Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Je rejette l’appel. Voici pourquoi :

Aperçu

[2] La requérante exploitait une garderie autorisée dans sa propre maison. Elle a commencé par garder des enfants, puis, vers 2009, elle a obtenu un permis pour exploiter une garderie. Elle a gardé des enfants, puis elle a cessé d’exploiter la garderie en mai 2018 en raison de son incapacité à s’occuper des enfants due à ses problèmes de santé. La requérante affirme que son anxiété, sa dépression, son stress et ses crises de panique sont responsables de son invaliditéNote de bas de page 1. Le ministre a reçu sa demande de pension d’invalidité le 30 novembre 2017Note de bas de page 2. Ce dernier a rejeté sa demande une première fois, puis après révision. Il a soutenu que la preuve médicale ne permet pas de conclure à l’existence d’une pathologie ou d’un handicap dont la gravité l’aurait empêchée d’exécuter des tâches qui conviennent à ses limitations pendant et après sa période minimale d’admissibilité (PMA). La requérante a appelé de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, la requérante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa PMA. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPCNote de bas de page 3. Je conclus que la date de fin de la PMA de la requérante est le 31 décembre 2017.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé de la requérante ont-ils entraîné chez celle-ci une invalidité grave au point où elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2017?

[5] Si oui, l’invalidité de la requérante était-elle également prolongée et d’une durée indéfinie?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 4. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée s’il est probable qu’elle dure pendant une période longue, continue et indéfinie ou s’il est possible qu’elle entraîne le décès. La partie requérante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si la partie requérante satisfait seulement à un volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

La requérante était-elle atteinte d’une invalidité grave au 31 décembre 2017?

L’état de santé de la requérante et la preuve

[7] Je dois déterminer si la requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée pendant sa PMA. Il revient à la requérante de le prouverNote de bas de page 5.

[8] Je ne fonde pas ma décision à savoir si l’invalidité de la requérante est grave sur le handicap ou le diagnostic de la requérante. Ce qui est important c’est de déterminer si son état de santé l’empêche de gagner sa vie en occupant n’importe quel type d’emploiNote de bas de page 6. Pour décider, je dois tenir compte de tous les problèmes de santé qui pourraient affecter sa capacité à occuper un emploiNote de bas de page 7. Je dois également examiner des facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, la maîtrise de la langue, les antécédents de travail et l’expérience de vieNote de bas de page 8.

[9] La requérante a émigré du Maroc en 1997. Elle a travaillé au Canada pendant 20 ans au cours desquels elle a nettoyé des maisons, gardé des enfants et géré une garderie dans sa maison. Elle a expliqué qu’elle a exploité et possédé une garderie autorisée et qu’elle y gardait des enfants de huit heures le matin à cinq heures le soir. Elle a expliqué qu’il s’agissait d’enfants difficiles et que, parfois, elle devait leur donner un bain à leur arrivée. La requérante acceptait de moins en moins d’enfants, car elle ne dormait pas bien, elle était fatiguée et elle se sentait anxieuse et dépressive. Elle a expliqué qu’elle gardait deux garçons en 2016, mais que, la même année, elle s’est rendue à l’urgence parce que son rythme cardiaque avait augmenté subitement, qu’elle avait le souffle court, et elle a reçu un diagnostic de crise de panique. Elle a par la suite réduit le nombre d’enfants qu’elle gardait à un seul. Elle a arrêté de travailler et de garder des enfants le 1er mai 2018. Elle m’a affirmé qu’elle est très anxieuse et qu’elle a des inquiétudes par rapport à l’avenir, en particulier en ce qui concerne ses finances. Elle n’aime pas socialiser et quitter la maison. Elle se rend à l’Armée du Salut pour demander de la nourriture. Elle s’est mariée jeune et son époux est de 28 ans son ainé. Son époux est incapable de travailler et il reçoit une pension, de sorte qu’elle est la seule à faire vivre le ménage.

[10] S. F., qui a témoigné à l’audience, a expliqué qu’elle a déjà aidé la requérante à remplir sa demande de pension d’invalidité du RPC par le passé. Elle l’a aussi aidé à faire ses examens de premiers soins qui sont obligatoires pour exploiter une garderie en l’aidant à lire les questions et à y répondre. La témoin a mentionné que la requérante comprend et parle l’anglais, mais qu’elle a besoin d’aide pour lire et écrire. D’autre part, elle a mentionné que la requérante est une travailleuse acharnée, très intelligente et très déterminée.

