Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] L’appel de la requérante est accueilli. Elle est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) à compter de janvier 2020.

Aperçu

[2] La requérante souffre d’un trouble dépressif grave et d’une dépression résistante au traitement. Ses symptômes ont commencé il y a de nombreuses années et jusqu’à récemment, elle pouvait travailler comme cuisinière pendant une partie de l’année. Ses symptômes sont en quelque sorte contrôlés grâce aux traitements, mais lorsqu’elle travaille, elle doit cesser certains traitements et ses épisodes de dépression et d’anxiété deviennent plus graves et plus fréquents. En plus de prendre des médicaments, elle doit suivre une thérapie cognitivo‑comportementale (TCC) continue et une électroconvulsothérapie (ECT) de maintien.

[3] Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 26 juillet 2017. Il a rejeté cette demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision issue de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[4] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences établies dans le RPC. Plus particulièrement, la requérante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Ce sont les cotisations de la requérante au RPC qui déterminent le moment où la PMA prend fin. Je conclus que la PMA de la requérante ne se termine pas avant le 31 décembre 2021. Comme sa PMA n’est pas encore terminée, j’analyserai son invalidité à la date de l’audience.

Questions préliminaires

[5] La requérante a déclaré que son état de santé la rendait de moins en moins fiable au travail et que son employeur l’avait récemment informée qu’elle devrait améliorer son assiduité, faute de quoi elle perdrait son emploi. La requérante a demandé que l’on retarde la procédure pour lui permettre de déposer la lettre de l’employeurNote de bas de page 1 et la correspondance la plus récente d’une psychiatreNote de bas de page 2. J’ai accordé un délai à la requérante pour qu’elle puisse déposer ces éléments de preuve supplémentaires et j’ai accordé jusqu’au 11 octobre 2019 au ministre pour qu’il présente une réponse. Le ministre n’a pas présenté d’observations en réponse.

Questions en litige

[6] Les problèmes de santé de la requérante ont-ils entraîné chez elle une invalidité grave, c’est-à-dire était-elle régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice?

[7] Le cas échéant, l’invalidité de la requérante devait-elle aussi vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie?

Analyse

[8] Conformément au RPC, une personne est considérée comme invalide si elle est déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 3. Une personne est réputée avoir une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Une personne doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère, ce qui signifie que si la requérante ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

[9] Je dois évaluer le volet du critère relatif à la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 4. Cela signifie qu’au moment de décider si l’invalidité de la requérante est grave, je dois tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[10] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la requérante est atteinte de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de savoir si la requérante est incapable d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de savoir si elle est incapable d’exercer un emploi véritablement rémunérateurNote de bas de page 5.

L’emploi de la requérante est-il véritablement rémunérateur?

[11] La requérante a souffert de dépression et d’anxiété pendant de nombreuses années et son état de santé s’est aggravé en 2008 lorsqu’elle a été hospitalisée après une tentative de suicide. Elle a été incapable de retourner au travail à temps plein et sa dépression et son anxiété récurrentes ainsi que ses maux de dos ont limité le type d’emploi qu’elle pouvait occuper. Elle est retournée au travail à temps partiel comme cuisinière, mais a dû cesser de travailler pendant sa grossesse parce qu’elle ne pouvait pas prendre certains de ses médicaments. Après son congé de maternité, elle a repris un emploi à temps partiel et saisonnier. À partir de 2011, elle a travaillé comme cuisinière pendant cinq ou six mois chaque année. Le ministre a fait valoir que cela démontre que la requérante est capable d’exercer un emploi véritablement rémunérateur et qu’elle n’est pas atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC.

[12] Par « véritablement rémunérateur », on entend un emploi qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invaliditéNote de bas de page 6. Par exemple, ce montant s’élevait à 15 763,92 $ en 2017 et à 16 029,96 $ en 2018. Selon le Règlement, une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à ces montants est véritablement rémunératrice.

