Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur. L’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] A. P. (requérant) travaillait comme mineur. Il a subi un accident de motoneige et a cessé de travailler en raison de douleurs chroniques en décembre 2013.

[3] Le ministre a reçu la demande du requérant pour une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) le 30 novembre 2016. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel devant le Tribunal.

[4] Le 14 mai 2019, la division générale a rejeté l’appel du requérant. Le requérant a demandé puis obtenu la permission d’appeler de la décision de la division générale.

[5] Je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que la division générale ait commis une erreur prévue par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[6] À mon avis, la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’analyser la preuve pour déterminer si le requérant était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[7] Je n’ai pas d’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Hélas, je n’ai donc pas ce qu’il faut pour pouvoir rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je renvoie donc l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de tenir compte du fait que les limitations fonctionnelles du requérant pouvaient le rendre régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice?

Analyse

[9] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux personnes de faire à nouveau valoir leurs arguments dans le cadre d’une nouvelle audience. Elle effectue plutôt un examen de la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient une erreur. Cet examen se fonde sur le libellé de la Loi sur le MEDS, qui établit les trois moyens (ou motifs) d’appel qu’il est possible d’invoquerNote de bas de page 1.

[10] La Loi sur le MEDS confère à la division d’appel le pouvoir d’examiner toute erreur de droit commise par la division généraleNote de bas de page 2.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[11] La division générale a commis une erreur de droit. La division générale a bien fait référence à quelques éléments de preuve pertinents à la question de savoir si le requérant était régulièrement incapable, mais dans sa décision, elle n’a pas analysé si l’invalidité du requérant était régulière. Quelques éléments de preuve importants indiquent à quel point le requérant serait prévisible ou fiable dans un environnement de travail. Ces éléments de preuve ont été ignorés par la division générale. 

[12] Une invalidité n’est grave, au sens du RPC, que lorsqu’une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3. Chaque partie de cette définition est porteuse de sens et à ce titre, chacune doit être prise en considérationNote de bas de page 4. La division générale ne doit pas simplement se demander si le requérant était incapable de détenir une occupation, mais aussi si cette incapacité était régulièreNote de bas de page 5. La Cour d’appel fédérale a confirmé que « la prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du [RPC]Note de bas de page 6 ».

[13] Le requérant soutient que la division générale a omis de déterminer si son incapacité de détenir une occupation était régulière. Le requérant souligne qu’il y avait à son dossier des éléments de preuve pouvant indiquer s’il pouvait travailler de façon prévisible et fiable que la division générale a omis d’analyser. Le requérant explique qu’il a témoigné au sujet du fait qu’il ne pouvait pas s’engager à tenir un horaire régulier en raison de la dépression et de la douleur.

[14] Le requérant soutient qu’il a fourni des éléments de preuve provenant de son psychiatre, le Dr JosephNote de bas de page 7. Selon la preuve du Dr Joseph, le requérant était capable de s’acquitter de tâches ou d’obligations stressantes seulement pendant de courts intervalles de temps, puisque l’augmentation de la douleur et la fatigue entraînaient des baisses de performance après une plus longue exposition ou lors de certaines journéesNote de bas de page 8.

[15] Le Dr Joseph a conclu que le niveau d’employabilité du requérant était faibleNote de bas de page 9. La division générale ne s’est pas penchée sur le rapport du Dr Joseph. Le requérant souligne aussi que son ergothérapeute, Claudia Maurice, avait indiqué qu’il n’avait aucune régularité en ce qui concerne sa capacité à accomplir les tâches exigéesNote de bas de page 10.

[16] Le ministre soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit. Il souligne que le requérant n’a pas tenté de détenir à nouveau une occupation de façon régulière depuis son accident en décembre 2013. En conséquence, la division générale n’avait aucun élément de preuve sur ses heures de travail ou absences ni de preuve montrant qu’il ne pouvait travailler que de façon sporadique pour l’aider à déterminer si le requérant était « régulièrement incapable »Note de bas de page 11.

