Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à compter de février 2017.

Aperçu

[2] Le requérant a présentement 55 ans. Il avait travaillé comme fonctionnaire fédéral. Il s’est frappé la tête en mars 2015 et a souffert d’une commotion cérébrale, puis d’un syndrome post-commotionnel. Il a travaillé pour la dernière fois le 5 mai 2015. Le ministre a reçu sa demande de pension d’invalidité le 23 janvier 2018. Dans sa demande, le requérant a déclaré qu’il était incapable de travailler parce qu’il ne pouvait pas se concentrer pendant plus de cinq minutes, avait souvent des maux de tête, était toujours fatigué, avait de la difficulté à être dans une foule, ne pouvait pas retenir le contenu de plus d’une page de lecture, devait faire une sieste pendant deux à trois heures tous les jours et était dépressif. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel de la décision issue de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, le requérant doit satisfaire aux exigences qui sont énoncées dans le RPC. Plus précisément, il doit être déclaré invalide (au sens du RPC) à la date d’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou à une date antérieure. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations du requérant au RPC. J’estime que la date de fin de la PMA du requérant est le 31 décembre 2018.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé du requérant ont-ils entraîné une invalidité grave à la date de fin de sa PMA? Autrement dit, était-il régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2018?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité du requérant était-elle également prolongée?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Une personne doit prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux parties du critère. Cela signifie que si le requérant ne satisfait qu’à une partie, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Le requérant était-il atteint d’une invalidité grave le 31 décembre 2018?

[7] Pour les motifs expliqués ci-après, j’estime que le requérant avait une invalidité grave en mai 2015.

[8] Je dois évaluer l’état de santé du requérant dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 2. Il me faut aussi évaluer l’aspect du critère ayant trait à la gravité de l’invalidité dans un contexte réalisteNote de bas de page 3. Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[9] À l’échéance de sa PMA, le requérant avait 54 ans. Il parle français et anglais couramment. Après avoir fréquenté un CÉGEP, il a terminé un certificat en sciences sociales à l’université et a eu une longue carrière dans la fonction publique. Plus récemment, il a travaillé comme X au X. Il a occupé ce poste important pendant au moins dix ans, bien qu’il ait été à l’emploi du X pendant plus de 23 ans; il a commencé par travailler dans la salle du courriel et a gravi les échelons. Il a travaillé auparavant pour X (comme on l’appelait à l’époque), où il a contribué à régler un important litige. Sur l’unique fondement de ses caractéristiques personnelles, et sans égard à son état de santé, j’estime que le requérant possède les aptitudes nécessaires pour une vaste gamme d’emplois sédentaires.

[10] Pour évaluer la question de savoir si le requérant avait une invalidité grave en date du 31 décembre 2018, j’accorde un poids considérable au rapport médical rédigé par le Dr Sandeep Nagpal (médecin de famille) le 8 janvier 2018. Le Dr Nagpal connaissait le requérant depuis cinq ans, et a commencé à traiter la commotion cérébrale et le syndrome post-commotionnel immédiatement après sa survenue, en mars 2015Note de bas de page 4. Le Dr Nagpal a aussi orienté le requérant vers des spécialistes et a reçu des rapports de ces spécialistes, notamment la Dre Claire Vayalumkal (médecine physique et réadaptation). Le Dr Nagpal était donc bien placé pour évaluer adéquatement les diagnostics, limitations et pronostics du requérant.

[11] Le Dr Nagpal a déclaré que le requérant avait de fréquents maux de tête, de la difficulté à s’exprimer, des problèmes de sommeil, des problèmes de mémoire, de la difficulté à rester dans des salles bondées et une incapacité à se concentrer pendant plus de cinq minutes. Il pouvait seulement lire pendant 10 minutes et avait de la difficulté à comprendre ce qu’il lisait. Il faisait des siestes pendant la journée en raison de son épuisement, et sa dépression s’était aggravéeNote de bas de page 5.

