Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante, S. D., a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en mars 2017. Le ministre a rejeté sa demande et la requérante a interjeté appel devant le Tribunal. J’ai conclu que la requérante n’était pas admissible à la pension et je rejette donc son appel. Voici mes motifs.

Aperçu

[2] La requérante est âgée de 56 ans. Elle a émigré de l’Inde vers le Canada en 1989. Elle a été couturière pendant 13 ans avant de quitter la population active afin de s’occuper de ses cinq enfants. En 2007, elle a commencé à travailler comme technicienne en nettoyage pour une entreprise de nettoyage après sinistre.

[3] La requérante a subi un accident de voiture en août 2013. Elle a subi des lésions des tissus mous au cou, à l’épaule droite et au dos. Elle a été en congé pendant plus d’un an pendant ses traitements et pendant qu’elle faisait notamment de la physiothérapie, de la réadaptation active, du counseling et qu’elle prenait des médicaments. Elle a tenté en vain d’effectuer un retour progressif au travail.

[4] La requérante a déclaré, dans sa demande de pension d’invalidité, qu’elle n’était pas capable de travailler depuis août 2013 en raison de douleurs au haut du dos, à l’épaule droite, au cou et au pied gauche. Elle souffrait aussi de maux de tête, avait un engourdissement à la main droite et était atteinte d’anxiété, de dépression et d’hypertensionNote de bas de page 1. Lorsqu’elle a interjeté appel au Tribunal, elle a indiqué avoir d’autres problèmes de santé, dont l’arthrite rhumatoïde, une douleur chronique à la cheville gauche et un ptérygion nasalNote de bas de page 2.

Question en litige dans le présent appel

[5] La requérante est admissible à une pension d’invalidité du RPC si elle satisfait ces critères :

  • elle a cotisé au RPC pendant la période appelée « période minimale d’admissibilité » (PMA);
  • elle a une invalidité grave et prolongée;
  • elle est devenue invalide avant la fin de sa PMANote de bas de page 3.

[6] La PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2015Note de bas de page 4. Je dois déterminer si son invalidité était grave et prolongée et si elle était invalide à cette date ou avant. Il incombe à la requérante de le prouverNote de bas de page 5.

Analyse

L’invalidité de la requérante n’était pas grave le 31 décembre 2015.

[7] L’invalidité d’une partie requérante est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 6. Cela signifie que son invalidité doit l’empêcher de gagner sa vie en occupant n’importe quel type d’emploi.Note de bas de page 7

[8] La requérante m’a affirmé que son rétablissement se faisait [traduction] « par intervalles ». Son état de santé semblait s’améliorer, mais sa douleur réapparaissait soudainement. Elle n’était pas capable d’effectuer des tâches exigeantes à la maison depuis son accident et commençait également à avoir de la difficulté à accomplir des tâches simples. Sa douleur existante s’empirait. Ses bras, ses mains et ses pieds étaient enflés et douloureux.

[9] La requérante a tenté de réintégrer son ancien emploi. Elle ne se rappelait pas des détails ou des dates. Tout ce dont elle se souvenait, c’est qu’elle ne pouvait pas accomplir ses tâches parce qu’elle était dérangée par son épaule droite, sa main gauche et son pied gauche. Elle a tenté de retourner travailler à deux reprises, puis en septembre 2015, son médecin lui a dit d’arrêter de travailler. Elle n’a occupé aucun emploi depuis. Elle aimait son travail et aurait continué à travailler si elle l’avait pu. Elle n’a pas postulé d’autres emplois parce qu’elle ne pense pas qu’elle pourrait accomplir ses tâches.

[10] La requérante m’a dit qu’elle ne savait pas à quoi ressemblerait chaque journée. Parfois, elle pouvait passer deux, voire trois jours sans ressentir de douleurs, mais les douleurs reprenaient ensuite. Ces journées-là, elle ne peut rester debout ni marcher pendant plus d’une demi-heure sans quoi elle commence à avoir mal aux pieds.  Elle ne peut par ailleurs pas s’asseoir pendant plus d’une demi-heure sans qu’elle commence à avoir mal aux épaules et au dos. Même sans la douleur, elle est constamment fatiguée. Elle ne dort presque pas la nuit, n’a donc aucune énergie et doit donc être en position allongée pendant la journée.

