Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] Comme la division générale a commis une erreur de fait importante, la division d’appel doit intervenir.

[2] La décision que la division générale aurait dû rendre a été rendue : l’appel est rejeté.

Aperçu

[3] P. D. est née à Grenade et a déménagé au Canada lorsqu’elle était enfant. Elle a terminé le secondaire et a obtenu un diplôme en éducation de la petite enfance. Elle a occupé de nombreux emplois, notamment dans le domaine administratif et en tant que responsable d’une garderie réglementée à domicile. Le dernier emploi de la requérante était dans une garderie. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en septembre 2017 et a soutenu qu’elle était invalide en raison d’acouphènes dans une oreille.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. La requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel après avoir déterminé que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave.

[5] La division générale a commis une erreur parce qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante concernant le traitement de l’hémorragie oculaire de la requérante. Cependant, même après avoir corrigé l’erreur, la division d’appel a rendu la même décision. L’appel est rejeté parce que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle fait preuve de partialité?

[7] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante concernant le drainage de l’œil de la requérante?

[8] Dans l’affirmative, quelle réparation la division d’appel devrait-elle fournir?

Analyse

[9] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle fournit des règles pour les appels devant la division d’appel. Un appel n’est pas une nouvelle audience de la demande originale. Je dois plutôt déterminer si la division générale :

  1. a omis d’offrir un processus équitable;
  2. a omis de trancher une question dont elle était saisie ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher, ou a commis une erreur de droit;
  3. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.
  4. Les moyens d’appel invoqués par la requérante sont examinés dans ce contexte ci‑après.

Partialité

[10] L’un des moyens d’appel que la division d’appel peut examiner est celui de savoir si la division générale a fait preuve de partialité en omettant d’offrir un processus équitable à une partie. La Cour suprême du Canada prévoit que le critère juridique à appliquer pour déterminer la présence de partialité consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste?Note de bas de page 2 »

[11] La requérante a présenté deux arguments concernant la partialité de la division générale. Tout d’abord, la requérante a soutenu que la division générale avait fait preuve de partialité, avait préjugé l’appel et avait interprété la preuve de manière à appuyer sa conclusion. Elle a soutenu que si la preuve était prise en considération de façon objective, le Tribunal conclurait que la requérante était atteinte d’une invalidité.

[12] J’ai lu la décision de la division générale et tous les documents qui ont été déposés devant le Tribunal, et j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale. La requérante n’a renvoyé à aucun commentaire précis de la division générale faisant preuve de partialité. Lors de l’audience, le membre de la division générale a été courtois. Ses questions étaient approfondies. Bien qu’il ait interrompu la requérante à quelques occasions, il ne l’a fait que pour poser une question ou demander des précisions concernant la preuve de la requéranteNote de bas de page 3. Les questions du membre de la division générale n’étaient pas empreintes de partialité. Une personne raisonnable examinant l’affaire de façon réaliste n’en viendrait pas à la conclusion que le membre a fait preuve de partialité.

[13] De plus, la division générale a tenu compte de la preuve, l’a soupesée et a rendu une décision selon les faits et le droit. La décision résume le témoignage de la requéranteNote de bas de page 4, lequel appuyait son affirmation. Elle résumait également la preuve écriteNote de bas de page 5. La décision explique pourquoi moins de poids a été accordé au témoignage de la requérante (il n’y avait aucune opinion médicale selon laquelle les problèmes de santé de la requérante étaient graves, et son témoignage manquait de cohérence). Cela prouve que la division générale a tenu compte de la preuve qui lui a été présentée de manière impartiale.

