Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve en démontrant qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) avant janvier 2017, soit le mois où il a effectivement présenté sa demande. Par conséquent, je rejette son appel. Les motifs qui suivent expliquent pourquoi.

Aperçu

[2] Le requérant est âgé de 63 ans. Il a eu un accident de voiture le 11 octobre 2014, lors duquel il a subi des blessures physiques importantes et une commotion cérébrale. Il est atteint du syndrome postcommotionnel, lequel a nui à sa capacité à atteindre un sommeil réparateur pendant près de deux ans. Il est bien éduqué et a connu un grand succès dans de nombreux aspects de la vie avant son accident, en particulier en ce qui concerne sa capacité à gagner sa vie. Il a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC parce que les symptômes de ses limitations physiques et cognitives depuis son accident de voiture le rendent régulièrement incapable d’exercer une occupation véritablement rémunératrice. Il a cessé de travailler en octobre 2014 et, depuis lors, est demeuré incapable d’exercer toute activité professionnelle.

[3] Lorsque le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du RPC du requérant le 24 janvier 2017, il a approuvé sa demande ainsi que la totalité des 15 mois de prestations rétroactives autorisées par la loi, avec une date d’invalidité présumée d’octobre 2015 et des versements commençant en février 2016Note de bas de page 1. Le requérant a fait valoir qu’il était incapable de demander une pension d’invalidité plus tôt en raison de son incapacité, et il a demandé une période plus longue de rétroactivité des prestations, soit jusqu’en octobre 2014. Le ministre a rejeté la demande du requérant visant à obtenir un droit rétroactif supplémentaire à des prestations et a maintenu la décision à la suite d’un réexamen. Le requérant a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[4] Le requérant était-il incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande en son nom avant le jour où elle a véritablement été faite? Le cas échéant, à quel moment le requérant est-il devenu incapable de le faire?

Analyse

[5] Les règles concernant la date de début d’une invalidité ou, dans le cas d’une demande tardive, la date présumée de début d’une invalidité, déterminent la date à laquelle le versement commence. Les règles sont donc strictes. Une fois la date d’invalidité établie, le versement peut commencer au plus tôt quatre mois après la date de début de l’invalidité. La demande de pension d’invalidité du requérant était tardive, de sorte qu’il a une date d’invalidité présumée. La date présumée de l’invalidité ne peut être antérieure de plus de quinze mois à la date de la demande, sauf si la personne était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande plus tôt. L’exception à la règle exige que le requérant corresponde parfaitement à la définition d’une incapacité.

Exception en cas d’incapacité  

[6] L’exception permet au ministre de considérer la demande de pension d’invalidité du RPC du requérant comme ayant été faite à un moment antérieur s’il est convaincu que la personne avait été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande en son nom. La période d’incapacité doit être continueNote de bas de page 2.

[7] La capacité de former l’intention de présenter une demande de prestations est semblable à la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent à la personne qui demande des prestations. Le RPC n’a pas pour effet de nous obliger à donner au terme « capacité » un autre sens que son sens ordinaireNote de bas de page 3. La preuve médicale et les activités du requérant entre la date présumée de début de l’invalidité et la date de la demande, ce qui nous informe sur la capacité de cette personne de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande, doivent être examinées. L’intention de faire une demande de prestations d’invalidité du RPC n’est pas différente de celle de faire tout autre choix pouvant se présenter à une partie demanderesseNote de bas de page 4.

[8] Le libellé de l’article 60 du RPC est précis et ciblé et n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Les articles 60(8) et 60(9), pris ensemble, permettent aux personnes qui n’ont pas la capacité de présenter une demande de faire faire une demande en leur nom ou de faire la demande elles-mêmes lorsqu’elles retrouvent la capacité de le faire. Les activités de la personne en cause pendant la période pertinente peuvent être pertinentes pour nous éclairer sur son incapacité permanente de former ou d’exprimer l’intention requiseNote de bas de page 5.

[9] Pour déterminer si les symptômes de la blessure traumatique du requérant ont entraîné une incapacité au sens du RPC, je dois examiner l’ensemble de la preuve. Je dois examiner à la fois les éléments de preuve médicale et les activités du requérant entre le début de l’incapacité alléguée et la date de la demande.