[11] La requérante m’a affirmé qu’elle se sentait dépressive, stressée et confuse. Elle n’arrive pas à se concentrer et commence parfois à paniquer. Il y a des jours où elle reste au lit toute la journée. D’autres journées, elle se fait un thé, puis fait des petites tâches de ménage pendant cinq ou dix minutes. Elle prend un dîner facile à préparer, soit un repas en conserve ou un repas à emporter. Elle fait une ou deux marches de 15 minutes par jour pour aider sa digestion. À part cela, elle ne sort que si elle n’a pas le choix.

[12] La perception de la requérante quant aux répercussions de son état de santé sur sa capacité à travailler est importante. Elle sent qu’elle est invalide depuis un certain temps. Il doit y avoir une preuve objective qu’au 31 décembre 2015, elle était invalideNote de bas de page 8. Cela signifie que je dois vérifier ce que les médecins et les autres professionnels ont affirmé au sujet de son état de santé à cette époque.

[13] Il ne fait aucun doute que l’état de santé de la requérante a eu des répercussions sur sa capacité à réintégrer son ancien emploi. Ses dossiers médicaux montrent qu’elle souffrait de maux de tête et de douleurs au cou, au dos et aux épaules depuis son accident. Au début de 2014, elle a commencé à ressentir de la douleur à la main et au poignet droits. La douleur au pied est apparue en 2015. Elle a reçu un diagnostic d’anxiété et de dépression en janvier 2014. Ces problèmes de santé étaient toujours existants en décembre 2015Note de bas de page 9. Le problème est que les renseignements médicaux m’indiquent que la requérante avait probablement la capacité d’accomplir certaines tâches à l’époque, même si elle ne pouvait plus occuper son emploi habituel.

Rapport d’Alice Tong, ergothérapeute

[14] Le retour progressif de la requérante au travail est abordé dans le rapport d’évolution de décembre 2015 signé par Alice Tong, ergothérapeute qui a suivi la requérante à l’époque. Mme Tong avait accès au dossier d’assurances de la requérante. Son rapport est un résumé pertinent et précis de la situation de la requéranteNote de bas de page 10.

[15] Le rapport indiquait que la requérante avait suivi et complété un programme de réadaptation active en octobre 2014. Elle a reçu son congé et on indiquait alors qu’elle était capable de répondre aux exigences de son travail. Elle a suivi un programme de retour progressif au travail en septembre 2014 et devait être capable de travailler à temps plein après 10 semaines. Toutefois, elle n’a pas été en mesure de le faire en raison de douleurs à l’épaule. La même situation s’est reproduite lorsqu’elle a commencé un programme semblable en mars 2015. Elle a commencé un programme révisé en juillet 2015. Les responsabilités de la requérante étaient divisées en fonction des tâches et ses heures devaient augmenter graduellement. On s’attendait à ce qu’elle puisse travailler à temps plein en 13 semainesNote de bas de page 11.

[16] La requérante n’a pas pu travailler à temps plein. Elle consultait un chiropraticien pour traiter sa tendinite achilléenne au pied gauche. En septembre 2015, le chiropraticien lui a recommandé de ne pas travailler jusqu’à la fin du traitement. Elle a consulté un chiropraticien différent en octobre 2015 pour le traitement de sa douleur au trapèze droit. Il lui a recommandé de ne pas travailler et d’éviter de soulever des charges lourdes et d’accomplir des tâches ménagères exigeantesNote de bas de page 12. Le médecin de famille de la requérante lui a recommandé de ne pas travailler jusqu’à sa consultation avec un rhumatologue, qui était prévue pour janvier 2016Note de bas de page 13.

[17] La requérante a affirmé à Mme Tong qu’elle avait des préoccupations par rapport à son rétablissement :

  • Elle avait de la douleur au côté droit du cou et à l’épaule droite.
  • Elle avait de la douleur à la jambe gauche, de la cuisse jusqu’au pied, et son pied gauche était enflé.
  • Puisque la douleur à sa jambe gauche la faisait boiter, elle avait de la douleur à la hanche gauche.

