Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur. La division d’appel rendra la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant est admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] D. O. (le requérant) est né en 1965. Il a terminé sa onzième année. Il a travaillé pour une importante compagnie aérienne de mai 1989 à avril 2015. Il affirme qu’il ne peut plus travailler, car il souffre de maux de dos chroniques, d’anxiété et de dépression. Il a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 17 juin 2016.

[3] Le ministre a refusé la demande du requérant une première fois, puis une seconde fois, après révision. Le requérant a interjeté appel devant le Tribunal. La division générale a rejeté cet appel le 19 juin 2018, car elle a conclu que le requérant avait une certaine capacité à travailler. Le requérant a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

[4] La division d’appel doit déterminer si la division générale a commis une erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), et, le cas échéant, doit trouver le moyen d’y remédier.

[5] La division générale a commis une erreur de droit. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir que le requérant est admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en tirant la conclusion de fait selon laquelle les scores de l’Échelle d'évaluation globale du fonctionnement (EGF) [traduction] « peuvent être subjectifs », sans fournir d’élément de preuve pour étayer cette conclusion?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[7] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux parties d’exposer de nouveau leur point de vue intégralement au cours d’une nouvelle audience. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient des erreurs. Cet examen est fondé sur le libellé de la Loi sur le MEDS, laquelle énonce les moyens d’appel qui peuvent être invoqués devant la division d’appelNote de bas page 1.

[8] L’un de ces moyens d’appel est le fait pour la division générale d’avoir rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossierNote de bas page 2.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en tirant la conclusion de fait selon laquelle les scores de l’Échelle d'évaluation globale du fonctionnement (EGF) [traduction] « peuvent être subjectifs », sans fournir d’élément de preuve pour étayer cette conclusion?

[9] La division générale a commis une erreur de droit en tirant la conclusion de fait selon laquelle les scores de l’EGF [traduction] « peuvent être subjectifs », sans fournir d’élément de preuve pour étayer cette conclusion.

[10] Les requérants doivent fournir quelques éléments de preuve objectifs de nature médicale pour établir leur invaliditéNote de bas page 3. La division d’appel a affirmé dans au moins une affaire qu’elle n’interprétait pas « la preuve médicale objective » comme étant limitée à des imageries diagnostiques, des tests de laboratoire ou des opinions de spécialistes. À son avis, la preuve médicale objective peut aussi comprendre, par exemple, les observations physiques, les signes cliniques, les limitations fonctionnelles établies et les diagnostics effectués par un professionnel de la santéNote de bas page 4.

[11] Une conclusion de fait qui n’est appuyée par aucun élément de preuve peut constituer une erreur de droitNote de bas page 5. Un tribunal peut à bon droit prendre connaissance d’office de faits qui sont notoires ou dont l’existence peut être démontrée immédiatementNote de bas page 6.

[12] Le requérant devait démontrer qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de l’audience, le 19 juin 2018. Bien que la division générale ait reconnu que les déficiences physiques du requérant entraînaient des restrictions quant à sa capacité à demeurer assis de manière prolongée, à demeurer debout, à marcher et à soulever des objets, elle a conclu que le requérant pouvait accomplir un travail sédentaire.

[13] En plus d’avoir des maux de dos, le requérant avait des problèmes médicaux liés à la santé mentale. Monsieur J. Kelly, Ph. D., psychothérapeute, a traité le requérant. La division générale a résumé le témoignage de M. Kelly comme suit :

[traduction]
M. Kelly a rempli un formulaire pour la Great-West, compagnie d'assurance-vie, le 17 mai 2016. M. Kelly a affirmé que le requérant souffrait d’anxiété, de dysthymie, d’anxiété – groupe C et de maux de dos chroniques. Il a attribué au requérant un score de 50 sur l’Échelle d'évaluation globale du fonctionnement (EGF). Dans une lettre au ministre datée du 22 novembre 2016, M. Kelly affirme que le requérant était très anxieux et gravement déprimé. Il a dit du requérant qu’il était un patient coopératif. Le requérant avait des difficultés financières. Ce dernier vivait du stress en raison d’un conflit au travail, et il était incapable de travailler à l’époqueNote de bas page 7.