[14] Ensuite, la requérante a soutenu qu’elle n’avait pas été en mesure de s’exprimer pleinement à l’audience, et que, par conséquent, la division générale avait omis de lui offrir un processus équitable. L’appel est rejeté pour ce motif également. La requérante était représentée par une avocate lors de l’audience devant la division générale. Elle a répondu à toutes les questions que lui avait posées son avocate. Elle a donné des réponses détaillées. Elle a été en mesure de répondre pleinement à toutes les questions de son avocate. Après que son avocate eut terminé de poser toutes ses questions, ce fut le tour du membre du Tribunal. Encore une fois, la requérante a répondu pleinement à ses questions et a eu amplement l’occasion de le faire.

[15] Par conséquent, l’appel est rejeté au motif que la division générale a fait preuve de partialité ou a autrement omis d’offrir un processus équitable.

Erreur de fait importante

[16] Un autre moyen d’appel que la division d’appel peut examiner est celui de savoir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Pour obtenir gain de cause en appel pour ce motif, la requérante doit prouver trois choses :

  1. qu’une conclusion de fait était erronée;
  2. que la conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale;
  3. que la décision a été fondée sur cette conclusion de faitNote de bas de page 6.

[17] La division générale a tiré la conclusion de fait que l’œil droit de la requérante pouvait nécessiter un drainage spécialiséNote de bas de page 7. Cette conclusion de fait est erronée, car c’était le kyste facial de la requérante, et non son œil, qui pouvait nécessiter un drainageNote de bas de page 8. Cette erreur a été commise de façon abusive, car elle contredit la preuve présentée à la division générale. La décision était fondée au moins en partie sur cette conclusion de fait.

[18] Lors de l’audience devant la division d’appel, les parties ont convenu qu’il s’agissait d’une erreur sur laquelle la division d’appel devait intervenir.

[19] Pour ces motifs, je suis convaincue que la division générale a commis une erreur au titre de la Loi sur le MEDS. La division d’appel doit intervenir sur ce fondement.

Réparation

[20] La Loi sur le MEDS établit les réparations que la division d’appel peut fournir lorsqu’un appel est accueilli. La requérante a soutenu que la division d’appel devait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre si elle avait conclu que la requérante était atteinte d’une invalidité, et que l’affaire devait autrement être renvoyée à la division générale pour une toute nouvelle audience.

[21] Le ministre n’a pas pris de position ferme quant à la réparation que la division d’appel devrait accorder.

[22] Il est approprié que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre. Cela n’a rien à voir avec l’issue de la décision. C’est plutôt parce que le dossier écrit est complet, que les faits ne sont pas contestés, que la question juridique à trancher est claire et que toutes les parties ont abordé cela de vive voix et par écrit.

[23] La Loi sur le MEDS énonce également que le Tribunal peut trancher toute question de droit ou de fait nécessaire pour statuer sur un appelNote de bas de page 9. De plus, aux termes du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le Tribunal doit veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 10.

[24] Enfin, la requérante a présenté une demande de pension d’invalidité en 2017. Il y a donc eu un certain retard dans la conclusion de cette affaire. Un délai supplémentaire s’ajouterait si l’affaire était renvoyée à la division générale pour réexamen.

Les faits

[25] Les faits pertinents se résument comme suit :

