Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Contenu de la décision

Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[3] K. S. (requérante) a terminé ses études secondaires et deux années dans un programme de sciences infirmières. Elle est préposée aux soins personnels. La requérante a beaucoup travaillé dans le domaine des soins aux personnes ayant des besoins spéciaux. La requérante a travaillé pour la dernière fois dans un foyer de soins spéciaux bien qu’elle éprouvait certains problèmes de santé. Elle a été impliquée dans deux accidents de voiture en 2017. Elle a ensuite présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) et déclarée être invalide en raison de ses problèmes de santé et des blessures subies lors des accidents de voiture.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a refusé la demande après avoir conclu que l’invalidité de la requérante n’était pas grave. La requérante a interjeté appel de cette décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel après avoir elle aussi conclu que la requérante n’avait pas d’incapacité grave.    

[5] J’ai accordé l’autorisation d’en appeler parce que l’appel avait une chance raisonnable de succès au motif que la division générale avait commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé de la requérante. Après avoir examiné la demande présentée à la division d’appel, les observations écrites du ministre, la décision de la division générale et l’enregistrement audio de l’audience de la division générale, l’appel est accueilli. La division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle, a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS). L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Question préliminaire

[6] L’appel a été tranché sur la foi des documents déposés auprès du Tribunal pour les raisons suivantes :

  1. les questions en litige ne sont pas complexes;
  2. les parties ont traité les questions juridiques dans leurs observations écrites;
  3. la requérante a écrit que le fait de participer à une audience était très stressant et qu’elle se sentait de nouveau victimisée en étant obligée de le faire;
  4. le Tribunal a demandé aux parties de lui indiquer le mode d’audience qu’elles préféraient. Le ministre a demandé que l’appel soit tranché sur la foi des documents déposés auprès du Tribunal; la requérante n’a pas répondu, mais elle a écrit qu’elle n’avait pas d’observations additionnelles à présenter;
  5. le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que l’instance se conclut de la manière la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 1.

Questions en litige

[7] En l’espèce, je dois trancher les questions en litige suivantes :

[8] La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en posant ses questions à la requérante alors que celle-ci croyait que son représentant pourrait répondre en son nom? 

[9] La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle en ne donnant pas au ministre l’occasion de répondre au dernier rapport d’évaluation de la capacité fonctionnelle? 

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit :

  1. en omettant de tenir compte de l’ensemble des problèmes de santé de la requérante;
  2. en omettant d’examiner la question de savoir si le fait que la requérante pouvait travailler de deux à trois heures par jour constituait une occupation véritablement rémunératrice.

[11] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée au titre de la LMEDS :

  1. en omettant de tenir compte du fait que la requérante avait été approuvée pour le crédit d’impôt pour personne handicapée;
  2. en omettant de tenir compte du fait que les accidents de voiture avaient aggravé les problèmes de santé de la requérante;
  3. en omettant de tenir compte de la gravité des symptômes de la requérante lorsqu’un traumatisme sexuel antérieur est ressurgi en 2016;   
  4. en déclarant que le Dr Smith ne traitait pas les problèmes de santé mentale et physique de la requérante;
  5. en omettant de tenir compte du fait que la requérante n’a pas réussi à contrôler son syndrome du côlon irritable (SCI) bien qu’elle ait essayé de le faire avec des médicaments, des changements alimentaires, des suppléments, et que ses difficultés financières avaient une incidence sur sa capacité de traiter ce problème;
  6. en omettant de tenir compte de l’ensemble des résultats de l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de la requérante, y compris les problèmes touchant les nerfs, le rétrécissement ou la compression du canal central et les saillies discales touchant les nerfs;
  7. en déclarant que la requérante n’avait pas été dirigée vers un psychologue, sans tenir compte du fait que la requérante ne pouvait pas payer pour ce traitement;
  8. en omettant de tenir compte du fait que la requérante attend une consultation pour la gestion de la douleur;
  9. en omettant de tenir compte du fait que la requérante ne tolère pas certains médicaments en raison d’allergies et qu’elle n’a pas les moyens de payer certains médicaments.

Analyse

[12] La LMEDS régit le fonctionnement du Tribunal. Elle fournit des règles pour les appels devant la division d’appel. Un appel n’est pas une nouvelle audience de la demande originale, mais il sert à déterminer si la division générale a commis une erreur au titre de la LMEDS. Seuls trois types d’erreurs peuvent être pris en considération : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, elle a commis des erreurs de droit ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 2. Si au moins une de ces erreurs a été commise, la division d’appel peut intervenir. La requérante a présenté plusieurs moyens d’appel qui sont tous examinés ci-dessous.

