Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – Il existe des étapes à suivre pour aborder les questions relatives à un appel tardif. Cette décision décrit ces étapes. Premièrement, la division générale (DG) doit déterminer la date à laquelle la décision de révision du ministre a été communiquée au requérant. Selon la loi, la DG ne peut pas accorder une prolongation de délai si l’appel est logé plus d’un an après la réception de cette décision (date de communication). Donc, l’appel peut avoir manqué le délai initial de 90 jours, mais il doit quand même avoir été logé avant la fin de l’année suivant la réception de la décision. Ainsi, la date à laquelle un requérant reçoit la décision de révision devient une question de fait essentielle que le décideur doit aborder en fonction de la preuve au dossier. Il est possible que le ministre ait rendu la décision de révision bien avant que le requérant ne l’ait effectivement reçue. La DG doit déterminer si l’appel a été logé dans l’année suivant la réception de la décision. Si ce n’est pas le cas, la DG ne peut pas intervenir. Ensuite, la DG doit déterminer si l’appel a été logé dans les 90 jours de la réception de la décision – ce qui pourrait donner lieu à l’application du test pour la prolongation du délai d’appel. Ce test considère 4 facteurs visant à déterminer s’il serait dans l’intérêt de la justice de prolonger le délai. Ces facteurs sont 1) une intention continue d’interjeter appel, 2) une cause défendable (norme semblable à celle du rejet sommaire), 3) une explication raisonnable pour le retard, et 4) l’existence d’une injustice pour l’autre partie. Dans ce cas, la DG a fait une analyse complète et accordé une prolongation du délai d’appel, permettant ainsi à l’appel de procéder.

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Décision

[1] J’accorde une prorogation du délai au requérant pour qu’il puisse déposer son appel auprès du Tribunal. Les motifs de ma décision sont expliqués ci-dessous.

Aperçu

[2] L’appelant en l’espèce s’appelle J. L. (requérant).

[3] Le requérant a demandé et reçu une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada.

[4] Après avoir révisé son dossier, le ministre de l’Emploi et du Développement social (intimé) a déterminé que l’invalidité du requérant avait pris fin en décembre 2007. Le ministre a cessé les versements de la pension d’invalidité du requérant en septembre 2013.

[5] En octobre 2014, le ministre a envoyé une lettre au requérant expliquant sa décision et le montant des prestations que le requérant avait reçu entre 2008 et septembre 2013 et qu’il devait rembourser.

[6] En décembre 2014, le requérant a demandé au ministre de réviser sa décision.

[7] Le ministre a fourni au Tribunal une copie de la lettre de décision découlant de la révision, datée du 16 février 2015. En l’espèce, la décision désignera la décision découlant de la révision, et la lettre désignera la lettre de décision découlant de la révision.

[8] Le requérant affirme qu’il n’a pas reçu la lettre avant 2019. Comme il n’a pas eu de nouvelles du ministre après avoir présenté sa demande de révision, il a cru que le ministre avait tranché en sa faveur. Le requérant a seulement découvert la décision défavorable en mai 2019, lorsqu’il a reçu une facture de plus de 76 000 $ du ministre. Après avoir reçu la facture, il a communiqué avec Service Canada, qui lui a ensuite envoyé une lettre datée du 27 mai 2019 comprenant une copie de la lettre.

Importance des délais

[9] La date à laquelle le requérant a reçu la lettre est l’élément le plus important de ma décision, car une partie requérante ne dispose que de 90 jours à compter de la date à laquelle la décision découlant de la révision lui a été communiquée pour interjeter appel devant le Tribunal. En l’espèce, la date de communication désignera la date à laquelle la décision a été communiquée au requérant.

[10] Je peux accorder une prorogation du délai pour interjeter appel seulement lorsque la partie requérante dépose son appel au plus tard un an après la date de communicationNote de bas de page 1.

[11] Le requérant a déposé son appel en 2019, et la lettre est datée de 2015. Si la décision lui avait été communiquée en 2015, par exemple, et qu’il avait reçu la lettre en 2015, son appel ne pourrait être instruit. En effet, l’appel aurait été déposé après le délai d’un an. Je ne peux pas prolonger le délai si l’appel est déposé après le délai d’un an.