[14] La division générale a reconnu qu’un score de 50 sur l’EGF [traduction] « indique que le requérant est atteint d’une déficience grave au niveau du fonctionnement social et qu’il ne peut conserver un emploi »Note de bas page 8. La décision de la division générale précise ce qui suit :   

[Traduction] À l’audience, le requérant était manifestement contrarié au sujet de ses troubles médicaux. Il travaillait dans un environnement toxique depuis de nombreuses années, et cette situation avait eu des répercussions sur son état psychologique. Toutefois, à l’audience, je n’ai pas constaté une déficience grave quant à son fonctionnement social. Il était capable de répondre à mes questions et à celles de son représentant. Il semblait comprendre l’instance. Les scores de l’EGF peuvent être subjectifs. Je ne crois pas que les déficiences physiques et psychologiques combinées du requérant l’empêchent de retourner travailler dans un poste sédentaire. En outre, il n’a pas déclaré éprouver de troubles de mémoire ou de concentration dans le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité, qu’il a rempli à peu près au même moment où M. Kelly lui a attribué un score de l’EGFNote de bas page 9.

[15] Le requérant a fait valoir que le membre de la division générale a commis une erreur de droit en rejetant le score de l’EGF, le qualifiant de subjectif, sans que des éléments de preuve ne lui aient été présentés quant au caractère subjectif ou peu fiable des scores de l’EGF. Le requérant soutient que ce rejet du score de l’EGF a constitué le fondement sur lequel la division générale s’est appuyée pour conclure que le requérant avait une capacité résiduelle de travailler. Après avoir conclu à l’existence d’une capacité résiduelle de travailler, le membre de la division générale a conclu que le requérant n’avait pas rempli l’exigence corrélative de démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver avaient été infructueux pour des raisons de santé.

[16] Le ministre soutient qu’il n’y a pas erreur de droit puisque la division générale n’a pas tiré une conclusion factuelle sans se fonder sur les éléments de preuve – dont l’un d’eux était le score de l’EGF –, et que la division générale en a tenu compte.

[17] Devant la division d’appel, le ministre a apporté de nouveaux éléments de preuve relativement au score de l’EGF. Il a fait valoir que l’EGF a été remplacée par un nouvel outil de diagnostic, à savoir l’annexe d’évaluation des handicaps de l’OMS, et que l'Association américaine de psychiatrie a déclaré que l’EGF comme outil de diagnosticNote de bas page 10 était désuète et ne constituait plus un instrument adéquat pour l’évaluation des affections psychiatriques de nature fonctionnelleNote de bas page 11.

[18] Ces éléments de preuve n’avaient pas été présentés devant la division générale. Il semble que le ministre soutient que c’est un renseignement général de cette nature dont le membre de la division générale aurait pris connaissance d'office pour affirmer qu’un score de l’EGF pouvait être subjectif. Selon le ministre, rien ne justifie que je n’en tienne pas compte en appel, et que les auteurs de doctrine citent souvent des textes et des documents dont les décideurs pourront tenir compte.

[19] En outre, le ministre soutient qu’il n’est pas erroné de qualifier un score de l’EGF de subjectif, en ce sens que ce score est issu de l’opinion d’un psychologue, ce qui le rend effectivement subjectif. Le ministre a renvoyé à un élément du dossier, dans lequel un psychologue clinicien de 2003Note de bas page 12 décrivait le fonctionnement des diagnostics fondés sur le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM).

[20] Devant la division d’appel, le ministre a fait valoir que quoi qu’il en soit, la division générale peut prendre connaissance d'office de questions médico-juridiques en général, puisqu’il s’agit essentiellement du travail du Tribunal. Le ministre a souligné que la Cour d’appel fédérale [sic] avait repris la définition du score de 50 sur l’EGF dans le jugement PlaquetNote de bas page 13.

[21] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en tirant une conclusion de fait qui n’était appuyée par aucun élément de preuve. Ce n’est pas que la division générale ait seulement décidé de n’accorder aucune importance à la preuve de M. Kelly. Le problème est que l’affirmation de la division générale selon laquelle un score de l’EGF peut être subjectif est une conclusion de fait sans preuve à l’appui. La conséquence, à la lumière des autres raisons évoquées par la division générale, était que le score de l’EGF (et sa conclusion selon laquelle le requérant souffrait d’invalidité grave, ainsi que les exemples des aspects sur lesquels cette invalidité pouvait avoir des répercussions, comme sur le fonctionnement social et la capacité à conserver un emploi) n’avait aucune importance.