[13] Les gains de la requérante en 2017 (12 827 $) et 2018 (15 346 $) n’excèdent pas ces sommes annuelles maximales, mais ses gains réels ne sont pas le seul facteur que je dois prendre en considération. Je dois tenir compte de sa capacité de travailler et plus particulièrement de sa capacité d’exercer un emploi véritablement rémunérateur. Bien que les gains de la requérante puissent indiquer une certaine capacité de travailler, la description de ses symptômes quotidiens et leur incidence sur sa capacité de fonctionner montrent qu’elle n’est pas régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le fait qu’elle ait été capable de travailler une partie de l’année témoigne de sa détermination à subvenir aux besoins de sa fille, pas de sa capacité à travailler davantage. Au contraire, son témoignage, la preuve médicale et la dernière lettre de son employeur montrent que sa capacité s’est détériorée en 2019.

[14] La requérante a affirmé qu’elle travaillait autant qu’elle le pouvait malgré une invalidité grave. Son état s’améliorait quelque peu lorsqu’elle ne travaillait pas et elle pouvait retourner au travail chaque printemps. Une fois de retour au travail, ses symptômes s’aggravaient rapidement jusqu’à ce qu’elle ne soit plus en mesure de travailler, même à temps partiel. De plus, le fait qu’elle travaillait signifiait qu’elle ne pouvait pas suivre d’ECT de maintien ou de TCC régulière comme le recommandait la psychiatre.

[15] La requérante a décrit ses problèmes de santé, l’incidence qu’ils ont eue sur sa capacité de travailler et comment ils se sont aggravés en 2019. Sa dépression et son anxiété sont débilitantes. Lorsqu’elle travaille, elle n’est plus en mesure de répondre aux exigences quotidiennes de son travail et de sa vie familiale. Son absentéisme a augmenté cette année et elle a déclaré que sa fille a également manqué de nombreux jours d’école en raison de son état de santé.

[16] Le dossier contient des renseignements médicaux qui expliquent les problèmes de santé et les symptômes de la requérante. Le médecin de famille de la requérante a signalé qu’il la traite pour dépression majeure depuis 2006Note de bas de page 7. Il a dit qu’elle avait des symptômes qui la handicapent, mais qu’elle n’avait pas le choix de continuer à travailler malgré ses problèmes de santé8. Il a ensuite expliqué qu’il pensait qu’elle ne serait pas capable de continuer à travailler.

[17] La Dre S. Amanullah, psychiatre, a présenté son rapport en août 2019Note de bas de page 8. Certains de ses commentaires appuient le témoignage de la requérante. La Dre Amanullah a noté que la requérante était [traduction] « actuellement » relativement fonctionnelle. Elle a également confirmé que la requérante a de longs antécédents de trouble dépressif majeur, qu’elle a consulté pendant plusieurs années, qu’elle continue de souffrir de problèmes de santé, qu’elle se sent dépassée, qu’elle ne peut pas suivre d’ECT de maintien à cause de son travail, que l’ECT lui procure un certain soulagement, qu’elle souffre d’une dépression résistante au traitement, qu’elle a besoin d’une ECT et plus précisément d’une ECT de maintien et qu’elle a besoin d’une TCC continue.

[18] La requérante a expliqué qu’elle n’est pas en mesure de suivre les traitements recommandés lorsqu’elle travaille. Les séances d’ECT peuvent contribuer à réduire certains de ses symptômes et le spécialiste a recommandé qu’elle participe à des séances de maintien mensuellement pour l’aider à gérer son état de santé. Elle comprend que pour obtenir les meilleurs résultats, elle doit participer à des séances d’ECT tous les mois, en commençant par deux séances par semaine le premier mois. Les effets secondaires de l’ECT la rendent incapable de fonctionner pendant plusieurs jours après chaque séance. Des pertes de mémoire à court terme, de la fatigue et d’autres symptômes cognitifs l’empêchent d’aller travailler après les séances d’ECT. Elle doit avoir quelqu’un pour s’occuper d’elle après chaque séance et les effets secondaires peuvent durer longtemps.