Questions en litige

[12] Je dois répondre aux questions suivantes :

  1. À quelle date la décision a-t-elle été communiquée au requérantNote de bas de page 2?
  2. À quelle date l’appel a-t-il été déposé auprès du Tribunal?
  3. L’appel a-t-il été déposé au plus tard un an après la date de communication?
  4. L’appel a-t-il été déposé dans les 90 jours suivant la date de communication?
  5. Si l’appel a été déposé après le délai de 90 jours, devrais-je accorder une prorogation du délai?

À quelle date la décision a-t-elle été communiquée au requérant?

[13] J’estime que la décision a été communiquée au requérant le 6 juin 2019, lorsque celui-ci a reçu la lettre du ministre, datée du 27 mai 2019, dans laquelle se trouvait la lettre. Voici mes motifs.

[14] J’estime que la lettre n’a pas été envoyée au requérant en 2015 pour les raisons suivantes :

  1. La lettre n’est encore qu’une ébauche. J’estime donc qu’elle n’a pas été envoyée au requérant par la poste à cette date-là. Le ministre a fourni une copie de la même lettre au requérant et au Tribunal. Des termes et des parties de la lettre sont soulignés. Ces passages semblent indiquer l’endroit où l’auteur devait ajouter des renseignements à la lettre type. Les passages soulignés comprennent des informations propres au requérant, comme son numéro d’identification et des dates. La lettre contient également des termes et des bouts de phrases rayés. Les passages soulignés et rayés démontrent que la lettre est à l’état d’ébauche et qu’il ne s’agit pas de la version définitive. La lettre contient une signature, mais compte tenu des autres éléments qui portent à croire qu’il s’agit d’une ébauche, j’estime tout de même que la lettre n’a pas été envoyée en 2015.
  2. L’adresse sur la lettre n’est pas une adresse figurant dans le rapport sur l’historique des adresses de 2015 fourni par le ministre. Le ministre a utilisé une adresse différente (une adresse figurant dans le rapport sur l’historique des adresses) lorsqu’il a écrit au requérant en mai 2015. La lettre contient l’adresse actuelle du requérant. Comme la preuve montre que le ministre n’avait pas cette adresse en 2015, j’estime que la lettre n’a pas été envoyée en 2015.
  3. En mai 2015, le ministre a informé le requérant qu’une décision n’avait pas encore été rendue. Dans une lettre de mai 2015, le ministre affirme qu’il a reçu la demande de révision du requérant et qu’il l’aviserait lorsqu’il rendrait une décision ou s’il avait besoin de plus amples renseignements. Cette lettre donne à penser qu’en mai 2015, la lettre n’avait pas encore été envoyée au requérant. Si la lettre avait été envoyée, la lettre de mai 2015 n’aurait pas précisé qu’une décision n’avait pas encore été rendue.
  4. Le requérant affirme qu’il n’a pas reçu la lettre et qu’il n’a pas non plus été informé de la décision avant mai 2019.
  5. Le requérant a répondu en temps opportun aux lettres du ministre en 2013 et 2014. Il est donc plus probable qu’improbable qu’il aurait rapidement répondu à la lettre en 2015, s’il l’avait reçue.
  6. Le requérant a montré qu’il tenait de bons dossiers lorsqu’il a fourni des documents datant de 2013 au Tribunal. Par conséquent, il semble probable qu’il aurait également conservé la lettre, s’il l’avait reçue. S’il avait la lettre, il ne l’aurait pas demandée en mai 2019.

[15] J’estime que la décision a d’abord été communiquée au requérant lorsque celui-ci a reçu la lettre de Service Canada, datée du 27 mai 2019, avec la lettre jointe pour les raisons suivantes :

  1. Rien ne prouve que le ministre a communiqué la décision au requérant par tout autre moyen que celui de la lettre. Par exemple, il n’y a aucune note concernant un appel téléphonique ou un courriel qui porterait à croire que la décision a été communiquée par ces moyens.
  2. Rien ne prouve que le requérant était au courant de la décision du ministre avant mai 2019.

[16] Étant donné que le courrier au Canada est généralement livré dans les 10 jours suivant sa mise à la poste, j’estime que le requérant a reçu la lettre du 27 mai 2019 avec la lettre jointe le 6 juin 2019, soit 10 jours plus tard.

