Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] Le requérant est un homme de 56 ans qui a travaillé pendant de nombreuses années comme mécanicien de locomotive pour X. Il a cessé de travailler en décembre 2012 parce qu’il s’est blessé au dos. Il a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en novembre 2015 et, dans sa demande, il a déclaré qu’il était incapable de travailler en raison de douleurs au dos et à la hanche. Le ministre a rejeté la demande une première fois, puis il l’a rejetée de nouveau après révision. Le requérant a porté en appel au Tribunal de la sécurité sociale la décision issue de la révision.

[3] L’appel du requérant a été entendu par un membre du Tribunal en mars 2018. Ce membre du Tribunal a déterminé que le requérant n’était pas admissible aux prestations d’invalidité. Le requérant a interjeté appel de cette décision et, dans une décision datée de février 2019, la division d’appel a accueilli l’appel et renvoyé l’affaire à la division générale pour qu’un autre membre ou une autre membre du Tribunal l’examine.

Questions en litige

[4] Pour être admissible à des prestations d’invalidité du RPC, le requérant doit remplir les conditions énoncées dans le RPC. Plus précisément, il doit être déclaré invalide au sens du RPC durant ou à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA repose sur les cotisations que le requérant a versées au RPC. Je constate que la PMA du requérant se termine le 31 décembre 2016.

[5] Je dois décider si l’invalidité du requérant était grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2016.

Analyse

[6] L’invalidité se définit comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeFootnote 1. L’invalidité d’une personne est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. La personne doit prouver selon la prépondérance des probabilités que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Autrement dit, si le requérant satisfait seulement à un volet, il n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

La nature de l’état de santé

[7] Le 13 décembre 2012, le requérant était penché près de l’arrière de son camion lorsque le hayon est tombé et l’a heurté au niveau des vertèbres T12-L1. On croyait initialement que le requérant avait eu une fracture par compression, mais il n’a pas fallu faire d’intervention chirurgicaleFootnote 2. Au moment où il s’est blessé, le requérant avait des antécédents de douleurs lombaires associées à une sciatique et avait dû (à l’occasion) s’absenter de son travailFootnote 3.

[8] Dans les années qui ont suivi l’accident, le requérant a participé à un certain nombre de consultations médicales et a suivi les modalités de traitement. Par exemple, le requérant a vu le Dr Kahled Rodwan (chirurgien orthopédiste) en novembre 2013 et, au cours de cette visite, le requérant a dit qu’il souffrait toujours de douleurs lombaires graves, malgré la physiothérapie et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Une IRM a révélé une discopathie dégénérative au niveau des vertèbres L5-S1. Le Dr Rodwan a aiguillé le requérant vers le Dr Lang pour un essai d’injection de stéroïdes péridurauxFootnote 4. Le Dr Lang a diagnostiqué une discopathie dégénérative avec radiculopathie au niveau de la vertèbre L5 du côté droit, et il a administré au requérant une injection péridurale le 19 décembre 2013Footnote 5. Le requérant a déclaré que l’injection avait aggravé sa douleur lombaire et radiculaireFootnote 6.

[9] En mars 2014, le requérant a été évalué par Richard Bourassa (un physiothérapeute) et, à ce moment-là, le requérant a déclaré que ses douleurs au dos se situaient dans une fourchette de 5 à 9 (sur une échelle de 1 à 10). M. Bourassa a diagnostiqué une sensibilisation centraleFootnote 7. M. Bourassa a recommandé un programme de réadaptation de six semainesFootnote 8. Le requérant a participé à un programme de traitement interdisciplinaire du 2 octobre au 6 novembre 2014, mais le traitement a été retardé parce qu’il a déménagé de la Saskatchewan en Colombie-Britannique en décembre 2014.

[10] En juillet 2015, l’imagerie de la hanche droite du requérant révélait l’existence d’une arthrose modéréeFootnote 9.

[11] En août 2015, le requérant a été évalué par Orion Health (un centre de réadaptation et d’évaluation en Colombie-Britannique) et, au cours de cette évaluation, il a signalé une douleur constante dans la région lombaire inférieure avec radiation dans la fesse, l’aine et la face médiale de la cuisse droite. Il a décrit avoir une douleur permanente et cuisante dont l’intensité variait entre 5 et 8 sur une échelle de 1 à 10. Il a aussi signalé des douleurs aiguës intermittentes dans la région sacrococcygienne et a signalé que sa hanche droite se bloquait parfois. On pensait qu’il était un bon candidat pour un programme de réadaptation professionnelleFootnote 10.