[22] Le dossier du requérant présenté à la division générale contenait une évaluation datant de 2003 qui décrivait en quoi le DSM est un système à plusieurs axes. On y décrivait plusieurs tests psychologiques qu’avait subis le requérant à l’époque, mais il n’y avait pas d’information précise sur la manière dont était calculé le score de l’EGF.

[23] Le ministre fait bien de souligner que la Cour fédérale a expliqué (dans Plaquet) ce que signifie l’obtention d’un score de 50 sur l’EGF. Cependant, je le répète, Plaquet ne remet pas en question l’importance que devraient avoir les scores de l’EGF et ne qualifie pas ces scores de subjectifs ou objectifs. La décision rendue dans Plaquet portait principalement sur l’importance qui doit être accordée aux éléments de preuve concernant un pronostic qui s’aggrave pour un trouble psychologique.

[24] Le dossier ne renfermait aucun document décrivant le processus utilisé pour l’attribution des scores de l’EGF par les professionnels traitants. En outre, le dossier ne contenait aucun document expliquant l’historique de l’utilisation des scores de l’EGF, ni aucune mention indiquant que ces scores avaient été mis de côté pour une quelconque raison. Par ailleurs, il n’y avait aucun élément de preuve quant aux situations où ces scores sont objectifs, et où ils « peuvent être » subjectifs. Aucune preuve qui aurait pu remettre en question l’objectivité ou la fiabilité des scores de l’EGF de manière générale n’a été présentée au membre de la division générale. Par conséquent, la conclusion voulant que ces scores « puissent être » subjectifs constitue une conclusion de fait tirée sans preuve à l’appui.

[25] Je rejette l’argument selon lequel le membre de la division générale n’a fait que prendre connaissance d’office d’une contrainte ou d’une préoccupation bien connue concernant les scores de l’EGF. Pour qu’ils soient admis d’office, les faits doivent être notoires, ou leur existence doit pouvoir être démontrée immédiatement. Le « fait » que les scores de l’EGF « peuvent être subjectifs » n’évoque rien de suffisamment précis pour qu’il s’agisse d’un fait notoire ou susceptible d’être démontré immédiatement.

[26] Les membres du Tribunal appelés à se prononcer sur l’admissibilité à une pension d’invalidité ont l’expérience voulue pour apprécier la force probante des rapports médicaux conformément aux règles de preuve. Cette expérience ne les habilite pas à tirer des conclusions factuelles sur la fiabilité de l’ensemble des outils de diagnostic ou d’évaluation comme l’EGF, sans qu’il y ait de fondement à une telle conclusion dans la preuve.

[27] Il semble que le membre de la division générale a procédé à sa propre évaluation médicale du requérant au cours de l’audience, et qu’il pourrait s’être en partie appuyé sur ses propres observations pour écarter la preuve concernant le score de l’EGF du requérant. Il semble également ne presque pas avoir analysé dans ses motifs les troubles psychologiques du requérant relativement à sa capacité à travailler. Le membre de la division générale a renvoyé dans sa décision au témoignage oral et à la preuve médicale concernant le stress, l’anxiété et la dépression du requérant, mais ne semble pas avoir fait une analyse pertinente de cette preuve dans la partie où il a conclu que le requérant détenait une capacité résiduelle de travailler. Le membre de la division générale semble avoir donné une plus grande importance aux observations qu’il a faites lors de l’audience, et n’a pas expliqué pourquoi le score de l’EGF du requérant n’avait pas été pris en compte autrement qu’en affirmant qu’il « pouvait être » subjectif.

[28] Le membre de la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que les scores de l’EGF « peuvent être subjectifs » sans appuyer sa conclusion sur les faits.

Réparation

[29] La division d’appel dispose de plusieurs options pour réparer les erreurs commises par la division générale. La division d’appel peut notamment rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas page 14. En outre, la division d’appel peut trancher toute question de droit ou de fait qui lui est présentéeNote de bas page 15.

