Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante n’a pas satisfait au critère relatif à la disposition d’incapacité définie par le Régime de pensions du Canada (RPC). Mes motifs sont les suivants :

Aperçu

[2] La requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 27 mars 2018. Le ministre a accueilli la demande au stade initial avec une date de début de décembre 2016. La requérante a demandé au ministre de réexaminer la date de début. Elle a soutenu qu’elle était incapable de présenter une demande pendant une période d’environ 14 ans, entre juin 2004 et mars 2018. Cette incapacité était attribuable à une schizophrénie non diagnostiquée. Le ministre a rejeté la demande de révision, et la requérante a interjeté appel de la décision découlant de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Dispositions applicables

[3] Les dispositions législatives du RPC définissent une fenêtre étroite pour l’application de la disposition d’incapacité. Selon l’article 60(8), dans le cas où il est convaincu, sur preuve présentée par le demandeur ou en son nom, que celui-ci n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande le jour où celle-ci a été faite, le ministre peut réputer cette demande de prestation avoir été faite le mois qui précède celui au cours duquel la prestation aurait pu commencer à être payable ou, s’il est postérieur, le mois au cours duquel, selon le ministre, la dernière période pertinente d’incapacité du demandeur a commencé.

[4] Pour satisfaire à la définition prévue à l’article 60(9) du RPC, une personne répondre aux éléments suivants : avoir été incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle la demande a réellement été faite; la période d’incapacité doit avoir cessé avant cette date; la demande avoir été faite au cours de la période – égale au nombre de jours de la période d’incapacité, mais ne pouvant dépasser 12 mois – débutant à la date à laquelle la période d’incapacité a cessé, ou, si la période d’incapacité est inférieure à 30 jours, la demande doit avoir été présentée au plus un mois après celui pendant lequel la personne a cessé d’être atteinte d’une incapacité.

[5] Selon la définition de l’article 60(10) du RPC, pour l’application des articles 60(8) et 60(9), une période d’incapacité doit être continue.

Question en litige

[6] La requérante était-elle capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité entre juin 2004 et mars 2018, et son incapacité était-elle continue?

Analyse

i. L’incapacité de la requérante n’était pas continue de juin 2004 à mars 2018.

[7] L’intention de présenter une demande de prestations n’est pas différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent à une personneNote de bas de page 1. Pour évaluer la capacité, je dois tenir compte de la preuve médicale et des activités d’une personne entre la date prétendue du début de l’invalidité et la date de la demandeNote de bas de page 2.

[8] Premièrement, j’estime que la requérante est crédible. Son témoignage au moment de l’audience était franc. Elle a été capable de donner un bon aperçu de sa vie et de ses activités quotidiennes entre 2004 et 2018.

[9] En évaluant la preuve médicale au dossier, il ne fait pas de doute que la requérante a vécu des périodes d’incapacité après juin 2004. D’après la Dre Penfold et le Dr Munchi qui ont supervisé les soins offerts à la requérante lorsqu’elle a été hospitalisée en 2014, la requérante a d’abord été admise pour la première fois à l’hôpital pour une psychose en 2004. Elle a ensuite été hospitalisée pour des raisons de santé mentale pendant six semaines en 2012, puis elle a été admise de nouveau en 2014. J’admets que ce sont des périodes définies d’incapacité.

[10] La Dre Penfold et le Dr Munchi ont rapporté que la requérante a souffert de psychose pendant deux décennies. Elle était aux prises avec des hallucinations et de fausses perceptions. Son problème de santé avait entre autres comme conséquence qu’elle passait du temps à chercher des indices pour prouver que ses hallucinations étaient réelles. Bien qu’aucune date précise n’ait été fournie, la Dre Penfold et le Dr Munchi ont noté que la requérante a engagé des dépenses frénétiques et a déclaré faillite. Une de ses dépenses frénétiques était alimentée par une hallucination selon laquelle elle avait d’autres enfants qu’elle ne connaissait pas. Bien que la requérante avait des périodes pendant lesquelles son comportement était moins étrange, elle était aux prises avec les hallucinations et les fausses perceptions. Dans certains de ses milieux de travail, elle avait peur que ses collègues soient reliés à la mafia ou qu’ils complotent contre elle. Cela a mené à un faible rendement au travail et avait comme conséquence soit qu’elle quittait son emploi ou que ses contrats n’étaient pas renouvelés.

