Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) qui a été rejetée en novembre 2018. Le ministre a reçu une demande de révision de sa décision du requérant en mars 2019, après le délai prescrit de 90 jours. Le ministre a demandé au requérant d’expliquer pourquoi, entre autres, il avait soumis sa demande de révision en retard, et il a répondu peu de temps après en mai 2019. En octobre 2019, le ministre a refusé d’accorder plus de temps au requérant pour demander une révision. Le requérant a fait appel de cette décision à la division générale (DG). La DG a déterminé que le ministre ne s’était pas informé de la date exacte à laquelle le requérant avait reçu la décision de refus initiale, ni à laquelle il avait envoyé sa demande de révision. Il est clair que ces deux faits sont pertinents pour déterminer si la demande a été faite après l’expiration du délai prescrit de 90 jours. Le ministre a calculé les délais pertinents au moyen d’estimations et de renseignements qu’il détenait à l’interne. Il n’a pas demandé au requérant de confirmer quand il avait reçu la décision de refus initiale ni quand il avait envoyé sa demande de révision. Le ministre a calculé les délais prescrits sans tenir compte de la situation du requérant; à savoir si son emplacement ou ses circonstances personnelles avaient une incidence sur les dates pertinentes. La DG a affirmé que son rôle consistait à déterminer si le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Elle a conclu que ce n’était pas le cas dans ce dossier et a accueilli l’appel. Le requérant aurait dû se voir accorder plus de temps pour demander une révision. Ainsi, le ministre devra réexaminer sa décision initiale et décidera ensuite s’il souhaite ou non la maintenir.

Contenu de la décision



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Décision

[1] Un délai supplémentaire sera accordé au requérant pour demander une révision de la décision datée du 21 novembre 2018. Mes motifs sont expliqués dans la présente décision.

Aperçu

[2] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) le 4 juin 2018. Il attribue son incapacité à travailler à des douleurs au dos et à une mobilité très restreinte. Sa demande a été rejetée le 21 novembre 2018. Le ministre a reçu la demande de révision du requérant le 14 mars 2019.

[3] Le 19 mars 2019, le ministre a écrit au requérant pour lui demander ce qui suit :

  • la raison pour laquelle il a tardé à présenter sa demande de révision;
  • la façon dont il a informé le ministère (ministre) de son intention de demander une révision;
  • la raison pour laquelle il n’était pas d’accord avec la justification que le ministre a donnée pour avoir rejeté sa demande initialeNote de bas de page 1.

[4] Le requérant a répondu aux questions du ministre le 21 mai 2019Note de bas de page 2. Dans une lettre datée du 17 octobre 2019, le ministre a refusé d’accorder un délai supplémentaire au requérant pour demander une révision de la décision du 21 novembre 2018.

[5] Le requérant a interjeté appel de la décision du 17 octobre 2019 auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

Raison pour laquelle j’ai tranché cet appel sur la foi du dossier.

[6] Je peux soit trancher un appel en me fondant sur les documents et les observations au dossier, soit tenir une audience. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale autorise ces deux options et fournit des conseils pour déterminer laquelle choisir. Je dois opter pour un processus juste, expéditif, économique et informelNote de bas de page 3. Une décision sur la foi du dossier peut être indiquée lorsque les questions en litige sur lesquelles porte l’appel ne sont pas complexes; il n’y a pas d’écart ou de question sans réponse au dossier; et la crédibilité n’est pas une des questions principales.

[7] La question en litige sur laquelle porte l’appel n’est pas complexe et il y a suffisamment d’information au dossier pour que je la tranche. La position du ministre a été énoncée dans les notes au dossier et le requérant a fait des observations écrites détaillées sur la question en litige. Rien n’indique que la crédibilité est l’une des questions en litige sur lesquelles porte l’appel. Procéder sur la foi du dossier est juste et équitable. Il s’agit de la façon de procéder la plus expéditive, économique et informelle.

Raison pour laquelle l’appel ne peut pas aborder la demande de prestations d’invalidité du requérant.

