Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant a travaillé comme mineur souterrain jusqu’à ce qu’il cesse de travailler, en décembre 2013, en raison de douleurs chroniques. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant le 30 novembre 2016. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la partie requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, la partie requérante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la partie requérante au RPC. Je constate que la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2017.

Question(s) en litige

[4] L’état de santé du requérant constitue-t-il une invalidité grave, ce qui signifie qu’il était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2017?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant devait-elle aussi vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie, en date du 31 décembre 2017?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la partie requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si elle ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Le requérant avait une invalidité grave au 31 décembre 2017

[7] Je ne suis pas convaincue que le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2017. Le requérant a témoigné qu’il a commencé à travailler comme mineur en mars 2007. Il a affirmé que son emploi comportait des tâches exigeantes sur le plan physique, principalement effectuées en milieu souterrain. Il aimait son emploi et était en mesure d’effectuer ses tâches jusqu’au 24 décembre 2013, après une blessure subie lors d’un accident de motoneige. Il n’est jamais retourné au travail après cet accident. 

[8] Il a décrit le très grave accident de motoneige qu’il a subi le 24 décembre 2013. Il faisait de la motoneige hors-piste et a été projeté contre un arbre. Il a subi de nombreuses fractures, notamment de deux vertèbres, de toutes ses côtes du côté gauche, de son bras gauche et de son pied droit. Son poumon gauche a également été perforé et il a subi une blessure à la tête. Il a dû subir deux interventions chirurgicales, au cours desquelles on lui a installé des broches et des plaques à divers endroits dans son corps. 

[9] Depuis, il souffre de douleurs et de faiblesses chroniques et constantes. Il a également reçu un diagnostic de dépression et prend des antidépresseurs depuis 2017. Il a des troubles de mémoire et de concentration.

[10] Sa vie a changé de façon draconienne depuis son accident. Son union de fait de vingt ans a pris fin. Il vit désormais avec ses parents. Il a de la difficulté à s’asseoir ou à rester debout pendant des périodes prolongées. Il ne fait plus la cuisine, le nettoyage, le lavage ou l’entretien extérieur. Il est incapable de suivre quelque forme de routine que ce soit. Il a cessé de faire toutes les activités qu’il aimait faire, y compris le golf, le ski, la chasse, la pêche, le camping et autres activités de plein air et être entraîneur de hockey. 

[11] On lui a demandé de fournir des détails sur les activités bénévoles mentionnées dans ses rapports médicaux. Il a expliqué qu’il était entraîneur adjoint pour l’équipe de hockey de son fils. Il était responsable des bouteilles d’eau et chargé d’ouvrir les portes pour les enfants pendant les parties. Lorsqu’il ressentait trop de douleur, il s’assoyait sur le banc. De plus, il s’est joint à un club de motoneige pour sortir de la maison et se changer les idées. Il participait à des réunions une fois par mois pendant l’hiver afin de discuter des sentiers. 

[12] La mère du requérant a également témoigné, lors de l’audience, que son fils menait une vie normale avant son accident de motoneige. Il était heureux et physiquement actif. Il prenait soin de ses enfants, s’occupait des travaux ménagers et faisait diverses activités comme du golf, du bateau, du camping, de la maréchalerie, du ski et de la pêche. Il a considérablement changé depuis son accident. Il est constamment malheureux, frustré, acerbe et bourru. Il éprouve aussi constamment de la douleur. Il a arrêté de s’adonner à toutes ses activités. Elle a décrit le requérant comme étant un solitaire. Il passe le plus clair de son temps dans sa chambre à dormir. 

[13] J’ai aussi tenu compte de plusieurs rapports médicaux au dossier, qui n’ont pas tous été résumés. Le Dr James McKay, médecin de famille, a indiqué, le 3 janvier 2017, que le requérant avait été polytraumatisé durant son accident de motoneige, qu’il avait une fracture vertébrale de C7, un volet costal, une fracture du manubrium, une fracture de l’omoplate gauche, une fracture de l’humérus gauche et des fractures vertébrales de T4, T5, T10 et T11. Il vit avec un syndrome de douleur chronique depuis l’accident, malgré les traitements actifs qu’il reçoit. Le Dr McKay ne sait pas si le requérant pourrait faire un travail exigeant sur le plan physique, soulignant qu’il se fatiguait rapidement. 