[12] Le requérant a suivi le programme de réadaptation professionnelle pendant quatre semaines, puis il a quitté le programme le 4 septembre 2015 (deux semaines avant la fin de celui-ci). Les évaluateurs ont convenu que le requérant pouvait quitter le programme plus tôt que prévu en raison d’un manque de progrès et parce que sa douleur à la hanche droite et à l’aine s’aggravait. Les évaluateurs ont conclu que le requérant fonctionnait à un niveau limité selon la Classification nationale des professions (CNP) au moment de la fin de son traitement, ce qui, selon eux, correspond à la description des exigences de travail de son emploi précédent. Mais le requérant avait dit qu’il y avait des moments dans son emploi précédent où il devait faire un effort physique intense équivalent à la catégorie des exigences physiques intenses de la CNP. Le requérant a également expliqué aux évaluateurs que son emploi précédent exigeait un niveau élevé de concentration et d’attention aux détails (pour assurer la sécurité) et qu’il craignait que son niveau de douleur compromette ces capacités.

[13] Le requérant a déclaré que jusqu’au moment où il a été autorisé à quitter le programme Orion, il avait espéré retourner au travail. Cependant, après avoir quitté le programme, son employeur n’avait rien à lui proposer qui correspondait à ses limitations. Le requérant a dit qu’il n’avait pas cherché un autre type d’emploi parce qu’il ne pensait pas qu’il y avait un emploi qu’il pouvait faire. Il a pris sa retraite de X (pour des raisons médicales) en 2016.

[14] Le requérant a expliqué qu’au moment de sa PMA, il aurait été incapable d’occuper un autre type d’emploi en raison de sa douleur et de sa fatigue chronique. Il souffrait (et souffre) de douleurs chroniques dans la région lombaire inférieure et la région de la hanche, et il éprouvait (et éprouve) des douleurs aiguës à la hanche et au dos. Les déclencheurs des crises de douleur aiguë ne sont pas uniformes et ces crises semblent se produire au hasard. Les crises douloureuses réduisent beaucoup son niveau d’énergie et le fatiguent. Lorsque cela se produit, il doit se coucher et se reposer parce que les mouvements sont difficiles. La douleur interrompt également son sommeil et lui laisse le sentiment qu’il n’est pas reposé. Au moment de sa PMA, il dormait en moyenne quatre heures la nuit et il faisait probablement deux ou trois siestes pendant la journée.

[15] Le requérant a expliqué que sa journée commence avec un niveau de douleur d’environ 3 ou 4 sur 10 et que, selon ce qu’il fait, sa douleur peut atteindre 5 ou 6 sur 10. À la fin de la journée, sa douleur est d’environ 8 sur 10. Sa douleur affecte sa capacité de concentration.

[16] Il a vu trois chirurgiens pour sa hanche (le Dr Chan, le Dr Taylor et le Dr Vandermere) et même s’il sait qu’il aura besoin d’un remplacement de la hanche à un moment donné, il ne l’a pas encore fait parce que les médecins lui ont dit qu’il était préférable d’attendre d’avoir au moins 60 ans et parce qu’il craint d’avoir des complications à la suite de l’opération (comme une infection).

Il y a des éléments de preuve que le requérant avait la capacité de travailler avant la fin de sa PMA

[17] Le ministre soutient que, même si le requérant n’était peut-être pas en mesure de retourner à son ancien emploi, il existe des éléments de preuve selon lesquels il avait la capacité de travailler au moment de sa PMA. Je suis d’accord.

[18] En août 2016, le Dr Alex Chan, chirurgien orthopédiste, a écrit ce qui suit : « Il n’y a aucune raison pour laquelle il ne serait pas en mesure d’accomplir des tâches modifiées ou un type de tâches plus sédentaires »Footnote 11. De toute évidence, le Dr Chan était fermement convaincu qu’en août 2016 (seulement cinq mois avant la fin de sa PMA), le requérant avait la capacité de travailler.

[19] Le requérant et son représentant ont laissé entendre que l’opinion du Dr Chan devrait avoir peu de poids parce que le Dr Chan n’a vu le requérant que deux fois (une fois en mai 2016 et une fois en août 2016). Je ne trouve pas cet argument convaincant. Les éléments de preuve montrent que c’est le requérant qui est allé voir le Dr Chan dans le but de lui demander de remplir un rapport médical du RPC. C’était bien après que le requérant avait déjà présenté un autre rapport médical du RPC établi par le Dr Stuckey (son ancien médecin de famille) en novembre 2015. Il me semble que le requérant n’aurait pas demandé au Dr Chan de remplir un rapport médical du RPC à moins qu’il ne pensât que le Dr Chan était bien placé pour faire des commentaires sur son invalidité.