[8] Dans le cadre de cet appel devant le Tribunal, le requérant a soulevé des questions au sujet de sa demande de prestations d’invalidité et des répercussions de son invalidité sur sa capacité à travailler et sur sa vie. Je ne peux pas aborder la demande de prestations d’invalidité du requérant ni déterminer s’il est admissible à des prestations. Un appel devant le Tribunal doit concerner une décision découlant d’une révisionNote de bas de page 4. L’appel du requérant concerne une décision datée du 17 octobre 2019. Cette décision ne portait pas sur les prestations d’invalidité du requérant. Elle se limitait seulement à la question de savoir si un délai supplémentaire serait accordé au requérant pour demander une révision de la décision initiale. Ainsi, le présent appel doit aussi se limiter à la question de savoir si le ministre aurait dû accorder un délai supplémentaire au requérant pour demander une révision de la décision initiale.

Question en litige

[9] Le ministre a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi de manière judicieuse au moment de déterminer que le requérant n’était pas admissible à un délai supplémentaire pour demander une révision de la décision du 21 novembre 2019?

Analyse

Qu’est-ce que le ministre doit faire au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire?

[10] Le pouvoir du ministre d’accorder ou de refuser d’accorder un délai supplémentaire pour faire une demande tardive de révision est discrétionnaire. Plus précisément, le ministre peut accorder un délai supplémentaire, mais il n’est pas tenu de le faire pourvu qu’il agisse de façon judicieuseNote de bas de page 5. Le Règlement sur le régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) établit la façon appropriée de procéder, y compris les circonstances pertinentes dont doit tenir compte le ministre pour déterminer s’il doit accorder un délai supplémentaire à une personne pour demander une révisionNote de bas de page 6.

[11] Le ministre peut accorder un délai supplémentaire s’il est convaincu que la partie requérante a une explication raisonnable pour son retard et si elle a démontré qu’elle avait l’intention continue de demander une révisionNote de bas de page 7.

[12] Le pouvoir du ministre d’accueillir ou de rejeter la demande doit être exercé de façon judicieuseNote de bas de page 8. Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon « judicieuse » s’il est possible d’établir que le décideur :

  1. a agi de mauvaise foi;
  2. a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  3. a pris en compte un facteur non pertinent;
  4. a ignoré un facteur pertinent;
  5. a agi de manière discriminatoire Note de bas de page 9.

[13] Le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer le résultat de la révision ou de décider si l’intimé a rendu la bonne décision, mais bien de vérifier si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon judicieuse. Le fardeau de la preuve qui incombe au requérant est de démontrer que ce n’est pas ce qu’a fait l’intimé.

Le requérant a démontré que le ministre n’a pas fait ce qu’il fallait.

[14] Le dossier ne révèle aucune mesure qui démontrerait que le ministre a tenu compte de facteurs non pertinents; qu’il a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier; ou qu’il a agi de manière discriminatoire. Toutefois, je juge que le ministre n’a pas tenu compte de faits pertinents concernant le moment auquel le requérant a reçu la décision initiale et auquel il a envoyé sa demande. Ce qui est encore plus pertinent est la question de savoir si la demande de révision du requérant a en fait été envoyée en retard. Il s’agit là d’un facteur pertinent que le ministre aurait dû prendre en considération. Ce fait est particulièrement pertinent puisque la décision du ministre était fondée sur un délai calculé à partir d’une estimation de la date à laquelle le ministre a communiqué la décision au requérant.

[15] Le ministre a demandé au requérant de fournir des observations pour expliquer son retard, son intention de demander une révision et la raison pour laquelle il n’était pas d’accord avec la décision initialeNote de bas de page 10. Le requérant a répondu à ces questions. Le ministre n’a pas demandé au requérant à quel moment il avait été informé du refus initial ou à quel moment il avait envoyé sa demande de révision. Il est clair que ces deux faits sont pertinents pour déterminer si la demande a été envoyée après le délai de 90 jours.

[16] La lettre du ministre au requérant n’explique pas pourquoi le ministre a refusé d’accorder un délai supplémentaire au requérant pour demander une révisionNote de bas de page 11. Toutefois, de nombreux faits au dossier me portent à croire que le ministre aurait dû tenir compte d’autres facteurs pour déterminer s’il devait accorder un délai supplémentaire au requérant.

