Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] K. J. est la requérante. J’ai conclu qu’elle est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) à compter de juin 2017. Les motifs de ma décision sont énoncés ci-après.

Aperçu

[2] La requérante avait 40 ans en septembre 2014, lorsqu’elle a eu un accident de voiture. Celui-ci lui a causé des blessures à long terme, notamment des douleurs au bas du dos. Elle a cessé de travailler comme superviseure de l’entretien ménager à la suite de l’accident. Elle affirme être incapable de reprendre son poste ou d’occuper un autre travail en raison de la fatigue et des douleurs au bas du dos. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en mai 2018. Le ministre a rejeté sa demande. Elle a fait appel au Tribunal de la sécurité sociale. Je suis la membre du Tribunal qui a instruit son appel.

Question en litige

[3] Toute personne qui présente une demande de pension d’invalidité doit répondre aux conditions d’admissibilité. Celles-ci sont énoncées dans la loi qui régit les prestations d’invalidité du RPC. Tout d’abord, la personne doit répondre aux exigences relatives aux cotisations. Le terme juridique qui désigne ce concept est la « période minimale d’admissibilitéNote de bas page 1 » (PMA). Celle-ci ne pose aucun problème en l’espèce. La PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2016.

[4] Ensuite, la personne doit être atteinte d’une invalidité « grave et prolongéeNote de bas page 2 ». De plus, la personne doit être devenue invalide au plus tard à l’échéance de la PMA.

[5] Pour bien des gens, le terme « grave » signifie quelque chose qui est [traduction] « très mauvais » ou [traduction] « très sérieux ». Bien des gens pensent également que le terme « prolongée » représente quelque chose qui dure pendant une longue période. Toutefois, les termes « grave » et « prolongée » ont des sens précis dans ce domaine du droit. Cela peut porter à confusion. J’expliquerai ce qu’ils signifient lorsqu’il est question de décisions relatives à la pension d’invalidité du RPC.

Qu’est-ce que « grave » signifie?

[6] Selon la loi, si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de son invalidité, cette personne est alors atteinte d’une invalidité graveNote de bas page 3.

[7] Ce n’est pas la nature de l’invalidité qui détermine la gravité de l’invalidité. La gravité est plutôt déterminée par le fait de savoir si l’invalidité d’une personne a une incidence sur sa capacité de travailler. Ce n’est pas la nature de l’invalidité qui détermine la gravité de l’invalidité. La gravité est plutôt déterminée par le fait de savoir si l’invalidité d’une personne a une incidence sur sa capacité de travailler. Si une invalidité est si grave qu’elle empêche une personne d’occuper régulièrement un emploi, cette personne est alors atteinte d’une invalidité grave. Il est important de noter que cela ne concerne pas un ancien poste ou un emploi avec un salaire comparable. Cela vise tout emploi véritablement rémunérateur, même si le salaire est moins élevé que celui de l’ancien poste.

Qu’est-ce que « prolongée » signifie?

[8] Le caractère prolongé signifie que l’invalidité dure « pendant une période longue, continue et indéfinie » ou doit « entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas page 4 ». Pour être « prolongée », l’invalidité doit être de nature quasi permanente. Si une personne a une chance raisonnable de retrouver la capacité de travailler dans un avenir rapproché, son invalidité n’est donc pas prolongée.

[9] Le ministre reconnaît les symptômes de la requérante. Il estime que la preuve ne montre pas que ces problèmes sont graves. Cela signifie que la requérante serait capable de travailler. C’est la raison pour laquelle sa demande a été rejetée.