[30] Le requérant a affirmé qu’il satisfait au critère d’une invalidité grave et prolongée. Il a soutenu que si la division d’appel avait, après avoir conclu que la division générale a commis une erreur, encore des doutes quant à savoir si le requérant avait satisfait au critère, elle devait renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen.

[31] Selon le ministre, la division générale n’a pas commis d’erreur, mais si la division d’appel conclut qu’il y a eu erreur, elle doit rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, car elle dispose du dossier complet.

[32] Étant donné que le dossier actuel comprend le rapport de M. Kelly, source de l’erreur de droit (ainsi qu’un enregistrement du témoignage oral), et que la division d’appel peut trancher toute question de droit ou de fait qui lui est présentée, la division d’appel rendra la décision que la division générale aurait dû rendre. Puisque le dossier est complet, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre est conforme au Règlement sur le Tribunal de la sécurité socialeNote de bas page 16,  lequel exige que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[33] La conclusion de la division générale selon laquelle le requérant était incapable d’accomplir un travail physique en raison de ses troubles médicaux n’est pas erronée. Vu que l’erreur se rapporte plutôt au fait d’avoir tenu compte du rapport de M. Kelly et des troubles médicaux du requérant concernant sa santé mentale, la division d’appel devra, pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, apprécier à nouveau le témoignage de M. Kelly afin de déterminer si le requérant détenait une capacité résiduelle de travailler.

[34] Je conclus que le requérant ne détenait pas de capacité résiduelle de travailler en novembre 2016, date à laquelle M. Kelly a clairement démontré que le requérant était très anxieux, souffrait d’une grave dépression et était inapte au travail.  

Décision que la division générale aurait dû rendre

[35] Selon le RPC, une invalidité n’est grave que si elle rend le requérant incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas page 17. De plus, la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale énonce que, pour déterminer si un requérant a une invalidité grave, il faut en premier lieu établir s’il est atteint d’un grave problème de santé qui a eu des répercussions sur sa capacité de travailler. Ensuite, il faut déterminer si le requérant a une capacité résiduelle de travailler. Pour répondre à cette question, il faut tenir compte des facteurs pertinents suivants : la nature des problèmes de santé et les limitations fonctionnelles connexes; les traitements recommandés et tout refus déraisonnable de suivre ces traitements; les circonstances personnelles du requérantNote de bas page 18.

[36] La fin de la PMA du requérant (31 décembre 2018) n’était pas encore survenue à la date de l’audience devant la division généraleNote de bas page 19. Par conséquent, la question principale qui se pose est celle de savoir si le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée jusqu’à la date de son audience devant la division générale, soit le 19 juin 2018.

[37] Je conclus que le requérant était atteint de problèmes de santé graves qui nuisaient à sa capacité à travailler (maux de dos chroniques, anxiété, dysthymie et anxiété – groupe C). Étant donné les limitations fonctionnelles du requérant, les traitements suivis ainsi que ses circonstances personnelles, j’estime que rien dans la preuve ne permet de conclure à l’existence d’une capacité résiduelle de travailler. Le requérant a prouvé qu’il était plus probable qu’improbable qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC en novembre 2016.

[38] Le requérant a été congédié en avril 2015 et a présenté une demande de pension d’invalidité en juin 2016. La preuve de M. Kelly est importante, car elle date de mai 2016 et de novembre 2016, soit après que le requérant ait cessé de travailler, pendant la PMA, et près du moment où il a présenté sa demande de pension d’invalidité.

[39] M. Kelly a posé un diagnostic d’anxiété, de dysthymie, d’anxiété – groupe C et de maux de dos chroniques sur la personne du requérant, et lui a attribué un score de 50 sur l’échelle d'évaluation globale du fonctionnement. Il a déclaré que le requérant était inapte au travail en novembre 2016. La preuve de M. Kelly était pertinente, car il traitait le requérant pendant la PMA relativement à des troubles psychologiques (ainsi que pour ses maux de dos), à savoir les troubles principaux sur lesquels le requérant a fondé sa demande de pension d’invalidité. Le rapport de M. Kelly abordait la question de la capacité à travailler du requérant pendant la PMA à la lumière de ses troubles psychologiques.