[19] La requérante ne peut pas assister régulièrement à des séances de TCC pendant qu’elle travaille. Elle ne peut pas se permettre d’assister régulièrement à des séances de TCC dans une clinique privée et les rendez-vous à la clinique de santé mentale ont souvent lieu pendant ses heures de travail. Elle a affirmé que son état de santé s’améliore et s’aggrave chaque année, mais que les périodes où elle se portait mieux deviennent de plus en plus courtes. Lorsqu’elle ne travaille pas, elle peut suivre des traitements et elle se sent mieux parce que ses symptômes diminuent. Lorsqu’elle travaille, son niveau d’anxiété augmente et elle devient de plus en plus déprimée. Elle a déclaré que son état de santé pourrait s’améliorer grâce aux traitements, mais que jusqu’à présent cette année ceux-ci se sont avérés moins efficaces et que ses symptômes commencent à s’aggraver plus tôt chaque année.

[20] En 2019, la requérante a constaté qu’elle devait prendre plus de congés que les années précédentes. Ses symptômes étaient plus graves et ses médicaments ne semblaient pas l’aider comme par le passé. Son employeur a réduit ses heures de travail et a menacé de mettre fin à son emploi parce qu’elle s’absentait du travail et n’appelait pas lorsqu’elle ne pouvait pas se présenter.

[21] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans sa totalité, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non pas uniquement de celles qui sont les plus importantes ou les principalesNote de bas de page 9. La requérante a d’autres problèmes de santé qui affectent sa capacité fonctionnelle. Elle souffre de douleurs sciatiques, de douleurs à la main, de tremblements et du syndrome des jambes sans repos. Elle prend des médicaments pour la douleur et reçoit des injections pour bloquer ses douleurs neuropathiques. Elle a récemment commencé à prendre des médicaments pour atténuer ses tremblements et son syndrome des jambes sans repos. Elle comprend que ses médicaments contre la dépression et l’anxiété doivent être ajustés de temps en temps et sait que cela peut entraîner des symptômes désagréables et des interactions avec ses autres médicaments et des problèmes de santé pendant la période d’ajustement.

[22] La description que la requérante a faite de la manière dont ses problèmes de santé interagissent entre eux et s’aggravent les uns les autres montre clairement les difficultés croissantes auxquelles elle est confrontée en tentant de gérer ses symptômes persistants et de plus en plus graves. Il est raisonnable de penser qu’elle ne peut pas travailler à cause de ses problèmes de santé et des effets des traitements dont elle a besoin sur ces problèmes de santé, et je la crois lorsqu’elle affirme cela.

Invalidité prolongée

[23] J’estime que les problèmes de santé de la requérante vont probablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Elle a de longs antécédents de troubles dépressifs graves récurrents qui résistent au traitement. Elle a besoin de médicaments qui doivent être ajustés de temps en temps et qui interagissent avec d’autres traitements dont elle a aussi besoin. Elle doit également suivre une ECT et une TCC continues qui affectent sa capacité et sa disponibilité à travailler. Elle prend des médicaments et reçoit des injections pour des douleurs et des symptômes neurologiques. Depuis 2006, ses symptômes se sont aggravés jusqu’à ce qu’elle fasse une tentative de suicide et doive être hospitalisée. Ses symptômes et sa capacité fonctionnelle s’améliorent quelque peu lorsqu’elle ne travaille pas, mais ses problèmes de santé ne se résolvent pas entièrement et les périodes où elle se porte mieux sont de plus en plus courtes et de moins en moins fréquentes. Le rapport de spécialiste le plus récent indique que la requérante continue d’éprouver des difficultés, qu’elle a besoin d’une ECT et d’une TCC continues et que sa médication doit être augmentée ou ajustée. Rien ne permet de penser que ses problèmes de santé vont s’améliorer ou disparaître au fil du temps ou grâce à des traitements.

Conclusion

[24] En me fondant sur le témoignage de la requérante et les preuves au dossier, je conclus que la requérante a prouvé que son état de santé s’est aggravé en 2019 et qu’à la date de l’audience, le 17 septembre 2019, elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2019. Les versements doivent commencer quatre mois après la date de début de l’invalidité, soit à partir de janvier 2020Note de bas de page 10.

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