Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division d’appel renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] S. D. (le requérant) travaillait comme manœuvre général en 2002 lorsqu’il s’est blessé au genou. Il a cessé de travailler. Il a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) en 2015. Le ministre a refusé sa demande une première fois, puis une seconde fois après révision. Il a interjeté appel devant notre Tribunal, et la division générale a rejeté l’appel le 31 octobre 2018.

[3] La division d’appel doit déterminer si le requérant a prouvé qu’il était plus probable qu’improbable que la division générale ait commis une erreur visée par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[4] La division d’appel conclut qu’il y a eu erreur et, en conséquence, accueille l’appel.

Questions préliminaires

[5] Le ministre a fait valoir que le requérant a présenté devant la division d’appel une nouvelle preuve concernant son niveau d'alphabétisation, preuve qui n’avait pas été présentée à la division générale.

[6] À moins qu’une exception ne s’applique, la division d’appel n’admet pas de nouveaux éléments de preuve lors de l’appelNote de bas de page 1. Aucune exception à cette règle ne s’applique dans le cas présent. Par conséquent, je n’ai tenu compte d’aucun élément de preuve concernant le perfectionnement ou l’alphabétisation du requérant qui n’était pas déjà dans le dossier dont la division générale était saisie.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a affirmé que les rapports produits au dossier dont la date est antérieure à celle où la période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin ne traitaient pas de la dépression du requérant?

Analyse

Examen de la décision de la division générale par la division d’appel

[8] La division d’appel ne donne pas aux parties la possibilité d’exposer de nouveau leur point de vue intégralement au cours d’une nouvelle audience. La division d’appel effectue plutôt un examen de la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient des erreurs. Cet examen repose sur le libellé de la Loi sur le MEDS, laquelle énonce les moyens d’appel qui peuvent être invoqués devant la division d’appelNote de bas de page 2.

[9] La Loi sur le MEDS énonce que la division générale commet une erreur factuelle lorsqu’elle fonde sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 3. Pour qu’un appelant ait gain de cause devant la division d’appel, les dispositions législatives exigent que la conclusion de fait soit déterminante (« a fondé sa décision sur ») et inexacte (« erronée »), et qu’elle soit tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans que la division générale ne tienne compte des éléments portés à sa connaissance.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a affirmé que les rapports produits au dossier dont la date est antérieure à celle où la PMA a pris fin ne traitaient pas de la dépression du requérant?

[10] La division générale a commis une erreur de fait lorsqu’elle a affirmé que les rapports produits au dossier dont la date est antérieure à celle où la PMA a pris fin ne traitent pas de la dépression du requérant. Il s’agit d’une erreur, car il y a des notes cliniques qui font mention de la dépression du requérant à compter de cette époque, et la division générale a fondé sa décision sur cette erreur.

[11] Pour être admissible à une pension d’invalidité, le requérant doit démontrer qu’il souffre d’une invalidité grave et prolongée pendant la PMA. La PMA est calculée selon les cotisations du requérant au titre du RPC.

[12] Pour décider si une invalidité est grave, la division générale doit évaluer l’état de santé du requérant dans son ensemble, ce qui signifie qu’elle doit tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 4.

[13] Selon la décision de la division générale, [traduction] « [l]es rapports produits au dossier dont la date est antérieure à celle où la PMA a pris fin ne font pas mention de la dépression [du requérant] »Note de bas de page 5. Le membre de la division générale a conclu que le requérant souffrait de douleurs au genou, mais qu’il détenait une capacité résiduelle de travailler. Par conséquent, la division générale devait déterminer si les efforts déployés par le requérant pour se trouver et conserver un emploi avaient été infructueux en raison de son état de santé. Le membre de la division générale a reconnu qu’il devait tenir compte de l’état de santé du requérant dans son ensemble, et c’est ce qu’il a faitNote de bas de page 6.

[14] La PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2004Note de bas de page 7. Au moyen de notes manuscrites dont les dates remontent aussi loin que mai 2004, et d’autres dates subséquentes, le médecin de famille du requérant lui a prescrit du Paxil (un antidépresseur)Note de bas de page 8. Il fait directement référence à une dépression dans ces notes, dans une inscription qui semble datée de décembre 2004Note de bas de page 9. En outre, le psychiatre du requérant précise dans un rapport daté du 20 janvier 2006 que le requérant se sent déprimé depuis environ deux ansNote de bas de page 10.

[15] Le requérant soutient que la division générale a conclu qu’à la fin de la PMA, il ne souffrait pas d’un trouble psychiatrique. Il s’agit selon lui d’une conclusion de fait erronée puisque son médecin de famille l’avait traité pour une dépression après sa blessure et avant la date de fin de la PMA. Le requérant souligne en outre que ce n’est que l’aiguillage vers un psychiatre qui a eu lieu après la date où la PMA a pris fin.

[16] Le ministre affirme que la division générale n’a pas commis d’erreur. Il fait valoir que l’auteur de la décision de la division générale s’est mal exprimé lorsqu’il a précisé que les rapports produits au dossier dont la date est antérieure à celle où la PMA a pris fin ne font pas mention de la dépression du requérant. Le ministre est d’avis que ce choix de mots n’invalide pas la décision. Le ministre souligne que la division générale n’a pas à faire état de chacun des éléments de preuve soumis. Il affirme aussi que la division générale est présumée avoir tenu compte de tous les éléments de preuve, même si elle omet de mentionner un élément en particulier dans la décisionNote de bas de page 11. La division générale a précisément affirmé dans son analyse [traduction] « [qu’]il y a bon nombre de rapports médicaux au dossier, lesquels ont tous été pris en compte »Note de bas de page 12.

