Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La prestataire n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de septembre 2013 à décembre 2016.

Aperçu

[2] La prestataire a présenté une demande initiale de prestations d’invalidité du RPC en 2006. En avril 2007, le ministre a établi qu’elle était admissible à une pension d’invalidité du RPC. Bien que la prestataire ait tenté de travailler de façon périodique, au cours des années qui ont suivi, elle n’a pas occupé ces emplois longtemps et le ministre estime que ces tentatives de retour au travail ont échoué. Par conséquent, la prestataire est demeurée admissible aux prestations d’invalidité du RPC.

[3] Cependant, en mai 2013, la prestataire a commencé un nouvel emploi qu’elle a occupé jusqu’en août 2016. Le ministre soutient que la prestataire n’a pas déclaré cet emploi. La prestataire affirme qu’elle a déclaré cet emploi, mais qu’elle a continué de recevoir des prestations. Le ministre a fait enquête et conclu que la prestataire avait occupé un emploi véritablement rémunérateur depuis mai 2013. Le ministre a accordé à la prestataire une période d’essai de retour au travail de trois mois, jusqu’au 31 août 2013, mais a conclu qu’elle n’avait pas droit aux prestations d’invalidité du RPC qu’elle avait reçues de septembre 2013 à décembre 2016. Le ministre a maintenu cette décision après réexamen. La prestataire a interjeté appel de la décision rendue à l’issue du réexamen auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Question préliminaire

[4] Le 22 février 2019, le ministre a présenté ses observations (répertoriées sous « GD8 ») en guise de réponse aux documents déposés par la prestataire le 17 janvier 2019 (répertoriés sous « GD7 »). Bien que les observations aient été déposées après la date butoir du 17 janvier 2019, j’ai décidé d’admettre la pièce GD8. La prestataire a eu l’occasion d’examiner la pièce GD8 avant l’audience. La pièce GD8 ne comportait aucun nouvel élément de preuve : elle contenait uniquement des observations que le ministre aurait pu présenter oralement lors de l’audience. Enfin, les observations versées à la pièce GD8 ont été déposées dans un délai raisonnable, après le dépôt de la pièce GD7.

Questions en litige

[5] La prestataire a-t-elle continué d’être atteinte d’une invalidité grave et prolongée de septembre à 2013 à décembre 2016?

[6] Dans l’affirmative, la prestataire est-elle tenue de rembourser les prestations d’invalidité du RPC qu’elle a reçues?

Analyse

[7] Par invalidité, on entend une invalidité physique ou mentale grave ou prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Une personne qui reçoit des prestations d’invalidité doit informer le ministre sans délai, si elle retourne au travailNote de bas de page 2. Lorsqu’une personne conteste la décision du ministre de mettre fin à une prestation d’invalidité, il incombe au ministre de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’était plus invalide au moment où ses prestations ont cessé.

[8] L’admissibilité de la prestataire à une pension d’invalidité était fondée en grande partie sur son trouble bipolaire, bien qu’elle ait souffert également de maux de dos et qu’il semble que son trouble de personnalité limite ait aussi joué un rôle. Après avoir commencé à recevoir une pension d’invalidité du RPC, la prestataire a occupé plusieurs emplois pendant de courtes périodes, mais elle était incapable de les garder. Le ministre a donc jugé qu’il s’agissait de tentatives de retour au travail infructueuses et la prestataire a pu continuer de recevoir sa prestation d’invalidité du RPC.

La prestataire a‑t‑elle continué d’être atteinte d’une invalidité grave et prolongée de septembre 2013 à décembre 2016?

[9] Le 22 mai 2013, la prestataire a commencé à travailler pour l’entreprise X (aussi appelé X ou X) en tant qu’aide‑soignante autorisée. Elle travaillait pour plus d’une « division » de X, mais il s’agissait en réalité du même employeur. L’entreprise X a qualifié le travail de la prestataire d’emploi occasionnel à temps partielNote de bas de page 3. Or, les gains de cette dernière au cours des trois années qui ont suivi étaient substantiels. En 2015, la prestataire a également commencé à travailler en privé pour X : cet emploi provenait d’un travail qu’elle avait effectué initialement pour X. Le tableau ci-dessous résume les gains connus de la prestataire, mais il semble comprendre le revenu supplémentaire tiré du travail effectué pour X en 2016 et en 2017 :