[40] M. Kelly a affirmé que le requérant était à la fois très anxieux et gravement dépriméNote de bas page 20. Il a fait mention de limitations fonctionnelles, soit en matière d’isolement social, d’irritabilité, de rumination et d’inquiétude chroniques, de troubles du sommeil, de fatigue, de palpitations et de dyspnée (difficulté à respirer)Note de bas page 21.

[41] À l’audience, le requérant a affirmé que ses troubles s'étaient aggravés depuis 2016. En avril 2017, une imagerie par résonance magnétique a démontré une déchirure méniscale au genou droitNote de bas page 22. Il a affirmé que l’état de ses genoux et de son dos s’était dégradé, et que, psychologiquement, il était prêt à tout laisser tomber. De plus, il a non seulement affirmé qu’il voyait toujours M. Kelly, mais aussi que ce dernier souhaitait le voir plus souvent.

[42] Le rapport de M. Kelly ne précisait pas si le requérant souffrait de troubles de mémoire ou de concentration, et le requérant n’a fait aucune mention à cet égard dans son questionnaire aux fins du RPC. Le requérant a soumis des preuves concernant ses limitations fonctionnelles associées à sa dépression et à son anxiété. Il a dit lors de son témoignage qu’il ne pouvait plus gérer le nombre d’interactions nécessaires à l’accomplissement de son travail, dans le cadre de son ancien poste adapté à ses besoins, à la compagnie aérienne. Il a aussi affirmé qu’il était incapable de travailler au téléphone, car il craignait de ne pas pouvoir donner les bons renseignements et de provoquer le chaos.

[43] À l’audience, le requérant était dans un état qui lui permettait de répondre aux questions qui lui étaient adressées. Son comportement à l’audience ne me permet pas de déterminer s’il a des limitations fonctionnelles qui le rendraient inapte au travail. M. Kelly est un professionnel de la santé dont les opinions se sont forgées au fil des rencontres avec le requérant, sur une période plus longue que celle passée par ce dernier à l’audience devant la division générale. En outre, le requérant a affirmé avoir pris du Lorazépam (de la classe des benzodiazépines, à durée d'action courte) avant l’audience afin de gérer son anxiété.

[44] Le fait pour le requérant d’avoir reçu des prestations d’assurance-emploi ne prouve pas, en soi, une capacité résiduelle de travailler. Je ne suis pas prêt à inférer que ce fait signifiait qu’il était prêt à travailler au cours de la période où il a touché ce type de soutien du revenu.

[45] Tout élément établissant que le requérant croyait qu’il pouvait retourner travailler en 2016 doit être évalué dans le contexte de la situation qu’il a vécue comme travailleur blessé. Le dossier fait état de ses tentatives, au cours des années, d’obtenir (et de conserver) des mesures d’adaptation dans son milieu de travail. Il a déposé des griefs, il a été congédié puis réembauché, et il a demandé un soutien financier du système d’assurance et de sécurité au travail provincial.

[46] Le requérant a été congédié de son poste comportant d’importantes mesures d’adaptation, et il a téléphoné au représentant d'assurance au travail pour demander de l’aide. Selon les notes du registre des appels, le représentant lui a dit qu’aucune autre prestation ne serait envisagée ou accordée, et qu’il ne pouvait présenter de nouvelle demande fondée sur un stress psychologiqueNote de bas page 23. Au cours de cet appel, le requérant a affirmé vouloir reprendre son ancien poste. Il a aussi dit qu’il communiquerait avec les médias, qu’il manifesterait devant le bureau d’assurance et de sécurité au travail et qu’il se rendrait à Ottawa pour occuper le bureau du premier ministre. Je ne peux prendre au pied de la lettre les affirmations du requérant tirées de ces notes. Il était un travailleur blessé qui avait besoin d’un soutien financier, et on lui donnait des mauvaises nouvelles.

[47] À l’appui de sa demande de pension d’invalidité, le requérant a aussi déclaré par écrit qu’il planifiait chercher du travail une fois l’appel terminéNote de bas page 24. Selon moi, cet élément ne prouve pas sa capacité à travailler. Dans son témoignage, le requérant a affirmé qu’il avait rempli le formulaire ainsi à la suite d’un conseil reçu d’une personne impliquée dans la demande en matière d’assurance et de sécurité au travail. S’il s’agissait d’un conseil, c’en était un mauvais. S’il s’agissait réellement du plan du requérant, il n’aurait vraisemblablement pas pu le réaliser à la lumière de la preuve quant à sa capacité à travailler. Je retiens le témoignage du requérant concernant les limitations fonctionnelles dont il souffre et qui l’empêchent de travailler.