[10] Le dossier du Tribunal précise que la requérante a actuellement plusieurs problèmes de santé. Pour déterminer si son invalidité est grave, je dois examiner comment la requérante se sent par rapport à l’incidence de ces problèmes sur sa capacité de travailler. Je dois également tenir compte de l’avis de ses médecins et des autres professionnels de la santé concernant son état de santé, y compris de certains éléments comme les résultats de ses examens médicaux. Si la requérante est régulièrement capable d’accomplir certaines tâches dans le cadre d’un emploi véritablement rémunérateurNote de bas page 5, alors elle n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

La requérante croit sincèrement être atteinte d’une invalidité grave

[11] La requérante a expliqué comment elle voyait ses problèmes de santé et quelle était leur incidence sur ses activités quotidiennes. Voici ce qu’elle a déclaré :

  • Depuis qu’elle a consulté un spécialiste, ses symptômes se sont aggravés.
  • Elle ne dort pas bien et elle éprouve des douleurs tous les jours, ce qui rend les choses difficiles lorsqu’elle s’assoit ou se tient debout pendant un certain temps.
  • Après son accident de voiture en 2014, elle a tenté de reprendre le travail en 2015, mais elle a dû cesser de travailler à cause de la douleur et de l’inflammation. Elle a ensuite essayé la physiothérapie, les injections dans le bas du dos ainsi que les médicaments. Les médicaments avaient toutefois des effets secondaires et lui procuraient seulement un soulagement de courte durée.
  • Elle vit toute seule, mais sa mère, également voisine, sa fille et son meilleur ami l’aident tous les jours. Elle a besoin d’aide pour ses activités quotidiennes, dont l’entretien ménager, la lessive et l’épicerie. Une personne du voisinage tond sa pelouse.
  • Pour gérer sa douleur, elle applique du Voltaren sur sa hanche et le bas de son dos. Elle utilise aussi une unité de stimulation nerveuse électrique transcutanée. Elle alterne entre des compresses chaudes et froides. Elle prend également des Tylenol no 1. Lorsqu’elle tente de se lever et de faire des choses, elle a mal après quelques minutes et doit se reposer. Elle a dit qu’elle passait le plus clair de son temps à chercher un soulagement pour ses douleurs.
  • Elle peut généralement rester assise pendant 10 minutes, puis elle doit se lever et bouger. Elle a expliqué qu’elle doit changer de positions et se dégourdir les jambes toute la journée.

[12] J’estime que la requérante disait la vérité lorsqu’elle a livré son témoignage. Ses réponses aux questions lors de l’audience correspondaient pour la plupart à ce qu’elle avait dit à ses médecins à différentes occasions par le passé. Lorsque le récit d’une personne est cohérent sur une certaine période, cela peut indiquer que la personne dit la vérité. La requérante n’a pas hésité à répondre aux questions et semblait faire un effort honnête pour répondre avec précision. J’estime qu’elle est crédible.

[13] Toutefois, je ne tiens pas seulement compte de la façon dont elle estime que son invalidité a une incidence sur sa capacité de travailler. La requérante doit également étayer sa thèse avec des éléments de preuve objectifs. Je dois examiner ses propos, de même que l’avis des médecins et des autres professionnels de la santé. Je dois examiner dans quelle mesure sa preuve correspond au contenu des rapports médicaux.

La preuve médicale confirme bel et bien que la requérante est invalide

i) Problèmes de santé antérieurs à 2014

[14] Le Dr Black a fourni les antécédents des problèmes de santé de la requérante. Voici les problèmes qu’il a énumérés :

  • infections urinaires récurrentes qui remontent au milieu des années 1980;
  • tendinite de son poignet gauche depuis 1993;
  • hyperacidité gastrique diagnostiquée pour la première fois en 1994;
  • syndrome du côlon irritable diagnostiqué pour la première fois en 1994;
  • intertrigo par intermittence depuis 1996;
  • tendinite de son coude droit diagnostiquée en 1998;
  • affection respiratoire réactionnelle diagnostiquée en 2009.

[15] Je dois évaluer l’état de santé de la requérante dans son ensemble, ce qui signifie que je dois tenir compte de toutes les détériorations possibles, pas seulement des détériorations les plus importantes ou de la détérioration principaleNote de bas page 6. Toutefois, la requérante a travaillé pendant de nombreuses années après avoir reçu le diagnostic de ses problèmes de santé. Pris individuellement ou ensemble, rien n’indique que ces problèmes ont empêché la requérante de travailler. En outre, la requérante a dit qu’elle ne pouvait pas travailler en raison de ses blessures découlant d’un accident de voiture survenu en 2014.

ii) Problèmes de santé postérieurs à septembre 2014

[16] Le ministre a fait valoir que la preuve médicale n’appuie pas la conclusion selon laquelle la requérante aurait été incapable de travailler au plus tard le 31 décembre 2016 en raison de ses problèmes de santé. Je ne suis pas d’accord.

