Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – La prestataire soutenait qu’il serait équitable de lui accorder des prestations à partir du moment où elle a reçu un diagnostic de cancer du sein, en avril 2017, jusqu’à un mois après sa dernière chirurgie, qui devait avoir lieu au début de 2019 – Le ministre a soutenu que le problème de santé de la prestataire ne répondait pas à la définition d’invalidité prolongée, parce qu’elle reçoit présentement des traitements et qu’elle s’attend à prendre du mieux et à reprendre ses études – La division générale n’était pas d’accord – Premièrement, un problème de santé qui empêche une personne de travailler ou de fréquenter l’école pendant plus de deux ans est long et continu – Deuxièmement, bien que les médecins de la prestataire aient essayé d’estimer sa période de convalescence, ils étaient dans l’erreur – Il y a présentement de l’incertitude quant au moment où elle se sentira suffisamment bien pour travailler – Il n’est pas nécessaire qu’un problème de santé soit permanent pour être prolongé – La durée prévue de ses limitations est maintenant inconnue – Cela signifie que son invalidité est d’une durée indéfinie.

Contenu de la décision

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Décision

[1] J’ai accueilli l’appel. La requérante, L. H., est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) qui doit être payée à compter de septembre 2017.

Aperçu

[2] La requérante a reçu un diagnostic de cancer du sein en avril 2017. Elle a subi une chirurgie et a suivi une chimiothérapie, et elle suit actuellement des traitements de tamoxifène. Elle a demandé une pension d’invalidité du RPC en mars 2018 parce qu’elle n’était pas en mesure de retourner aux études, et elle ne croyait pas qu’elle était capable d’occuper un emploi. Elle dit qu’elle ne s’est pas remise sur le plan émotif ni sur le plan physique des traitements et des chirurgies pour le cancer. Elle est constamment fatiguée et atteinte de douleur aux articulations, et elle ne peut pas dormir. Le manque de sommeil a eu une incidence sur sa mémoire et sa concentrationNote de bas de page 1. Le ministre a rejeté la demande de la requérante et elle en a appelé devant le Tribunal.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, une partie requérante doit avoir cotisé au RPC au cours de la période nommée « période minimale d’admissibilité » ou PMA. La PMA de la requérante prendra fin le 31 décembre 2019. Comme cela se situe dans le futur, elle doit avoir été invalide à la date à laquelle j’ai jugé son appelNote de bas de page 2.

[4] Le RPC dit qu’une invalidité doit être grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 3.

Question en litige

[5] Je dois déterminer si la requérante est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Il revient à la requérante de le prouverNote de bas de page 4.

Analyse

La requérante est atteinte d’une invalidité grave

[6] La requérante a témoigné lors de l’audience. Elle a répondu à mes questions avec spontanéité et précision. Je crois ce qu’elle m’a dit à propos de sa maladie et de la façon dont elle l’affecte. Après avoir examiné sa preuve et les rapports médicaux, je suis convaincue qu’elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Les problèmes de santé de la requérante ont des effets sur sa capacité de travailler

[7] En avril 2017, la requérante avait 44 ans. Elle était mariée et avait un fils de 5 ans. Précédemment, elle avait travaillé comme X, mais alors qu’elle était en congé en raison d’une blessure au dos, elle a décidé qu’elle voulait avoir une carrière qui lui offrirait un meilleur revenu. Elle venait tout juste de commencer une formation de X lorsqu’elle a appris qu’elle avait la mutation génétique BRCA2. Elle a consulté une clinique pour les personnes présentant un risque élevé de cancer et a rapidement passé de nombreux tests qui ont révélé qu’elle était atteinte d’un cancer du sein envahissant. Elle a pris un congé de maladie de ses études. En mai 2017, elle a subi une mastectomie bilatérale et une chirurgie reconstructive, puis elle a suivi quatre cycles de chimiothérapie de juin à aoûtNote de bas de page 5. En octobre, elle a subi une ovariectomie et elle a commencé des traitements de tamoxifène en décembreNote de bas de page 6.

[8] La requérante éprouve des difficultés depuis son diagnostic. Elle est atteinte de problèmes émotifs et de douleur, ainsi que de faiblesse, de fièvre, de toux, d’essoufflement et d’autres symptômes durant et après la chimiothérapie. Elle ressent de la douleur articulaire et de la fatigue, et fait de l’insomnieNote de bas de page 7.

[9] La requérante n’a ni travaillé ni repris ses études depuis mai 2017. Elle croit que sa mémoire et sa concentration sont ses principaux problèmes. Elle a affirmé que son cerveau ne fonctionne simplement pas. Elle cherche ses mots. Elle doit relire les mêmes choses parce qu’elle ne se souvient plus de ce qu’elle vient de lire. Ces difficultés lui causent du stress. Tout cela s’aggrave si elle a mal dormi.

[10] La requérante suit les recommandations médicalesNote de bas de page 8. Elle participe à du counseling pour gérer les effets émotionnels de ses traitements pour le cancerNote de bas de page 9. Elle a affirmé qu’elle faisait aussi des jeux de résolution à la maison et qu’elle suivait des cours au BC Cancer Agency [organisme pour le cancer de la Colombie-Britannique]. Elle a terminé un cours sur la pleine conscience et elle souhaite commencer un cours sur la mémoire, mais ne se sent pas encore prête à le faire.

[11] La requérante consulte son oncologue, Dre Gelmon, tous les deux mois. En mars 2018, Dre Gelmon a décrit les [traduction] « problèmes importants de concentration et de capacité cognitive » de la requéranteNote de bas de page 10. En mars 2019, elle a affirmé que la requérante continuait d’avoir des problèmes à fonctionner et à gérer ses activités quotidiennes, et était certainement incapable de travaillerNote de bas de page 11.