[48] Le requérant s’est conformé à l’obligation de prendre des mesures pour gérer ses problèmes médicaux. Une intervention chirurgicale n’est pas indiquée pour le requérantNote de bas page 25. Il est traité par son médecin de famille et par M. Kelly. Il a suivi des séances de physiothérapie jusqu’à ce que ces traitements ne soient plus couverts par son assurance. Il espère subir une autre opération au genou, mais aucune n’est planifiée. Il prend des médicaments contre la douleur (Tramadol) ainsi que des médicaments pour ses troubles mentaux (Paxil, Amitriptyline et Lorazépam). M. Kelly a traité le requérant au moyen d’une thérapie cognitivo-comportementale, et il a décrit le requérant comme étant coopératifNote de bas page 26.

[49] L’employabilité du requérant serait vraisemblablement parsemée d’obstacles en raison de ses circonstances personnelles. Le requérant a 53 ans et a terminé sa onzième année. Il occupait un poste comportant d’importantes mesures d’adaptation chez un employeur dont le milieu de travail est syndiqué, et pour lequel il travaillait depuis de nombreuses années. Il ne détient pas de compétences transférables aisément repérables tirées de ses nombreuses années comme bagagiste à l’aéroport, ou dans le poste adapté qu’il a occupé par la suite, où il remettait des radios. Quoi qu’il en soit, d’après la preuve médicale produite par le requérant – établissant ses restrictions physiques (telles que décrites dans la décision de la division générale) et ses limitations liées à ses troubles psychologiques – il devrait surmonter des obstacles réels pour se réorienter.

[50] Le requérant a démontré qu’il était en novembre 2016 régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Ses limitations fonctionnelles, c’est-à-dire tant ses douleurs chroniques que ses troubles psychologiques (notamment son anxiété), font en sorte qu’il est régulièrement incapable d’occuper tout emploi véritablement rémunérateur. Il a collaboré à ses traitements, et il détient peu de compétences transférables, voire aucune. Le requérant ne détenait pas même de capacité résiduelle de travailler en novembre 2016, lorsque M. Kelly lui a attribué un score de 50 sur l’EGF.

Le requérant est atteint d’une invalidité prolongée

[51] L’invalidité du requérant est prolongée et d’une durée indéterminée, ce qui correspond à une invalidité prolongée au sens du RPC.

[52] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, un requérant doit être atteint d’une invalidité grave et prolongée. Selon le RPC, une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 27.

[53] Le requérant souffre de maux de dos persistants depuis 2008Note de bas page 28. Son médecin de famille a affirmé que selon son pronostic, ces maux sont vraisemblablement chroniquesNote de bas page 29. Le 20 mai 2015, le Dr Milner a indiqué qu’il était [traduction] « peu probable qu’il y ait amélioration » dans un formulaire rempli pour le requérant, à la rubrique concernant le pronosticNote de bas page 30. M. Kelly a traité le requérant au moyen d’une thérapie cognitivo-comportementale, mais il n’y a eu aucun changementNote de bas page 31. M. Kelly a souligné que le pronostic était inconnuNote de bas page 32.

[54] Je conclus que l’invalidité du requérant est prolongée au sens du RPC. Ses problèmes médicaux, à savoir ses maux de dos et ses troubles psychologiques, durent depuis une période longue et continue, et les traitements qu’il a suivis n’ont apporté aucune amélioration.

Conclusion

[55] L’appel est accueilli. Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité en juin 2016. Il a démontré qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2016, date à laquelle M. Kelly a expliqué les répercussions que les troubles psychologiques du requérant avaient sur sa capacité à travailler. Les versements commencent quatre mois après la date où le requérant est devenu invalide. Par conséquent, la pension est payable à compter de mars 2017.

Heard on:

Le 2 avril 2019

Method of proceeding:

Teleconference

Appearances:

John MacKinnon, représentant de l’appelant
Sandra Doucette, représentante de l’intimé

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