Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience.

Aperçu

[2] L’appelant, D. G., a eu comme dernier emploi un poste à la poissonnerie de sa famille (vente de gros et au détail). Il a arrêté de travailler en mars 2014 parce qu’il avait de plus en plus de difficulté à demeurer debout pendant de longues périodes. Il n’a pas travaillé ni cherché de travail depuis. Il a maintenant 30 ans.

[3] En septembre 2014, l’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), prétendant qu’il ne pouvait plus travailler en raison de douleur pelvienne chronique, de crampes intenses et de saignements irréguliers abondants. L’intimé, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté la demande après avoir conclu que l’invalidité de l’appelant n’était pas « grave et prolongée » au sens du RPC, pendant la période minimale d’admissibilité (PMA) dont il a fixé la date de fin au 31 décembre 2016.

[4] L’appelant a interjeté appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu audience par téléconférence et, dans une décision datée du 17 octobre 2018, a conclu que l’appelant n’avait pas fourni une preuve suffisante selon laquelle il était régulièrement incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur à la fin de la PMA et de façon continue par la suite. La division générale a reconnu que l’appelant éprouvait de la douleur, mais il a conclu que celle-ci n’empêchait pas l’appelant d’accomplir un autre travail adapté à ses limitations.

[5] Le 10 janvier 2019, l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal, alléguant que la division générale avait commis différentes erreurs en rendant sa décision, dont les suivantes :

  • la division générale a commis une erreur en déterminant que sa PMA prenait fin le 31 décembre 2016, ignorant le fait qu’il a deux enfants (nés en 2009 et 2010), ce qui permet d’appliquer la clause d’exclusion pour élever des enfants (CEEE);
  • la division générale a commis une erreur en ignorant le fait qu’il consomme du cannabis prescrit par un médecin et que la législation gouvernementale interdit de travailler ou de conduire avec les facultés affaiblies;
  • la division générale n’a pas pris en considération l’arrêt Nouvelle-Écosse c MartinNote de bas de page 1, dans laquelle la Cour suprême du Canada a reconnu que la douleur chronique est une invalidité donnant droit à indemnisation;
  • la division générale a ignoré la jurisprudence, comme Smallwood c MDRHNote de bas de page 2, où la Commission d’appel des pensions (CAP) a conclu que la preuve subjective d’une personne en situation d’invalidité peut l’emporter sur l’absence de preuve médicale objective;
  • la division générale n’a pas correctement appliqué les principes prévus dans l’arrêt Villani c CanadaNote de bas de page 3, lesquels exigent qu’un juge des faits, au moment d’évaluer l’invalidité, tienne compte précisément de la partie prestataire comme étant une personne à part entière, y compris des facteurs relatifs à ses antécédents tels que son âge, son éducation, ses compétences linguistiques, ses expériences professionnelles et ses expériences de vie;
  • la division générale a mal interprété l’élément de preuve de l’appelant concernant l’effet de Lupon [sic] sur sa capacité à travailler, comme il est mentionné aux paragraphes 13, 14 et 22 de sa décision;
  • la division générale a ignoré la jurisprudence, comme B.B. c MRHDSNote de bas de page 4, où la CAP a conclu la prévisibilité et la fiabilité d’une personne en situation d’invalidité sont des facteurs importants à considérer au moment de déterminer si la personne est invalide;
  • la division générale a tiré une conclusion défavorable du fait que l’appelant n’aurait pas cherché d’autre travail, ignorant la preuve démontrant qu’il n’a pas de capacité résiduelle pour détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[6] Dans une décision datée du 21 janvier 2019, j’ai accordé la permission d’en appeler parce que j’ai constaté une cause défendable fondée sur le fait que la division générale avait ignoré les deux enfants de l’appelant et que par conséquent, elle avait mal calculé la PMA.

[7] Dans une lettre datée du 11 février 2019, le ministre a convenu que la division générale avait commis une erreur de droit et recommandé que l’appel soit accueilli et que l’affaire soit renvoyée à la division générale aux fins de réexamen.

[8] J’ai décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience orale pour l’instruction de cet appel. Je procède uniquement sur la foi du dossier documentaire du fait qu’il n’y a pas d’information manquante dans le dossier et qu’il n’est pas nécessaire d’obtenir des précisions.

[9] Après avoir examiné le dossier et tenu compte des observations écrites des parties, j’en suis arrivé à la conclusion que cette affaire commande la tenue d’une nouvelle audience.

Question en litige

[10] Selon l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle; a commis une erreur de droit; a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Puisque les parties conviennent que la division générale a déterminé la PMA sans tenir compte du fait que l’appelant pouvait être admissible à la CEEE, je limiterai mes remarques à cette question.

Analyse

[12] Le libellé de l’article 58(1) laisse entendre que, en matière de droit, la division d’appel devrait exiger de la division générale qu’elle respecte une norme stricte. En l’espèce, je suis convaincu que la division générale a commis une erreur de droit.

