Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Décision

[1] La requérante a établi des faits nouveaux substantiels. Toutefois, elle n’est pas admissible à une pensiond’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante était âgée de 53 ans lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en juillet 2016. Elle est née en Inde. En 1984, elle est arrivée au Canada. Elle a travaillé pour la dernière fois en tant que X dans une usine. En mars 2012, elle s’est fracturé la cheville gauche lors d’un accident de travail. Elle a continué d’accomplir des tâches modifiées jusqu’à ce qu’elle soit mise à pied en juillet 2012. Elle n’a pas travaillé depuis. En octobre 2012, elle a subi des blessures au dos, aux épaules et au cou dans un accident de véhicule. En 2013, elle a subi une hystérectomie. En juin 2015, elle a subi des blessures dans un autre accident de véhicule.

[3] Dans sa demande de prestations d’invalidité, la requérante a déclaré qu’elle avait été incapable de travailler depuis juillet 2012 en raison de douleurs chroniques au cou, au dos et aux épaules.Note de bas de page 1 Le ministre a rejeté la demande la première fois et après révision. La division générale a rejeté l’appel de la requérante au Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) le 17 janvier 2019.

[4] En mai 2019, la requérante a déposé la présente demande de modification ou d’annulation de la décision du 17 janvier 2019. Elle soutient que les notes d’observations cliniques manquantes de son médecin de famille du 13 février 2015 et du 9 mars 2015 constituent des faits nouveaux substantiels. Celui-ci a accidentellement omis d’en transmettre des copies à Service Canada, de sorte qu’elles n’ont pas été versées au dossier d’appel.

Questions en litige

  1. Les notes d’observations cliniques manquantes du médecin de famille constituent-elles des faits nouveaux substantiels?
  2. Dans l’affirmative, les problèmes médicaux de la requérante l’ont-ils empêché de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice au 28 février 2015?
  3. Dans l’affirmative, son invalidité doit-elle durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

Critère relatif aux faits nouveaux

[5] Je peux modifier ou annuler une décision prise par la division générale si des faits nouveaux substantiels qui, au moment de l’audience, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnable me sont présentés.Note de bas de page 2

[6] En vertu de cette disposition, une décision peut être rouverte si un demandeur présente de nouveaux renseignements qui n’étaient pas facilement accessibles au moment de l’audience. Les nouveaux renseignements doivent également être substantiels, c’est-à-dire qu’ils pourraient vraisemblablement avoir influé sur l’issue de l’audience si le Tribunal en avait eu connaissance à cette époque.

[7] Une telle demande n'est pas un appel ni une occasion de débattre de nouveau du fonds de la demande d'un requérant. Il s'agit plutôt d'un outil conçu pour permettre au Tribunal de rouvrir une de ses décisions lorsque des éléments de preuve nouveaux et pertinents sont découverts et qu'ils n'auraient pu être découverts avant, pour quelque raison que ce soit, moyennant une diligence raisonnable.Note de bas de page 3

[8] Je suis convaincu que les notes d’observations cliniques du médecin de famille du 13 février 2015 et du 9 mars 2015 sont des faits nouveaux substantiels. Elles existaient au moment de la première audience et n’étaient pas facilement accessibles. On pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’elles aient influé sur l’issue de l’audience.

[9] Au début de 2017, le Dr Khan a transmis ses notes d’observations cliniques de 2012 à Service Canada à la demande du ministre. Il a accidentellement omis d’inclure des copies de ses notes du 23 février et du 9 mars 2015. Les avocats de la requérante ne se sont pas rendu compte que ces notes n’avaient pas été versées au dossier d’appel avant qu’ils n’étudient les motifs de la décision. Ils ont remarqué que la décision ne faisait nullement mention des consultations en cabinet du 23 février et du 9 mars 2015 dans le résumé des notes cliniques du Dr Khan. Après avoir examiné une copie des notes cliniques du Dr Khan qui leur avaient été envoyées pour le litige relatif au préjudice personnel de la requérante, ils se sont rendu compte qu’elles n’avaient pas été versées au dossier d’appel.

[10] Je suis convaincu qu’il était raisonnable que les avocats de la requérante aient présumé que le Dr Khan avait transmis des copies de toutes ses notes d’observations cliniques à Service Canada pour la période de 2012 à 2017. La norme est le « caractère raisonnable » et non la « perfection ». Comme les notes n’avaient pas été versées au dossier d’appel, elles n’étaient pas facilement accessibles pour l’audience.