[20] Le requérant et son représentant ont également laissé entendre qu’il faudrait accorder peu de poids à l’opinion du Dr Chan parce que le Dr Chan n’était peut-être pas au courant de toutes les limitations énoncées dans le rapport de fin de traitement établi dans le cadre du programme Orion. Le requérant a ajouté qu’il ne croyait pas que ce rapport était « déjà disponible » lorsque le Dr Chan a émis son opinion en août 2016. Encore une fois, je ne trouve pas cet argument convaincant.

[21] Premièrement, le rapport de fin de traitement établi dans le cadre du programme Orion a été préparé le 10 septembre 2015, soit près d’un an avant que le requérant demande au Dr Chan de remplir le rapport médical du RPC. Il est donc possible que le requérant eût le rapport établi par Orion lorsqu’il a vu le Dr Chan le 2 août 2016. Ce rapport semble avoir été en la possession du requérant autour de cette période, car il a joint une copie du rapport à son avis d’appel qu’il a signé le 15 août 2016Footnote 12. Même si le requérant n’avait pas le rapport de fin de traitement avec lui lorsqu’il a rencontré le Dr Chan en août 2016, il était au courant de ses limitations et il semble avoir eu l’occasion d’en discuter avec le Dr Chan avant que ce dernier ait terminé son rapport. Je dis cela parce que la note du Dr Chan du 2 août 2016 indique qu’il a parlé au requérant avant de remplir le rapport médical du RPC et qu’il a dit clairement qu’il remplirait le rapport sous réserve d’y indiquer qu’il croit que le requérant peut faire un certain type de travail. De plus, le requérant a déclaré qu’il avait expliqué ses limitations au Dr Chan, mais ce dernier était néanmoins d’avis qu’il y avait un [traduction] « emploi pour lui ».

[22] Deuxièmement, même si le Dr Chan n’a pas mentionné le problème de dos du requérant dans sa note d’août 2016, il était néanmoins au courant de ce problème. En mai 2016, il a écrit qu’il avait vu le requérant en raison de douleurs au bas du dos et à la hanche droiteFootnote 13. De plus, comme il a été mentionné précédemment, le requérant a eu l’occasion de discuter de ses limitations avec le Dr Chan avant que ce dernier ne remplisse le rapport médical du RPC.

[23] La dernière raison pour laquelle je ne suis pas prêt à rejeter l’opinion du Dr Chan est qu’il y a un autre médecin qui a aussi laissé entendre à peu près en même temps (août 2016) que le requérant pouvait travailler. Le 15 août 2016, le nouveau médecin de famille du requérant (le Dr Floris Morkel) a écrit que le requérant a une arthrose modérée de la hanche droite, ce qui, combiné à une certaine dégénérescence du bas du dos, constituerait un obstacle à un « travail physique ou très exigeant »Footnote 14. Du fait que le Dr Morkel n’excluait que le travail physique ou très exigeant, il est raisonnable pour moi de déduire de son rapport qu’il était d’avis que le requérant était capable de faire un travail plus sédentaire.

[24] Je reconnais que l’ancien médecin de famille du requérant (le Dr Stuckey) a déclaré en février 2016 que le requérant avait des douleurs lombaires et des douleurs à la hanche droite graves et prolongées et que son état (douleur chronique et arthrose) l’empêchait d’avoir un bon travail ou de se recyclerFootnote 15. Cependant, je ne peux pas préférer l’opinion du Dr Stuckey à celles du Dr Chan et du Dr Morkel. Premièrement, celles-ci comprennent l’opinion d’un spécialiste. Deuxièmement, les dates des opinions formulées par le Dr Chan et le Dr Morkel sont plus proches de la PMA. Troisièmement, les éléments de preuve montrent que le Dr Stuckey et le Dr Morkel ont commencé à traiter le requérant à peu près au même moment. Selon le dossier, le Dr Stuckey a commencé à traiter le requérant en mai 2015Footnote 16 et le Dr Morkel a commencé à le voir en juillet 2015Footnote 17. Quatrièmement, on laisse entendre que la douleur au dos du requérant s’est peut-être atténuée (bien qu’elle ne se soit manifestement pas dissipée) après que le Dr Stuckey a rempli sa lettre de février 2016. Par exemple, le 31 mai 2016, le Dr Chan a écrit que les douleurs lombaires du requérant avaient été bien gérées grâce à de meilleurs exercices de renforcement musculaireFootnote 18. Le requérant a reconnu dans son témoignage que, depuis la fin de son traitement à Orion Health, son dos est un peu plus fort, il a perdu 20 livres et il a augmenté sa force musculaire. Cinquièmement, le Dr Stuckey a préparé un rapport en décembre 2016 (après que le Dr Chan et le Dr Morkel eurent formulé leur opinion sur la capacité à travailler) et, bien que le Dr Stuckey ait mentionné « les mouvements très douloureux, une amplitude de mouvement réduite et une rotation médiale très sensible » chez le requérant, lors de sa dernière visite en juillet 2016, il n’a pas expliqué si ces constatations se rapportaient à l’état de la hanche du requérant ou à l’état de son dos (ou aux deux)Footnote 19. De plus, le Dr Stuckey n’a pas fait de commentaires sur la capacité du requérant de travailler, ce qui m’amène à me demander si son opinion sur sa capacité de travailler a changé après février 2016 (et peut-être après avoir lu les rapports du Dr Chan).

