Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à compter d’avril 2016.

Aperçu

[2] La requérante avait 36 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en mars 2017. Son dernier emploi était dans le domaine de la préparation en cuisine chez X. Elle a été impliquée dans un accident de voiture en mai 2015. Dans le questionnaire relatif au RPC, elle a déclaré avoir été incapable de travailler depuis le 1er juin 2015 en raison d’une hernie discale et d’un nerf coincé au niveau L5-S1. Le ministre a rejeté la demande en déclarant que la requérante n’était pas atteinte de déficiences graves qui l’empêcheraient de travailler. La requérante a interjeté appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Est-ce que les problèmes de santé de la requérante ont fait en sorte que cette dernière a une invalidité grave qui la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2018?

[4] Le cas échéant, l’invalidité de la requérante s’est-elle étendue sur une période longue, continue et indéfinie à cette date?

Analyse

Critère relatif à une pension d’invalidité

[5] La requérante doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est devenue invalide à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date, calculée en fonction des cotisations qu’elle a versées au RPC. Sa PMA prend fin le 31 décembre 2018Note de bas de page 1.

[6] L’invalidité est définie comme une déficience physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 2. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Invalidité grave

Les problèmes de santé de la requérante ont interféré avec sa capacité de travailler

[7] La requérante avait des antécédents de problèmes physiques avant l’accident de voiture de 2015. En 2010, elle a subi des blessures au tissu mou de l’épaule gauche et du haut du dos au travail, mais elle s’est complètement remise. En 2012, elle a reçu un diagnostic de fracture de la colonne thoracique. La cause était inconnue, et la fracture a complètement guéri. En octobre 2014, elle a subi une nouvelle blessure et elle avait des douleurs résiduelles intermittentes à l’épaule gauche et au milieu du dosNote de bas de page 3.

[8] La requérante a déclaré que son problème physique principal était une douleur au bas du dos allant jusqu’aux hanches et aux jambes. Elle est toujours à un niveau de deux ou trois sur dix, mais la douleur est exacerbée par l’activité physique. Son médecin de famille déclare que la seule solution possible serait une chirurgie, mais qu’elle est trop jeune. De plus les chances de succès sont seulement d’une sur deux. Elle déclare également souffrir de migraines, qui se manifestent soudainement et qui durent de quelques heures à quelques jours. Elle a déjà eu une migraine ayant duré trois semaines. Lorsqu’elle a une migraine, elle doit rester au lit la majeure partie de la journée. Elle a également des problèmes de sommeil.

[9] La requérante a déclaré que sa douleur dorsale limite sa capacité d’effectuer ses activités quotidiennes. Elle peut faire l’épicerie, mais elle amène son fils afin qu’il transporte les articles lourds. Elle est incapable de cuisiner. Lors d’une bonne journée, elle peut faire la plupart des tâches ménagères, mais il lui fait plus de temps qu’auparavant. Étant donné que l’activité physique accentue ses douleurs, elle consomme de la marijuana à des fins médicales tout au long de la journée lorsqu’elle est à son domicile.

[10] Le principal problème de santé de la requérante est la douleur chronique. Les rapports d’imagerie prouvent l’existence de déficiences relativement à son dos. En mai 2015, une radiographie de la colonne thoracique a démontré l’existence d’une discopathie dégénérative dans la colonne thoracique moyenneNote de bas de page 4. En septembre 2015, une tomodensitométrie de la colonne lombaire a révélé l’existence d’une protrusion discale des deux vertèbres lombaires inférieuresNote de bas de page 5. En août 2016, un examen par IRM de la colonne lombaire a permis de démontrer l’existence d’une hernie discale médiale modérée à L5-S1 avec un contact mineur à la racine nerveuse de la vertèbre S4Note de bas de page 6.

[11] En mars 2016, le Dr Edward Telford, médecin de famille, a posé un diagnostic de blessures au tissu mou avec des antécédents de discopathie dégénérative. Depuis juin 2015, il a déclaré que la requérante avait des problèmes continus de douleurs au bas dos et au fessier, de douleurs aux hanches, de maux de tête et de douleurs lancinantes aux jambesNote de bas de page 7.