Les activités du requérant au cours de la période pertinente ne permettent pas de conclure que le requérant n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations d’invalidité du RPC

[10] Pour satisfaire au critère relatif à l’incapacité, un requérant doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations plus tôt.

[11] J’estime que la preuve comprenant le témoignage à l’audience n’appuie pas la conclusion selon laquelle le requérant était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. J’ai examiné les éléments de preuve médicale, les observations, le témoignage et les activités pertinentes du requérant entre la date de son invalidité déclarée et la date de sa demande, ce qui a mis en lumière sa capacité, durant cette période, à former et à exprimer une intention.

[12] La représentante du requérant a soutenu que le requérant avait souffert d’une grave privation du sommeil pendant près de deux ans à la suite de son accident et que la privation du sommeil, à elle seule, rendrait le requérant incapable de former ou d’exprimer une intention. Je reconnais que les symptômes du syndrome postcommotionnel du requérant et sa privation de sommeil ont considérablement diminué ses capacités cognitives. Cependant, je trouve que ses limitations ne le rendent pas incapable de former ou d’exprimer une intention.

[13] Le requérant a déclaré qu’il n’a aucun souvenir de ses activités après l’accident. Il se rappelle qu’il a eu besoin de l’aide d’autres personnes parce que ses blessures physiques graves le rendaient incapable de se déplacer sans assistance. Il se souvient qu’il comptait sur ses amis pour l’aider dans presque toutes les activités de la vie quotidienne. Il se souvient également qu’il vivait seul. Ses amis l’aidaient quotidiennement, mais il passait la nuit seul chez lui la plupart du temps. Il se souvient que ses amis passaient parfois la nuit chez lui, mais pas toujours et pas fréquemment.

[14] Le requérant a participé à un certain nombre d’activités que j’estime pertinentes pour l’évaluation de son incapacité. Il a établi une liste détaillée de ses limitations le 13 juin 2015 qu’il a fournie à son médecin de familleNote de bas de page 6. Huit mois après son accident, le requérant a pu se souvenir de la liste de ses limitations, ce qu’il a mis par écrit :

  • il n’était pas allé une seule fois au gym; il avait perdu de la masse musculaire et de la force;
  • il devait encore garder sa jambe surélevée; sa capacité à sauter a diminué d’un demi-pied à un pied;
  • il a perdu tout intérêt pour la lecture;
  • il était peu intéressé par le sexe;
  • il éprouvait des sautes d’humeur;
  • il se sentait accablé dans les lieux publics, etc.

Il a pris la décision de tenter de conduire en 2015 parce qu’il se croyait capable de le faire. Il a paniqué et s’est senti dépassé par la situation. Il a donc reconnu que conduire était une mauvaise décision, et il ne conduit pas.

Les rapports médicaux ne permettent pas de conclure que le requérant était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestations d’invalidité du RPC plus tôt

[15] Le requérant a subi deux examens médicaux indépendants (EMI). Sa représentante l’a accompagné à un examen, et il a assisté à l’autre seul. Il a participé à un entretien lors des deux EMI. Il a reconnu qu’il en comprenait l’objectif et a consenti à participer à l’entretien. Il a fourni des renseignements et a répondu aux questions.

[16] En août 2015, le Dr Chue a longuement interrogé le requérant et est parvenu à plusieurs conclusions. Il a estimé que le requérant avait une EGF de 60. Sa déficience était principalement attribuable à ses symptômes physiques persistants/résiduels. Il n’était pas actuellement capable de retourner à son ancienne occupation, mais il devrait être en mesure de le faire avec un nombre d’heures réduit à l’avenir. Il a fait preuve [traduction] « d’un degré approprié de motivation concernant son rétablissement, mais selon ses propres termes »Note de bas de page 7.