  1. La requérante a terminé sa 12e année et a obtenu un diplôme en éducation de la petite enfance.
  2. La requérante a occupé différents postes de bureau avant de gérer sa propre garderie réglementée.
  3. Le dernier emploi de la requérante était dans une garderie, et elle a été licenciée en janvier 2017.
  4. La requérante a ensuite touché des prestations régulières d’assurance-emploi et a déclaré qu’elle était à la fois prête, disposée et apte à travailler.
  5. En 2018, la requérante a fait du bénévolat dans un centre pour personnes âgées deux jours par semaine, pendant une à deux heures par jour, pour savoir si elle pouvait travailler dans ce domaine. Elle a cessé de faire du bénévolat quand elle a eu son hémorragie oculaire.
  6. La requérante a des étourdissements et d’autres symptômes d’anémie depuis le début de la vingtaine.
  7. La requérante a une perte auditive depuis de nombreuses années, mais a tout de même été capable de travailler.
  8. En décembre 2016 ou janvier 2017, les acouphènes de la requérante dans son oreille droite se sont aggravés et, selon elle, ont nui à sa capacité de communiquer.
  9. La requérante a également du mal à se concentrer et à dormir à cause de ses acouphènes.
  10. En juin ou juillet 2018, la requérante a eu une hémorragie de l’œil droit. Elle a consulté son médecin à ce sujet et attend de passer d’autres examens, car la guérison ne se passe pas comme prévu. Par conséquent, sa vision dans cet œil est floue.
  11. La requérante est limitée dans ce qu’elle peut faire à cause de ses problèmes de santé. Elle ne peut ni tondre la pelouse, ni faire du jogging, ni nager. Elle peut faire un peu d’entretien ménager, aider à faire l’épicerie et promener son chien. Elle peut seulement parcourir de courtes distances au volant de sa voiture en raison de sa perte de vision dans son œil droit et de son manque de concentration.
  12. Le médecin de la requérante lui a prescrit des pilules pour l’aider à dormir. Elle les a essayées, mais elle s’est sentie désorientée lorsqu’elle les a prises. Elle ne les prend plus et elle n’a pas discuté d’autres médicaments avec son médecin.
  13. La requérante a été orientée vers un psychiatre. Elle a commencé à le voir tous les mois, et elle le voit maintenant tous les deux mois. Il l’aide à traiter son anxiété. Elle ne prend aucun médicament et n’a été référée à aucun autre traitement pour ce problème de santé.
  14. Le médecin de la requérante lui a dit qu’il n’existait aucun traitement pour ses acouphènes.
  15. En plus d’avoir eu un problème de santé au sein qui a été traité avec précaution, la requérante s’est remise d’une chirurgie cervicale.
  16. La période minimale d’admissibilité de la requérante a pris fin le 31 décembre 2019.

Analyse

[26] Pour être considérée comme étant invalide au titre du RPC, une personne doit être atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle est d’une durée longue, continue et indéfinieNote de bas de page 11.

[27] Il est évident que la requérante avait des limitations depuis de nombreuses années. Elle est anémique depuis le début de la vingtaine. Cela entraîne des étourdissements, des nausées et d’autres symptômesNote de bas de page 12. Rien ne prouve que ce problème a changé.

[28] La requérante a été capable de travailler pendant de nombreuses années malgré son état de santé : elle a déclaré qu’elle est allée à l’école et qu’elle travaille depuis l’âge de 20 ans. Elle a travaillé dans un environnement de bureau, a géré sa propre garderie réglementée (après avoir obtenu un permis provincial et municipal) et a travaillé dans une garderie malgré son état de santé. L’anémie de la requérante n’est pas une invalidité grave.

[29] La requérante a déclaré qu’elle a également des acouphènes depuis de nombreuses années, mais qu’ils se sont aggravés en décembre 2016 ou janvier 2017, ce qui l’a rendue incapable de continuer à travailler. Toutefois, la requérante ne prend aucun médicament pour ses problèmes de santé et n’a recours à aucun appareil fonctionnel, comme un appareil auditif ou un dispositif de masquage sonore. Les médecins de la requérante lui ont plutôt dit qu’il n’y avait aucun traitement pour ce problème de santé. De plus, bien que la requérante affirme que ses acouphènes nuisent à sa capacité de communiquer avec les autres, aucun rapport médical ne donne à penser que c’est le cas.