[17] Je conclus que la division générale a commis une erreur de fait. La division générale a conclu que les rapports au dossier dont la date est antérieure à la fin de la PMA ne traitaient pas de la dépression du requérant. Selon moi, les notes cliniques font partie de ces « rapports ». L’affirmation de la division générale concernant les éléments de preuve relatifs à la dépression du requérant qui existaient avant la fin de la PMA est erronée. Il y avait effectivement des notes cliniques au dossier démontrant que le requérant était traité pour une dépression par son médecin de famille avant la fin de la PMA. Les notes étaient manuscrites et quelque peu difficiles à lire, mais elles étaient bel et bien au dossier.

[18] La division générale est présumée avoir examiné tous les éléments de preuveNote de bas de page 13. Toutefois, une exception à cette règle s’applique lorsqu’un élément de preuve revêt une importance telle qu’il aurait dû faire l’objet d’une analyseNote de bas de page 14.

[19] Comme le requérant l’a souligné, le caractère suffisant des motifs n’est pas en jeu, en ce sens que la division générale n’aurait pas tenu adéquatement compte de certains documents médicaux dans sa décision. L’erreur provient plutôt du fait que la division générale a conclu à l’absence d’un certain type de documents au dossier. Je ne souscris pas à l’argument du ministre voulant qu’il ne s’agissait simplement que d’un mauvais choix de mots.

[20] La conclusion erronée du membre de la division générale était importante, c’est-à-dire qu’elle a eu une incidence directe sur l’issue de l’affaire. La décision était essentiellement fondée sur un seul des troubles du requérant au moment où la PMA a pris fin, mais le dossier démontre qu’il souffrait de deux troubles. Tous les troubles doivent être pris en compte, et non seulement le trouble principal. La division générale a fondé sa décision sur cette erreur : le membre a commis une erreur fondamentale quant aux troubles dont le requérant souffrait avant la fin de la PMANote de bas de page 15.

Réparation

[21] La division d’appel dispose de plusieurs moyens pour corriger les erreurs commises dans les décisions de la division générale. La division d’appel peut notamment rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 16.  La division d’appel peut trancher toute question de droit ou de fait qui lui a été présentéeNote de bas de page 17.

[22] Le Règlement du Tribunal de la sécurité sociale exige que la division d’appel veille à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 18. Souvent, il est plus efficace pour la division d’appel de rendre simplement la décision que la division générale aurait dû rendre. Cependant, la division d’appel peut parfois conclure qu’il convient de renvoyer l’affaire à la division générale, notamment lorsque le dossier est incomplet en raison d’un manquement à la justice naturelle.

[23] Le représentant du requérant souligne que ce dernier a participé à plusieurs audiences concernant ses troubles, devant différentes instances. Il a affirmé qu’il serait préférable pour le requérant d’éviter une nouvelle audience, mais a ajouté qu’il ne s’agissait pas d’une préférence marquée.

[24] Le ministre a soutenu que si la division d’appel concluait à l’existence d’une erreur, il pourrait être nécessaire de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. Le ministre a souligné que le dossier pourrait ne pas être complet pour au moins deux raisons. Premièrement, le requérant tentait de s’appuyer sur une nouvelle preuve à propos de son niveau d’alphabétisation devant la division d’appel, et cette preuve ne figurait pas au dossier présenté à la division générale. Deuxièmement, comme l’a affirmé le ministre, il n’y a pas d’enregistrement de l’audience tenue devant la division générale.

[25] Il me serait certes plus efficace de simplement rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, mais l’équité m’empêche de le faire. Le dossier n’est pas complet. Malheureusement, il n’y a pas d’enregistrement de l’audience tenue devant la division générale. Je ne peux, en toute équité, tirer de conclusion quant à l’admissibilité du requérant à une pension d’invalidité dans ce cas précis sans examiner son témoignage. 

[26] Je ne peux avoir la certitude que le requérant a témoigné au sujet des limitations fonctionnelles attribuables à la dépression dont il souffrait à la date où la PMA a pris fin, qui seraient pertinentes pour mon analyse. En outre, il m’est difficile de savoir ce qu’a relaté le requérant au sujet de ses circonstances personnelles, surtout en ce qui concerne ses compétences linguistiques, son niveau de scolarité ainsi que ses antécédents de travail et ses expériences de vie.

[27] À la prochaine audience, il serait particulièrement utile que le requérant rende témoignage sur son niveau d’alphabétisation, ses limitations fonctionnelles liées à ses deux troubles avant la date où la PMA a pris fin et les efforts qu’il a faits pour suivre une formation de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) (notamment sur la question de savoir si ces efforts ont été fructueux, sur le domaine de formation, sur la question de savoir s’il a réussi le programme et sur les obstacles rencontrés dans ce programme).

Conclusion

[28] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour nouvelle audience.

 

Date de l’audience :

Le 7 juin 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

S. D., Appelant

Leo J. Dillon, représentant de l’appelant

Tiffany Glover, représentante de l’intimé

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