Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) qui doit lui être payée en date de juin 2014.

Aperçu

[2] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 5 mai 2015. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a porté en appel la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit répondre aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, la requérante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. Je constate que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2013.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé de la requérante, soit une fracture au poignet gauche, un coincement à l’épaule gauche et un syndrome de douleur régionale complexe (SDRC) au bras gauche, ont-ils entraîné chez la requérante une invalidité grave, en ce sens qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au plus tard le 31 décembre 2013?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de la requérante était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie au 31 décembre 2013?

Analyse

[6] Une invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Toute personne doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité répond aux deux volets du critère. Ainsi, si la requérante ne répond qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

L’invalidité de la requérante était grave le 31 décembre 2015 ou avant.

[7] La requérante avait 52 ans à la fin de sa PMA. Elle détient un baccalauréat ès arts (1985) et une maîtrise (2017). Elle a travaillé de 1979 à 2009 dans l’industrie pharmaceutique, occupant divers postes, y compris des emplois de bureau et dans le domaine des ventes. Elle a cessé de travailler dans l’industrie pharmaceutique en raison des voyages fréquents. Elle a ensuite travaillé à son compte comme consultante en facilitation graphique de janvier 2011 jusqu’à ce qu’elle subisse des blessures en raison d’une chute le 15 décembre 2013. À part avoir travaillé à temps partiel comme assistante à l’enseignement aux cycles supérieurs, elle n’a pas travaillé depuis.

[8] La requérante a subi une fracture comminutive au radius gauche et une déchirure à la coiffe des rotateurs gauche le 15 décembre 2013. La fracture a été traitée avec une fixation interne par réduction chirurgicale (FIRC). La requérante a participé à un programme de réadaptation multidisciplinaire pour la douleur chronique et a suivi des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie de janvier à décembre 2014, sans amélioration notable. Elle a développé un SDRC au bras gauche peu après avoir subi sa blessure en décembre 2013. Elle souffre de douleurs graves et débilitantes au bras gauche malgré les traitements. Elle participe à des séances d’aquathérapie depuis 2014, en respectant ses limites. À cet égard, la requérante a dit que tout exercice physique, y compris l’aquathérapie et la marche, causait une augmentation importante des douleurs constantes qu’elle a au bras depuis décembre 2013. Le sommeil de la requérante est interrompu par la douleur. Elle n’arrive à dormir que quelques heures chaque nuit en raison de la douleur, ce qui fait qu’elle est constamment épuisée et fatiguée.

[9] La requérante a essayé divers médicaments pour la douleur, y compris l’OxyContin, l’hydromorphone et le Tylenol 3, après avoir reçu son congé de l’hôpital à la suite de son intervention chirurgicale au poignet en décembre 2013. Elle a cessé de prendre les médicaments en raison des effets indésirables, dont des hallucinations et un sentiment de léthargie, des préoccupations relatives à la dépendance et l’absence d’effets positifs majeurs. On lui a suggéré d’essayer le Lyrica. Après avoir consulté son médecin de famille, elle a décidé de ne pas prendre de Lyrica pour les mêmes raisons. Elle a souligné que puisque les antidouleurs narcotiques qu’elle avait essayés n’avaient pas fonctionné, son médecin ne pensait pas que le Lyrica, un antidouleur moins puissant, allait avoir des effets positifs. La requérante a suivi tous les autres traitements recommandés par ses médecins traitants.

[10] La requérante a commencé à suivre un programme de maîtrise en septembre 2013. Elle a obtenu un congé du programme après la blessure subie en décembre 2013, a recommencé à suivre le programme en janvier 2015 et l’a terminé en août 2017. Elle a travaillé en ligne à partir de chez elle à titre d’assistante à l’enseignement aux cycles supérieurs pendant deux trimestres en 2016 et un trimestre en 2017, à raison d’un maximum de deux heures par jour. Elle travaillait sur sa maîtrise lorsque le trimestre était terminé. Elle était capable de se fixer un rythme et ne travaillait jamais plus de 10 heures par semaine. Elle était incapable de mener à bien toutes ses tâches d’assistante à l’enseignement et devait se limiter à travailler un maximum de deux heures par jour en raison de la douleur. La requérante a déclaré qu’elle est incapable, en raison de son état de santé, d’occuper un autre poste qu’un poste en ligne à temps partiel qui ne l’oblige pas à travailler régulièrement ni à respecter un horaire en raison du fait qu’à tout moment, la douleur débilitante et constante dont elle souffre depuis décembre 2013 peut s’aggraver.