[11] Une déclaration d’incapacité a été signée par la Dre Patel le 10 janvier 2018. Elle faisait état d’un diagnostic de schizophrénie ou de trouble schizo‑affectif et notait que les déficiences connexes avaient commencé en 2004. Le document n’abordait pas précisément la date de début ou de fin d’une ou l’autre des périodes d’incapacité ou s’il s’agissait d’une période continue ou non. La requérante a soutenu que la clinique juridique qu’elle consultait lui avait remis le mauvais formulaire à faire remplir par la Dre Patel.

[12] Une déclaration d’incapacité a été remplie par la Dre Jain le 20 février 2019. La Dre Jain a mentionné que le problème de la requérante ne la rendait pas incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de prestations. La Dre Jain est la médecin de famille de la requérante depuis 2013.

[13] En avril 2012, le psychiatre traitant de la requérante, le Dr Burra, a confirmé que la requérante était mère monoparentale de trois enfants depuis sa séparation d’avec son époux en 2003. Elle avait pris la décision de déménager à X en 2005 pour être avec son ex-époux. D’après la requérante, ils sont restés ensemble pendant un an seulement avant de décider de se séparer de nouveau. La requérante et ses enfants continuaient de vivre dans la maison familiale. Son ex‑époux continuait de payer pour leurs frais de subsistance parce que la requérante n’avait pas d’emploi. Le Dr Burra a mentionné que la requérante avait dû écourter le rendez‑vous qu’elle avait eu avec lui en avril 2012 parce qu’elle voulait assister à une entrevue d’embauche à laquelle on l’avait convoquée à court préavis.

[14] En avril 2013, le Dr Burra a noté que l’ex-époux de la requérante trouvait qu’elle se débrouillait très bien lorsqu’il était allé à la maison en visite à Pâques. Puis, en octobre 2013, le Dr Burra a rapporté que la requérante se portait très bien avec son traitement médicamenteux. Il a mentionné précisément que bien qu’elle n’avait pas d’emploi à ce moment-là, on lui en avait promis un dont le début était en février 2014. La requérante a rapporté au Dr Burra qu’elle cherchait du travail jusqu’à cette date. Les notes cliniques du Dr Burra de février 2014 révélaient que la requérante travaillait à temps plein au terme d’un contrat depuis la fin d’octobre 2013 dans une compagnie d’assurance locale. Elle avait pour tâche de classer les demandes de règlement. La requérante a soutenu, cependant, qu’elle avait quitté cet emploi avant la fin du contrat, car elle pensait que c’était un endroit dangereux. Peu après, elle a été hospitalisée en raison de son état de santé mentale précaire.

[15] Selon la requérante, elle a reçu un mauvais diagnostic de trouble bipolaire de 2004 à 2014. Ce n’est que lorsqu’elle a été hospitalisée en 2014 qu’elle a reçu un diagnostic de schizophrénie. Cependant, même après avoir reçu un diagnostic de schizophrénie, elle a continué d’avoir des pensées paranoïaques. Elle était médicamentée, mais le nouveau médicament la rendait malade et incapable de fonctionner. Lorsqu’elle est passée au médicament Risperidone, ses pensées ont commencé à s’éclaircir et c’est à ce moment qu’elle a été en mesure de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC. La requérante a soutenu qu’elle n’avait pas reconnu qu’elle avait un problème de santé mentale jusque‑là, et qu’elle continuait d’essayer de travailler et de mener sa vie. Elle n’avait pas non plus vraiment parlé au Dr Burra de ses idées paranoïaques et de ses hallucinations antérieures. Elle ne croyait pas que c’était un problème à cette époque.

