Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appel est renvoyé à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[3] T. M. (requérant) a terminé sa 10e année de scolarité et a obtenu un certificat en charpenterie. Ses antécédents de travail sont irréguliers. Son dernier emploi consistait à nettoyer la cour d’un magasin X de 2007 à 2009. Avant cela, il n’avait pas travaillé pendant de nombreuses années. Le requérant a reçu un diagnostic de rétinite pigmentaire lorsqu’il était enfant. Cette maladie entraîne une perte de vision. Il a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et a déclaré qu’il était invalide en raison de cette maladie.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. Le requérant a fait appel de cette décision au Bureau du Commissaire des tribunaux de révision. Son appel a été rejeté en 2011. Le tribunal de révision a conclu que le requérant n’était pas invalide avant la fin du mois de juillet 1985.

[5] Le requérant a présenté une nouvelle demande de pension d’invalidité en novembre 2017. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a de nouveau rejeté la demande. Le requérant a interjeté appel de cette décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a conclu que la période minimale d’admissibilité (PMA – date à laquelle le requérant doit avoir été déclaré invalide pour recevoir la pension d’invalidité) du requérant se terminait le 31 octobre 1985. Elle devait donc établir si le requérant était devenu invalide entre le 1er août 1985 et le 31 octobre 1985.

[6] La division générale a rejeté l’appel. Elle a conclu que, puisque le requérant a travaillé plus ou moins deux ans après sa période minimale d’admissibilité (soit de 2007 à 2009), cela signifiait qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée à la fin de la PMA.

[7] J’ai accordé la permission d’interjeter appel de cette décision à la division d’appel parce que l’appel avait une chance raisonnable de succès au motif que la division générale avait commis une erreur de droit en omettant d’examiner si le requérant était invalide en 1985 et en fondant plutôt sa décision sur la capacité de travailler du requérant entre 2007 et 2009.

Questions préliminaires

[8] Après l’audience orale relative à l’appel, la division d’appel a envoyé des questions écrites aux parties sur la question de savoir si la division générale avait, selon le cas :

  1. omis d’observer un principe de justice naturelle (offrir aux parties un processus équitable),
  2. omis d’établir si X était un employeur bienveillant,
  3. omis d’établir si le travail du requérant à X était une occupation véritablement rémunératrice.

[9] Les réponses des parties à ces questions ont été prises en considération dans la décision rendue dans le cadre du présent appel.

Moyens d’appel

[10] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle prévoit des règles pour les appels à la division d’appel. Un appel n’est pas une nouvelle audience sur la demande initiale. Je dois plutôt décider si la division générale :

  1. a négligé d’offrir un processus équitable;
  2. a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a fait une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Questions en litige

[11] La division générale a-t-elle négligé d’offrir un processus équitable en rejetant la demande d’ajournement du requérant?

[12] La division a-t-elle commis une des erreurs de droit suivantes?

  1. Elle a omis d’établir si le requérant était invalide en 1985;
  2. elle a omis d’établir si le travail du requérant de 2007 à 2009 était une occupation véritablement rémunératrice;
  3. elle a omis d’établir si l’employeur du requérant était un employeur bienveillant.

Analyse

Défaut d’accorder un ajournement

[13] La demande actuelle de pension d’invalidité du requérant a été présentée en 2017. Il a déposé l’appel à la division générale le 14 novembre 2018. En février 2019, il a déposé un avis de procéder à la division générale et a déclaré qu’il n’avait pas d’autres documents à déposer dans le cadre de l’appelNote de bas de page 2. L’audience devant la division générale a eu lieu le 7 juin 2019. À l’audience, le requérant a demandé plus de temps pour trouver et déposer les documents médicaux à l’appui de sa demande.

[14] La division générale a rejeté sa demande d’ajournement. La décision indique que ce rejet s’explique par le fait que d’autres éléments de preuve ne seraient pas pertinents pour son analyse.

[15] Le requérant soutient que le membre de la division générale n’a pas offert un processus équitable parce qu’il a rejeté sa demande d’ajournement. Les principes relatifs au processus équitable visent à garantir que toutes les parties à un appel ont la possibilité de présenter leur preuve au Tribunal, de connaître les arguments juridiques avancés contre elles par l’autre partie et d’y répondre et de bénéficier d’une décision rendue par un décideur indépendant en fonction du droit et des faits.

[16] Le refus de la division générale d’accorder un ajournement à l’audience ne bafouait pas ces principes. Le requérant a eu amplement le temps, avant l’audience, d’obtenir des éléments de preuve et de les présenter au Tribunal. Il avait déjà dit au Tribunal qu’il n’avait pas d’autres éléments de preuve à présenter. De plus, il n’a pas été empêché de présenter un témoignage de vive voix à l’audience, dans lequel il aurait pu inclure ce que ses médecins lui avaient dit et leurs recommandations pour le traitement.

[17] Le requérant affirme également que la division générale a fait preuve de partialité. Il s’agit là d’une allégation sérieuse, qui doit être étayée par des preuvesNote de bas de page 3. Exception faite de sa déclaration, le requérant n’a fourni aucune preuve de partialité. Dans les éléments portés à ma connaissance, rien ne démontre la partialité du membre de la division générale.