[11] La note d’observations cliniques du 23 février 2015 indique que l’on a délivré par ordonnance à la requérante du Voltaren pour des douleurs lombaires de nature mécanique. La note d’observations cliniques du 9 mars 2015 fait état de douleurs lombaires chroniques et d’un soulagement temporaire seulement avec la prise de Voltaren.Note de bas de page 4 Ceci est survenu deux semaines avant la PMA venant à échéance le 28 février 2015 et trois mois avant l’accident de juin 2015.

[12] Dans sa décision, le membre du Tribunal a résumé les notes d’observations cliniques du Dr Khan. Les conclusions suivantes figuraient notamment dans sa décision :

  • [traduction]
    Les douleurs dorsales chroniques de la requérante découlent de son accident de véhicule de juin 2015, qui a eu lieu après la date potentielle de la PMA venant à échéance le 28 février 2015.Note de bas de page 5
  • [traduction]
    La douleur chronique de la requérante a été en grande partie causée par l’accident de véhicule de juin 2015.Note de bas de page 6

[13] Je suis convaincu que les notes auraient raisonnablement influé sur l’issue de la première audience. Les notes d’observations cliniques manquantes confirment que la requérante souffrait de douleurs lombaires chroniques le 28 février 2015, soit plusieurs mois avant l’accident de juin 2015. L’existence et l’ampleur des douleurs lombaires de la requérante avant cet accident constituaient une question en litige importante dont était saisi le Tribunal. Les notes manquantes sont pertinentes à cette question.

[14] Je conclus que la requérante a satisfait au critère relatif aux faits nouveaux.

Admissibilité à la pension d’invalidité du RPC

[15] Il ne faut pas inférer de ma conclusion selon laquelle on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les notes aient influé sur l’issue de la décision que cela aurait nécessairement été le cas. Comme j’ai conclu que la demanderesse a établi des faits nouveaux, je dois trancher la question de savoir si son invalidité était grave et prolongée le 28 février 2015 ou avant cette date.

[16] Une invalidité admissible doit être grave et prolongée.Note de bas de page 7 L’invalidité de la requérante est grave si elle l’empêche de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle est susceptible de durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[17] Toutefois, la requérante doit prouver qu’il était fort probable qu’elle serait devenue invalide à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle est calculée en fonction de ses cotisations au RPC. La PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2014.Note de bas de page 8

[18] La requérante a déclaré des gains de 931 $ en 2015.Note de bas de page 9 Cette somme est inférieure aux sommes minimales requises pouvant être considérées comme des cotisations valides au RPC. Dans une telle situation, la loi permet le calcul proportionnel du niveau de rémunération inférieur aux sommes minimales dans le but de permettre au requérant de satisfaire aux exigences de cotisation. Si la requérante n’était pas invalide au 31 décembre 2014, elle pourrait recourir au calcul proportionnel et être admissible à la pension d’invalidité si elle devenait invalide entre le 1er janvier et le 28 février 2015.

Les problèmes médicaux de la requérante

[19] Afin d’éviter les chevauchements inutiles, j’ai utilisé le témoignage de vive voix de la requérante lors de la première audience comme élément de preuve de la présente audience. J’ai donné à la requérante l’occasion de témoigner de vive voix. Elle s’en est tenue à son témoignage initial.

[20] Lors de la première audience, la requérante a déclaré qu’elle avait subi des blessures à la cheville gauche et au coude gauche lors de l’accident de travail de mars 2012. Elle a continué d’accomplir des tâches légères pendant environ deux mois, puis son employeur l’a mise à pied en raison de l’indisponibilité de tâches légères. Elle n’a pas pu retourner au travail après avoir subi des blessures aux épaules, au dos et au cou lors de l’accident de véhicule en octobre 2012. Le Dr Khan lui a délivré par ordonnance des médicaments et lui a fait suivre des traitements de physiothérapie. En avril 2013, le Dr Khan l’a dirigée vers le Dr Kubba, un spécialiste de la douleur chronique. Le Dr Kubba lui a donné ses injections, sans toutefois qu’il y ait eu amélioration de la douleur.

[21] La requérante a déclaré qu’elle ne pouvait pas reprendre son travail antérieur en tant que X. Elle ne peut pas se pencher ni lever ou transporter des objets. Elle ne peut pas se tenir debout pendant plus de 30 minutes. Elle ne peut pas rester assise pendant plus d’une heure en raison de ses douleurs lombaires. Elle ne s’est pas mise à la recherche d’un autre emploi. Lorsqu’on lui en a demandé la raison, elle a déclaré que ses douleurs à l’épaule, au dos et au cou constituent la principale raison pour laquelle elle ne peut pas travailler.