La requérante n’a pas la capacité de travailler

[12] Ma décision à propos du caractère « grave » de l’invalidité de la requérante n’est pas fondée sur la question de savoir si elle est atteinte de déficiences ou a reçu un diagnostic quelconque, mais sur la question de savoir si l’invalidité l’empêche de gagner sa vie en occupant tout type d’emploiNote de bas de page 12. Afin de décider si elle a la capacité de travailler, je dois tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vieNote de bas de page 13.

[13] La requérante est jeune et a des antécédents professionnels variés. En plus d’être X, elle a travaillé dans un bureau et a exploité une garderie en milieu familial. Elle est indéniablement intelligente et a l’avantage que l’anglais soit sa langue maternelle.

[14] Ces qualités positives ne peuvent pas contrebalancer le fait que, depuis mai 2017, la requérante a des difficultés physiques, émotionnelles et cognitives en raison de ses traitements pour le cancer. Je ne crois pas qu’elle ait eu la capacité d’occuper un emploi ou de suivre une formation depuis. Par conséquent, elle n’a pas à démontrer qu’elle a essayé de le faire et n’a pas réussiNote de bas de page 14.

La requérante est atteinte d’une invalidité prolongée

[15] Dans son avis d’appel, la requérante a affirmé qu’elle ne demandait pas de toucher une pension d’invalidité indéfiniment. Elle a soutenu qu’il serait juste de lui accorder des prestations à partir du moment où elle a reçu son diagnostic de cancer du sein en avril 2017, jusqu’au mois qui a suivi sa dernière chirurgie, qui était prévue pour le début de 2019Note de bas de page 15.

[16] Les prestations d’invalidité du RPC ne visent pas des périodes temporaires. L’invalidité d’une personne doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Le ministre fait valoir que la maladie de la requérante ne répond pas à cette définition parce que la requérante suit actuellement des traitements et qu’elle s’attend à ce que son état s’améliore et à reprendre ses études.

[17] Je ne suis pas de cet avis. Tout d’abord, plus de deux ans se sont écoulés depuis que la requérante a subi sa première chirurgie. Cela fait presque deux ans que sa chimiothérapie est terminée. Elle suit des traitements de tamoxifène depuis presque 18 mois. Son traitement lui a causé des effets secondaires importants depuis mai 2017. J’estime qu’un problème de santé qui empêche une personne de travailler ou d’être aux études pendant plus de deux ans dure pendant une période longue et continue.

[18] Ensuite, bien que les médecins de la requérante ont essayé d’estimer la durée de son rétablissement, elles se sont trompées. En février 2018, Dre Gelmon a affirmé que la requérante [traduction] « ne peut certainement pas reprendre le travail avant 6 à 12 mois », car elle devait subir d’autres chirurgies et suivre d’autres traitements, elle ressentait une fatigue et une douleur importante et elle avait des problèmes de concentration et de mémoireNote de bas de page 16. Le mois suivant, Dre Gelmon a déclaré qu’elle espérait que l’état de la requérante s’améliorerait, pour qu’elle soit en mesure de retourner au travail [traduction] « mais je ne prévois pas que cela se produise avant au moins un an, en raison de la gravité de ses symptômesNote de bas de page 17. » En septembre 2018, la chirurgienne de la requérante, Dre Van Laeken, a laissé entendre que la requérante ne devrait pas penser à retourner au travail avant au moins six à neuf moisNote de bas de page 18.

[19] Ces dates de rétablissement prévu sont maintenant passées. On ne sait plus quand elle se portera assez bien pour travailler. En août 2018, Dre Gelmon a affirmé qu’elle ne pensait pas que l’état de santé de la requérante serait permanent, mais que la requérante aurait besoin [traduction] « probablement d’un an », après lequel elle pourrait possiblement commencer un retour progressif au travail ou aux études. Dre Gelmon a ajouté que cette période d’un an constituait une estimation et que la requérante devait être évaluée pendant ce temps. En avril 2019, les personnes que la requérante voyait en counseling pouvaient seulement affirmer que cela prendrait du temps avant qu’elle n’ait plus de symptômesNote de bas de page 19. On ne sait pas à quel point les symptômes de la requérante sont liés au tamoxifène, mais elle prendra ce médicament pendant au moins cinq ans à partir de décembre 2017Note de bas de page 20. On ne peut que conjecturer que le traitement de la requérante sera terminé et qu’elle n’aura plus de limitations fonctionnelles en décembre 2022.

[20] Un état de santé n’a pas à être permanent pour être prolongé. Le fait qu’un médecin s’attende à ce qu’un état de santé s’améliore ne signifie pas qu’il ne durera pas pour une période indéfinie. En l’espèce, il existe une incertitude médicale quant au moment du rétablissement de la requérante. Elle veut poursuivre ses études. Toutefois, son état ne s’est pas assez amélioré pour le faire, malgré le fait que la date de rétablissement prévu est maintenant passée. Je ne vais pas la blâmer pour son optimisme. La durée prévue de ses limitations est actuellement inconnue. Cela signifie que son invalidité est d’une durée indéfinie.

Conclusion

[21] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en mai 2017, lorsqu’elle a arrêté ses études et a commencé ses traitements. Les versements commencent quatre mois après la date du début de l’invalidité, soit à partir de septembre 2017Note de bas de page 21.

[22] L’appel est accueilli.

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