Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contexte

[1] Le requérant a présenté une demande de prestations d’invalidité le 21 mars 2012. Sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin le 31 décembre 2013. La division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté sa demande en janvier 2016, lors d’une audience en personne. La membre du Tribunal a relevé « très peu d’éléments de preuve objectifs » de l’invalidité à la fin de la PMA. Le requérant a interjeté appel.

[2] Le 23 mars 2018, la division d’appel du Tribunal a accordé la permission d’en appelerNote de bas de page 1 et a accueilli l’appelNote de bas de page 2. Elle a renvoyé l’affaire à la division générale pour la tenue d’un examen « de novo » (nouvel examen),conformément aux dispositions de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Dans sa décision, la division d’appel a précisé ceci :

Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue devant un membre différent.

[3] Une audience de novo (nouvel examen) a eu lieu en personne le 15 octobre 2018. M. Yormak a comparu au nom du requérant. Le ministre n’était pas présent. Il a été déterminé s’il était convenable que le même membre de la division générale procède à un examen de novo (nouvel examen). M. Yormak a demandé que je me récuse après avoir ouvertement reconnu que lors de la préparation en vue de l’audience, j’avais consulté et examiné 53 documents différents, dont les suivants :

  • le dossier original et la décision de la division générale;
  • l’enregistrement audioNote de bas de page 3 de l’audience précédente;
  • deux décisions de la division d’appel concernant les questions à trancher à l’audience;
  • les arguments que les parties ont présentés à la division d’appel.

[4] Le représentant du requérant soutient qu’il y a une injustice fondamentale dans cette approche d’un examen de novo (nouvel examen) et que cela est contraire à la notion d’équité procédurale. Il a présumé qu’il semblait y avoir une crainte de partialité. M. Yormak a soutenu que le dossier présenté au membre responsable de l’examen de novo (nouvel examen) ne devrait constituer ni plus ni moins que les mêmes éléments que le dossier dont disposait l’ancienne membre de la division générale avant cette procédure d’appelNote de bas de page 4.

[5] De plus, M. Yormak affirme que le membre qui avait révisé la dernière procédure en entier s’était plus que probablement forgé une opinion tranchée sinon une conclusion. Il a récité ma réponse selon laquelle je faisais preuve [traduction] « d’ouverture d’esprit » concernant l’issue éventuelle de l’appel. Je suis d’accord avec son dernier commentaire. J’ai dit à M. Yormak que j’étais prêt à accepter des éléments de preuve supplémentaires, y compris d’autres témoignages, si tel était son désir. L’affaire a été ajournée pour permettre la soumission d’observations écrites sur la question de récusation.

Un renvoi de la division d’appel à un membre de la division générale

[6] La division d’appel peut renvoyer une affaire instruite par le Tribunal à la division générale pour réexamen de la décision initiale. Ce pouvoir lui est conféré par l’article 59 de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 5. La division d’appel peut fournir des directives. Dans la présente cause, elle a ordonné qu’un autre membre de la division générale procède à un examen de novo (nouvel examen).

[7] Ce mode d’audience n’est pas expressément énoncé à l’article 59 de la Loi sur le MEDS. Il n’y avait aucune directive dans la présente cause quant à la nature du « dossier » pour le réexamen de l’affaire. Généralement, un dossier d’appel du Tribunal contient les éléments suivants :

  • les documents et les observations des parties;
  • toute demande présentée conformément au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (p. ex. prorogation de délai, ajournement, partie mise en cause);
  • toute ordonnance interlocutoire;
  • l’enregistrement de l’audience;
  • toute décision.

[8] J’ai eu accès à ces documents (et à l’enregistrement), ainsi qu’à la décision de la division d’appel. Je suis convaincu que l’utilisation de ces renseignements généraux (y compris l’utilisation de l’enregistrement du témoignage à l’audience) a permis de comprendre le contexte, les faits non contestés et les avis médicaux. Le fait de ne pas utiliser ce dossier représenterait une perte de temps et de ressources. Ce principe est appuyé par les tribunauxNote de bas de page 6.

[9] Le représentant du requérant soutient qu’un examen de novo (nouvel examen) n’est pas possible compte tenu de tous les renseignements divulgués au membre. Il fait valoir que les membres ne doivent pas être au courant de la plupart des renseignements figurant au dossier avant qu’un examen de novo (nouvel examen) puisse véritablement avoir lieu. Une décision doit être rendue pour déterminer si une ou un membre de la division générale peut réellement tenir l’audience. Je suis convaincu que c’est le cas.

Analyse

[10] J’estime qu’un examen de novo (nouvel examen) est un mode d’audience autorisé en vertu de la Loi sur le MEDS. L’article 59 de la Loi sur le MEDS confère à la division d’appel le pouvoir d’ordonner à la division générale, en parallèle avec la jurisprudence, de procéder à un examen de novo (nouvel examen).

[11] M. Yormak fait référence à la Cour suprême du Canada, qui a fait la déclaration suivanteNote de bas de page 7 :

L’équité procédurale est un élément essentiel de toute audience tenue devant un tribunal. Le préjudice résultant d’une crainte de partialité est irrémédiable.