[22] La jurisprudence indique clairement qu’une preuve médicale est exigée à l’appui d’une affirmation selon laquelle une invalidité est grave.Note de bas de page 10

[23] La preuve médicale établit que la requérante souffre de douleurs chroniques de longue date et qu’elle ne peut plus exercer son emploi antérieur exigeant physiquement en tant que X. Toutefois, la preuve n’établit pas qu’elle n’avait pas la capacité de faire un travail moins exigeant physiquement au 28 février 2015.

[24] En avril 2013, le Dr Kubba a déclaré que les blessures causées par le coup de fouet cervical subi par la requérante à la suite de l’accident de véhicule d’octobre 2012 s’amélioraient avec la prise de Lyrica et la physiothérapie.Note de bas de page 11 Dans le premier rapport médical qu’il a transmis au RPC en juin 2016, le Dr Khan a diagnostiqué des douleurs lombaires de nature mécanique, des douleurs cervicales et des douleurs bilatérales aux épaules. Il a également déclaré que la requérante ne pouvait pas effectuer de travail de peine en raison de la faible amplitude des mouvements que lui permettent son dos, son cou et ses épaules. Cependant, il n’a pas déclaré qu’elle ne pouvait pas effectuer un travail moins exigeant physiquement.Note de bas de page 12

[25] Je dois m’en tenir aux problèmes médicaux de la requérante au 28 février 2015. Le RPC est un régime d’assurance à cotisations. En vertu du RPC, la requérante n’est couverte que pour les problèmes de santé qui sont devenus graves à l’échéance de la PMA ou avant celle-ci. Elle n’est pas couverte pour les problèmes de santé qui sont devenus graves par après.

[26] Bien qu’elle ait souffert de douleurs chroniques au 28 février 2015, la preuve médicale établit que sa douleur s’est considérablement accrue après l’accident de juin 2015. Dans son rapport de juin 2016, le Dr Khan a déclaré que la douleur de la requérante avait empiré depuis cet accident. En juin 2017, le Dr Kubba a déclaré que la requérante se plaignait principalement de douleurs dorsales chroniques et que l’accident de juin 2015 a été l’élément déclencheur de ces douleurs.Note de bas de page 13 En octobre 2017, la requérante a déclaré au Dr Vasdev, psychiatre, que ses douleurs à l’épaule et au cou avaient empiré après l’accident de juin 2015.Note de bas de page 14 En octobre 2017, le Dr Papaneja, rhumatologue, a déclaré que la requérante avait éprouvé des douleurs lombaires et de la dorso-lombalgie après l’accident de véhicule en juin 2015, et qu’il y avait eu atténuation des douleurs au cou et aux épaules occasionnées par l’accident d’octobre 2012.Note de bas de page 15

[27] Il n’existe pas de note d’observations cliniques du Dr Khan faisant état de douleurs au dos, au cou ou aux épaules entre novembre 2012 et mars 2014. La note d’observations cliniques subséquente à ce sujet ne date pas du 23 février 2015, date à laquelle le Dr Khan a délivré par ordonnance le Voltaren. Les notes d’observations cliniques ne font état que de symptômes légers qui ont été traités prudemment, suivis d’une augmentation significative de la douleur à la suite de l’accident de véhicule de juin 2015.

[28] Les extraits les plus importants des notes d’observations cliniques du Dr Khan faisant état de douleurs au dos, aux épaules et chroniques d’octobre 2012 à la fin de juillet 2015, notamment ceux qui n’avaient pas été versés au dossier du premier appel, sont présentés ci-dessous :Note de bas de page 16