Justice naturelle

[13] Un des moyens d’appel prévu par la LMEDS est que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle. Ces principes visent à assurer que les parties à un appel ont la possibilité de présenter leurs positions au Tribunal, de connaître les arguments avancés contre elles et d’y répondre, et d’obtenir d’un décideur impartial une décision rendue au regard des faits et du droit.

[14] La requérante affirme que la division générale n’a pas respecté ces principes parce qu’elle lui a posé des questions au cours de l’audience, que son anxiété était très grande et qu’elle n’avait pas pu répondre correctement aux questions. Elle fait également valoir qu’elle croyait que son représentant, qui l’accompagnait, pourrait répondre aux questions en son nom.

[15] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience. Au début de l’audience, la membre de la division générale explique que des questions seraient posées à la requérante et que celle-ci devait y répondre. La représentante de la requérante a accepté que l’appel se déroule de cette façonNote de bas de page 3 et elle a posé quelques questions à la requérante. Ce fut ensuite le tour de la membre de la division générale à poser de nombreuses questions à la requérante. La requérante a répondu clairement à toutes les questions. Ses réponses étaient éclairantes. À la fin du témoignage de la requérante, sa représentante a déclaré qu’elle s’était assurée que sa cliente avait présenté toute sa preuveNote de bas de page 4.

[16] Il ne suffit pas d’affirmer qu’un requérant n’a pas été en mesure de présenter son cas au Tribunal pour démontrer que la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle. Je ne suis pas convaincue que la division générale a commis une telle erreur en l’espèce, car la requérante a présenté l’ensemble de sa preuve à la division générale. Rien ne permet de penser que la requérante n’avait pas compris la position juridique du ministre ou n’avait pas été en mesure d’y répondre, ou que la division générale était partiale.

[17] L’appel ne peut être accueilli pour ce motif.

[18] Néanmoins, la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle d’une autre façon. La requérante a déposé une copie d’une évaluation de sa capacité fonctionnelle auprès du Tribunal la veille de l’audience. La membre de la division générale a déclaré lors de l’audience qu’elle n’avait pas vu ce rapport avant l’audience. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale exige que le Tribunal fournisse une copie de tous les documents déposés à toutes les partiesNote de bas de page 5. Puisque ce rapport a été présenté au Tribunal le jour précédant l’audience et que la membre de la division générale ne l’avait pas reçu avant l’audience, le ministre ne l’aurait pas non plus reçu avant l’audience.

[19] Le ministre n’a pu examiner cet élément de preuve ni présenter d’observations pour y répondre. Malgré ceci, la membre de la division générale a conclu que l’examen de ce rapport ne changerait pas la position juridique du ministre en appel, de sorte qu’elle ne lui a pas accordé le temps de l’examiner ou d’y répondre après l’audienceNote de bas de page 6.

[20] Toutefois, l’examen de cet élément de preuve pourrait avoir changé la position du ministre. Ou le ministre aurait peut-être présenté des observations s’il en avait eu l’occasion. Le rapport conclut que la requérante avait une tolérance de travail de deux à trois heures par jour et qu’elle ne serait pas en mesure de le faire quotidiennementNote de bas de page 7. La division générale n’a pas donné au ministre l’occasion d’examiner cet élément de preuve et d’y répondre. La division générale n’a donc pas donné au ministre la possibilité de répondre pleinement à la preuve de la requérante. Il s’agit d’un manquement aux principes de justice naturelle.  

[21] L’appel doit être accueilli pour ce motif.

Erreur de droit : l’ensemble des problèmes de santé de la requérante

[22] Un autre moyen d’appel que la division d’appel peut prendre en considération est de déterminer si la division générale a commis une erreur de droit. La requérante affirme qu’en l’espèce, la division générale a commis deux erreurs de ce genre.

[23] Premièrement, la Cour d’appel fédérale enseigne qu’au moment de déterminer si un requérant est invalide, il faut examiner tous ses problèmes de santé, et pas non le ou les principauxNote de bas de page 8. La requérante soutient que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de ses problèmes de santé.  

[24] Toutefois, la division générale dresse la liste des problèmes de santé de la requérante, notamment la douleur chronique, le SCI, le trouble de stress post-traumatique (TSPT) et autres problèmes de santé mentaleNote de bas de page 9. Elle a également précisé qu’elle devait trancher la question de savoir si les problèmes liés à la douleur chronique, au SCI, au TSPT et les autres problèmes de santé mentale entraînaient une invalidité grave, c’est-à-dire qu’ils rendent la requérante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de l’audienceNote de bas de page 10. La division générale a examiné la preuve médicale et a conclu que l’état de santé de la requérante n’était pas débilitant. La division générale a examiné les éléments de preuve liés aux accidents de voiture et a conclu que les blessures subies par la requérante n’étaient pas gravesNote de bas de page 11. La division générale n’a donc commis aucune erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble des problèmes médicaux de la requérante.