[12] À l’audience, le requérant a dit que de nombreuses raisons l’empêchaient de travailler. Ces raisons ressemblaient beaucoup à celles rapportées par le Dr Nagpal en janvier 2018. Le requérant a dit qu’il est toujours extrêmement fatigué : il dort pendant 11 à 12 heures toutes les nuits, puis a besoin d’une sieste de deux à trois heures pendant la journée. Même lorsqu’il est réveillé, il n’a pas d’énergie. Environ tous les deux jours, il a des maux de tête invalidants qui durent quatre heures. Il ne peut pas se concentrer, et il est épuisé après avoir effectué une tâche pendant une heure seulement. Il ne peut pas lire plus d’une page, et ne peut pas se rappeler ce qu’il a lu. Il est encore difficile pour lui d’être en présence de nombreuses personnes. Il a dit que ces raisons s’appliquaient aussi à lui à l’échéance de sa PMA en décembre 2018. Il a dit que ses symptômes de commotion cérébrale n’avaient pratiquement pas changé de 2015 jusqu’à la date de l’audience, bien qu’il n’ait plus de douleur au cou. Ces plaintes étaient conformes à son avis d’appel de novembre 2018Note de bas de page 6.

[13] Le requérant a aussi déclaré qu’il a besoin de dormir après avoir vu des gens et qu’il doit partir tôt lorsqu’il participe à des rencontres sociales. Il se fie sur son épouse pour faire le suivi de certaines choses, par exemple les rendez-vous. Il peut conduire pendant une heure tout au plus. Il a dit que l’audience l’avait beaucoup fatigué, bien qu’elle n’ait duré environ qu’une heure. Il n’a posé sa candidature à aucun poste ni n’a participé à des activités de bénévolat parce qu’il n’a pas d’énergie et ne peut pas s’engager à faire quoi que ce soit. Son besoin fréquent de faire des siestes le jour signifie qu’il ne peut pas prédire sa disponibilité. Cela poserait problème pour tout type d’emploi.

[14] J’estime que la preuve du requérant est crédible. Il a semblé être véritablement accablé et frustré par sa situation. Il était fier de son travail et voulait terminer sa carrière au X et prendre sa retraite avec une pleine pension. Cela concorde avec les déclarations qu’il a faites par le passé et avec l’évaluation de sa volonté de se rétablirNote de bas de page 7.

[15] Du fait de ses limitations importantes, j’estime que le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis au moins janvier 2018, moment où le Dr Nagpal a rédigé son rapport médical. Il n’aurait eu aucune capacité réaliste de travailler pendant cette période. Bien que bon nombre de ses problèmes étaient de nature cognitive, un travail physique n’aurait pas été la solution, car outre le fait qu’un tel travail ne correspond pas à ses caractéristiques personnelles, il a eu une crise cardiaque en 2010Note de bas de page 8. Je dois à présent déterminer quand son invalidité grave a véritablement commencé.

L’invalidité grave du requérant a-t-elle commencé avant janvier 2018?

[16] De nombreux éléments de preuve confirment que le requérant a été régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis mai 2015. Par exemple, la Dre Carswell (neuropsychologie) a noté en juillet 2015 que les déficits cognitifs du requérant l’empêchaient de retourner à son ancien emploi, et que son humeur et sa détresse psychologique grave auraient besoin d’être mieux contrôlées avant qu’un retour au travail puisse être envisagéNote de bas de page 9. En décembre 2015, Karen Giannandrea (orthophonie) a observé une déficience légère à modérée de l’attention et de la concentration, une déficience grave de la mémoire verbale, une déficience modérée de la compréhension et de l’assimilation de l’oral, une déficience grave de la compréhension et de l’assimilation de l’écrit et une déficience modérée des fonctions d’exécution. Toutes ces caractéristiques avaient un effet important sur son fonctionnement au quotidien et sa participation aux activités de la vie quotidienneNote de bas de page 10.