[12] Il a expliqué comment différentes sources ont défini le terme « de novo » :

  • Duhaime’s Law Dictionary [dictionnaire juridique Duhaime] : [traduction] « À nouveau, encore une fois. Le terme “de novo” est utilisé pour désigner un procès qui recommence, dont les compteurs sont remis à zéro et qui reprend depuis le début, comme si aucune audience partielle ou complète précédente n’avait eu lieu. »
  • West’s Encyclopedia of Law [encyclopédie du droit West], 2e éd., 2008 : de novo [du latin, novus] [traduction] « Une deuxième fois : à nouveau. Procès ou audience ordonnés par une cour d’appel qui a examiné le dossier d’une audience devant un tribunal inférieur et qui a renvoyé l’affaire au tribunal initial pour la tenue d’un nouveau procès, comme si l’affaire n’avait pas été instruite ni tranchée auparavant. »

[13] À cet égard, M. Yormak ne présente aucune preuve du « préjudice » causé par ma lecture du dossier et des documents mentionnés précédemment ni aucune preuve d’une « crainte » justifiant qu’il serait préférable que je ne tranche pas l’affaire. Le fait que le Tribunal ait examiné la question auparavant ne constitue pas en soi un motif d’exclusionNote de bas de page 8.

[14] Ma position est appuyée par une décision non exécutoire du Tribunal dans laquelle ma collègue, Anne S. Clark, a rendu la décision suivanteNote de bas de page 9 : « En l’absence de directives contraires, les témoignages et les éléments de preuve produits dans le cadre de l’appel précédent peuvent être pris en considération dans une instance visant le réexamen d’une affaire renvoyée à la division générale par la division d’appel ». La loi ne précise pas si la division générale doit entendre de nouveau l’ensemble de la preuve des parties, ou si elle peut simplement fonder sa décision, du moins en partie, sur les éléments de preuve déjà produits dans le cadre de la première audience.

[15] Le Tribunal doit veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances et les considérations d’équité et de justice naturelle permettentNote de bas de page 10. Il est plus efficace de trancher des questions en procédant à un examen minutieux des éléments de preuve déjà produits, plutôt que de demander aux parties de déposer à nouveau leur preuve et de répéter leur témoignage. Avant l’audience, toutes les parties ont reçu une copie de l’enregistrement de l’audience précédente. Aucune question ni objection n’a été soulevée à ce sujet devant la division d’appel lorsque l’appelant a eu l’occasion de le faire. Le représentant aura la possibilité de déposer des éléments de preuve supplémentaires et de clarifier toute preuve produite antérieurement, au besoin.

[16] Le témoignage confirmé par l’appelant lors de la première audience figure au dossierNote de bas de page 11. L’appelant aura toutefois l’occasion de présenter des éléments de preuve, y compris un autre témoignage. Je suis convaincu que l’enregistrement fait partie du dossier dans la présente cause. Les parties savaient que l’audience était enregistrée, et l’enregistrement a été mis à la disposition de la division d’appel, sans que l’une ou l’autre des parties s’y oppose. La division d’appel aurait pu ordonner que l’enregistrement soit effacé du dossier, mais elle ne l’a pas fait. La division d’appel n’a soulevé aucune question de justice naturelle ou d’équité procédurale pouvant justifier le retrait de l’enregistrement.

[17] Les tribunaux ont statué qu’il est permis de procéder à des examens de novo en y intégrant des éléments de preuve antérieurs, étant donné qu’il existe une présomption d’intégrité et d’impartialité de la part du décideurNote de bas de page 12. Le fait qu’un membre de la division générale ait examiné l’affaire auparavant ne constitue pas en soi un motif d’exclusionNote de bas de page 13. Les tribunaux sont d’avis que dans le cadre d’un examen de novo, un juge a le droit de tirer la même conclusion, mais ne doit pas être irrévocablement attaché à une conclusion particulière pour les mêmes raisons que celles données par un juge différent avant de procéder à un examen de novo. C’est le cas dans la présente cause.

[18] Lorsqu’une affaire est renvoyée pour la tenue d’un examen de novo, cela ne signifie pas qu’une ou un deuxième membre ne peut pas ajouter au dossier des documents produits dans le cadre de la première audience. Cela comprend la première décision défavorable du ministre. Le représentant aura amplement le temps de citer et de réviser ces parties de la décision de la division générale avec lesquelles il n’est pas d’accord, et je pourrai rendre une toute nouvelle décision en tenant compte de l’ensemble de la preuve portée à ma connaissance à la fin de l’audience. Compte tenu de tous les éléments de preuve, je peux tenir une deuxième audience tout en faisant preuve d’ouverture d’esprit. J’examinerai tous les éléments de preuve (dont certains peuvent avoir été fondés sur des renseignements incomplets) et tout élément supplémentaire que l’appelant souhaite présenterNote de bas de page 14.

[19] Cette procédure est confirmée dans une décision antérieure de la division d’appelNote de bas de page 15. L’appelant dans la présente cause a demandé que le Tribunal écoute l’enregistrement de l’audience antérieure devant la division générale, lise la décision antérieure de la division générale et tienne une autre audience afin de préciser la preuve ayant déjà été présentée ou d’ajouter de nouveaux éléments. Il a été conclu qu’un réexamen de l’appel, à moins de l’existence de questions de justice naturelle, de partialité ou d’équité procédurale, peut être effectué pour ce motif.

[20] En fin de compte, je ne crois pas que la simple lecture d’une décision antérieure (ou l’écoute de l’enregistrement de cette audience), à laquelle s’oppose l’appelant, puisse mener à une crainte raisonnable de partialité ou puisse empêcher une décision définitive intégrant à la fois les éléments de preuve précédents et les nouveaux, le cas échéant. Il s’agit de la position antérieure de la division d’appel du Tribunal, et j’estime que ce point de vue est convaincant.

Conclusion

[21] La demande de récusation du ministre dans la présente cause est rejetée. Une date sera fixée pour une audience en personne.

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