[12] Dans son rapport médical du RPC de juillet 2017, le Dr C. Ajogwa, médecin de famille, a déclaré que la requérante était atteinte d’une douleur lombaire chronique et grave causée par une hernie discale centrale et une radiculopathie lombaire. Après examen, elle avait une sensibilité au bas du dos et aux hanches, et sa démarche était irrégulière. Elle était également atteinte de névralgie sciatique et de sacro-iliiteNote de bas de page 8. En 2016-2017, plusieurs spécialistes l’ont examinée et ils ont déclaré qu’elle souffrait de douleurs chroniquesNote de bas de page 9. En août 2016, elle a dit au Dr David Taylor, chirurgien orthopédiste, que sa douleur au bas du dos variait en intensité, passant de trois à neuf sur dixNote de bas de page 10.

[13] À bon nombre d’occasions, la requérante a déclaré avoir de la difficulté à dormir. En février 2015, elle a dit au Dr Peter Cobrin, psychologue, que le sommeil lui causait des douleursNote de bas de page 11. En février 2017, la requérante a déclaré que sa douleur dorsale perturbait son sommeil, causant un sentiment d’épuisement et de manque d’énergie pendant la journée. Note de bas de page 12 Dans son questionnaire relatif au RPC de mars 2017, elle a déclaré qu’elle se réveillait plusieurs fois pendant la nuit ou qu’elle était incapable de s’endormir en raison de la douleurNote de bas de page 13.

[14] En 2015-2016, la requérante a déclaré de façon constante qu’elle souffrait de maux de tête trois ou quatre fois par semaine et que ces maux de tête pouvaient durer quelques heures ou quelques jours. Les médicaments n’étaient pas efficaces pour traiter ces maux de têteNote de bas de page 14.

[15] Le ministre s’est fondé sur un certain nombre de rapports médicaux produits par la compagnie d’assurance afin de conclure que la requérante n’était pas atteinte d’une déficience grave. Les rapports les plus pertinents sont ceux du Dr Richard McLachlin, neurologue, et du Dr David Taylor, chirurgien orthopédiste. En mai 2016, le Dr McLachlan a déclaré que même si la requérante n’était pas atteinte d’une blessure au système nerveux en raison de l’accident de 2015, son [traduction] "principal problème constant est une douleur lombaire musculo-ligamentaire antérieure qui a ensuite été aggravée par l’accidentNote de bas de page 15".

[16] Les rapports d’août 2016 et de septembre 2016 du Dr Taylor ont permis de conclure que la requérante [traduction] "n’était pas atteinte d’une déficience causée directement par l’accident" [mis en évidence par la soussignée], ce qui signifiait qu’elle ne pouvait pas effectuer les tâches essentielles de son occupation précédente. Toutefois, il a reconnu l’importance des conclusions des rapports d’imagerie selon lesquelles ses déficiences étaient liées à l’âge de la requérante. Il a également reconnu qu’elle continuait de souffrir de douleur dorsale chronique. Le Dr Taylor a déclaré que le pronostic de douleur chronique était réservé étant donné sa durée et les limitations signalées par la requéranteNote de bas de page 16. Le facteur clé en l’espèce est que le Dr Taylor a reconnu que la requérante souffrait de douleurs chroniques; il est pertinent de souligner aux fins de la pension d’invalidité du RPC que cela aurait pu être lié à l’âge de la requérante, et non à un accident de voiture.

[17] La requérante a suivi les recommandations de traitement. En mars 2016, le Dr Telford a déclaré qu’elle avait pris des anti-inflammatoires et des traitements dans des spas et des saunasNote de bas de page 17. Elle a subi 54 traitements de physiothérapie de juin 2015 à avril 2016, soit au moment où la compagnie d’assurance a cessé de payerNote de bas de page 18. À différents moments, elle a essayé l’amitriptylineNote de bas de page 19, le Lyrica pour traiter la douleur neuropathique, un relaxant musculaire, le Tylenol no 3, un antidépresseur et le Zomig pour les migrainesNote de bas de page 20. En octobre 2017, elle prenait seulement un anti-inflammatoireNote de bas de page 21. À partir d’avril 2017, le Dr Ajogwu lui a donné des injections pour ses douleurs aux hanches et au dos, mais en vain selon la requéranteNote de bas de page 22. En 2017, elle n’était pas en mesure de s’offrir les médicamentsNote de bas de page 23. Elle consomme maintenant de la marijuana à des fins médicales, mais elle ne peut pas en consommer lorsqu’elle travaille. Cela atténue sa douleur au bas du dos ainsi que celle irradiant dans ses jambes. Elle a déclaré qu’elle est sur une liste d’attente en vue d’un rendez-vous dans une clinique de traitement de la douleur.