[18] Par conséquent, l’appel au motif que la division générale a négligé d’offrir un processus équitable aux parties est rejeté.

Défaut de tenir compte de l’état de santé du requérant en 1985

[19] Pour avoir droit à la pension d’invalidité, le requérant devait prouver qu’il était devenu invalide entre le 1er août 1985 et le 31 octobre 1985 (sa PMA). Une personne est invalide si son invalidité est à la fois grave et prolongée. Une invalidité est prolongée si elle dure pendant une période longue, continue et indéfinie ou si elle devait vraisemblablement entraîner le décèsNote de bas de page 4.

[20] La division générale a décidé que, puisque le requérant avait été en mesure de travailler pendant environ deux ans de 2007 à 2009, son invalidité ne pouvait pas être considérée comme prolongée et qu’il n’était donc pas invalide. Cependant, la division générale a commis une erreur de droit. Elle n’a pas tenu compte de la question de savoir si, au moment de la PMA, l’état de santé du requérant satisfaisait au critère juridique de l’invalidité prolongée – une période longue, continue et indéfinie.

[21] La pension d’invalidité n’est habituellement pas accordée pour des périodes définiesNote de bas de page 5. Toutefois, la Cour d’appel fédérale enseigne que l’invalidité ne peut pas être considérée comme prolongée dans les cas où, avant le traitement, l’avis médical est que le traitement améliorerait l’état d’une personne et lui permettrait de travaillerNote de bas de page 6. Il s’ensuit que, si la preuve médicale datant d’avant la PMA ne démontre pas que le traitement améliorerait l’état de la personne et lui permettrait de travailler, l’invalidité peut être considérée comme prolongée. La Commission d’appel des pensions (le tribunal remplacé par la division d’appel) a accordé, dans certains cas, une pension d’invalidité pour une période définie pour ce motifNote de bas de page 7.

[22] La division générale n’a pas tenu compte de cela. Elle n’a fait référence à aucune des preuves médicales, y compris le fait qu’en 2010, le médecin du requérant a écrit qu’il n’existait pas de traitement pour la maladie du requérant et que cette maladie avait entraîné chez lui une perte de vision graveNote de bas de page 8.

[23] Rien n’indique non plus que la division générale s’est penchée sur la question de savoir si l’état de santé du demandeur avait changé entre août et octobre 1985.

[24] La division générale a commis une erreur de droit. L’appel doit être accueilli pour ce motif.

Occupation véritablement rémunératrice

[25] Pour recevoir une pension d’invalidité, un requérant doit être atteint d’une invalidité grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend le requérant régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 9. Le requérant ne travaillait pas pendant sa PMA et n’a pas travaillé pendant un certain nombre d’années par la suite. La division générale n’en a pas tenu compte.

[26] De plus, la division générale n’a pas examiné si son emploi de 2007 à 2009 était une occupation véritablement rémunératrice. La décision indique que le requérant gagnait 10 $ l’heure et qu’il travaillait à temps pleinNote de bas de page 10. Toutefois, le relevé des gains déposé auprès du Tribunal montre que le requérant a gagné moins que le montant minimal requis pour verser des cotisations au Régime de pensions du Canada en 2007, en 2008, et en 2009Note de bas de page 11. Cela indique que l’emploi du requérant n’était peut-être pas une occupation véritablement rémunératrice.

[27] En ne tenant pas compte de cela, la division générale a commis une erreur de droit. L’appel est également accueilli pour ce motif.

Employeur bienveillant

[28] La Cour d’appel fédérale enseigne qu’un requérant peut travailler et être toujours considéré comme invalide s’il travaille pour un employeur bienveillant. Un employeur bienveillant est un employeur qui modifie les attentes de travail, les fonctions, le salaire ou d’autres conditions d’emploi au-delà de ce qui serait normalement attendu d’une personne sur le marché du travailNote de bas de page 12. La division générale en a tenu compte et a conclu que les fonctions du requérant n’avaient pas été réduites et qu’il travaillait à temps plein. Par conséquent, l’employeur n’était pas un employeur bienveillantNote de bas de page 13.

[29] La division générale a appliqué la loi aux faits sur cette question. Elle n’a pas commis d’erreur de droit en agissant ainsi. Il n’appartient pas à la division d’appel de soupeser de nouveau la preuve pour en arriver à une conclusion différente. Par conséquent, l’appel est rejeté pour ce motif.

Réparation

[30] La Loi sur le MEDS énonce les réparations que la division d’appel peut accorder lorsqu’un appel est accueilliNote de bas de page 14. Il est approprié de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen. Le dossier dont je dispose est incomplet. La division générale n’a pas relevé de questions juridiques pertinentes ni appliqué la preuve à la loi à cet égard.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli parce que la division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’état de santé du demandeur à la PMA et de la question de savoir si son travail de 2007 à 2009 était une occupation véritablement rémunératrice.

[32] L’appel est renvoyé à la division générale pour réexamen.

Date de l’audience :

Le 12 novembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

T. M., appelant

Tiffany Glover, avocate de l’intimé

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