[25] Je suis toutefois troublée par la conclusion générale tirée par la division générale au sujet des problèmes de santé de la requérante. Dans sa décision, la division générale dit :  

  1. [traduction]
  2. [La requérante] n’a pas tenté de retourner au travail depuis l’accident de voiture de janvier 2017 qui lui a causé des lésions des tissus mous entraînant des douleurs chroniques. Elle était capable de travailler avec ses autres problèmes de SCI, de TSPT et de santé mentale et elle a déclaré qu’elle n’avait jamais éprouvé de douleurs chroniques lorsqu’elle travaillait. Par conséquent, elle n’a pas réussi à prouver qu’elle est incapable de travailler avec ses douleurs chroniques et les autres problèmes de santé qui n’entravaient pas sa capacité de travaillerNote de bas de page 12.

Un requérant n’est pas tenu, dans tous les cas, de démontrer qu’il ne peut pas obtenir et conserver un emploi en raison de son état de santé. Le requérant n’a cette obligation légale que s’il existe des preuves qu’il a une certaine capacité de travaillerNote de bas de page 13. La division générale n’a pas examiné si la requérante avait encore une capacité à travailler avant de conclure qu’elle n’avait pas réussi à prouver qu’elle était incapable de travailler avec ses douleurs chroniques et ses autres problèmes. Il s’agit d’une erreur de droit. La division d’appel doit intervenir pour ce motif.

Erreur de droit : le travail à temps partiel peut-il constituer une occupation véritablement rémunératrice

[26] Pour être invalide, un requérant doit être régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 14. La requérante fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’examiner si le fait de pouvoir travailler deux ou trois heures par jour représentait une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, aucun élément de preuve ne montrait une occupation que la requérante pouvait faire, avait fait ou pourrait lui être offerte. La division générale ne disposait d’aucun élément de preuve permettant d’évaluer si un tel travail serait véritablement rémunérateur. On ne peut pas reprocher à la division générale de ne pas avoir tenu compte d’éléments de preuve qui ne lui ont pas été soumis. Par conséquent, la division générale n’a commis aucune erreur à cet égard.    

Conclusions de fait erronées

[27] Un autre moyen d’appel au titre de la LMEDS est que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. Pour obtenir gain de cause sur ce fondement, la partie prestataire doit démontrer trois choses : qu’une conclusion de fait était erronée (tirée de façon erronée); que la division générale a tiré cette conclusion de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance; et que la décision rendue était fondée sur cette conclusion de faitNote de bas de page 15.

La LMEDS ne définit pas les termes « abusive » et « arbitraire ». En revanche, certaines décisions des cours dans lesquelles a été examinée la Loi sur les Cours fédérales, dont le libellé est le même, fournissent une certaine orientation en la matière. Dans ce contexte, il a été jugé que le terme « abusif » signifie d’« avoir statué sciemment à l’opposé de la preuve ». Le mot « arbitraire » désigne quelque chose « qui est irrégulier au point de sembler ne pas être conforme au droit ». Enfin, une conclusion de fait au sujet de laquelle le Tribunal ne dispose d’aucune preuve sera mise de côté parce qu’elle a été tirée sans égard aux éléments de preuve présentés. J’admets que ces définitions s’appliquent lorsque la LMEDS est prise en considération.

Omission de tenir compte du fait que la requérante avait été approuvée pour le crédit d’impôt pour personne handicapée

[28] Selon la requérante, la première conclusion de fait erronée est que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’elle avait été approuvée pour le crédit d’impôt pour personne handicapée. La requérante a témoigné à ce sujet, mais le critère juridique d’admissibilité à ce crédit est différent du critère d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Par conséquent, le fait que la division générale n’en ait pas parlé dans sa décision n’est pas une erreur.

