu, par exemple, travailler pour un service d’assistance.

[18] Je ne vois aucune raison d’annuler l’évaluation de la division générale, car elle a appliqué le critère juridique adéquat, a tenu compte des antécédents et des circonstances personnelles de la demanderesse et a tiré une conclusion défendable. En établissant que la demanderesse était employable à la date de fin de la PMA, il était loisible à la division générale, en tant que juge des faits, de conclure que ses compétences en anglais étaient appropriées pour certains types d’emplois sédentaires ou semi-sédentaires. Même si la demanderesse n’est pas d’accord avec les conclusions de la division générale, celles-ci découlent de ce qui me semble être une tentative faite de bonne foi d’évaluer sa capacité à l’aide des principes de l’arrêt Villani.

Conclusion

[19] Comme la demanderesse n’a invoqué aucun des moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la LMEDS qui conféreraient à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

Jaswinder Johal, représentant de la demanderesse

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