[17] Le ministre a calculé la date à laquelle le requérant a été informé du refus et la date à laquelle il a demandé une révision à l’aide d’estimations et de renseignements dont il disposait à l’interne. Il n’a pas demandé au requérant de confirmer la date à laquelle il avait été informé du refus ni celle à laquelle il avait envoyé sa demande de révision. Le requérant réside à une distance considérable du centre de Service Canada de sa région. Il dépend énormément de son épouse compte tenu de sa mobilité réduite. Il dépend aussi de son député pour l’aider avec son dossier.

[18] Le refus initial était daté du 21 novembre 2018. Aucune information ne confirme à quel moment il a été envoyé ou reçu. Compte tenu de l’adresse du requérant et de sa mobilité réduite, je me serais attendue à ce que le ministre s’interroge sur le temps que cela avait réellement pris pour que le requérant soit informé du refus. Les notes au dossier montrent qu’il était impossible de joindre le requérant par téléphone et que le ministre dépendait des services postaux pour lui communiquer la décision.

[19] Le ministre a supposé que le requérant avait reçu la décision initiale le 1er décembre 2018, qui était un samedi.  À partir de cette date, le ministre a calculé que le requérant avait jusqu’au 3 mars 2019 pour demander une révision. Cela était un dimanche. Le ministre s’est fondé sur ces deux dates pour déterminer que la demande du requérant avait été soumise en retardNote de bas de page 12. Si le ministre avait pris ces dates en considération, cela aurait dû normalement le mener à se demander à quel moment le requérant avait réellement reçu la décision étant donné qu’il était peu probable qu’il l’ait reçue la fin de semaine, ou qu’il ait pu envoyer son appel à ce moment.

[20] La demande de révision du requérant est datée du 8 janvier 2019 et l’estampille du ministre montre qu’elle a été reçue le 14 mars 2019Note de bas de page 13. Le ministre n’a pas interrogé le requérant au sujet de la date à laquelle il avait acheminé sa lettre ou de la raison pour laquelle elle semble avoir été retardée. Le dossier fait référence à la lettre du requérant et les notes au dossier indiquent que la date de la lettre se situait à l’intérieur du délai de 90 jours suivant le refus. Le ministre ne s’est pas demandé quelle incidence cela pourrait avoir eue sur la question en litige faisant l’objet d’une révision.

[21] Le ministre a calculé la période limite et a refusé d’accorder un délai supplémentaire au requérant pour demander une révision sans tenir compte du moment où le requérant avait reçu la décision initiale; de l’incidence possible de l’emplacement et des circonstances personnelles du requérant sur la date à laquelle il a reçu la décision; et de la date à laquelle le requérant a envoyé sa demande de révision. Je conclus que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire.

Raison pour laquelle un délai supplémentaire devrait être accordé au requérant pour demander une révision de la décision datée du 21 novembre 2018.

[22] Le requérant a expliqué au ministre qu’il était confiné à la maison et qu’il avait dû demander à d’autres personnes de rassembler l’information nécessaire pour lui et d’envoyer sa demande de révision. Il avait communiqué avec son député et sa lettre datée du 8 janvier 2019 montre qu’il avait l’intention de donner suite à sa demande. Rien ne permet de savoir à quel moment la lettre a réellement été envoyée au ministre, mais les dossiers de celui-ci montrent qu’elle a été estampillée comme ayant été reçue le 14 mars 2019. Compte tenu des circonstances personnelles du requérant et de son état de santé, j’estime que son explication pour son léger retard est raisonnable.

[23] L’intention du requérant de donner suite à sa demande a été démontrée dans sa lettre datée du 8 janvier 2019. Si la demande de révision du requérant a effectivement été reçue en retard, l’échéance devrait être reportée au 14 mars 2019, qui est la date à laquelle le dossier du ministre indique que la demande a été reçue.

Conclusion

[24] Mon rôle se limite à déterminer si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judicieuse. Après avoir examiné tous les éléments de preuve et les observations, je conclus que le ministre n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judicieuse et qu’un délai supplémentaire aurait dû être accordé au requérant pour demander une révision.

[25] L’appel est accueilli.

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