[17] Le Dr Black a précisé que la requérante était atteinte des principaux problèmes invalidants suivants : le syndrome des facettes articulaires, les douleurs chroniques au bas du dos, la fibromyalgie au niveau de la colonne vertébrale et la sacro-iliite. Il a noté que son syndrome chronique des facettes articulaires et sa sacro-iliite sont tous deux apparus après un accident de voiture, survenu en septembre 2014. Depuis ce temps, la requérante se plaint de douleurs chroniques au dos. Elle a suivi de nombreux traitements, mais sans voir de grandes améliorations. Parmi les traitements qu’elle a suivis, notons :

  • un suivi en physiatrie;
  • de la physiothérapie;
  • une rachianesthésie;
  • des injections dans les zones gâchettes;
  • des injections dans l’articulation sacro-iliaque et les facettes articulaires;
  • de nombreux médicaments oraux.

[18] Le Dr Black était d’avis que la requérante était incapable de conserver un emploi actif et rémunérateur et qu’elle était totalement invalide et incapable de travaillerNote de bas page 7.

[19] La requérante a également consulté le Dr Koshi en février 2016Note de bas page 8. Elle lui a dit que le fait de conduire, de s’asseoir, de se pencher, de se tenir debout et de marcher a accentué sa douleur. Elle a dit qu’elle pouvait rester assise pendant une à deux heures, conduire pendant deux heures et marcher pendant 30 minutes avant que la douleur ne l’empêche de continuer. La requérante a expliqué que cela n’était ni consécutif ni constant, et qu’elle se reposait et changeait de positions. Pour gérer sa douleur, elle utilise des compresses chaudes, se repose et se couche.

[20] La requérante a déclaré qu’elle peut généralement rester assise pendant 10 minutes, puis elle doit se lever et bouger. Elle a expliqué qu’elle doit changer de positions et se dégourdir les jambes toute la journée. Les capacités fonctionnelles et les limitations que la requérante m’a décrites sont essentiellement les mêmes qu’en 2016, en mai 2018 et à l’audience en février 2020. Malgré des années de traitements divers, la preuve médicale ne montre aucune amélioration des capacités fonctionnelles de la requérante.

[21] Par le passé, la requérante a reçu trois injections dans l’articulation sacro-iliaque, ce qui a réduit sa douleur de 80 %, mais qui lui a seulement procuré un soulagement temporaire pendant quelques jours. Le Dr Koshi a confirmé que la requérante éprouvait des douleurs aux facettes articulaires. Il a dit que la physiothérapie était inutile pour traiter ce genre de douleurs et il a recommandé que la requérante cesse ses séances de physiothérapie. La requérante a dit que les séances ne lui procuraient aucun soulagement de toute façon. Le Dr Koshi a noté que la requérante avait essayé différents médicaments, mais sans succès. En février 2016, la requérante prenait du Cymbalta, mais celui-ci avait des effets secondaires et ne lui procurait aucun soulagement. Le Dr Koshi était d’avis que le Cymbalta n’était pas utile pour combattre les douleurs, mais qu’il était utilisé pour traiter la dépression. Comme il a noté que la requérante n’était pas dépressive à ce moment-là, il a recommandé qu’elle cesse de prendre du Cymbalta. Il a recommandé des injections dans les facettes articulaires puisque c’était le seul moyen scientifiquement prouvé de poser un diagnostic de douleurs aux facettes articulaires.