[17] Lors de son entretien avec le Dr Chue, le requérant a expliqué que la manière dont la voiture était conçue lui avait évité des blessures plus graves. Il a dit au médecin qu’il a commencé à s’intéresser à la conception de voitures. Il a décrit les blessures qu’il a subies ainsi que celles de sa compagne. Il a fait état de certains symptômes qui s’étaient améliorés avec le temps, et de certains autres qui ne s’étaient pas améliorés. Il a fait état d’une réduction de son QI qui, selon lui, était auparavant très élevé. Il a déclaré avoir bénéficié d’une optimisation des ondes cérébrales avec un thérapeute et avoir acheté des lasers froids pour s’administrer lui-même un traitement. Il a indiqué qu’il s’était formé à l’utilisation de lasersNote de bas de page 8.

[18] Je considère que l’évaluation du Dr Chue est convaincante, car il est parvenu à ses conclusions en se fondant sur ce que le requérant lui a dit de manière indépendante concernant l’accident, ses symptômes et le traitement que le requérant avait choisi de suivre. Le Dr Chue a consigné les détails de la version des faits du requérant tels qu’ils lui ont été racontés par ce dernier. Il n’a fait aucune mention d’une quelconque difficulté que le requérant aurait éprouvée à fournir les renseignements proposés. Je trouve peu probable qu’un médecin ayant les qualifications du Dr Chue ait fondé ses opinions sur les renseignements fournis par une personne qu’il a jugée incapable de former ou d’exprimer une intention, et le rapport ne soutient tout simplement pas l’incapacité. Au contraire, il tend à démontrer que le requérant était responsable de ses propres soins médicaux.

[19] Le requérant a également participé à un examen effectué par le Dr Gross en août 2016. Ce dernier est parvenu à la conclusion, après un long entretien, que le requérant bénéficierait d’un programme de réadaptation interdisciplinaire complet pour optimiser son retour au travail. Il a noté les déficiences du requérant en énumérant de nombreuses limitations physiques, et il a noté les effets résiduels probables d’un léger traumatisme cérébral. Il a estimé la déficience à 5-15 pour centNote de bas de page 9.

La déclaration d’incapacité n’est pas convaincante

[20] J’ai examiné la déclaration d’incapacité remplie par le Dr Khan, qui indique que l’incapacité a commencé le 11 octobre 2014 et se poursuit toujours. Le Dr Khan n’était pas le médecin traitant du requérant au moment où il dit que l’incapacité avait commencé. Il note que la condition médicale causant l’incapacité est le syndrome postcommotionnel et l’encéphalopathie traumatique chronique. Le Dr Khan est parvenu à l’opinion selon laquelle le requérant est incapable de former ou d’exprimer une intention, mais n’a fourni aucune explication détaillée sur le fondement de son opinion ou sur les raisons pour lesquelles il estimait que l’incapacité était permanenteNote de bas de page 10.

[21] J’estime que la déclaration d’incapacité ne me convainc pas du fait que l’auteur a procédé à un examen indépendant des symptômes qui pourraient rendre le requérant incapable de former ou d’exprimer une intention. La preuve médicale ne montre pas que le Dr Khan traitait ou évaluait régulièrement le requérant. Je ne suis pas convaincue du fait que le Dr Khan est un meilleur juge des symptômes du requérant que deux médecins légistes indépendants.

[22] J’estime que le requérant a largement participé à la prise de décision concernant son traitement et les activités de la vie quotidienne depuis sa blessure. Le critère relatif à l’incapacité n’exige pas que le requérant soit capable de fonctionner au même niveau qu’avant sa blessure. Il n’est pas nécessaire qu’il soit capable de prendre de bonnes décisions. Le requérant a vécu seul et a géré ses soins de manière continue. Le requérant a clairement des capacités cognitives réduites et une mauvaise mémoire, mais ce n’est pas la même chose que d’être incapable de former une intention. Après avoir soigneusement examiné l’ensemble de la preuve, des observations et des rapports médicaux du requérant, j’estime que ce dernier ne m’a pas convaincu qu’il était incapable de former ou d’exprimer une intention de demander des prestations plus tôt.

[23] La charge de la preuve incombe au requérant. Il n’a pas réussi à démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il n’ait pas eu la capacité de former ou d’exprimer l’intention de demander une prestation d’invalidité du RPC de façon continue d’octobre 2014 à janvier 2017.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

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