[11] La requérante a déclaré qu’elle devait travailler pour soutenir sa famille. Elle m’a expliqué qu’en 2017, elle gardait seulement un enfant au lieu de deux et qu’elle a réduit le nombre d’enfants en raison de ses problèmes médicaux. Elle ne préparait pas de collations aux enfants et elle ne prenait que des enfants sans couche. Elle a expliqué qu’elle ne fournissait aucun apprentissage aux enfants et [traduction] « qu’elle jouait seulement avec eux ». La requérante a mentionné que sa fille amenait occasionnellement l’enfant à l’école, car celle-ci se situait à côté de son école. En outre, elle a expliqué qu’elle travaillait seulement quatre heures par jour, deux à trois jours par semaine, et qu’elle était sur appel sept jours par semaine. Toutefois, les parents allaient à l’occasion chercher tôt l’enfant, de sorte qu’elle travaillait seulement de 12 à 16 heures par semaine. À l’audience, la témoin a expliqué que la requérante avait effectivement tous les jours un enfant à garder, de neuf heures à cinq heures et qu’elle s’occupait d’enfants avant et après l’école. Je n’ai pas trouvé que les affirmations de la requérante étaient convaincantes et franches.

[12] Je reconnais le fait que la requérante se croit invalide. Seulement, je ne pense pas qu’elle le soit au sens du RPC.

[13] Le ministre a présenté une preuve selon laquelle quelqu’un du ministère a parlé avec la requérante, en mars 2018, et elle a alors dit qu’elle gardait à temps plein un enfant, et ce, six heures par jour, cinq jours par semaine. Elle avait réduit le nombre d’enfants qu’elle gardait au cours de la journée. Le ministre a aussi noté qu’elle gardait avant et après l’école deux autres enfants d’âge scolaire. Je constate qu’il est possible que la requérante ait réduit le nombre d’enfants qu’elle gardait en 2017; toutefois, j’estime qu’elle était capable de travailler pendant sa PMA. De plus, elle ne m’a pas convaincue qu’elle ne pouvait pas augmenter le nombre d’enfants à sa garderie ou son nombre d’heures hebdomadaires travaillées. Elle a dit au ministre qu’elle gagnait 1 000 $ par mois et qu’elle était la personne qui s’occupait habituellement des enfants à sa garderie. En examinant la preuve, je constate qu’elle détenait pendant sa PMA une capacité résiduelle d’occuper un emploi adapté à son état de santé et à ses limitations. Elle a démontré qu’elle était capable de se consacrer à une occupation véritablement rémunératrice sur une base régulière.

[14] Elle m’a affirmé qu’elle éprouvait des difficultés à travailler pendant sa PMA et que son état ne s’est pas vraiment amélioré depuis. Elle manque de motivation, d’énergie, de concentration et elle a des pertes de mémoire. Elle pleure et elle est anxieuse. Elle ne veut pas socialiser et elle n’apprécie pas la vie. Je constate dans le questionnaire sur l’état de santé du patient (PHQ-9), daté du 23 octobre 2017, que la requérante a indiqué qu’elle n’avait aucun problème à se concentrerNote de bas de page 9. Je constate aussi dans le formulaire sur le trouble d’anxiété généralisée (GAD-7) que la requérante a indiqué que tous ses problèmes ne compliquaient que quelque peu son travailNote de bas de page 10. Le GAD-7 sur les troubles de l’humeur est négatifNote de bas de page 11. Dans son questionnaire du RPCNote de bas de page 12, elle a noté qu’elle n’avait pas de limitations à être en position debout et assise, et qu’elle n’a pas non plus de limitations en ce qui concerne sa mémoire.

[15] La requérante avait 46 ans quand elle a présenté sa demande de pension d’invalidité du RPC. Elle m’a affirmé qu’elle a une scolarité de 3e année reçue au Maroc. Toutefois, elle a obtenu un permis de garderie et elle a possédé et exploité sa propre garderie dans son appartement pendant au moins six ans. Avant cela, elle nettoyait des maisons et travaillait comme gardienne. Elle vit et travaille au Canada depuis vingt ans. Sa témoin m’a affirmé que la requérante est une travailleuse acharnée, très intelligente et déterminée. Je reconnais que la requérante avait besoin d’aide pour lire et écrire, mais la témoin a confirmé qu’elle comprend et parle l’anglais. La requérante est jeune, à 46 ans, et elle possède des compétences transférables en matière de gardiennage. Elle possède des compétences organisationnelles et elle a géré une garderie chez elle. Elle doit conserver les dossiers des enfants qu’elle garde. Les exigences continues en matière de santé et sécurité afin d’obtenir un permis de garderie semblent indiquer qu’elle a une capacité d’apprentissage continue et de recyclage professionnel. Son expérience de travail et de vie, son âge, et sa capacité de s’adapter au changement de même que son esprit d’initiative sont tous positifs, et j’estime que ces facteurs positifs l’emportent sur son manque de scolarité quant à sa capacité à occuper un emploi.