[18] Compte tenu des douleurs chroniques au dos et au fessier, des maux de tête et de l’insomnie de la requérante, combinés aux limitations ultérieures et à l’absence de traitement permettant d’offrir un soulagement important, j’estime que ses problèmes de santé physiques ont interféré avec sa capacité de travailler.

La prestataire était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2018

[19] Ce n’est pas le diagnostic de la maladie, mais plutôt la capacité de travailler du requérant qui « détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPCNote de bas de page 24”. De plus, lorsqu’il y existe une preuve d’aptitude au travail, une personne doit montrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santéNote de bas de page 25.

[20] La requérante a essayé de retourner travailler chez X à deux reprises peu de temps après son accident de juillet 2015. Cet emploi demandait d’être souvent en position debout et assise, de lever des boîtes de nourriture et de maintenir une position accroupie de façon continue à l’occasionNote de bas de page 26. En raison de sa douleur, elle a été incapable de continuer à occuper cet emploiNote de bas de page 27. Elle a déclaré avoir cherché plusieurs types d’emplois depuis, mais qu’elle avait de la difficulté à trouver un emploi adapté à ses limitations. Le Dr Ajogwu a déclaré qu’elle ne pouvait pas se pencher ou soulever d’objets lourds et qu’elle ne pouvait pas demeurer en position assise pendant plus d’une heure ou demeurer en position debout pendant plus de 15 minutesNote de bas de page 28. Toutefois, tous les emplois de secrétariat nécessitaient le soulèvement de boîtes de dossiers. Les emplois de réceptionniste demandaient de tendre les bras plus haut que les épaules. Un emploi de bibliothécaire demande le soulèvement d’objet pouvant peser jusqu’à 25 livres, soit 20 livres de plus que le poids recommandé par son médecin de famille. De plus, elle a essayé de retourner travailler chez X en 2017, mais en vainNote de bas de page 29.

[21] Deux évaluateurs ont déclaré que la requérante avait conservé la capacité de travailler. En décembre 2016, Deborah Kemp, ergothérapeute, a déclaré que la requérante serait une candidate pour un emploi à temps partiel exigeant peu d’efforts physiquesNote de bas de page 30. En février 2017, le rapport de Steve Van Eindhoven, consultant en réadaptation professionnelle, a proposé qu’elle essaie de se recycler en informatique et de suivre un programme de placement professionnel en vue d’obtenir un emploi de bureau au premier échelonNote de bas de page 31.

[22] Même si les récents antécédents professionnels de la requérante démontrent qu’elle a conservé la capacité de travailler, cela ne signifiait pas qu’elle était régulièrement capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur. En mai 2018, elle a suivi un cours de quatre jours en introduction à la tenue de livres. En décembre 2018, elle a commencé à suivre une formation chez X et a obtenu un certificat à titre de fiscaliste niveau 1. En février 2019, très peu de temps après la fin de la PMA, elle a commencé à occuper un emploi contractuel de 40 heures par semaine ayant pris fin cinq jours après l’audienceNote de bas de page 32. Elle a déclaré que son médecin de famille préférait qu’elle n’accepte pas l’emploi, mais qu’il l’a autorisé à le faire parce qu’elle n’avait pas à soulever d’objets.

[23] La requérante a déclaré avoir entendu parler du poste chez X par l’intermédiaire d’un membre de sa famille qui a pris des dispositions afin qu’elle puisse suivre le cours de formation à moitié prix. Elle a manqué six classes pendant les séances de formation en raison de son état de santé. Le bureau de son employeur avait une importante pénurie de personnel, et son employeur lui a offert un certain nombre de mesures d’adaptation. Par exemple, contrairement à d’autres membres du personnel, elle était autorisée à prendre des feuilles de papier de l’imprimante au bureau, ce qui lui donnait la chance de ne pas demeurer en position assise. Elle était autorisée à quitter le bureau plus tôt et elle a conservé son emploi malgré un taux d’absentéisme notable. Elle a manqué deux semaines et demie de travail après le début de son emploi en février en raison d’une douleur dorsale et de maux de tête. Son médecin de famille lui a conseillé de ne pas continuer à travailler.