[17] En octobre 2016, la Dre Vayalumkal a fait état de difficultés continues avec les capacités cognitives et communicatives, de difficultés d’adaptation et d’une grande fatigue. Elle disait qu’il était improbable qu’un plan de retour au travail soit efficace à cette époqueNote de bas de page 11. En octobre 2017, la Dre Sweet (neuropsychologie) a dit que l’état du requérant était demeuré stable au cours de la dernière année, sans amélioration. Il avait encore une fatigue invalidante, très peu d’énergie, de fréquents maux de tête qui le rendaient incapable de fonctionner, une faible motivation, des problèmes à traiter l’information, une incapacité à demeurer concentré, une faible endurance cognitive, de la difficulté avec les foules et le bruit, de la difficulté à trouver ses mots, et de la difficulté à s’exprimer. Il y avait eu peu, voire pas, d’amélioration depuis que la Dre Carswell l’avait vu en 2015Note de bas de page 12.

[18] Bien qu’il n’existe aucun document objectif pendant une période d’environ un an après octobre 2016, je suis convaincu que ses problèmes invalidants ne se sont pas améliorés au cours de cette période. La Dre Sweet a mentionné en octobre 2017 que l’état du requérant n’avait pas changé au cours de la dernière année. À l’audience, le requérant a déclaré qu’il se rendait chez son médecin de famille au moins une fois tous les trois mois pendant cette période. Il a également fréquenté la clinique de réadaptation, où son traitement comprenait des soins chiropratiques qui ont soulagé sa douleur au cou. Il a aussi subi une chirurgie pour ses problèmes de sommeil en février 2017 et en mai 2017. Finalement, la Dre Sweet a précisé en octobre 2017 que le requérant continuait de consulter la Dre Sabourin (psychologue) au besoinNote de bas de page 13.

[19] Compte tenu de ses symptômes importants et des limitations qui y sont associées, j’estime que le requérant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis mai 2015. Cependant, avant d’examiner la question de savoir si son invalidité est également prolongée, je me pencherai sur certaines des observations du ministre qui ne sont peut-être pas abordées directement dans l’analyse ci-dessus.

Commentaires portant précisément sur les observations du ministre

[20] Le ministre a soutenu que les notes cliniques du Dr Nagpal de janvier 2018 à août 2018 empêchaient de tirer une conclusion d’invalidité grave. Plus particulièrement, le ministre a noté que la dépression du requérant était décrite comme étant [traduction] « stable », que le requérant envisageait de faire du bénévolat et que les notes cliniques du Dr Nagpal portaient essentiellement sur d’autres problèmes comme le diabète et la tension musculaire.

[21] Je n’estime pas cette preuve déterminante. Bien que la dépression du requérant était décrite comme étant stable le 5 mars 2018, cela ne signifie pas qu’il n’avait pas de symptômes de dépression. Cela signifie seulement que les symptômes n’avaient pas changé. En fait, le Dr Nagpal avait déclaré peu avant que la dépression du requérant avait empiré depuis qu’il s’était blesséNote de bas de page 14. La dépression n’était de plus qu’un des nombreux facteurs qui, ensemble, rendaient le requérant invalide. Ses symptômes et problèmes de santé incluaient une fatigue considérable, un manque d’énergie, des maux de tête, une faible capacité de concentration et des difficultés cognitives. Compte tenu de la preuve présentée par le requérant à l’audience, tout rétablissement de sa dépression en 2018 aurait été temporaire.

[22] Lorsqu’il a été questionné au sujet du bénévolat, le requérant a dit qu’il n’a jamais été capable de s’y adonner, car il n’avait pas d’énergie et ne pouvait pas s’engager à faire quoi que ce soit en raison de son besoin imprévisible de faire des siestes pendant la journée. Son désir de faire du bénévolat révélait probablement davantage un désir de prendre du mieux qu’un désir de reprendre un emploi rémunérateur. Une fois de plus, sa preuve à l’audience n’appuyait certainement pas une capacité ou une prévisibilité de travail soutenu.