Année Employeur GainsNote de bas de page 4
2013 X - Surrey 10 197,00 $
2014 X - Surrey 27 285,00 $
2015 X - Surrey 20 034,00 $
2015 X 1 027,00 $
2015 X – Fraser Valley 5 773,00 $
2016 X 8 006,93 $Note de bas de page 5

[10] La prestataire n’a pas contesté ses gains. Elle soutient cependant que ses gains ne provenaient pas d’un emploi véritablement rémunérateur. Elle affirme que, même s’ils l’avaient été, elle était quand même atteinte d’une invalidité grave pendant la période entière au cours de laquelle elle a travaillé à X et qu’elle était donc encore admissible aux prestations d’invalidité du RPC. Le ministre indique que les gains de la prestataire provenaient d’un emploi véritablement rémunérateur, surtout ceux obtenus en 2014 (27 285,00 $) et en 2015 (un total de 26 834,00 $). Par conséquent, le ministre a conclu qu’elle était capable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La prestataire a également indiqué qu’elle n’était pas réellement capable de travailler et que le premier propriétaire de X était un employeur bienveillant. J’examinerai chacun de ces arguments.

Les gains réalisés par la prestataire du 22 mai 2013 au début de juillet 2016 provenaient‑ils d’une occupation véritablement rémunératrice?

[11] Lors de l’audience, la prestataire a expliqué qu’« occupation véritablement rémunératrice » voulait dire en fait [Traduction] « un emploi que je pourrais occuper pour le restant de mes jours ». Elle affirme que, puisqu’elle n’a pas pu garder son emploi à X en 2016, elle ne pouvait pas avoir détenu une occupation véritablement rémunératrice. Son interprétation n’est cependant pas conforme à la loi.

[12] Avant 2014, il n’y avait pas de définition précise de « véritablement rémunératrice ». En 2014, un nouveau règlement a défini une occupation « véritablement rémunératrice » comme étant une occupation qui procure un revenu égal au montant annuel maximal qu’une personne peut recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 6. Les gains que peut procurer une occupation « véritablement rémunératrice » étaient donc de 14 836,20 $ en 2014 et de 15 175,08 $ en 2015. Les gains réalisés par la prestataire pour ces deux années sont beaucoup plus élevés que ceux que procure une occupation « véritablement rémunératrice ». Même si la définition de « véritablement rémunératrice » n’était pas encore été utilisée en 2013, la prestataire a gagné 10 197,00 $ au cours d’une période correspondant à un peu plus de 60 % de cette année‑là. Si elle avait travaillé durant l’année entière, son revenu aurait été d’environ 16 800,00 $. Il semble donc que les gains réalisés par la prestataire à partir de mai 2013 provenaient aussi d’une occupation véritablement rémunératrice.

[13] Bien que la prestataire n’ait reçu que 8 006,93 $ de l’entreprise X en 2016, elle a réalisé ces gains sur une période de seulement six mois. Elle ne semble pas avoir travaillé après le début de juillet 2016, car X examinait des préoccupations soulevées concernant le rendement de la prestataireNote de bas de page 7. Durant son emploi en 2016, la prestataire a donc touché une rémunération d’environ 16 000,00 $ par année. Pour 2016, le montant le plus élevé qu’une personne aurait pu recevoir comme pension d’invalidité du RPC était de 15 489,72 $. Il semble donc aussi qu’elle a occupé une occupation « véritablement rémunératrice » pendant ses trois années en tant qu’employée en service actif à X. Cette capacité démontrée semble exclure toute conclusion selon laquelle l’invalidité de la prestataire était grave pendant cette période. Je dois toutefois d’abord déterminer si l’entreprise X peut être considérée comme un employeur bienveillant.

L’entreprise X était-elle un employeur bienveillant?

[14] Bien que X ait noté certaines préoccupations concernant le rendement de la prestataire à partir de mai 2016, rien ne démontre de façon objective l’existence de problèmes avant cette date. Dans un questionnaire subséquent, X a indiqué que la prestataire travaillait de façon autonome, qu’elle n’avait pas à être supervisée quotidiennement et qu’elle n’avait pas besoin de l’aide de ses collègues. L’entreprise a néanmoins affirmé qu’elle ne disposait d’aucune information lui permettant d’émettre des commentaires sur l’assiduité de la prestataire ou sur la question de savoir si elle avait besoin de mesures spéciales Note de bas de page 8.