[17] Le ministre souligne que la décision de la division générale fait mention des autres éléments de preuve liés à la question de savoir si le requérant était régulièrement incapableNote de bas de page 12. La division générale :

  • a souligné que le requérant « a de la difficulté à s’asseoir ou à rester debout pendant des périodes prolongées » et qu’il était « incapable de suivre quelque forme de routine que ce soit »Note de bas de page 13;
  • a tenu compte de la conclusion du Dr MacKay dans son rapport du 3 janvier 2017, selon lequel le requérant « se fatiguait rapidementNote de bas de page 14 ».
  • a tenu compte du rapport du Dr Berbrayer daté du 24 mai 2017 selon lequel le requérant avait de graves problèmes d’adaptation sociale et des problèmes de colère dans ses relations familiales et qu’il n’arriverait pas à accomplir quelque travail que ce soitNote de bas de page 15;
  • a tenu compte de la conclusion du Dr Van Reekum dans son rapport du 8 juillet 2017, selon lequel « [l]es répercussions cumulatives de nombreuses séquelles sur sa santé mentale ont fait en sorte qu’il est incapable d’occuper son emploi précédent pour l’instant et elles continueront de nuire de façon significative à sa capacité à se trouver et à conserver un emploi dans un marché concurrentiel à l’avenir.Note de bas de page 16 »

[18] Le ministre souligne qu’un tribunal n’a pas l’obligation de se référer à chacun des éléments de preuve qui lui sont présentés et que, dans le cadre d’un appel, nous présumons que le décideur a tenu compte de l’ensemble de la preuveNote de bas de page 17. Ainsi, même si la division générale n’a pas fait directement référence au rapport du Dr Joseph, il semble clair, à la lecture de la décision, que la division générale s’est penchée sur la question de savoir si le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[19] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit. Chaque partie du critère relatif à une invalidité grave est porteuse de sens. La division générale doit déterminer si l’incapacité du requérant était régulière. Cette nécessité primordiale de déterminer si l’incapacité était régulière demeure, même si la division générale établit une capacité résiduelle de travailler.

[20] Il semble qu’il existe des éléments de preuve au dossier permettant de répondre à la question de savoir si le requérant est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division générale aurait dû les aborder en rendant sa décision. L’omission d’analyser cette question constitue une erreur de droit.

[21] La division générale n’est pas tenue de faire référence à chacun des éléments de preuve au dossier. La membre de la division générale a indiqué avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, même des rapports qu’elle n’a pas résumésNote de bas de page 18. Le ministre n’avait pas tort en affirmant que la membre de la division générale avait fait mention de certains éléments de preuve pertinents à la question de savoir si le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[22] Toutefois, l’erreur de droit ne découle pas simplement du fait d’avoir omis d’aborder un élément de preuve, mais plutôt du fait que la décision ne comporte pas d’analyse sur le volet du critère relatif au caractère « grave » de l’invalidité. La décision ne comporte pas d’analyse sur la question de savoir si le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Même si la division générale a conclu que le requérant avait une certaine capacité de travailler, elle n’a pas expliqué comment elle avait atteint cette conclusion à partir des éléments de preuve, et en particulier du rapport du Dr Joseph, qui donnent fortement à penser que, même si le requérant peut, en théorie, accomplir certaines tâches, il n’en demeure pas moins « régulièrement incapable ».

Réparation

[23] Dans les cas où la division générale commet une erreur, je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, ou je peux renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamenNote de bas de page 19.

[24] Lorsque le dossier est complet, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre constitue la façon la plus efficace de procéder. Malheureusement, je n’ai pas en l’espèce l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale.

[25] Le ministre soutient que si je détecte une erreur, je dois retourner l’affaire à la division générale parce que je n’ai pas l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. Le ministre souligne que le requérant a fait spécifiquement référence à son témoignage devant la division générale lors de son audience devant la division d’appel. Si j’estime que la division générale a commis une erreur, je ne peux décider si le requérant est admissible ou non à une pension d’invalidité. Je n’ai pas tous les éléments de preuve que la division générale avait en main.

[26] Le requérant soutient que le fait de témoigner devant la division générale lui a causé beaucoup de stress compte tenu de son état psychologique et psychiatrique. Le requérant affirme que renvoyer l’affaire devant la division générale aggraverait ses symptômes, surtout si la représentante du ministre vient à le contre-interroger. Le requérant affirme qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle et que par conséquent, la division d’appel devrait rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je pourrais fonder ma décision sur les dossiers médicaux, sur les documents au dossier et sur les conclusions de la décision écrite de la division générale. Cette approche permettrait de respecter la nécessité d’offrir un processus de justice équitable et efficace au requérantNote de bas de page 20.

[27] Je renvoie toutefois l’affaire à la division générale aux fins de réexamen. Le dossier n’est pas complet sans l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Le requérant craint que de retourner l’affaire devant la division générale n’entraîne la tenue d’une nouvelle audience de vive voix et d’un contre-interrogatoire de la représentante du ministre. Toutefois, je vais laisser les parties présenter leurs demandes relatives au processus de réexamen à la division générale.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli. Je renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

 

Date de l’audience :

Le 22 octobre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

James Wallbridge, représentant de l’appelant

Hilary Perry, représentante de l’intimé

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