Les traitements recommandés n’ont pas été suivis

[16] En mars 2019, le psychiatre, Dr Fagbuyi, a rapporté que la requérante devait participer à des groupes de rencontre sur la dépression et l’anxiété, mais qu’elle s’est désengagée et a été renvoyéeNote de bas de page 13. Il mentionne qu’elle avait des réticences sur le fait de prendre des médicaments et il ne savait pas si elle s’était soumise au traitement. D’après moi, l’opinion médicale du médecin spécialiste, Dr Fagbuyi, indique que la requérante n’a pas épuisé toutes les possibilités de traitement qui auraient pu améliorer peu à peu sa dépression et son anxiété et lui permettre de retourner travailler. De plus, je constate que le médecin de famille, Dr Moghadem, a indiqué en mars 2019 que la requérante a accepté de suivre les recommandations de traitement du psychiatre, Dr Fagbuyi, mais qu’elle a cessé sa médication après deux jours. Après une longue discussion, elle a accepté de la reprendre, mais le Dr Moghadem a appris récemment qu’elle ne l’a jamais fait. Elle ne s’est pas soumise à la médication et aux thérapiesNote de bas de page 14. Le fait que la requérante fournisse la preuve qu’elle a déployé des efforts sérieux pour améliorer sa situation constitue un élément essentiel d’admissibilité à la pension d’invalidité, et j’estime qu’elle ne s’est pas acquittée de cette exigence. Elle n’a pas suivi les recommandations de traitement. J’ai tenu compte du fait qu’en raison des différences culturelles et du fait qu’on lui a dit dans une clinique sans rendez-vous que les médicaments peuvent « créer une dépendance », elle ne souhaitait pas prendre de médication pour sa dépression. J’estime que la requérante avait la possibilité de poser des questions concernant les médicaments recommandés et de clarifier ce que signifie « peut créer une dépendance », puisqu’elle parle et comprend l’anglais. De plus, j’estime qu’il n’existe aucune culture au sein de laquelle l’on aime prendre des médicaments, en particulier pour des problèmes de santé mentale, et elle n’a pas fourni d’explication raisonnable pour ne pas avoir suivi ses recommandations de traitement.

[17] La requérante est couverte par le régime Plan G et je pense qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que son état puisse s’améliorer. Aussi, la requérante a eu de la difficulté à continuer ses consultations psychologiques, en raison du déménagement de sa thérapeute. De plus, j’anticipe que la requérante améliorera son anxiété et sa dépression lorsqu’elle consultera un ou une thérapeute ou psychiatre sur une base régulière.

[18] Dans le rapport médical de la demande d’invalidité du RPC, le médecin de famille, le Dr Moghadem, a noté qu’un congé pourrait lui être profitable jusqu’à ce qu’elle soit médicalement apte à retourner travailler. Il lui a diagnostiqué de l’anxiété et une dépression graves, des crises de panique et une anémie résultant d’une carence en ferNote de bas de page 15. Dans une lettre qui accompagnait le rapport médical, il a indiqué qu’une pension d’invalidité temporaire lui serait profitable jusqu’à ce que son état de santé soit traitéNote de bas de page 16. La pension d’invalidité du RPC ne vise pas à être versée pour une invalidité temporaireNote de bas de page 17. La preuve m’indique que la requérante travaillait pendant sa PMA, et, bien qu’elle ait cessé de travailler le 1er mai 2018, après sa PMA, la preuve m’indique qu’elle est capable d’exécuter certains types de tâches maintenant, et que rien ne changera dans un futur proche.

[19] Je reconnais que les principaux problèmes de santé invalidants de la requérante sont l’anxiété et la dépression graves avec crises de panique. Je n’estime pas qu’une anémie résultant d’une carence en fer soit un problème invalidant.

[20] La représentante a déclaré que le revenu net de la requérante était dans le négatif. Je constate que la requérante avait un travail rémunéré et que la profitabilité d’une entreprise commerciale ne constitue pas nécessairement un indicateur de capacitéNote de bas de page 18. L’appelante n’avait pas de travail substantiellement rémunérateur pendant sa PMA. Toutefois, en examinant ses revenus des années 2012 à 2015Note de bas de page 19, je constate que son revenu régulier de travailleuse autonome était inférieur à celui d’un travail substantiellement rémunérateur.

[21] Je constate que la requérante a travaillé le 31 décembre 2017 ou avant cette date et qu’elle avait un travail adapté à son état de santé et ses limitations. Elle a démontré une capacité résiduelle de travailler pendant sa PMA et elle n’était pas incapable de détenir sur une base régulière une occupation véritablement rémunératrice. Je reconnais qu’elle a cessé de travailler le 1er mai 2018, soit après sa PMA, cependant, les possibilités de traitement demeurent ouvertes pour la requérante et il se peut qu’elle connaisse une amélioration progressive lui permettant de retourner occuper tout emploi véritablement rémunérateur adapté à son état de santé et à ses limitations, puisque sa médication est couverte par le Plan G. Elle n’a pas prouvé qu’elle avait une invalidité grave conformément aux critères du RPC le 31 décembre 2017 ou avant cette date.

Invalidité prolongée

[22] Comme j’ai conclu que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave, il était inutile de déterminer si celle-ci était prolongée.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.