Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] En 2009, le demandeur, J. P., a été licencié de son emploi de manœuvre des méthodes de production dans une scierie. En 2010, il a reçu un diagnostic de lymphome. Il a suivi des traitements de chimiothérapie, qui ont eu divers effets secondaires, y compris la fracture par compression d’une vertèbre et une thrombose veineuse profonde. L’année suivante, le défendeur, à savoir le ministre de l’Emploi et du Développement social, a accueilli sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

[3] Entre 2012 et 2014, le demandeur a déclaré avoir fait trois tentatives de retour au travail, mais aucune ne s’est poursuivie à long terme. Chaque fois, le ministre a interrompu ses versements de pension d’invalidité, pour les rétablir plus tard. Dans les années qui ont suivi, le demandeur a continué de travailler, en acceptant des emplois auprès d’au moins trois employeurs différents et en touchant des prestations régulières d’assurance-emploi lorsqu’il se trouvait entre deux emplois. Le demandeur n’a pas informé le ministre de ces emplois.

[4] En novembre 2016, le demandeur a cessé de travailler parce qu’il ressentait de l’essoufflement, qu’il attribuait à une insuffisance cardiaque congestive causée par les traitements intensifs de chimiothérapie qu’il avait suivis. Il n’a pas travaillé depuis.

[5] À la suite d’une enquête, le ministre a déterminé que, compte tenu de ses activités professionnelles, le demandeur n’était plus invalide. En juin 2017, le ministre a mis fin à la pension du demandeur et a finalement demandé le remboursement de plus de 42 000 $ de la somme qu’il avait touchée au cours des trois dernières années.

[6] Le demandeur a interjeté appel de la décision du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 8 mai 2019, a rejeté l’appel en concluant que le demandeur n’avait pas démontré qu’il était invalide au sens du Régime de pensions du Canada, dans la période qui a suivi juin 2014. Plus précisément, la division générale a conclu que les gains du demandeur de 21 993 $ en 2014, de 22 713 $ en 2015 et de 35 238 en 2016 démontraient une capacité d’occuper un emploi véritablement rémunérateur.

[7] Le 3 juillet 2019, le demandeur a demandé la permission d’interjeter appel à la division d’appel du Tribunal, alléguant que la division générale avait commis des erreurs. Le demandeur a affirmé ce qui suit :

  • La division générale n’a pas tenu compte de la preuve médicale, plus précisément du rapport de Dr MacEoin daté du 26 février 2018Note de bas de page 1, où il affirmait que la maladie du demandeur était grave et prolongée. Le demandeur a affirmé qu’il se battait contre le cancer une deuxième fois et qu’il avait subi deux crises cardiaques au cours des dernières années.
  • La division générale a ignoré la preuve selon laquelle le demandeur était atteint d’un trouble cardiaque pour lequel il n’avait pas reçu de diagnostic précédemment (qui a été découvert après une deuxième crise cardiaque) et qui pouvait avoir contribué à sa fatigue, son manque de vitalité et son essoufflement en 2014.
  • La division générale a reproché au demandeur d’avoir fait plusieurs tentatives de retour au travail, en ignorant le fait qu’il n’a jamais été capable de continuer à travailler pendant longtemps.

J’ai examiné la décision de la division générale en fonction du dossier et j’ai conclu que le demandeur n’a pas soulevé un motif qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[8] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel à la division d’appel sont les trois suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; elle a commis une erreur de droit; elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel que si la permission d’en appeler est d’abord accordéeNote de bas de page 2. Pour accorder la permission d’en appeler, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a conclu qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droitNote de bas de page 4.

[10] Je dois déterminer si le demandeur a une cause défendable selon les questions en litige suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte d’un des éléments de preuve médicale?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle ignoré la preuve selon laquelle le demandeur était atteint d’un trouble cardiaque pour lequel il n’avait pas reçu de diagnostic précédemment?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle erré lorsqu’elle a conclu que les tentatives de retour au travail du demandeur représentaient une preuve de sa capacité plutôt que de son incapacité?

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis de tenir compte d’un des éléments de preuve médicale?

[11] Selon le demandeur, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve fournie par son médecin de famille, plus précisément d’une lettre datée de février 2018 dans laquelle Dr MacEoin appuyait fermement l’affirmation selon laquelle il était atteint d’une invalidité d’une durée continue.

[12] J’estime que cette affirmation n’est pas défendable.

[13] Même si la division générale n’a fait référence à aucun des rapports de Dr MacEoin dans sa décision, cela ne signifie pas nécessairement qu’elle les a ignorés. J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience tenue le 8 avril 2019 et je constate que le membre de la division générale qui présidait l’audience a mentionné le nom de Dr MacEoin à au moins une repriseNote de bas de page 5. Je ne crois pas qu’on puisse affirmer équitablement que la division générale a fait abstraction de la preuve qu’il a fournie.

[14] Quoi qu’il en soit, il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif responsable de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisi et n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacune des observations déposées par les partiesNote de bas de page 6. Bien que le demandeur puisse ne pas être d’accord avec les conclusions de la division générale, un tribunal administratif est libre d’examiner les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, puis de décider de l’importance à leur accorder.