[22] Il a dit que si l’on confirmait le diagnostic des douleurs aux facettes articulaires, la requérante pourrait bénéficier d’une dénervation par radiofréquence des facettes articulaires. Le Dr Koshi a dit que les douleurs de la requérante pourraient diminuer de 90 % pendant au moins un an. Selon lui, il s’agissait du seul traitement efficace contre les douleurs aux facettes articulaires. Aucun autre traitement n’était comparable pour un soulagement efficace de la douleur à long terme. La requérante a reçu les injections dans les facettes articulaires le 30 mars 2016Note de bas page 9. La première partie des injections montre qu’elle présentait des symptômes de douleurs aux facettes articulairesNote de bas page 10. Par conséquent, une dénervation par radiofréquence a été réalisée le 27 avril 2016Note de bas page 11. Le 17 mai 2016, la requérante a dit au Dr Koshi que ses douleurs avaient diminué d’au moins 75 %. Elle était très satisfaite des résultats. Le Dr Koshi a dit que l’effet des injections durerait probablement un an et demiNote de bas page 12. La requérante a déclaré que ce soulagement était de courte durée. En janvier 2017, elle est retournée voir le Dr Koshi et lui a expliqué qu’elle s’était bien sentie pendant deux à trois moisNote de bas page 13. Toutefois, en octobre 2016, elle était [traduction] « de retour à la case départ ». En février 2017, le Dr Koshi a réalisé une deuxième dénervation par radiofréquenceNote de bas page 14. Le 21 mars 2017, la requérante a dit au Dr Koshi que la deuxième intervention ne lui avait procuré aucun soulagementNote de bas page 15. Le Dr Koshi a recommandé de cesser toute injection de la sorte.

[23] Depuis environ 2017, la requérante reçoit des injections de son médecin de famille tous les trois mois. Elle a dit que ces injections lui procurent un soulagement de la douleur pendant trois à cinq jours. Puis, son niveau de douleur retourne au point de départ.

[24] Le Dr Boucher a examiné la requérante en septembre 2017Note de bas page 16. Il était d’accord avec le Dr Black que la requérante avait subi de nombreuses blessures à la suite de l’accident de voiture en 2014, notamment les suivantes :

  • une entorse lombo-sacrée d’origine myofasciale;
  • une entorse cervicale d’origine myofasciale (troubles liés au coup de fouet cervical de type II);
  • une céphalée cervicogénique quotidienne chronique;
  • un trouble anxieux et dépressif mixte;
  • un trouble de douleur associé à des facteurs psychologiques et à un problème de santé général;
  • de l’insomnie;
  • une bursite au trochanter gauche.

[25] Le Dr Boucher a expliqué que les détériorations liées à la collision qu’a subie la requérante ont diminué ses tolérances fonctionnelles par rapport aux activités qui exercent une tension sur son cou et son dos. Bien qu’elle puisse accomplir la plupart de ses tâches quotidiennes, elle éprouve différents degrés de douleur, ce qui nuit à sa capacité de réaliser ses activités quotidiennes et ses activités sociales et récréatives. La situation était la même en février 2016, comme l’a noté le Dr Kochi. Le Dr Boucher a dit que la requérante avait de la difficulté avec les types d’activités suivants :

  • activités répétitives ou prolongées à hauteur d’épaule ou au-dessus;
  • activités qui exercent une tension sur le cou et le dos, notamment le fait de soulever des charges, de se pencher, de se tourner, et de pousser ou de tirer des objets, ainsi que des gestes qui éloignent les bras du corps;
  • activités qui exigent des postures répétitives et soutenues.

[26] Selon le Dr Boucher, après avoir examiné la documentation pertinente, étudié les antécédents, procédé à un examen physique et examiné le mécanisme de la collision, l’ensemble des invalidités et des limitations fonctionnelles de la requérante était tout à fait conforme à son diagnostic et était directement attribuable à la collision automobile en question.