[16] La requérante a toujours été la principale responsable de ses trois enfants qui sont nés en 1995, 1997 et 1999. Malheureusement, cela a eu un prix. Sa fille souffrirait d’un trouble de stress post-traumatique en raison des nombreuses choses que lui a dites la requérante en grandissant et qui n’étaient pas vraies. Il y a eu également de nombreuses occasions où elle n’a pas envoyé son fils à l’école parce qu’elle était convaincue qu’il se faisait empoisonner. Il est arrivé que le directeur de l’école se rende à son domicile pour emmener son fils à l’école. Elle tenait rarement la maison propre et son ex-époux, qui ne vivait pas avec elle, se chargeait de toutes les dépenses du ménage. La requérante a soutenu que la vie quotidienne était une lutte constante.

[17] En matière d’emploi pendant la période en question, la requérante a touché des gains rémunérateurs en 2005, 2008, 2010 et 2014. J’admets que la plupart des emplois de la requérante étaient des contrats à court terme parce que son état mental la rendait dysfonctionnelle à l’occasion. Cependant, elle a été en mesure de chercher et de trouver un emploi et de faire le travail pour lequel elle avait été embauchée.

[18] La requérante touche des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées depuis 2014. Elle a soutenu que sa famille a rempli la demande et qu’elle l’a signée. Elle ne savait pas vraiment ce qu’elle signait. La requérante a aussi déclaré avoir eu de l’aide pour remplir sa demande de pension d’invalidité du RPC, mais qu’elle avait compris ce qu’elle signait.

[19] J’estime que la requérante a eu plusieurs périodes d’incapacité pendant la période en question. Je ne suis pas convaincu, toutefois, que son incapacité était continue de juin 2004 à mars 2018. J’estime que l’état mental de la requérante était sujet à des fluctuations, ce qui veut dire que, comme les rapports médicaux et le témoignage le démontrent, l’état mental de la requérante changeait périodiquementNote de bas de page 3.

[20] D’après le registre des gains de la requérante, elle a eu plusieurs années véritablement rémunératrices entre 2004 et 2018. Elle vivait de façon indépendante et prenait soin de ses trois enfants et les élevait, bien qu’avec difficulté. Elle a fait le choix, en 2005, d’emménager de nouveau avec son ex‑époux et de se séparer de nouveau de lui un an plus tard. La médecin de famille de la requérante depuis 2013 a déclaré qu’elle était capable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC. Son psychiatre traitant, de 2012 à 2014 au moins, a fait part de périodes d’amélioration des symptômes et de stabilité. Il a fourni des exemples précis, comme le choix de la requérante d’assister à des entrevues d’embauche et sa planification pour de futurs emplois. La requérante a travaillé pendant des périodes définies et faisait apparemment bien son travail dans son plus récent emploi où elle classait des demandes de règlement d’assurance. Elle a été en mesure de consentir à divers traitements médicaux et essais de médication de 2004 à 2018. Elle a aussi demandé de l’aide à une clinique juridique avant janvier 2018 concernant sa demande de pension d’invalidité du RPC.

[21] D’après la preuve médicale, il n’y a pas de période clairement définie d’incapacité à l’exception de ses hospitalisations en 2004, 2012 et 2014. Oui, l’état de santé mentale de la requérante a eu un grand impact sur sa capacité à travailler de façon régulière depuis juin 2004, mais les critères du RPC en matière d’invalidité et d’incapacité sont fort différents. J’estime que le fait que le diagnostic de la requérante soit passé de bipolarité à schizophrénie en 2014 ne mène pas en soi à une conclusion selon laquelle la requérante était incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC avant mars 2018.

Conclusion

[22] L’appel est rejeté.

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