[25] Le requérant croit que son incapacité à terminer le programme à Orion est le signe de son incapacité à travailler et met en évidence son incapacité à être un employé fiable. Il a expliqué qu’il participait au programme trois heures par jour (de 9 h à 12 h) et que vers la fin de la semaine, sa douleur s’intensifiait et qu’il passait essentiellement ses fins de semaine au lit à essayer de se rétablir.

[26] Je reconnais les difficultés que le requérant a éprouvées au cours du programme Orion, mais je suis également consciente qu’il était relativement actif durant sa participation au programme. Le rapport indique, par exemple, que le requérant a suivi le programme pendant quatre semaines et que le programme comprenait des exercices physiques et fonctionnels, un conditionnement cardiovasculaire, une thérapie en piscine et des activités de simulation au travailFootnote 20. (Je sais que le programme comprenait également des séances d’information sur la gestion de la douleur et des conseils.) Les activités du programme sont un facteur pertinent parce que le requérant a déclaré que ses symptômes s’aggravent avec l’activité. Je ne pense pas que le requérant aurait la même difficulté à occuper un emploi impliquant des niveaux d’activité moindres que ceux qu’il a connus dans le cadre du programme Orion.

[27] Pour évaluer la capacité de travailler, j’ai tenu compte de l’âge, de la scolarité, des compétences linguistiques et des antécédents professionnels et de l’expérience de vie du requérant. La prise en compte de ces facteurs garantit que le critère relatif à la gravité est évalué dans un contexte réalisteFootnote 21. Je ne suis pas en mesure de conclure que ces facteurs auraient rendu l’emploi du requérant irréaliste en décembre 2016. Au moment de sa PMA, il avait 53 ans et avait donc plusieurs années devant lui avant l’âge normal de la retraite. Il maîtrise au moins une des deux langues officielles du Canada, il a un bon niveau de scolarité (12e année en plus d’avoir suivi des programmes de formation approfondis en cours d’emploi pour des postes tels que serre-freins, chef de train, mécanicien) et des années d’expérience dans différents postes à X. Je sais que le requérant a déclaré avoir une connaissance limitée des ordinateurs (il peut seulement vérifier les courriels, effectuer une navigation de base sur Internet et taper avec un seul doigt), mais ce ne sont pas tous les emplois sédentaires ou ceux qui demandent peu de force physique qui exigent une connaissance approfondie des ordinateurs ou la capacité de taper.

Le requérant n’a pas tenté d’occuper un autre emploi

[28] Lorsqu’il existe une preuve de capacité de travail, le requérant doit démontrer que les efforts déployés pour obtenir et conserver un emploi ont échoué en raison de son état de santéFootnote 22.

[29] Le requérant n’a pas tenté de travailler depuis décembre 2012. Son relevé d’emploi indique des gains de 9 437 $ en 2016, mais le requérant a clairement indiqué dans son témoignage que ces gains provenaient d’un paiement de son employeur et non d’une activité professionnelle de sa partFootnote 23.

[30] En l’absence d’efforts pour obtenir et conserver un emploi, je ne peux pas conclure que l’invalidité du requérant était grave au 31 décembre 2016.

Invalidité prolongée

[50] Comme j’ai conclu que l’invalidité du requérant n’était pas grave au 31 décembre 2016, il n’est pas nécessaire que j’évalue si elle était prolongée.

Conclusion

[32] L’appel est rejeté.

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