[11] La requérante soutient que son état de santé ne s’est pas amélioré de façon notable malgré les traitements depuis sa blessure en décembre 2013. Elle continue de souffrir chaque jour de douleurs graves et constantes d’une intensité d’au moins 6 sur une échelle de 1 à 10, 1 étant le niveau de douleur le plus faible et 10, le niveau le plus élevé. Elle souffre de douleurs d’une intensité de 10 dès qu’elle fait des exercices physiques légers ou des activités modérées, comme la marche ou l’utilisation de son bras gauche. Ses médecins lui ont dit que d’autres traitements n’allaient pas réduire de façon notable l’intensité de sa douleur et qu’ils pourraient même aggraver ses problèmes de santé. Elle a parlé avec ses médecins pour savoir s’il pouvait s’avérer bénéfique d’amputer son bras gauche. On lui a dit qu’un tel traitement ne risquait pas d’offrir de soulagement notable. Elle ne voit pas fréquemment son médecin au sujet de son bras gauche, puisqu’il lui a dit qu’il ne pouvait rien faire de plus pour soulager la douleur.

[12] Le Dr Petroff, qui est le médecin de famille de la requérante depuis longtemps, a rempli le rapport médical initial daté du 14 décembre 2014Note de bas de page 2. Il a émis un diagnostic de syndrome de douleur régionale complexe au poignet et au bras gauches. Il a écrit que la requérante avait subi une fracture comminutive au radius gauche en décembre 2013, qui a nécessité une réduction chirurgicale, et qu’elle a eu une déchirure de la coiffe des rotateurs gauche et un coincement à l’épaule gauche. Il a précisé que la requérante avait une amplitude de mouvement réduite au poignet gauche, des douleurs et des raideurs constantes au poignet, à la main, aux doigts et au bras du côté gauche, une amplitude de mouvement réduite à l’épaule gauche et des douleurs liées à une déchirure de la coiffe du rotateur, à une tendinite et à un coincement. Le Dr Petroff a signalé que la requérante avait reçu divers traitements, dont une FIRC du poignet gauche fracturé et de la physiothérapie, et qu’elle avait suivi un programme de gestion de la douleur dans une clinique antidouleur, qui incluait des blocs stellaires pour la douleur chronique. Le pronostic du Dr Petroff était réservé. Il a écrit que la requérante allait probablement continuer de souffrir du SDRC de façon permanente. Il a affirmé que le souhait de la requérante de réduire sa médication ne veut pas dire qu’elle n’a pas de douleurs chroniques et qu’il ne faut pas l’interpréter ainsi.

[13] Le 3 février 2014Note de bas de page 3, le Dr Porte, le chirurgien orthopédique qui a traité la fracture distale du radius gauche de la requérante avec une FIRC le 23 décembre 2013, a signalé que la main et les doigts de la requérante étaient enflés, que la mobilité de ses doigts et de son poignet était limitée et qu’elle ressentait encore des douleurs assez fortes. Le Dr Porte a émis un diagnostic de SDRC précoce. Il a aiguillé la requérante en ergothérapie, en physiothérapie et dans une clinique antidouleur pour une évaluation et un traitement.

[14] Le 21 mars 2014Note de bas de page 4, le Dr Porte a signalé que la requérante avait développé un SDRC après la FIRC réalisée à la suite de la fracture complexe du radius distal. Il a écrit de nouveau qu’il l’avait aiguillée vers une clinique antidouleur et fait les démarches nécessaires pour qu’elle soit vue en physiothérapie ainsi qu’en ergothérapie. Il a noté qu’elle avait refusé les blocs stellaires et le Lyrica. Il a signalé que la requérante montrait des symptômes plus importants de SDRC. Il a affirmé qu’elle n’allait probablement jamais retrouver la pleine amplitude de mouvement de ses doigts et de son poignet.

[15] Le 26 juin 2014Note de bas de page 5, le Dr Porte a signalé que la requérante continuait d’avoir des raideurs et des douleurs constantes à la main gauche et des douleurs constantes à l’épaule après avoir été suivie en physiothérapie et malgré les injections de cortisone. De plus, il a signalé que l’articulation acromio-claviculaire de la requérante était sensible et qu’elle présentait des signes de coincement. Il a demandé à ce qu’elle passe une imagerie par résonance magnétique (IRM) pour voir si elle avait une déchirure de la coiffe des rotateurs. Le Dr Porte a noté qu’il avait aiguillé la requérante vers un autre chirurgien orthopédique parce qu’il était sur le point de déménager.