[27] Aucun médecin ne laisse entendre que la requérante amplifie ses symptômes. Le Dr Boucher a dit qu’il y avait une grande concordance concernant la mesure des résultats fonctionnels de la requérante dans le cadre de l’évaluation. La déclaration personnelle de ses douleurs physiques dans l’inventaire de la douleur mesurée était conforme à ses résultats généraux au questionnaire sur les incapacités liées à la douleur. Une évaluation psychologique a été menée à l’aide de l’inventaire de dépression de Beck II et de l’inventaire d’anxiété de Beck. Les résultats de ces deux évaluations psychologiques ciblées concordaient avec les résultats de la requérante au questionnaire sur les incapacités liées à la douleur et à ses autoévaluations. Le degré de concordance entre la mesure de ces résultats, les plaintes de la requérante, et l’examen et les questions du Dr Boucher ont donné beaucoup de crédibilité à son témoignage.

[28] Pour déterminer si une invalidité est « grave », il ne suffit pas que la partie requérante soit atteinte de détériorations graves, mais plutôt que l’invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il n’est pas question de savoir si la partie requérante est incapable d’occuper son emploi régulier, mais plutôt de savoir si elle est incapable d’occuper tout emploi véritablement rémunérateurNote de bas page 17.

[29] Selon le Dr Boucher, les blessures découlant de la collision avaient limité les possibilités d’emploi de la requérante et l’avaient désavantagée sur le plan concurrentiel par rapport à ses pairs. Il a dit qu’elle devrait être sélective quant au type de travail qu’elle occuperait et à la durée qu’elle le ferait. Je ne crois pas que le Dr Boucher estime que la requérante soit capable de travailler. Il explique qu’il recommanderait une évaluation professionnelle pour voir quel type d’emploi, s’il y en a, serait convenable pour la requérante à l’avenir, compte tenu de son éducation, sa formation et son expérience, des limitations qu’ont entraînées ses blessures, c’est‑à‑dire la douleur, ainsi que des limitations fonctionnelles et psychologiques. Il ajoute que la nature des blessures de la requérante, ses problèmes de santé de longue durée et son état actuel, qui comprenait des facteurs physiques et émotionnels, étaient tous des indicateurs d’un pronostic négatif à long terme.

[30] En octobre 2017, la requérante a participé à une évaluation des capacités fonctionnelles pendant deux joursNote de bas page 18. Compte tenu des résultats de l’évaluation, l’ergothérapeute a recommandé que la requérante ait une tolérance de huit heures de travail sédentaire par jour, cinq jours par semaine, avec la possibilité de changer périodiquement de la position assise à la position debout tout au long de la journée de travail. La requérante a déclaré qu’après l’évaluation des capacités fonctionnelles, elle était incapable d’exercer une activité. Elle était couchée dans son lit et pleurait parce que la douleur était si intense. Elle a dit qu’il lui a fallu trois jours pour que son niveau de douleur retourne à son point de départ.

[31] Je n’étais pas convaincue que l’évaluation des capacités fonctionnelles constituait une preuve de capacité de travail dans un contexte réel. Il y avait également plusieurs contradictions dans l’évaluation. L’ergothérapeute a dit que la requérante avait tout donné lors des deux jours de l’évaluation. Elle a également dit que les limitations fonctionnelles notées correspondaient aux détériorations physiques et aux diagnostics. Par exemple, une diminution de la tolérance élevée au travail était conforme à une amplitude de mouvement et une force actives limitées de l’épaule droite ainsi qu’au diagnostic de déchirures partielles de la coiffe des rotateurs (bilatéralement).

