Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante est une jeune femme qui a arrêté de travailler comme représentante du service à la clientèle en raison de la dermatite chronique des mains. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 11 juin 2018. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, la requérante doit être réputée invalide au sens du RPC à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. J’ai établi que la PMA de la requérante est le 31 décembre 2025.

Question(s) en litige

[4] Les problèmes de santé de la requérante ont-ils entraîné chez elle une invalidité grave, c’est à-dire une incapacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de l’audience?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de la requérante était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie à la date de l’audience?

Analyse

[6] L’invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est considérée comme étant atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement être d’une durée longue, continue et indéfinie ou si elle doit vraisemblablement entraîner le décès. Une personne doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère, ce qui signifie que si la requérante ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

La requérante n’est pas atteinte d’une invalidité grave

[7] La requérante a affirmé qu’elle a travaillé à temps partiel dans une maison de soins infirmiers en tant qu’aide diététique en 2011 environ. Son emploi nécessitait notamment de laver la vaisselle. À la fin de 2012, son employeur a changé les produits chimiques utilisés pour laver la vaisselle. Environ un mois plus tard, elle a remarqué que ses mains étaient enflées, saignaient et étaient couvertes de bosses semblables à des boutons. Son superviseur lui a commandé une paire de gants en latex pour qu’elle puisse les porter pour laver la vaisselle. Elle a trouvé qu’il avait été très compréhensif de sa situation.

[8] Il y a eu un changement de direction, et elle a trouvé que la nouvelle direction était beaucoup moins compréhensive. Elle se déclarait malade, elle avait de la difficulté à saisir la vaisselle. Ses gants faisaient que ses mains transpiraient et lui causaient des ampoules, qui suintaient, se fendaient puis séchaient. Elle a cessé de faire ce travail en 2014.

[9] Elle a décidé d’essayer un nouvel emploi qui ne l’obligerait pas à se mouiller les mains. Elle a travaillé à temps partiel à X comme caissière et représentante du service à la clientèle à compter de 2014. Elle devait utiliser une crème protectrice 8 à 10 fois par quart de travail pour prévenir les éruptions. Ses mains devenaient immunisées contre la crème protectrice après plusieurs journées consécutives d’utilisation, et la crème était donc de moins en moins efficace. Ses mains se fendillaient, saignaient et séchaient. Elle avait de la difficulté à dormir la nuit en raison des douleurs aux mains.

[10] Ses tâches au travail ont été modifiées pour tenir compte de ses mains. On lui a permis d’occuper un poste de gestion. Elle se tenait à l’extrémité des caisses avec une planchette à pince, envoyait ses collègues prendre leurs pauses, s’assurait que les caissières et caissiers étaient présents en nombre suffisant pour s’occuper des files de clients et s’assurait que ses collègues partaient au moment voulu. Elle a aussi travaillé au bureau du service à la clientèle, où elle devait traiter les retours de marchandise. Elle classait les talons de paye en ordre alphabétique, ce qui asséchait ses mains. Peu importe quel poste elle essayait d’occuper, elle devait toujours utiliser fréquemment la crème protectrice.

[11] Vers 2016, elle a essayé de travailler pour une entreprise, à domicile, pour vendre des produits X. Elle pouvait travailler à la maison et à son propre rythme. Elle distribuait des prospectus à des amis et à des membres de la famille. Elle commandait des produits et les livrait à ses clients. Elle trouvait cela difficile de passer les commandes parce que cela l’obligeait à taper au clavier. Elle a arrêté de faire ce travail après un an, car ce n’était pas rentable. Elle a gagné moins de 500 $.

[12] Elle a décidé de chercher un autre emploi. En octobre 2016, elle a commencé à travailler comme représentante du service à la clientèle et associée aux ventes pour X. Ses tâches consistaient notamment à taper au clavier et à parler au téléphone à l’aide d’un casque d’écoute. Elle a cessé de faire ce travail en février 2017 parce qu’elle ne pouvait pas taper au clavier et trouvait cela très stressant. Le stress faisait que ses mains se fissuraient. À ce moment-là, ses mains étaient enflées, douloureuses, rouges et recouvertes d’ampoules. Elle a essayé de travailler dans une boulangerie, mais elle n’a pas réussi à terminer sa première journée de formation en raison de ses mains.