[30] En fait, en juin 2017, l’otorhinolaryngologiste a écrit qu’il n’existait aucun traitement pour les acouphènes et qu’un appareil auditif n’était pas encore nécessaireNote de bas de page 13. Son opinion n’a pas changé en 2018Note de bas de page 14. Il n’y avait aucune preuve de mesures d’adaptation accordées à la requérante tant au travail que lors de ses journées de bénévolat. Aucune mesure d’adaptation n’a été demandée ou exigée à l’audience devant la division générale. En fait, lors de l’audience devant la division générale, le système de vidéoconférence a fait défaut, et les parties ont convenu de continuer l’audience par téléphone, sans qu’il n’y ait d’incidence sur la qualité des éléments de preuve fournisNote de bas de page 15. À l’audience, la requérante n’a jamais demandé à son avocate que le membre de la division générale répète une question parce qu’elle ne l’avait pas entendu. La requérante répondait directement aux questions, ce qui signifie qu’elle les entendait et les comprenait.

[31] Le Centre de toxicomanie et de santé mentale a également examiné la requérante. Le rapport indique que la requérante présentait des symptômes semblables à ceux des acouphènes et que ces derniers l’empêchaient de bien fonctionner. Elle n’a répondu à aucun critère attribuable à un autre problème de santéNote de bas de page 16. Toutefois, le Centre n’a pas fait d’examen à la requérante pour déceler des acouphènes. Il s’est appuyé sur le rapport de la requérante concernant ses symptômes, ce pour quoi peu de poids y a été accordé.

[32] Compte tenu de l’ensemble de la preuve, y compris le témoignage de la requérante et les rapports médicaux, j’estime que même si la requérante a des limitations en raison de ses acouphènes, ce problème de santé ne la rend pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[33] La requérante a également parlé de son manque de concentration. Toutefois, j’accepte et j’adopte la conclusion et les motifs de la division générale selon lesquels le témoignage de la requérante manquait de cohérence. Par conséquent, j’accorde moins de poids à cette preuve. Les rapports médicaux de la requérante ne font pas référence à ces limitations. Cela n’a pas rendu la requérante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[34] Je reconnais que la requérante a des difficultés à dormir. Elle a essayé un médicament, mais elle s’est sentie désorientée. Elle a donc cessé de le prendre. Toutefois, elle n’a pas discuté d’autres remèdes avec son médecin pour l’aider à dormir, et elle n’a rien essayé d’autre que ce qui lui avait été prescrit. On ne l’a pas orientée vers une clinique du sommeil. Ce problème de santé n’est pas une invalidité grave.

[35] Finalement, la requérante a eu une hémorragie de l’œil droit qui n’est pas encore guérie. Sa vision dans l’un de ses yeux est donc floue. Toutefois, elle ne prétend pas qu’il s’agisse d’un trouble invalidant. De plus, elle attend de passer d’autres examens et de suivre d’autres traitements éventuellement. Il ne s’agit pas d’une invalidité grave.

[36] Selon la Cour d’appel fédérale, pour déterminer si une personne est atteinte d’une invalidité, le Tribunal doit employer une « approche réalisteNote de bas de page 17 ». Cela signifie que l’état de santé de la personne doit être examiné dans son ensembleNote de bas de page 18, de même que sa situation personnelle, telle que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, son expérience de travail et son expérience de la vieNote de bas de page 19.

[37] La requérante avait 54 ans, et possède un diplôme postsecondaire ainsi que les compétences nécessaires pour travailler dans une garderie et dans un environnement de bureau, et pour gérer sa propre entreprise. Elle a donc acquis des compétences transférables. Elle n’a aucune barrière linguistique. Même s’il peut être un peu plus difficile de trouver un emploi à son âge, ce facteur est minimisé lorsqu’on le considère avec ses aptitudes intellectuelles et son expérience. Ces facteurs ne viennent pas en aide à la requérante.

[38] J’ai examiné l’effet cumulatif de tous les problèmes de santé de la requérante et de sa situation personnelle. La requérante n’est pas atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC.

[39] Comme j’ai conclu que la requérante n’était pas atteinte d’une invalidité grave, je n’ai pas besoin de déterminer si celle-ci était prolongée.

Conclusion

[40] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Le 22 janvier 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

P. D., appelante

Eloho Atekha Aideyan, représentante de l’appelante

Sandra Doucette, représentante de l’intimé

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