  • 22 octobre 2012 : accident de véhicule, véhicule embouti à l’arrière, douleur au cou
  • 8 novembre 2012 : douleur aux épaules et à la nuque
  • 29 novembre 2012 : douleur dans toutes les régions touchées par les blessures, toujours incapable de travailler
  • 26 mars 2014 : légère évolution de l’arthrose, arthralgie de l’articulation humérale, dirigée en physiothérapie
  • 23 février 2015 : Voltaren contre les douleurs lombaires de nature mécanique
  • 9 mars 2015 : douleurs lombaires chroniques, soulagement efficace (mais temporaire seulement) avec le Voltaren
  • 12 mars 2015 : radiographie de la colonne lombaire, rien à signaler
  • 25 mai 2015 : douleur à la cheville gauche et douleurs lombaires depuis cinq jours, aucun antécédent de blessure, aucune maladie rhumatismale connue
  • 28 mai 2015 : douleurs lombaires chroniques, irradiant maintenant les membres inférieurs
  • 2 juin 2015 : accident de véhicule survenu hier, se plaint de douleur aux épaules, à la nuque et au cou, dislocation de l’épaule
  • 11 juin 2015 : douleurs au cou et aux deux épaules et douleurs lombaires
  • 20 juillet 2015 : deuxième semaine de traitements de physiothérapie, la douleur s’aggrave avec l’activité et le travail ménager
  • 5 novembre 2015 : douleurs lombaires chroniques
  • 24 novembre 2015 : douleurs lombaires chroniques depuis l’accident
  • 26 novembre 2015 : éprouve de la dorso-lombalgie, des douleurs cervicales et des douleurs bilatérales aux épaules, problèmes médicaux aggravés à la suite de l’accident, incapable de continuer à exercer un travail de peine

[29] La requérante affirme qu’elle souffre également de dépression et d’anxiété. Il n’y avait toutefois aucune preuve médicale à cet égard jusqu’à ce qu’elle soit prise en charge par le Dr Vasdev en octobre 2017, soit plus de deux ans après qu’elle ait été admissible pour la dernière fois aux prestations d’invalidité du RPC. Elle n’a pas fait de suivi auprès du Dr Vasdev et elle ne prend pas d’antidépresseurs ni d’anxiolytiques.

[30] Je suis convaincu qu’en raison de sa douleur chronique, la requérante ne peut reprendre un travail exigeant physiquement. Bien que son état se soit détérioré en raison de l’accident de juin 2015, cela n’a aucune incidence sur l’évaluation de la gravité de son invalidité au 28 février 2015. La requérante a le fardeau ou [sic] la preuve, et la preuve médicale n’établit pas qu’elle n’avait pas la capacité de rechercher un travail moins exigeant physiquement à cette date.

La requérante n’a pas établi qu’elle n’avait pas la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice le 28 février 2015.

[31] En plus de démontrer l’existence d’un grave problème de santé, la requérante doit, lorsque la preuve établit sa capacité à travailler, démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux pour des raisons de santé.Note de bas de page 17

[32] Je reconnais que la requérante souffre de douleurs chroniques et qu’elle estime être inapte au travail. Toutefois, la douleur chronique ne suffit pas; la douleur doit être telle qu’elle empêche la requérante de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.Note de bas de page 18

[33] Étant donné que la requérante avait une certaine capacité à travailler, elle avait l’obligation de démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.Note de bas de page 19

[34] La requérante a reconnu ne pas avoir fait d’efforts pour trouver un autre emploi.

[35] Je dois évaluer le volet « gravité » du critère en rapport avec le « monde réel » et tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie de la requérante au moment de déterminer son employabilité.Note de bas de page 20

[36] La requérante n’avait que 52 ans le 28 février 2015. Elle avait 49 ans lorsqu’elle a travaillé pour la dernière fois. Bien que l’anglais ne soit pas sa langue maternelle et qu’elle s’exprime habituellement en pendjabi, elle est capable de parler, de lire et d’écrire l’anglais. Son niveau de maîtrise de l’anglais ne constitue pas un obstacle majeur à son employabilité concernant de nombreuses occupations véritablement rémunératrices. Comme elle est titulaire d’un diplôme universitaire de l’Inde, elle a probablement la capacité de parfaire son éducation et d’accroître sa maîtrise de la langue anglaise et ses compétences transférables.

[37] Je reconnais que les possibilités d’emploi de la requérante au Canada se sont limitées à du travail physique et qu’elle se heurte à certains obstacles à l’emploi dans un contexte réaliste. Toutefois, je ne suis pas convaincu que ces obstacles étaient tels qu'elle ne pouvait pas détenir un emploi avec des tâches légères et non exigeantes physiquement.Note de bas de page 21

[38] La requérante n’a pas réussi à établir qu’il est fort probable qu’elle souffre d’une invalidité grave conformément aux exigences du RPC.

Caractère prolongé

[39] Étant donné que la requérante n’a pas établi l’existence d’une invalidité grave, je n’ai pas à trancher la question du volet « gravité » du critère.

Conclusion

[40] Bien que la requérante ait établi des faits nouveaux, elle n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[41] La demande est rejetée.

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