[14] Dans le même ordre d’idées, le Dr Jordi Cisa, chirurgien orthopédique, a signalé, le 2 octobre 2015, que le requérant avait subi de nombreuses blessures musculosquelettiques en raison desquelles il était devenu, de façon substantielle, incapable d’accomplir les tâches essentielles à son emploi. Toutefois, le 4 octobre 2016, le Dr Cisa a signalé qu’il aurait la capacité physique de retourner sur le marché du travail, bien qu’il pourrait devoir suivre un programme de conditionnement au travail ou effectuer un retour progressif au travail. 

[15] Le Dr Jean-Guy Gagnon a signalé, le 25 août 2016, que le requérant continuait de souffrir de douleurs au corps et d’être irritable et bourru. 

[16] Le 2 septembre 2016, le Dr D. Berbrayer, psychiatre, écrit dans son rapport que le requérant a subi un traumatisme crânien et un polytraumatisme. Il vit depuis avec des handicaps physiques. Le 24 mai 2017, le Dr Berbrayer écrit que le requérant a d’importants problèmes d’adaptation sociale. Il a des problèmes de colère dans ses relations familiales et n’arriverait pas à accomplir quelque travail que ce soit. 

[17] Le Dr R. Van Reekum, neuropsychiatre, écrivait dans son rapport du 8 juillet 2017 que le requérant souffrait de douleurs chroniques et constantes à divers endroits, qu’il avait une mobilité réduite, que son sommeil était troublé, que son endurance était amoindrie, qu’il était atteint d’un trouble de l’humeur/d’anxiété/de l’adaptation, qu’il était en proie à des changements de personnalité, qu’il perdait du poids et qu’il vivait des plaintes et des déficiences cognitives. Les répercussions cumulatives de nombreuses séquelles sur sa santé mentale ont fait en sorte qu’il est incapable d’occuper son emploi précédent pour l’instant et elles continueront de nuire de façon significative à sa capacité à se trouver et à conserver un emploi dans un marché concurrentiel à l’avenir. Le Dr R. Van Reekum, psychiatre, écrit dans son rapport du 11 août 2017 que le requérant satisfait au critère de déficience invalidante.

[18] Le Dr Ramamoham Veluri, psychiatre, a écrit dans son rapport du 12 septembre 2016 que le requérant affichait un trouble d’adaptation mixte avec anxiété et humeur dépressive. Il a également reçu un diagnostic de changement de personnalité. D’un point de vue psychiatrique, il est incapable de réintégrer l’emploi de mineur qu’il occupait avec son accident. Toutefois, il n’était pas complètement incapable de détenir un emploi pour lequel il possédait une formation, une scolarité ou une expérience. Occuper un poste d’un autre type et qui comporte des tâches différentes, comme du travail de bureau, dans lequel les enjeux interpersonnels sont moins présents, pourrait constituer un point de départ pour lui.

[19] La Dre Barbara Connolly, neurologue, a écrit dans son rapport du 30 septembre 2016 que le requérant se plaignait de douleurs au bras gauche, au côté gauche du thorax, au milieu du dos et au pied droit. Il souffrait également de maux de tête. D’un point de vue neurologique, il semble qu’il était capable de réintégrer l’emploi qu’il occupait avant son accident. D’une perspective neurologique, il n’affichait aucune limitation fonctionnelle.

[20] Le Dr Lionel Marks de Chabrist, spécialiste en gestion de la douleur, a écrit dans son rapport du 19 janvier 2017 que le requérant continuait à se plaindre de douleurs à l’épaule gauche et au thorax. La douleur intermittente qu’il ressentait au bas du dos était probablement attribuable à un syndrome de la surutilisation. Il pourrait avoir avantage à recommencer à occuper un emploi quelconque. S’il est incapable de réintégrer son emploi précédent, il devra réévaluer son plan de carrière, se recycler ou retourner aux études et se réorienter professionnellement. Le Dr de Chabrist a écrit dans son rapport du 29 mai 2017 que le requérant avait tenté d’accomplir diverses petites tâches, mais que celui-ci trouvait que travailler ne faisait qu’aggraver sa douleur. Le Dr de Chabrist a expliqué en quoi consistaient les programmes de conditionnement et de retour progressif au travail, qui permettraient au requérant de reprendre graduellement ses activités et d’acquérir de la résilience. 