[13] Elle a touché des prestations d’assurance-emploi (AE) régulières du 5 mars 2017 au 12 août 2017. Elle reconnaît avoir mentionné qu’elle avait été capable de travailler pour toucher ces prestations. Elle pense que son problème aux mains s’est aggravé depuis ce moment.

[14] En décembre 2017, elle a donné naissance à sa fille. Depuis ce moment, elle est mère au foyer. Son mari quitte habituellement la maison pour aller travailler à 6 h. La mère de la requérante vient l’aider à 16 h 30. Elle trouve cela difficile de tenir le rythme avec sa fille en bas âge à la maison. Elle a donné le bain à sa fille une seule fois depuis sa naissance, car elle ne peut pas se mouiller les mains. Il y a deux semaines, elle n’a pas été capable de donner un médicament à sa fille. Elle trouve que les couches collent à ses mains sèches. Elle ne peut pas tenir sa fille très longtemps. Elle ne peut pas tourner les pages pour lui lire un livre. Environ une à deux fois par mois, lorsque la douleur de la requérante s’intensifie, sa mère s’absente du travail pour garder sa petite fille.

[15] La requérante a aussi reçu un diagnostic de dépression. Elle estime que les médicaments antidépresseurs l’aident un peu. Elle se réveille plusieurs fois par nuit en raison de ses douleurs aux mains.

[16] La mère de la requérante, K. B., a témoigné à l’audience. Elle a mentionné que ses problèmes aux mains ont commencé en 2012. Elle a reçu un diagnostic de dermatite. On lui a dit d’appliquer une crème protectrice et de porter des gants. Elle dormait avec ses gants, mais la nouvelle peau qui se formait se détachait lorsqu’elle enlevait les gants le matin. Elle avait de l’enflure, des fissures et des picotements aux mains. Elle avait de la difficulté à plier les doigts et à saisir des objets.

[17] Elle a subi des tests épicutanés et environnementaux. Elle a consulté huit dermatologues. Son médecin de famille a fini par lui dire qu’elle est malchanceuse et qu’il ne sait pas quoi faire d’autre pour elle.

[18] K. B. reçoit des appels téléphoniques à 5 h 30 pour lui demander de prendre congé de son travail et de garder sa petite-fille parce qu’elle a été éveillée toute la nuit à cause de ses mains. K. B. a pris de nombreux jours de congé pour l’aider. La requérante appelle souvent K. B. en pleurant en raison de la dépression. Elle n’aime pas se trouver en présence d’autres personnes.

[19] K. B. a confirmé que la requérante garde sa propre fille régulièrement. Cependant, une à deux fois par mois, K. B. se déclare malade au travail pour garder sa petite fille parce que les mains de la requérante sont couvertes d’ampoules et douloureuses.

[20] Le rapport médical du RPC a été rempli le 1er juin 2018 par le Dr Benjamin McNaull, médecin de famille. Il a noté que la requérante a la dermatite des mains, laquelle s’est aggravée progressivement depuis son diagnostic. Elle a besoin de protections, comme des gants, qui sont utiles. Le 10 décembre 2018, le Dr McNaull a rapporté qu’elle avait la dermatite des mains depuis octobre 2012, avec érythème bilatéral des mains, desquamation, sensibilité et douleur. Ses symptômes semblent pires à la suite d’une exposition aux produits chimiques et au savon.

[21] La Dre Stephanie Cote, dermatologue, a rapporté le 23 novembre 2016 qu’elle avait la dermatite des mains. Elle devrait éviter les produits parfumés et porter des gants de coton en dessous des gants de caoutchouc pour travailler avec de l’eau. Elle devrait aussi appliquer une crème protectrice plusieurs fois par jour.