[32] Elle a dit que les rapports subjectifs de fonction étaient relativement conformes aux capacités fonctionnelles observées au cours de l’évaluation. La requérante avait dit par le passé qu’elle était incapable d’accomplir des tâches ménagères simples, qu’elle devait prendre des pauses et qu’elle éprouvait des douleurs constantes. Au cours d’une journée normale, elle estimait sa tolérance à rester assise, à se tenir debout et à marcher respectivement à 30 à 40 minutes, à 45 minutes et à 20 minutes. Si les capacités fonctionnelles telles que décrites par la requérante correspondaient aux capacités fonctionnelles observées par l’ergothérapeute, il ne semble pas logique d’estimer que la requérante avait une capacité de travailler huit heures par jour, cinq jours par semaine, comme l’a dit l’ergothérapeute. De plus, l’ergothérapeute affirme que ces rapports de fonction correspondent aux capacités fonctionnelles observées lors de l’évaluation. Pourtant, l’ergothérapeute estime que la requérante n’a aucune limitation quant au fait de rester assise ou de se tenir debout et qu’elle a la capacité de travailler à temps plein cinq jours par semaine, huit heures par jour. Cela ne semble pas logique. De plus, l’ergothérapeute a dit que sur une échelle visuelle analogique de 0 à 10, où 0 signifie aucune douleur et 10 signifie la pire douleur possible, la requérante a évalué son niveau de douleur moyen quotidien à 6. Elle a évalué son niveau de douleur au début du premier jour comme étant à 6, augmentant à 8 à la fin de l’évaluation des capacités fonctionnelles. Elle a rapporté des niveaux de douleurs semblables au début et à la fin du deuxième jour par rapport au premier jour.

[33] L’ergothérapeute a également dit que la requérante ressentait une douleur accrue au niveau de sa hanche gauche après deux minutes de marche. Une fois de plus, compte tenu de son niveau de douleur accru au quotidien, il semble improbable que la requérante soit capable d’occuper un emploi sédentaire huit heures par jour, cinq jours par semaine. Pour les motifs énoncés précédemment, je n’ai pas accordé beaucoup de poids à l’évaluation des capacités fonctionnelles.

La requérante est régulièrement incapable de détenir un emploi rémunérateur

[34] J’ai examiné si la requérante était régulièrement incapable de détenir un emploi rémunérateur. La prévisibilité est essentielle pour déterminer si une personne travaille régulièrement au sens du RPCNote de bas page 19. J’ai constaté que la requérante éprouvait des douleurs constantes. Néanmoins, ses douleurs sont plus vives à certains moments. Il lui est impossible de prévoir le niveau de douleur qu’elle éprouvera un jour donné et les tâches qu’elle pourra accomplir, s’il y en a. Elle ne prévoit rien à l’avance et elle a déclaré qu’elle ne peut pas s’engager à réaliser quoi que ce soit en raison de l’incertitude liée à son niveau de douleur.

[35] Le caractère imprévisible de ses douleurs et son effet invalidant ont empêché la requérante de reprendre tout type de travail. Le médecin de famille est toujours d’avis que la requérante est incapable d’occuper tout type d’emploi.

[36] Compte tenu de la preuve médicale et du témoignage de la requérante, j’estime que la requérante ne serait pas une employée fiable dans le contexte réel du marché du travail et qu’elle est régulièrement incapable de détenir toute occupation.

[37] De plus, tout employeur devrait lui offrir des mesures d’adaptation déraisonnables. La requérante peut seulement rester assise pendant quelques minutes avant de devoir se dégourdir les jambes. Elle peut uniquement accomplir une petite tâche pendant quelques minutes, puis elle doit se reposer. C’était la même chose en février 2016, et la situation n’a toujours pas changé. La requérante devrait avoir la possibilité de manquer le travail sans donner de préavis et de quitter le travail lorsque ses douleurs sont trop intenses. La définition de « grave » comprend la capacité d’une partie requérante de travailler dans un milieu de travail valorisant et concurrentiel. Un employeur ne devrait pas avoir à endurer les absences occasionnelles d’une personne et à lui offrir des mesures d’adaptation en créant un environnement de travail flexible pour permettre à cette personne d’avoir un emploi qu’elle ne pourrait autrement exercer dans un milieu de travail concurrentiel normalNote de bas page 20.

Les circonstances personnelles de la requérante ne l’empêcheraient pas de travailler

[38] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réelNote de bas page 21. Cela signifie que je dois tenir compte des circonstances personnelles de la requérante, comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie, de même que les problèmes de santé et les limitations qui en ont découléNote de bas page 22.