[17] Je ferai deux commentaires supplémentaires avant d’aborder les autres questions :

  1. Le ministre n’a fourni aucune observation écrite concernant la date à laquelle la décision a été communiquée au requérant.
  2. Selon les documents relatifs à la révision, signés et datés de février 2015, il ne fait aucun doute que la décision découlant de la révision a effectivement été rendue en 2015. Malheureusement, personne n’a informé le requérant de la décision avant 2019.

À quelle date l’appel a-t-il été déposé auprès du Tribunal?

[18] J’estime que l’appel du requérant a été déposé auprès du Tribunal le 24 octobre 2019. Il s’agit de la date de réception estampillée sur les documents relatifs à l’appel du requérant par le Tribunal.

L’appel a-t-il été déposé au plus tard un an après la date de communication, soit le 6 juin 2019?

[19] Étant donné que la décision a été communiquée en juin 2019 et que l’appel a été déposé en octobre 2019, l’appel a été déposé avant la fin du délai d’un an.

L’appel a-t-il été déposé dans les 90 jours suivant la date de communication, soit le 6 juin 2019?

[20] Non, l’appel n’a pas été déposé dans le délai prescrit.

[21] Comme la décision a été communiquée au requérant le 6 juin 2019, celui-ci avait jusqu’au 4 septembre 2019 pour interjeter appel. Il a déposé son appel le 24 octobre 2019, soit après le délai prévu de 90 jours.

Devrais-je accorder une prorogation du délai pour interjeter appel?

[22] Oui, une prorogation du délai pour interjeter appel est accordée.

[23] Afin de déterminer si une prorogation peut être accordée, je dois établir ce qui servirait le mieux l’intérêt de la justice et tenir compte des quatre facteurs suivantsNote de bas de page3 :

  1. le requérant a manifesté l’intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice au ministreNote de bas de page 4.

[24] Premièrement, j’estime que le requérant avait l’intention persistante de poursuivre l’appel. Lorsqu’il a reçu la facture du ministre en mai 2019, il a immédiatement communiqué avec Service Canada et a obtenu une copie de la décision. Il a ensuite rédigé une longue lettre d’appel contenant de nombreuses pièces jointes, et il l’a envoyée à Service Canada, le tout dans le délai prescrit de 90 jours. Bien qu’il ait commis une erreur en envoyant son appel à Service Canada, ses gestes démontrent qu’il avait l’intention persistante d’interjeter appel de la décision.

[25] Deuxièmement, j’estime que le requérant a présenté une cause défendable. Le ministre doit prouver que l’appelant a cessé d’être invalide. Le requérant affirme qu’il satisfaisait toujours au critère d’invalidité après décembre 2007, et il a fourni une preuve médicaleNote de bas de page 5. Cela signifie qu’il a présenté une cause défendable.

[26] Troisièmement, j’estime que le requérant a fourni une explication raisonnable pour justifier le fait d’avoir déposé son appel en retard, car l’appel aurait été déposé dans le délai prescrit si le requérant ne l’avait pas envoyé à Service Canada en premier lieu. Compte tenu du long délai dans son processus de révision, il est compréhensible que le requérant n'ait pas connu les prochaines étapes du processus d’appel.

[27] Quatrièmement, j’estime que le ministre, la seule autre partie de cet appel, ne subirait aucun préjudice si la prorogation était accordée. Comme il a fallu plus de quatre ans au ministre pour informer le requérant de sa décision, un bref retard de la part du requérant dans le dépôt de son appel ne portera pas indûment préjudice au ministre.

[28] Finalement, dans l’intérêt de la justice, j’ai tenu compte de la durée du délai de l’appelant pour déposer son appel, ce qui représente moins de deux mois, et du fait que son appel aurait été déposé dans le délai prescrit s’il n’avait pas fait l’erreur de l’envoyer à Service Canada. Compte tenu de ces facteurs, j’estime qu’il est dans l’intérêt de la justice de permettre au requérant d’interjeter appel devant le Tribunal.

[29] Étant donné que le requérant a satisfait aux quatre facteurs et qu’il est dans l’intérêt de la justice de permettre au requérant de poursuivre son appel, j’ai décidé d’accorder au requérant une prorogation du délai pour déposer son appel.

Conclusion

[30] J’accorde une prorogation du délai d’appel. Cela signifie que l’appel du requérant peut être instruit.

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