[23] Bien que le Dr Nagpal n’ait pas mentionné beaucoup de symptômes invalidants dans ses notes cliniques de 2018, j’estime que ses notes concordent avec son orientation antérieure vers des soins spécialisés ou reviennent à reconnaître que le requérant pourrait avoir atteint un rétablissement médical maximal. À ce jour, il prend toujours des antidépresseurs. Il a également affirmé que de nombreux spécialistes ont déclaré ne pas pouvoir faire plus pour lui : il a mentionné cela tant pour l’ergothérapie que pour les traitements en santé mentale. Des références documentaires montrent aussi qu’il a atteint un plateau quant à l’amélioration de ses symptômesNote de bas de page 15. Une fois de plus, la stabilité n’est pas synonyme de rétablissement.

[24] Le ministre a aussi signalé que la Dre Sweet avait fait mention à la fois d’un programme de réentraînement au travail et de réadaptation professionnelle, mais qu’il n’existait aucune preuve que le requérant avait suivi ces voies. Cependant, la Dre Sweet n’a vu le requérant qu’une seule fois, à la demande de l’assureur du requérant. Fait important, le rapport de la Dre Sweet a été acheminé au Dr Nagpal aux fins d’examen et de discussion avec le requérantNote de bas de page 16. Il est à noter que le Dr Nagpal semble avoir discuté de certaines [traduction] « possibilités » avec le requérant le 3 janvier 2018, mais n’a fait aucune mention précise quant au réentraînement au travail ou à la réadaptation professionnelleNote de bas de page 17. En fait, seulement cinq jours plus tard, le Dr Nagpal a rempli un rapport médical du RPC et n’offrait aucun espoir quant à un traitement ou un programme de transformation.

[25] Lorsqu’il a été questionné au sujet du réentraînement au travail à l’audience, le requérant a dit qu’il n’avait participé à aucun programme de réentraînement au travail parce qu’il n’était pas capable de le faire. Je conclus que le Dr Nagpal n’appuyait vraisemblablement pas le réentraînement au travail et la réadaptation professionnelle pour le requérant ou qu’il sentait que leur incidence ne serait pas importante. Quoiqu’il en soit, je considère qu’il importe peu que le requérant n’ait participé à aucun de ces programmes. Il était raisonnable de se fier aux recommandations de son médecin de famille.

Le requérant était-il atteint d’une invalidité prolongée?

[26] Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Puisque rien ne donne à penser que l’invalidité du requérant entraînerait vraisemblablement son décès, je dois décider si l’invalidité doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[27] Le rapport du Dr Nagpal du 8 janvier 2018 est le pronostic médical le plus récent. Le Dr Nagpal était d’avis que la dépression du requérant s’était aggravée depuis sa blessure subie en 2015, a fait un pronostic [traduction] « réservé » et pensait que la probabilité d’amélioration dans l’avenir était faible. Le Dr Nagpal a dit que le requérant avait suivi toutes les recommandations de traitement, mais que son état ne s’était pas amélioréNote de bas de page 18. Dans son rapport d’octobre 2017 commandé par l’assureur du requérant, la Dre Sweet a tiré une conclusion similaire et a noté peu ou pas d’amélioration des déficits du requérant depuis 2015. Le pronostic était [traduction] « très réservé » et il était impossible pour la Dre Sweet de prédire avec exactitude un échéancier relativement à un rétablissementNote de bas de page 19.

[28] En me fondant essentiellement sur les opinions du Dr Nagpal et de la Dre Sweet, je conclus que l’invalidité doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Aucune opinion importante ne montre le contraire, bien que divers traitements et examens aient été proposés. Finalement, bien que j’accorde peu de poids aux déclarations quant aux pronostics du requérant, ses plaintes et les limitations dont il a lui-même fait état sont constantes depuis plusieurs années. Par conséquent, je conclus que l’invalidité du requérant est prolongée et l’est vraisemblablement depuis qu’il a subi sa commotion cérébrale.

Conclusion

[29] Le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en mai 2015. Cependant, une personne ne peut pas être réputée invalide plus de 15 mois avant que la demande ait été reçueNote de bas de page 20. La demande a été reçue en janvier 2018, de sorte que la date réputée de déclaration d’invalidité est octobre 2016. Les versements prennent donc effet en février 2017, quatre mois après la date réputée de déclaration d’invaliditéNote de bas de page 21.

[30] L’appel est accueilli.

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