[24] Un certain nombre de facteurs aident à déterminer si une partie requérante est régulièrement capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur :

  • l’emploi est véritablement rémunérateur;
  • la partie requérante est capable de se présenter régulièrement au travail;
  • la partie requérante travaille contre les recommandations d’une ou d’un médecin;
  • l’employeur est bienveillantNote de bas de page 33.

[25] J’estime que l’emploi de la requérante chez X n’a pas établi qu’elle est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’expression « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 34. En 2019, la somme annuelle maximale de la pension d’invalidité du RPC est d’environ 16 300 $. Selon les dossiers de rémunération de la requérante, celle-ci a touché 2 044 $ dans les six semaines suivant le début de son emploi le 10 février 2019Note de bas de page 35. Même si son emploi lui avait permis de toucher une somme supérieure en avril, elle serait encore à un niveau bien inférieur de la somme correspondant à un emploi véritablement rémunérateur.

[26] La requérante a déclaré que, en raison de ses maux de tête et de sa douleur dorsale, sa présence au travail était irrégulière. Selon son bordereau de paie, elle a manqué une semaine de travail en mars et en avrilNote de bas de page 36. De plus, elle a déclaré qu’elle avait seulement effectué un quart pendant la semaine précédant l’audience. La prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du RPC, et la requérante a prouvé qu’elle n’est pas une employée fiableNote de bas de page 37. Elle a déclaré qu’elle aimait beaucoup son emploi. Je suis convaincue qu’elle aurait travaillé à temps plein si ses problèmes de santé lui avaient permis de le faire et qu’elle n’avait pas la capacité régulière de détenir un emploi véritablement rémunérateur.

[27] La requérante a déclaré qu’elle travaillait au moment de l’audience même si le médecin lui a déconseillé de le faire.

[28] L’employeur de la requérante était bienveillant étant donné qu’il a toléré ses absences fréquentes du travail pendant sa courte période d’emploi. Toutefois, il n’est pas attendu que la partie requérante trouve un employeur philanthrope, compréhensif et souple qui soit prêt à l’aider à travailler en dépit de ses incapacitésNote de bas de page 38.

[29] Pour déterminer si la requérante est atteinte d’un problème de santé grave, je dois adopter une approche « réaliste » et tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience de vieNote de bas de page 39. La requérante était seulement dans la fin trentaine en décembre 2018 et elle n’a aucune barrière linguistique. Cependant, ses limitations physiques signifiaient qu’elle ne pouvait pas retourner occuper le type d’emploi exigeant sur le plan physique qu’elle occupait chez X. De plus, son expérience récente de travail sédentaire démontre son incapacité régulière à détenir ce type d’emploi.

[30] Compte tenu les affaires citées au paragraphe 24 ci-dessus ainsi que le « contexte réaliste », je suis convaincue que, même si la requérante avait conservé une capacité de travailler, elle n’avait pas une capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2018 en raison de son état de santé.

[31] Par conséquent, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que l’invalidité de la requérante était grave le 31 décembre 2018.

Invalidité prolongée

[32] La requérante est atteinte de douleur dorsale, de maux de tête et d’insomnie depuis juillet 2015. Le Dr Ajogwu a déclaré que son problème de santé était chroniqueNote de bas de page 40.

[33] L’invalidité de la requérante est d’une durée à la fois longue, continue et indéfinie. Je suis donc d’avis qu’elle est prolongée.

Conclusion

[34] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juin 2016 [2015], soit le moment où elle a cessé de travailler à la suite de son accident de voiture. Cependant, pour calculer la date du versement de la pension, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant que le ministre n’ait reçu la demande de pensionNote de bas de page 41. Le ministre a reçu la demande en mars 2017. La date réputée de début d’invalidité est donc en décembre 2015. La pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité réputée, soit en avril 2016Note de bas de page 42.

[35] L’appel est accueilli.

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