[39] La requérante avait 42 ans à la fin de sa PMA. Elle a terminé sa 8e année et est passée à sa 12e année. Elle a des compétences de base en informatique, mais elle n’utilise pas d’ordinateur au quotidien. La requérante n’a essentiellement aucune compétence transférable. Elle a détenu des occupations physiquement exigeantes tout au long de sa vie, notamment en tant que ramasseuse de palourdes, paysagiste et préposée à l’entretien ménager. Ces emplois sont physiquement exigeants, et elle n’a plus la capacité physique pour occuper ce type d’emploi. La requérante est jeune et a de nombreuses années d’emploi potentielles devant elle. J’ai examiné si elle était capable de se recycler et de trouver un emploi plus convenable. J’ai constaté qu’elle éprouve des douleurs constantes et que celles-ci l’empêchent de profiter d’un sommeil réparateur. Elle est toujours fatiguée. De plus, elle est incapable de rester assise, de se tenir debout ou de marcher pendant plus de quelques minutes. Elle est incapable d’exercer la plupart de ses activités quotidiennes et se fie aux autres pour avoir de l’aide.

[40] Compte tenu de ses limitations fonctionnelles, de ses capacités, de ses limitations ainsi que des mesures d’adaptation qui seraient nécessaires de la part d’un employeur, je n’étais pas convaincue que la requérante aurait la capacité de travailler ou de se recycler.

[41] Comme je l’ai mentionné précédemment, une personne doit être atteinte d’une invalidité grave et prolongée pour recevoir des prestations. J’estime que la requérante est atteinte d’une invalidité grave, car elle n’a pas la capacité de travailler.

L’invalidité de la requérante est prolongée

[42] Aucun élément de preuve ne me conduirait raisonnablement à supposer que l’état de santé de la requérante se résorbera dans un avenir prévisible. La requérante éprouve toujours des douleurs chroniques, et ses capacités fonctionnelles ne se sont pas améliorées. En fait, compte tenu de son témoignage, elles se sont aggravées. Il n’existe aucun autre plan de traitement pour l’état de la requérante.

[43] Le Dr Boucher a dit que même trois ans après l’accident de voiture, la requérante éprouvait encore des douleurs et était toujours atteinte de limitations fonctionnelles et psychologiques. La nature de ses blessures, ses problèmes de santé de longue durée, et son état actuel, qui comprend des facteurs physiques et émotionnels, sont tous des indicateurs d’un pronostic négatif à long terme. Bien que la plupart des lésions des tissus mous se résorbent généralement en quelques mois, certaines personnes mettent beaucoup plus de temps à se rétablir, et quelques‑unes d’entre elles ne se rétablissent jamais complètement.

[44] Après avoir examiné la documentation pertinente, étudié les antécédents, procédé à un examen physique et examiné le mécanisme de la collision, le Dr Boucher avait des réserves quant au pronostic général de la requérante concernant un rétablissement complet à la suite de blessures attribuables à une collision. Il a dit que même si ses recommandations de traitement étaient susceptibles de fournir un certain avantage, il était d’avis que la requérante ne se rétablirait pas complètement de sa symptomatologie. Il ne s’attendait pas à une réponse curative. Il a précisé que les recommandations de traitement étaient importantes pour appuyer la requérante, et plus précisément pour éviter que son état de santé ne se détériore davantage. Le Dr Boucher a dit qu’il n’y avait probablement aucune intervention qui mènerait à un contrôle ou à un rétablissement complet de ses symptômes, y compris sa douleurNote de bas page 23.

[45] Lors de l’audience, la requérante avait été incapable de travailler pendant plus de cinq ans, et son état de santé ne s’était pas amélioré. Ses problèmes de santé durent déjà depuis une période longue et continue, et il est possible qu’ils durent pendant une période indéfinie.

Conclusion

[46] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2014. Toutefois, pour déterminer la date de versement de la pension, la requérante ne peut être réputée être devenue invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle le ministre a reçu la demande de pension d’invaliditéNote de bas page 24. Comme le ministre a reçu la demande en mai 2018, la date réputée de l’invalidité est en février 2017. Les versements commencent en juin 2017, soit quatre mois après la date réputée de l’invaliditéNote de bas page 25.

[47] La requérante est bel et bien atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Son appel est donc accueilli.

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