[15] Lors de l’audience, la prestataire a indiqué que X avait eu différents propriétaires et qu’il n’y avait pas de syndicat lorsqu’elle a commencé à y travailler en 2013. Elle a expliqué que l’ancien propriétaire était au courant de son état de santé, mais qu’il voulait quand même travailler avec elle et mettre en place des mesures d’adaptation pour elle. Elle a affirmé qu’il lui arrivait d’être en retard à l’occasion et de ne pas s’entendre avec certaines personnes, mais que l’ancien propriétaire ne notait pas cette information à son dossier. Elle a expliqué que tout cela avait changé avec l’arrivée du nouveau propriétaire. Elle avait cependant déjà écrit qu’elle n’avait commencé [Traduction] « à faire l’objet d’un dossier disciplinaire » qu’une fois que [Traduction] « M. » a commencé à travailler aux ressources humaines. La prestataire a déclaré ceci : [Traduction] « Pendant toute la période précédant l’arrivée de M., je n’avais jamais fait l’objet d’un dossier disciplinaire ». Elle a ajouté que tout se passait [Traduction] « bien » avant le changement de propriétaire et la syndicalisation des employés Note de bas de page 9.

[16] Bien que l’ancien propriétaire de X ait été au courant de l’état de santé de la prestataire, je ne suis pas convaincu qu’il a adapté les conditions d’emploi de cette dernière ou qu’il a changé ses attentes à son endroit à cause de ses limitations. Je suis également convaincu que le rendement auquel il s’attendait de la part de la prestataire était considérablement moins élevé que celui qu’il exigeait de la part d’autres employésNote de bas de page 10. Si tel était le cas, il est peu probable qu’une entreprise privée la garde longtemps comme employée. La prestataire a déclaré qu’elle travaillait selon un horaire très irrégulier, mais qu’il s’agissait d’un emploi occasionnel à temps partiel. De plus, X a indiqué que c’était le seul poste disponibleNote de bas de page 11. Cet horaire de travail tient compte également de la nature du travail d’aide-soignant, car il dépend manifestement du nombre de clients ayant besoin de services.

[17] Par conséquent, je ne peux pas conclure que X était un employeur bienveillant, ce qui signifie que, pour déterminer si la prestataire était admissible aux prestations d’invalidité du RPC, son emploi à X doit être encore considéré comme une « occupation »Note de bas de page 12.

État d’invalidité de la prestataire après le début de juillet 2016

[18] Je reconnais que la prestataire a cessé d’être une employée en service actif à X en juillet 2016 et que son emploi a pris fin en août 2016. En ce qui concerne la courte période entre son service actif à X et sa cessation d’emploi officielle à la fin d’août 2016, le Dr Bushra (médecin de famille) a rempli, le 11 août 2016, un formulaire attestant que la prestataire pouvait retourner au travail. Bien que la prestataire ait affirmé que le Dr Bushra ne la connaissait pas vraiment, il semble qu’elle croyait pouvoir travailler et qu’elle a demandé au Dr Bushra de remplir le formulaire pour elleNote de bas de page 13.

[19] La prestataire a continué à être embauchée en privé par X, mais il semble que ce n’était que pour environ une heure par jour. La prestataire estime qu’en septembre 2016, le revenu que lui versait X était seulement de 500 $ par mois. Ce travail s’est poursuivi jusqu’en 2017Note de bas de page 14. Je reconnais cependant que le revenu qu’elle touchait pendant cette période ne correspondait pas au revenu que procure une occupation véritablement rémunératrice.

[20] Il est difficile de déterminer si la prestataire aurait été capable de continuer à travailler après août 2016. Elle a indiqué que X avait mis en place des mesures d’adaptation importantes pour elle, mais elle a déclaré en septembre 2016 qu’elle composait bien avec les exigences de son travailNote de bas de page 15. Par contre, même si la rémunération réelle qu’elle a touchée après son emploi à X ne correspondait pas à celle provenant d’une occupation véritablement rémunératrice, cela ne signifie pas qu’elle était de nouveau atteinte d’une invalidité grave à la date de la cessation de son emploi.