Omission de tenir compte du fait que les accidents de voiture avaient aggravé les problèmes médicaux de la requérante    

[29] La requérante a ensuite fait valoir que la division générale avait fondé sa décision selon laquelle son invalidité n’était pas grave sur une conclusion de fait erronée parce qu’elle avait omis de tenir compte du fait que les accidents de voiture avaient aggravé tous ses problèmes de santé. Toutefois, la division générale a tenu compte de ce facteur. La décision mentionne que la requérante s’est rendue par ses propres moyens à l’hôpital après le premier accident et qu’elle a reçu un billet pour un arrêt de travail d’une semaine. La division générale a conclu que les blessures causées par cet accident de voiture n’étaient pas gravesNote de bas de page 16. En ce qui concerne le deuxième accident de voiture, la division générale a examiné le rapport du Dr McMullin, et a conclu que ce rapport appuyait la conclusion selon laquelle cet accident avait aggravé les problèmes de santé de la requérante pendant quelques semainesNote de bas de page 17. La division générale a examiné la question, de sorte que l’appel ne peut être accueilli pour ce motif.   

Omission de tenir compte de la gravité des problèmes de la requérante lorsqu’un traumatisme antérieur fut ravivé en 2016   

[30] La requérante soutient de plus que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’un traumatisme émotionnel antérieur avait été ravivé en 2016. La décision indique que le Dr Smith a dirigé la requérante à un centre d’aide aux victimes et qu’elle s’y est rendue pendant huit ou neuf moisNote de bas de page 18. Ceci montre que la division générale s’est penchée sur la santé mentale de la requérante. En outre, la division générale devait tenir compte de l’état de santé de la requérante au moment de l’audience. Par conséquent, la question de savoir si un problème avait été déclenché en 2016 (environ trois ans avant l’audience) n’était pas pertinente. La division générale n’a pas commis d’erreur à cet égard.

Omission de tenir compte du traitement du Dr Smith

[31] La requérante a produit des éléments de preuve selon lesquels le Dr Smith traitait son TSPT et d’autres problèmes de santé. La décision mentionne que le Dr Smith n’était pas qualifié pour traiter le TSPT de manière intensive et qu’à part faire une recommandation, il n’a pas traité ce problèmeNote de bas de page 19. La décision n’établit aucun fondement probatoire pour conclure que le Dr Smith n’était pas qualifié pour traiter le problème. Cette conclusion de fait est donc erronée. Elle ne repose sur aucun fondement probatoire. La décision était fondée, du moins en partie, sur la conclusion de fait selon laquelle la requérante n’était pas traitée pour son TSPT parce que la division générale faisait abstraction de la preuve provenant du Dr Smith. Par conséquent, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée au titre de la LMEDS. La division d’appel devrait intervenir pour ce motif.

[32] La décision précise aussi que le Dr Smith n’était pas le médecin de famille de la requérante et qu’il ne traitait pas ses problèmes physiques. La requérante n’est pas d’accord et soutient que le Dr Smith traitait ses problèmes de santé physique et mentale, ce qui concorde avec le témoignage du Dr Smith. Puisque le Dr Smith décrit les problèmes physiques et le traitement de la requérante, je suis convaincue que la division générale a également commis une erreur lorsqu’elle a tiré cette conclusion de fait.

[33] La décision ne mentionne pas non plus que la requérante avait demandé une consultation en santé mentale et que l’une des raisons pour lesquelles elle n’y était pas allée est qu’elle n’avait pas d’argent pour payer cette consultation. Toutefois, rien n’indique que la décision repose sur cet élément de preuve, de sorte que cette omission ne constitue pas une erreur au titre de la LMEDS.

Omission de tenir compte du fait que le SCI n’est pas contrôlé et que la situation financière de la requérante avait une incidence sur sa capacité à le contrôler

[34] En outre, la requérante soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle son SCI n’était pas sévère sans tenir compte de sa preuve qui montrait que le problème n’est pas contrôlé bien qu’elle ait essayé de le faire avec des médicaments, son alimentation, etc., et que sa situation financière difficile avait des conséquences sur ce problème. Toutefois, la division générale a tenu compte de la preuve relative à ce problème. Dans sa décision, la division générale dit :

  1. [traduction] 
  2. a) La requérante a reçu de nombreux diagnostics pour ce problèmeNote de bas de page 20,
  3. b) Elle n’a jamais pris de congé pour cette raison, bien qu’elle ait parfois dû adapter sa journée de travail en fonction des pauses aux toilettes.
  4. c) Elle attend un autre rendez-vous avec un spécialiste.
  5. d) Aucune preuve médicale ne montre que ce problème est invalidantNote de bas de page 21,
  6. e) La preuve montre que la requérante avait été capable de travailler malgré ce problème.

Par conséquent, la division générale a tenu compte des témoignages écrits et oraux concernant ce problème. Elle a examiné la preuve et tiré à une conclusion, ce qui est son mandat. Que la requérante ne soit pas d’accord avec la conclusion ne démontre pas que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. L’appel ne peut être accueilli pour ce motif.