[22] Le Dr Khaled Abdel-Razek, gynécologue, a rapporté le 17 septembre 2017 que son état de santé général est bon et qu’elle ne prend pas de médicaments de façon régulière. Il a été noté par la suite, le 14 décembre 2017, qu’elle avait l’hypertension gestationnelle et le diabète gestationnel. Aucun autre rapport ne figurait au dossier et aucune preuve orale ne montre que ces problèmes de santé ont continué après la naissance de son enfant.

[23] En ce qui concerne sa dépression, selon les notes cliniques au dossier, datées du 27 novembre 2018, elle va bien et on constate une légère amélioration de son humeur à la suite du début de la prise de médicaments. Aucun rapport médical au dossier ne montre une détérioration de sa dépression.

Il existe une preuve de capacité de travailler

[24] J’accepte que la requérante a des problèmes continus de dermatite et de dépression. Cependant, j’ai tenu compte du fait que le critère permettant de déterminer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de savoir si une personne est incapable d’accomplir son travail habituel, mais plutôt si elle est incapable d’accomplir un travail véritablement rémunérateurNote de bas de page 2.

[25] Son médecin de famille et les spécialistes qu’elle a consultés confirment ses diagnostics et indiquent qu’elle est incapable d’exécuter certaines activités qui aggraveraient ses symptômes, comme un lavage fréquent des mains et une exposition au savon et à des produits chimiques. Cependant, je conviens avec le ministre qu’aucun de ses médecins n’a mentionné qu’elle est incapable de travailler. La requérante a elle-même touché des prestations régulières d’assurance emploi de mars 2017 à août 2017. Elle reconnaît avoir dit qu’elle était capable de travailler à ce moment-là. Aucun élément de preuve crédible ne montre une détérioration importante de son état de santé depuis ce moment. En fait, elle est capable de prendre soin de sa fille en bas âge à temps plein, bien qu’avec l’aide de sa mère.

[26] J’estime qu’il existe une preuve de capacité de travailler. Lorsqu’il y a preuve de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les efforts effectués pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de l’état de santé de la personneFootnote 3. En l’espèce, avant de recevoir des prestations régulières d’assurance emploi, la requérante a essayé de travailler de chez elle pour une entreprise, mais elle a trouvé cela difficile et n’a pas réussi à rendre le tout rentable.

[27] Elle a aussi essayé de travailler comme boulangère, mais elle n’a pas réussi à terminer la première séance de formation en raison de ses mains. Cela n’est pas surprenant, puisqu’il s’agit d’un emploi qui nécessite de se laver les mains, de porter des gants en latex et d’utiliser beaucoup ses mains. Elle n’a pas essayé d’occuper un autre type de poste dans les limites de ses restrictions. Elle n’a pas tenté de parfaire son éducation.

[28] Je dois évaluer le volet de la gravité du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 4. Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, et les expériences de travail et de vie. En l’espèce, pour déterminer que l’invalidité de la requérante n’est pas grave, j’ai tenu compte du fait qu’elle a 26 ans, et a fait des études de 12e année. Elle parle couramment anglais. Elle a travaillé principalement dans le domaine du service à la clientèle, comme caissière et comme aide diététique.

[29] Elle est très jeune et raisonnablement bien instruite. Quand j’examine ses caractéristiques personnelles, je ne conclus pas qu’elle n’est pas employable dans un contexte réaliste. Bien que je reconnaisse qu’elle aurait de la difficulté à occuper un emploi qui l’obligerait à se laver fréquemment les mains et l’exposerait aux savons et aux produits chimiques, rien ne l’empêcherait de tenter d’occuper d’autres emplois dans les limites de ses restrictions. Rien ne l’empêcherait non plus de se recycler pour occuper un autre type d’emploi. Elle a fait très peu de tentatives pour trouver un autre travail et elle n’a pas essayé de se recycler. Par conséquent, elle n’a pas démontré que ses efforts pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[30] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les déficiences possibles, et non seulement des déficiences les plus importantes ou de la principale déficienceNote de bas de page 5. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve et l’effet cumulatif des problèmes de santé de la requérante, je ne suis pas convaincue selon la prépondérance des probabilités qu’elle souffre d’une invalidité grave.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.
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