[21] Si j’examine la question d’un œil critique, je constate que la prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi le 21 août 2016 et qu’elle a touché les prestations pendant 19 semaines, jusqu’en janvier 2017. Il est important de préciser qu’une personne peut recevoir des prestations régulières d’assurance‑emploi seulement si elle est « capable de travailler et disponible à cette fin »Note de bas de page 16. Lorsque je compare le témoignage du Dr Bushra à la preuve concernant le travail accompli par la prestataire pour X, je dois conclure que la prestataire n’était pas atteinte d’une invalidité grave entre le moment où elle a cessé de travailler à X et la fin de décembre 2016.

Conclusion concernant l’invalidité de la prestataire

[22] Je conclus que le ministre a établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’invalidité de la prestataire n’était pas grave de septembre 2013 à décembre 2016. La prestataire n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant cette période. Je vais maintenant déterminer si elle doit rembourser les prestations qu’elle a reçues pendant cette période.

La prestataire est‑elle tenue de rembourser les prestations d’invalidité du RPC qu’elle a reçues de septembre 2013 à décembre 2016?

[23] La prestataire estime qu’elle ne devrait rembourser aucun plus‑payé, parce qu’elle a informé le ministre de son nouvel emploi à deux reprises en 2013, mais que ce dernier a continué de lui verser ses prestations. Elle a donc présumé qu’elle pouvait continuer de recevoir ses prestations.

[24] Le témoignage de la prestataire concernant son nouvel emploi contient des éléments contradictoires. La prestataire affirme avoir appelé le ministre en juin 2013, mais cet appel n’est consigné nulle part. Elle précise également qu’elle a informé le ministre de son emploi le 23 août 2013. Bien qu’elle ait appelé le ministre ce jour‑là, le seul motif consigné pour cet appel est un changement de compte bancaire pour le dépôt direct de ses prestationsNote de bas de page 17.

[25] Je doute que le ministre ait omis, à deux reprises, de consigner le fait que la prestataire occupait un nouvel emploi. Il s’agissait là d’une information essentielle que le ministre aurait dû consigner. Je doute également du témoignage de la prestataire selon lequel elle a modifié ses renseignements bancaires en août 2013 [Traduction] « pour voir s’ils cesseraient d’envoyer les paiements »Note de bas de page 18. Elle voulait que le ministre cesse de lui envoyer les paiements. Alors pourquoi a‑t‑elle demandé au ministre de verser les paiements dans un compte bancaire différent qui était encore à son nom?

[26] Malheureusement, il importe peu de déterminer si la prestataire a réellement fait les appels qu’elle prétend avoir faits. Elle a touché une prestation à laquelle elle n’avait pas droit. Le ministre peut recouvrer les plus‑payés dans les cas d’inadmissibilité aux prestationsNote de bas de page 19. La prestataire avance cependant que les plus‑payés résultent d’un avis erroné ou d’une erreur administrative attribuable au ministre.

Les plus‑payés peuvent‑ils être annulés?

[27] Selon le Régime de pensions du Canada, le ministre peut « faire remise » (au nom d’un bénéficiaire) d’un plus‑payé des prestations d’invalidité causé par un avis erroné ou une erreur administrative attribuable au ministreNote de bas de page 20. Cela signifie en fait que le bénéficiaire n’a plus à rembourser le montant du plus‑payé.

[28] Cependant, le Tribunal n’a pas le pouvoir de rendre une ordonnance concernant un avis erroné ou une erreur administrative. L’exercice de ce pouvoir dépend entièrement du ministre. Si la prestataire croit que le plus‑payé résulte d’un avis erroné ou d’une erreur administrative attribuable au ministre, elle doit soulever cette question directement auprès de ce dernier. Si elle n’est pas satisfaite de l’issue, la réparation revient à la Cour fédérale et non au TribunalNote de bas de page 21.

[29] Par conséquent, je conclus que le ministre peut exiger de la prestataire qu’elle rembourse les plus‑payés qu’elle a reçus. L’annulation de ce plus‑payé ne relève pas du Tribunal.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

[31] Cette décision n’exclut pas une demande subséquente (ou une demande accélérée, le cas échéant) de prestations régulières du RPC pour les périodes après décembre 2016.

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