Omission de tenir compte de l’IRM et des problèmes liés aux nerfs  

[35] La requérante soutient de plus que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte des résultats d’une IRM et de divers problèmes liés aux nerfs. La décision résume les témoignages écrits et oraux à ce sujetNote de bas de page 22, y compris le fait que la requérante a déclaré qu’après avoir examiné les résultats de l’IRM, le neurochirurgien lui avait dit qu’elle n’était pas une candidate à la chirurgie et qu’il l’avait dirigée à un physiatre.

[36] Toutefois, la division générale a ensuite sauté à la conclusion que, parce que le médecin n’avait recommandé aucun autre traitement pendant que la requérante attendait son rendez-vous avec le physiatre, son problème pouvait être géré [traduction] « tel quel » jusqu’à ce qu’une recommandation future soit faiteNote de bas de page 23. Cette conclusion ne s’appuie sur aucun élément de preuve. L’absence de nouvelles recommandations à l’égard d’un traitement ne signifie pas automatiquement que l’état de santé général d’un requérant est traité adéquatement. Il est tout aussi plausible de conclure que le médecin de la requérante n’a pas recommandé d’autres traitements parce qu’il ne les connaît pas ou parce qu’il préfère maintenir le statu quo. Ainsi, par la suite, le physiatre n’aurait pas à évaluer si un changement dans le traitement était responsable de certains des symptômes éprouvés par la requérante.

[37] Cette conclusion de fait est erronée. Elle ne repose sur aucun fondement probatoire. La décision est fondée, du moins en partie, sur le fait que la requérante n’a pas essayé un traitement différent ou un nouveau traitement. Par conséquent, la division générale a commis une erreur et la division d’appel doit intervenir.

Omission de tenir compte du fait que la requérante est incapable de payer pour le traitement

[38] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’elle était incapable de payer les coûts d’un traitement psychologique. Toutefois, la décision mentionne que la requérante a fréquenté le centre d’aide aux victimes d’agression pendant huit ou neuf mois et qu’elle n’avait pas fait appel à la psychothérapie ou au counseling par la suiteNote de bas de page 24. La décision n’examine pas si la requérante avait la capacité de payer pour la thérapie, et elle n’était pas tenue de le faire. La division générale n’a tiré aucune conclusion négative quant au fait que la requérante n’a pas utilisé des services de psychothérapie après avoir cessé de fréquenter le centre d’aide aux victimes d’agression. Aucune autre mention n’a été faite. Il ne s’agit donc pas d’une erreur au titre de la LMEDS.  

Omission de tenir compte du fait que la requérante attendait une consultation en gestion de la douleur

[39] La requérante affirme également que la division générale a commis une erreur parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’elle attendait un rendez-vous pour la gestion de la douleur. La décision note que la requérante attendait un rendez-vous avec un physiatre et mentionne aussi : [traduction] « Cela indique qu’il existe peut-être une option pour le traitement de la douleur chronique. Ainsi, la requérante n’a pas encore été dirigée à des services de gestion de la douleur chronique, une recommandation habituelle dans les cas de douleur chroniqueNote de bas de page 25. »  La division générale n’a fait aucune erreur dans cette déclaration. On ignore si le physiatre recommandera d’autres traitements.

Omission de tenir compte du fait que la requérante ne tolère pas certains médicaments ou ne peut pas les payer

[40]  La requérante a déclaré qu’elle doit d’abord payer des médicaments et qu’elle est ensuite remboursée par un régime d’assurance-maladie complémentaire. Ceci a une incidence sur sa capacité d’acheter des médicaments. Elle a aussi ajouté que ses allergies et ses problèmes digestifs se sont aggravés et qu’ils avaient une incidence sur les médicaments qu’elle peut prendre. Toutefois, la division générale n’a tiré aucune conclusion de fait à l’égard de ces éléments de preuve. Elle n’a commis aucune erreur en omettant de le faire.

Conclusion

[41] L’appel est accueilli parce que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées.

[42] La LMEDS énonce les mesures correctives que peut accorder la division d’appel lorsqu’un appel est accueilliNote de bas de page 26. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen. Le ministre doit avoir la possibilité de répondre à l’ensemble des arguments juridiques de la requérante. Il incombe à la division générale de recevoir la preuve et les arguments juridiques des deux parties, de les soupeser et de prendre une décision après avoir examiné tous les éléments de preuve et les arguments.

[43] Pour prévenir toute crainte de partialité, l’affaire devrait être confiée à un autre membre de la division générale.

[44] Les parties peuvent discuter de la forme que prendra l’audience de réexamen avec la division générale.

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Comparutions :

W. H., représentant de l’appelante

Susan Johnstone, représentante de l’intimé

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