[15] Dr MacEoin a écrit que, à son avis, l’invalidité du demandeur était grave et prolongée, mais la preuve fournie par le médecin de famille constituait seulement un facteur parmi d’autres dont la division générale devait tenir compte. La division générale avait le droit de porter son attention sur les activités professionnelles du demandeur et d’accorder plus d’importance aux avis de spécialistes tels que Dr Rubin, l’oncologue qui a déclaré que le cancer du demandeur était en rémission et que les traitements du demandeur avaient causé peu d’effets secondairesNote de bas de page 7.

[16] L’évaluation d’une invalidité conformément au Régime de pensions du Canada est un exercice légal tout autant qu’un exercice médical, et l’avis d’un seul médecin ne décide pas nécessairement de l’affaire.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle ignoré la preuve selon laquelle le demandeur était atteint d’un trouble cardiaque pour lequel il n’avait pas reçu de diagnostic précédemment?

[17] Le demandeur affirme qu’il a eu une crise cardiaque le 13 avril 2019, soit quatre jours après l’audience de la division générale. Il soutient que des examens subséquents ont révélé qu’il avait subi un autre accident cardiaque, auparavant inconnu, qui aurait pu s’être produit entre 2014 et 2016, soit la période durant laquelle le ministre prétendait qu’il avait la capacité de travailler.

[18] Je ne constate pas l’existence d’une cause défendable à cet égard non plus.

[19] Premièrement, il est possible que le demandeur a eu une crise cardiaque à un moment donné entre 2014 et 2016, mais on ne peut s’attendre à ce que la division générale en tienne compte si cela n’a été découvert qu’après l’audience.

[20] Deuxièmement, aux termes du Régime de pensions du Canada, la gravité d’une invalidité ne dépend pas du diagnostic établi concernant la maladie du demandeur, mais plutôt de sa capacité de travaillerNote de bas de page 8. Même si le demandeur a eu une crise cardiaque entre 2014 et 2016, cela ne l’a pas empêché de travailler durant cette période. La division générale a largement fondé sa décision sur ces emplois, et non sur le diagnostic de ses troubles de santé.

[21] Finalement, le dossier contient déjà la preuve que le demandeur avait certainement eu, si ce n’est une crise cardiaque, un trouble cardiaque durant la période visée. De plus, la division générale le savait, de toute évidence. Au paragraphe 4 de sa décision, elle a fait remarquer que le demandeur avait cessé de travailler en novembre 2016 en raison de difficultés respiratoires causées par une insuffisance cardiaque congestive. Au paragraphe 15, la division générale a fait référence au rapport de Dr Fibich, daté d’avril 2017, où le dermatologue a noté chez le demandeur une [traduction] « grave insuffisance cardiaque en tant qu’effet secondaire tardif d’une chimiothérapie intensive ».

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle erré lorsqu’elle a conclu que les tentatives de retour au travail du demandeur représentaient une preuve de sa capacité plutôt que de son incapacité?

[22] Le demandeur s’oppose à la conclusion de la division générale selon laquelle son travail entre 2014 et 2016 révélait une capacité régulière d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Il fait valoir qu’il n’aurait pas dû être puni parce qu’il avait déployé des efforts de bonne foi pour retrouver son indépendance financière.

[23] En l’espèce, le demandeur prétend qu’il y a erreur factuelle, mais le libellé de l’article 58(1)(c) de la LMEDS suggère que le critère pour déceler une telle erreur est strict; la décision doit être fondée sur les conclusions prétendument erronées et celles-ci doivent être tirées « de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Autrement dit, une erreur factuelle en elle-même ne peut constituer le fondement sur lequel une décision est annulée; l’erreur doit aussi être significative et flagrante.

[24] En tenant compte de ce qui précède, je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour cet argument. Le demandeur fait remarquer à juste titre que la loi exige qu’une partie requérante de la pension d’invalidité démontre qu’elle a tenté un retour au travail. Toutefois, il a omis de mentionner le deuxième volet de cette obligation, soit qu’elle doit aussi démontrer que de telles tentatives ont été infructueuses en raison de son invaliditéNote de bas de page 9. En l’espèce, la division générale a conclu que le demandeur n’avait pas échoué, mais avait plutôt réussi à régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur pendant la période visée. Je ne crois pas qu’il est illogique de déduire qu’il existe une capacité à partir d’une série d’emplois qui, pour certains, comportaient des exigences physiques et qui ont permis au demandeur de gagner un salaire important durant trois années consécutives, salaire qui s’établissait bien au-dessus du seuil prévu à l’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada. Comme l’a fait remarquer la division générale, deux de ces emplois ont pris fin, non à cause de l’état de santé du demandeur, mais en raison d’une réduction de la production.

[25] Le ministre, suivant l’article 42(2)(a) du Régime de pensions du Canada, a conclu que la situation du demandeur correspondait à la définition du RPC relative à l’invalidité lorsqu’il a approuvé sa pension en 2011. La division générale a conclu que, lorsque le demandeur a déclaré des gains véritablement rémunérateurs en 2014, 2015 et 2016, son invalidité avait cessé d’être grave et prolongée. En l’absence d’une erreur qui relève de l’une des catégories énoncées à l’article 58(1) de la LMEDS, je ne constate aucun motif d’intervenir dans cette conclusion. L’état de santé du demandeur peut s’être détérioré plus tard, mais, comme l’a fait remarquer la division générale, cela ne l’a pas empêché d’être régulièrement capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur de mai 2014 à novembre 2016.

Conclusion

[26] Comme le demandeur n’a invoqué aucun moyen d’appel conférant à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

J. P., non représenté

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