[13] La PMA est d’une importance cruciale dans toute cause concernant la pension d’invalidité au titre du RPC parce que les personnes en situation d’invalidité peuvent être réputées comme étant invalides seulement si leur invalidité devient grave et prolongée avant une date limite d’admissibilité précise. En l’espèce, la division générale a conclu que la PMA de l’appelant prenait fin le 31 décembre 2016, comme l’avait fait le ministre. Toutefois, la PMA peut être prorogée en vertu de la CEEE, comme il est énoncé à l’article 49(d) du RPC, si la partie requérante est la principale responsable des soins apportés à des enfants de moins de sept ans. Il faut donc déterminer si la division générale était au courant, ou si elle aurait normalement dû être au courant, de tout élément de preuve démontrant que l’appelant avait deux jeunes enfants et, dans l’affirmative, si la division générale a tenu compte de ces éléments de preuve.

[14] Je note que l’appelant n’a mentionné aucun enfant dans sa demande de prestations d’invalidité du RPC de septembre 2014Note de bas de page 5, même si le questionnaire comprend des questions précises à ce sujet. L’appelant n’a pas répondu à ces questions. Après avoir examiné le dossier, je note également qu’aucun enfant n’était mentionné dans la correspondance de l’appelant ni dans les rapports médicaux fournis par ses fournisseurs de traitement. En outre, l’appelant, qui n’était pas représenté devant la division générale, a dit au membre qui présidait l’audience qu’il comprenait comment la PMA était calculée et qu’il était d’accord que, dans son cas, elle se terminait le 31 décembre 2016Note de bas de page 6.

[15] Cela étant dit, le sujet des enfants a été abordé durant l’audience lorsque la division générale a demandé à l’appelant si son état civil avait changé depuis qu’il avait présenté sa demande de prestationsNote de bas de page 7. Il a répondu qu’il était encore célibataire et il a mentionné [traduction] « [qu’]il avait deux enfants non biologiques » âgés de huit et neuf ans, dont il était le principal responsable, bien qu’il ait aussi dit dépendre beaucoup du soutien de sa famille et ses amis. À ce moment, le membre qui présidait l’audience a soulevé la possibilité que la PMA de l’appelant puisse être assujettie à une révision au titre de la CEEE, mais il a ajouté [traduction] « étant donné que personne n’a été informé de cela, cela n’a pas été pris en considération ». Le membre a dit à l’appelant de [traduction] « garder cela à l’esprit » au cas où la décision ne lui serait pas favorable.

[16] La raison pour laquelle l’appelant n’a pas mentionné qu’il était responsable de deux enfants dans sa demande de prestations n’est pas claire. Néanmoins, lorsque l’existence des enfants a été portée à la connaissance de la division générale, elle a dû déterminer si l’appelant répondait aux critères de la CEEE et ensuite tirer sa propre conclusion concernant la prorogation de la PMA. Lorsqu’elle a été rendue, la décision de la division générale acceptait simplement la détermination du ministre de la PMA et elle ne comprenait rien pour indiquer que des renseignements qui pourraient remettre en question la date de fin du 31 décembre 2016 avaient fait surface.

Réparation

[17] La Loi sur le MEDS énonce les pouvoirs de la division d’appel de corriger les erreurs commises par la division générale. En vertu de l’article 59(1), je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives, ou encore confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale. De plus, en vertu de l’article 64 de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur une demande présentée sous le régime de la Loi sur le MEDS.

[18] Au titre de l’article 3 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, la division d’appel est tenue de conduire l’instance de la manière la plus expéditive que les circonstances et l’équité le permettent. Les parties ne s’entendent pas sur la réparation appropriée; l’appelant me prie de simplement examiner le dossier et d’évaluer sa demande d’invalidité sur le fond, tandis que le ministre recommande que je renvoie l’affaire à la division générale. Je peux comprendre pourquoi l’appelant pourrait vouloir qu’une décision soit prise le plus rapidement possible relativement à sa demande, mais je crois également que par souci d’équité, il faudrait qu’une nouvelle audience soit tenue.

[19] J’ai le pouvoir de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, mais je ne me sens pas à l’aise de trancher cette affaire moi-même. L’erreur de la division générale pourrait l’avoir menée à établir incorrectement la date de fin de la PMA, ce qui signifie qu’il est possible que les parties ne se soient pas concentrées sur la période d’admissibilité pertinente lorsqu’elles ont présenté leurs éléments de preuve à l’audience. Le mandat premier de la division générale, à la différence de celui de la division d’appel, consiste à soupeser les éléments de preuve et à déterminer les faits. Ainsi, si la PMA est assujettie à une révision, la division générale serait dans une meilleure position que moi pour apprécier de nouveau la preuve, en particulier le témoignage, concernant l’invalidité prétendue de l’appelant et son début.

Conclusion

[20] Puisque la division générale a commis une erreur de droit, j’accueille cet appel. Le dossier n’est pas suffisamment complet pour me permettre de trancher cette affaire sur le fond, si bien que je la renvoie à la division générale pour nouvelle décision. Je donne aussi l’instruction à la division générale de tenir une audience orale, que ce soit par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne.

Mode d’instruction :

Représentants :

Sur la foi du dossier

D. G., non représenté
Viola Herbert, représentante de l’intimé

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