[18] Elle a affirmé à Mme Tong qu’elle passait le plus clair de ses journées assise à la maison. Elle ne pouvait faire que des tâches ménagères légères, et que quelques tâches à la fois. Elle limitait la durée de ses déplacements en voiture. Elle avait aussi des symptômes de dépression et d’anxiété, notamment des sentiments de désespoir et d’impuissance par rapport à son état de santé physique. Elle manquait d’intérêt et de motivation et n’avait pas d’appétit. Elle était irritable, avait de la difficulté à dormir et n’avait aucune énergie.

[19] Mme Tong a affirmé à la requérante que son anxiété et le fait de focaliser son attention sur sa douleur nuisaient à son rétablissement et à sa capacité de faire ses activités quotidiennes. La douleur était un obstacle majeur l’empêchant de faire la plupart de ses activités quotidiennes. Elle s’attendait à ce que la requérante puisse guérir de sa blessure et redevenir fonctionnelle si elle ces problèmes étaient réglés et si ses symptômes se résorbaient avec le traitement du rhumatologue. Elle pensait que l’employeur de la requérante pourrait l’accommoder et lui offrir un poste à temps partiel si son état de santé ne s’améliorait pas. Elle a encouragé la requérante à augmenter son niveau d’activité physique sans utiliser d’appui.

Rapports du Dr Khan, psychiatre

[20] Le Dr Khan a commencé à traiter la requérante en janvier 2014. Il a prononcé un diagnostic de trouble d’anxiété et de dépression en janvier 2014Note de bas de page 14. Au printemps 2014, elle a commencé à prendre de la trazodone et du bupropion (Wellbutrin)Note de bas de page 15. Elle a commencé une thérapie de groupeNote de bas de page 16. En septembre, elle a affirmé au Dr Khan qu’elle se sentait beaucoup mieuxNote de bas de page 17. Lorsqu’elle a tenté de retourner au travail le mois suivant, elle est devenue fatiguée et stressée et n’arrivait pas à se concentrerNote de bas de page 18. Toutefois, en novembre, elle a commencé à consulter Mme Combow en thérapie individuelleNote de bas de page 19. Elle a affirmé au Dr Khan qu’elle [traduction] « allait très bien ». Elle prenait du Ritalin, ce qui l’aidait avec sa fatigue. Elle ne se sentait pas dépressive et son sommeil était bon. Elle ne voulait pas retourner au travail parce que sa jambe gauche était enflée.Note de bas de page 20

[21] En mars, elle a affirmé au Dr Khan que son anxiété et sa dépression étaient sous contrôle. Elle se sentait mieux physiquement. Elle voulait retourner au travail mais elle était inquiète à propos du stress. Elle se demandait si elle ne devait pas essayer de travailler à temps partiel. Le Dr Khan l’a encouragée à retourner travailler à temps plein et à [traduction] « faire de son mieuxNote de bas de page 21 ». En août, la requérante était préoccupée par ses douleurs et s’inquiétait à propos de son avenir. Elle participait à un programme de retour progressif au travail. Le Dr Khan l’a encore encouragée à d’abord travailler à temps pleinNote de bas de page 22.

[22] En décembre 2015, la requérante a affirmé au Dr Khan que ses symptômes de dépression et son sommeil s’étaient améliorés. Elle se plaignait de douleurs aux tissus mous, mais le Dr Khan lui a dit que plutôt que de se laisser abattre par ces préoccupations, elle devrait faire de l’activité physique, du yoga et de la méditation. Il a ajouté [traduction] : « si elle veut considérer de faire un autre travail si elle en est capable physiquementNote de bas de page 23 [sic] ».

[23] Le ministre a affirmé que cela signifiait que le Dr Khan pensait que la requérante était capable d’accomplir certaines tâchesNote de bas de page 24. Je n’interprète pas cette phrase de la même manière. Je pense que le Dr Khan disait qu’il n’y avait aucun obstacle psychologique empêchant la requérante de travailler. Il a laissé entendre qu’il était possible que la requérante ne soit pas physiquement capable de travailler. Il ne pensait pas être qualifié pour le déterminer. Toutefois, d’autres éléments de preuve montrent que la requérante était capable de faire un certain type de travail.