[21] Le Dr Keith Klassen, psychologue clinicien, a écrit dans son rapport du 8 mars 2017 que le requérant satisfaisait aux critères du trouble de l’adaptation mixte avec anxiété et dépression. Il dormait très mal, avait des troubles de mémoire ainsi que de la difficulté à apprendre de nouvelles choses. 

[22] Jane Gobbo, infirmière autorisée, a écrit, dans son rapport du 11 octobre 2018, que le requérant se disait capable de faire de la motoneige sur des sentiers entretenus, pendant de courtes périodes. Il a signalé qu’il était capable de jouer de la batterie pour de courtes périodes, bien que le jour suivant, il sentait des raideurs et de la douleur. Il était dans l’équipe d’entraîneurs de l’équipe de hockey de son fils et s’était joint au comité de planification des sentiers de son club de motoneigistes. Il ne pouvait pas travailler parce qu’il prenait des médicaments narcotiques pour contrôler sa douleur et qu’il était incapable de réduire sa médication pour le moment. 

Il existe une preuve que le requérant est apte à travailler.

[23] Je reconnais que le requérant a subi de graves blessures après son accident de motoneige et qu’il souffre continuellement de douleurs et de dépression. Cependant, pour déterminer si une invalidité est « grave », il ne s’agit pas de savoir si la personne a des déficiences graves, mais si l’invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de déterminer si une personne est incapable d’exercer son emploi ordinaire, mais plutôt si elle est incapable d’exercer un travail véritablement rémunérateurNote de bas de page 2.

[24] Bien que je convienne que le requérant n’est pas en mesure de réintégrer son emploi précédent comme mineur, ni d’occuper un quelconque emploi exigeant sur le plan physique, de nombreux rapports médicaux, comme ceux des Drs Cisa, Veluri et de Chabrist, indiquent que le requérant est capable de retourner travailler dans un contexte différent ou de se recycler. Je conclus donc qu’il existe une preuve de la capacité du requérant à occuper un emploi.

[25] Lorsqu’il existe une preuve d’aptitude au travail, une personne doit montrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santéNote de bas de page 3. En l’espèce, le requérant n’a pas tenté d’obtenir un travail plus léger ou de se recycler. Après sa PMA, soit à l’été 2018, il a tenté de faire un travail exigeant sur le plan physique pour l’un de ses amis, qui consistait à l’aider à refaire une toiture. Il devait se pencher pour ramasser les bardeaux, ce qui lui a causé une vive douleur aux côtes. Il n’a pas été capable d’aider à refaire la toiture. Toutefois, compte tenu de ses limitations fonctionnelles, il n’y a rien de surprenant dans le fait que le requérant n’ait pas été en mesure d’accomplir ce travail exigeant sur le plan physique.

[26] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 4. En l’espèce, pour établir que l’invalidité du requérant n’était pas « grave », j’ai tenu compte du fait qu’il avait 45 ans à la date de fin de la PMA et qu’il avait terminé sa 12e année. Il a des aptitudes en anglais. Il a principalement occupé des emplois exigeants sur le plan physique dans l’industrie minière.

[27] Bien qu’il soit vrai que le requérant n’avait occupé que des emplois exigeants sur le plan physique, il est relativement jeune et possède des aptitudes en anglais. Dans une évaluation professionnelle datée du 21 septembre 2016, Diamantis Zervas, évaluateur professionnel, écrivait que le requérant satisfaisait aux critères d’admissibilité aux programmes des écoles de formation professionnelle. Il considérait que le requérant avait le potentiel de se trouver un emploi convenable, notamment comme représentant des ventes d’équipement minier, répartiteur, coordonnateur du matériel, opérateur de salle de contrôle centrale, inspecteur, testeur ou coordonnateur du contrôle du matériel. En tenant compte des caractéristiques individuelles du requérant, on ne jugeait pas qu’il lui était impossible de tenter d’effectuer des tâches légères ou de se recycler pour faire un travail plus léger, adapté à ses limitations.

[28] Malgré la preuve de sa capacité à travailler, il a fait très peu de démarches pour se trouver un autre travail et n’a pas tenté de se recycler. Ainsi, il n’a pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[29] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 5. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et l’effet cumulatif des troubles médicaux du requérant, je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il souffre d’une invalidité grave. 

Conclusion

[30] L’appel est rejeté.

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