[16] Le Dr Lobo, chirurgien orthopédique, a rempli un rapport de mise en congé daté du 17 août 2014. Il a écrit que le traitement du SDRC de la requérante comprenait deux blocs du ganglion stellaire, mais qu’elle avait toujours des limitations fonctionnelles liées à la main gauche, de la douleur constante et de l’hypersensibilité. Il a noté que le Dr Porte lui avait donné des injections de stéroïdes qui n’avaient pas aidé. Il a écrit qu’une IRM montrait une déchirure du tendon sus-épineux et une chondrose dans les articulations gléno-humérales. Le Dr Lobo a émis un diagnostic de déchirure partielle à complète du rotateur de la coiffe gauche avec coincement subacromial. Il a précisé qu’une intervention chirurgicale pourrait ne pas aider et qu’elle pourrait même aggraver le SDRC et le dysfonctionnement de la main gauche. Il a écrit qu’il n’y avait pas d’autres options de traitement pour l’ensemble du bras gauche et qu’il n’avait pas d’autres suggestions de traitement continu pour l’épaule. La preuve de la requérante porte sur le fait qu’elle a assisté à des séances de physiothérapie, d’ergothérapie et de gestion multidisciplinaire de la douleur tout au long de l’année 2014 sans voir d’amélioration.

[17] La requérante était une témoin crédible. J’accepte ses éléments de preuve décrivant les symptômes débilitants dont elle souffre et sa difficulté à fonctionner au quotidien depuis qu’elle a subi des blessures en décembre 2013. Rien n’indiquait qu’il y avait exagération dans sa présentation, et rien n’est mentionné à cet effet dans les rapports médicaux, qui, selon moi, appuient une grande partie de son témoignage. Parmi les personnes qui ont traité la requérante, aucune n’a laissé entendre que les symptômes de la requérante n’existaient pas ou étaient exagérés, et aucune n’a suggéré qu’elle feignait ses symptômes.

[18] Je dois évaluer la partie du critère portant sur la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 6. Cela signifie que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de certains facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie. La requérante était âgée de 52 ans à la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit plusieurs années de moins que l’âge habituel de la retraite au Canada. Elle est bien instruite, elle parle couramment l’anglais et elle a des antécédents professionnels considérables et variés. J’estime que les facteurs personnels de la requérante ne nuisaient pas à sa capacité de travailler le 31 décembre 2013 ou avant.

[19] Lorsqu’il existe une preuve de la capacité de travail, la personne doit montrer que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 7. La requérante a travaillé de la maison à raison d’un maximum de 10 heures par semaine comme assistante à l’enseignement pendant trois trimestres après sa blessure. Elle ménageait ses efforts, mais était tout de même incapable de s’acquitter de toutes les tâches liées à son emploi. Elle travaillait malgré la douleur, la fatigue et les difficultés cognitives. Le témoignage de la requérante et les rapports médicaux indiquent que la requérante souffre de douleurs graves et débilitantes depuis sa blessure en décembre 2013. Je conclus que la volonté de la requérante de détenir sur une base régulière une occupation véritablement rémunératrice, même en ligne et à partir de la maison, n’est pas réaliste en raison de ses graves douleurs, qui sont débilitantes, constantes et exacerbées même par des activités très légères. Je ne vois aucune preuve qu’elle a régulièrement la capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis décembre 2013.

[20] Une personne doit tenter de remédier à ses déficiences en suivant toutes les options de traitement recommandéesNote de bas de page 8. La requérante n’a pas pris de Lyrica, un médicament antidouleur qui lui a été recommandé peu après qu’elle a subi des blessures en décembre 2013. Elle ne l’a pas essayé en raison des effets indésirables, de l’inefficacité des médicaments qu’elle avait essayés et de ses préoccupations concernant la dépendance. De plus, son médecin de famille lui a dit que le Lyrica risquait de ne pas la soulager. La requérante a suivi toutes les autres recommandations de traitement sans voir d’amélioration notable. J’estime que les raisons de la requérante pour ne pas avoir pris de Lyrica sont raisonnables.

[21] La requérante est responsable d’établir, selon la prépondérance des probabilités, son admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC. Je conclus que la requérante a établi qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis décembre 2013. Je conclus que l’invalidité de la requérante était grave en décembre 2013.

Invalidité prolongée

L’invalidité de la requérante était prolongée le 31 décembre 2013 ou avant.

[22] La preuve corrobore le fait que la requérante a des douleurs graves et débilitantes au bras gauche depuis décembre 2013, sans amélioration de son état de santé ni d’attentes en ce sens. Je conclus que l’invalidité de la requérante devait vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie et, par conséquent, que l’invalidité est prolongée depuis décembre 2013.

Conclusion

[23] La requérante avait une invalidité grave et prolongée en décembre 2013, lorsqu’elle a subi une blessure au bras gauche. Toutefois, aux fins du calcul de la date du paiement de la pension, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle le ministre a reçu la demande de pensionNote de bas de page 9. La demande a été reçue en mai 2015. Ainsi, la date à partir de laquelle la requérante peut être réputée invalide est février 2014. Les paiements commencent en juin 2014, à savoir quatre mois après la date à laquelle la requérante est réputée invalideNote de bas de page 10.

[24] L’appel est accueilli.

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