La requérante était capable de travailler

[24] Le représentant de la requérante m’a exhortée à donner plus d’importance aux rapports des médecins de famille de la requérante, puisque ceux-ci brossaient un portrait plus exhaustif de l’état de santé de la requérante en décembre 2015. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je reconnais que la requérante a consulté ses médecins de famille plus fréquemment que le Dr Khan. Elle a également consulté une conseillère, Kimi Combow, à raison d’une ou deux fois par mois. Comme je l’ai indiqué plus haut, leurs rapports montrent que la requérante avait plusieurs préoccupations persistantes. Le Dr Khan et Mme Tong étaient tous deux au courant de ces préoccupations et en ont pris note. Ils ont tenu compte de l’état de santé global de la requérante pour en arriver à leurs conclusions.

[25] La preuve médicale m’indique que la requérante avait une certaine capacité à travailler en décembre 2015. Son anxiété et sa dépression n’étaient pas handicapantes, puisque son psychiatre l’a encouragée à retourner travailler. Son obstacle physique était de la douleur qui l’empêchait de rester debout, de marcher, de soulever des choses au-dessus de sa tête et de soulever de lourdes charges. Elle a indiqué que ses symptômes à la main étaient intermittents, mais il n’y a aucune preuve qu’il s’agissait d’un problème considérable à ce moment-là. Il n’y a aucune preuve indiquant qu’elle avait de la difficulté à rester en position assise.

[26] Le dernier emploi de la requérante était exigeant sur le plan physique. Elle devait nettoyer des objets et les emballer pour les entreposer. Il est évident, à la lumière de ses vaines tentatives de retourner au travail, qu’elle ne pouvait plus occuper cet emploi en décembre 2015. Elle aurait probablement pu, toutefois, faire un travail en position assise et qui n’exigeait pas une utilisation constante de son épaule.

[27] Pour déterminer que la requérante avait la capacité de travailler, je devais examiner des facteurs comme son âge, sa scolarité, ses aptitudes linguistiques, son expérience professionnelle et son expérience de vieNote de bas de page 25. En décembre 2015, la requérante avait 52 ans. Elle a terminé ses études secondaires en Inde. Elle m’a dit qu’elle n’avait que peu, voire pas d’aptitudes en lecture ou écriture de l’anglais. Elle ne parle ni ne comprend très bien l’anglais. Elle n’a occupé que des emplois qui consistaient à faire des travaux manuels.

[28] Ces facteurs indiquent que la requérante a peu d’options d’emploi. Toutefois, je ne crois pas qu’elle n’ait aucune capacité à travailler. Elle réside dans la région de Vancouver, où il y a une importante communauté et main-d’œuvre pendjabiphone. Son niveau d’aptitude en anglais était suffisant pour qu’elle puisse fonctionner dans ses emplois précédents. Bien qu’elle n’ait aucune compétence administrative ou en informatique, elle possède 13 années d’expérience comme couturière. Elle m’a affirmé qu’elle ne pensait pas pouvoir faire le travail de couturière, mais n’a fourni aucun élément de preuve expliquant pourquoi elle ne pourrait pas faire ce travail, ou un travail semblable, en décembre 2015.

[29] Je reconnais que la requérante était attachée à son employeur précédent en décembre 2015. Celui-ci tentait de la réintégrer dans son emploi précédent. Elle m’a dit que même si elle était censée accomplir des tâches légères, ce n’était pas ce qu’elle faisait parce qu’il n’y en avait aucune à accomplir. Elle n’a pas eu la chance d’essayer de faire quelque chose de moins exigeant. Si elle avait essayé de faire un travail plus léger ou sédentaire et avait échoué, j’aurais pu être persuadée que son invalidité était grave malgré ce que la preuve médicale démontrait. En l’état actuel des choses, je dois mettre en balance la preuve médicale ainsi que le souvenir de la requérante de son propre état de santé à l’époque. J’estime que la preuve médicale est plus fiable que le souvenir de la requérante, particulièrement parce qu’elle révèle ce qu’elle affirmait à ses médecins et ce que ceux-ci observaient jusqu’au 31 décembre 2015. La preuve m’indique que la requérante n’avait pas une invalidité grave à l’époque.

Conclusion

[30] J’éprouve beaucoup de sympathie pour la requérante. Toutefois, elle doit prouver sa thèse selon la prépondérance des probabilités et n’y est pas parvenue. Je ne peux pas conclure qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2015 ou avant. Puisque j’ai déterminé que son invalidité n’était pas grave, je n’ai pas examiné si elle était prolongée.

[31] L’appel est rejeté.

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