Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

La requérante demeure admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) après mai 2014.

Aperçu

[1] La requérante a déposé une demande initiale de prestations d’invalidité du RPC en 2012. Sa demande a été approuvée dans une décision découlant d’une révision et elle a reçu un versement rétroactif à 2010. Le ministre a reçu de l’Agence du revenu du Canada (ARC) de nouvelles informations sur les revenus de la travailleuse et a examiné son dossier. Le ministre a conclu que la requérante a cessé d’être invalide au sens du RPC au mois de mai 2014. Cela a eu pour effet de mettre fin à l’admissibilité de la requérante aux prestations d’invalidité rétroactivement au mois de mai 2014. Elle devait rembourser environ 53 000 $. Le ministre a maintenu sa décision après révision. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Pour continuer de recevoir une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées par le RPC. Plus précisément, la requérante doit être déclarée invalide de façon continue tel que prévu par le RPC.

Questions en litige

[3] La requérante a-t-elle cessé d’être gravement invalide, signifiant qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à compter de mai 2014?

La requérante a-t-elle cessé d’être invalide de façon prolongée à compter de mai 2014?

Analyse

[4] L’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. L’invalidité d’une personne est considérée comme étant grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[5] Selon l’article 70(1)(a) du RPC, la pension d’invalidité arrête d’être payable le mois au cours duquel la ou le bénéficiaire cesse d’être invalide. Aux termes de l’article 42(2)(b), « une personne est réputée être devenue ou avoir cessé d’être invalide à la date qui est déterminée de la manière prescrite ». Les dispositions législatives pertinentes en application de l’article 42(2)(b) sont les articles 69(1) et 70.

[6] Lorsqu’une partie requérante conteste une décision du ministre de cesser de verser une pension d’invalidité, il incombe au ministre de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que la partie requérante a cessé d’être invalide au moment de la cessation des prestations.

Caractère grave de l’invalidité

La requérante a-t-elle cessé d’être gravement invalide à compter de mai 2014?

[7] Je dois appliquer le critère concernant la gravité de l’invalidité en effectuant une analyse réalisteNote de bas de page 2. Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, l’instruction, les aptitudes linguistiques et l’expérience personnelle et professionnelle.

[8] Je vais expliquer pourquoi la requérante n’a pas cessé d’être gravement invalide à compter de mai 2014. Il est important que j’énonce un certain nombre de faits avant de pouvoir expliquer mon raisonnement.

[9] La requérante est très instruite. Elle détient un baccalauréat ès arts, un baccalauréat en éducation, et une maîtrise en éducationNote de bas de page 3. Cependant, l’utilité de sa formation et les compétences qu’elle a acquises pendant qu’elle enseignait ne lui sont plus utiles dans un milieu de travail.

[10] Après le suicide de son fils, la requérante éprouvait des limitations à cause de son anxiété, et une diminution de la mémoire et de la concentrationNote de bas de page 4. La preuve la plus probante en ce qui concerne la capacité résiduelle à travailler était qu’elle serait peut-être capable de travailler à temps partiel dans un milieu ne concernant pas des jeunesNote de bas de page 5. Il est clair que la requérante a continué à avoir des problèmes de mémoire et de concentration. Cela est signalé par les notes inscrites au dossier par son médecin traitantNote de bas de page 6. Les problèmes de concentration et de mémoire de la requérante l’excluent des types de travail mentalement exigeant. La preuve médicale en l’espèce démontre clairement qu’elle avait des limitations quant au temps pendant lequel elle pouvait travailler. La psychologue traitante a laissé entendre qu’elle pouvait être capable de travailler à temps partiel.

[11] La requérante a continué de voir une psychologue après que sa demande de prestations d’invalidité a été acceptée. Pour le bien de sa santé mentale, la psychologue lui a conseillé de s’engager dans une activité professionnelle, ce qu’elle a fait. Elle a formé une entreprise avec une amie. Ensemble elles ont ouvert un petit magasin et ont vendu des bibelots, principalement pendant les mois d’été, dans une ville touristique de l’intérieur de la Colombie-Britannique.

[12] L’entreprise a enregistré les gains bruts suivants :

  1. 71 866 $ en 2013
  2. 121 646 $ en 2014
  3. 80 029 $ en 2015
  4. 79 535 $ en 2016
  5. 23 425 $ en 2017Note de bas de page 7

[13] Les gains servaient à payer les coûts de marchandises supplémentaires pour le magasin. De 2014 à 2017 (à la fermeture du magasin), les reçus d’impôts de la requérante font état de pertes personnelles à chaque année.

[14] Cela a été confirmé par sa comptable, qui a signalé les pertes suivantes :

  1. Perte de 8 002 $ en 2013
  2. Perte de 3 539 $ en 2014
  3. Perte de 10 079 $ en 2015
  4. Perte de 6 456 $ en 2016
  5. Perte de 19 625 $ en 2017Note de bas de page 8

[15] J’ai posé des questions à la requérante sur son travail au magasin. Elle m’a dit qu’elle en faisait peu. Elle travaillait de trois à quatre jours par semaine et en moyenne quatre heures par jour. Elle a affirmé que dans un mois elle travaillait en moyenne 15 jours. Ses fonctions incluaient ouvrir ou fermer en allumant ou en éteignant les lumières, décharger un peu de marchandise, et aider quelques clients qui venaient à tous les jours. J’ai compris qu’elle passait le plus clair de son temps à tourner en rond dans son magasin. Elle m’a dit qu’elle voyait cela comme une occasion de sortir de sa maison. Elle n’a pas reçu de salaire, la raison principale étant que l’entreprise n’a pas fait de profit. La requérante m’a également dit qu’elle a trouvé cette expérience pénible. Elle a éventuellement cessé de travailler là parce que le travail la rendait malheureuse, et que son invalidité psychologique l’empêchait de bien s’entendre avec qui que ce soit.

[16] J’estime que le témoignage de la requérante est crédible.  

[17] On a donc une requérante qui ne pouvait plus occuper son emploi précédent d’enseignante. Elle ne pouvait plus recourir aux compétences acquises par le biais de son éducation et de son enseignement. Elle avait des limitations fonctionnelles importantes mais une certaine capacité résiduelle. La question à laquelle je dois toujours répondre est celle du caractère véritablement rémunérateur de cette capacité résiduelle tel qu’on l’entend au sens du RPC.

[18] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 9.

[19] La capacité démontrée par la requérante est ici de quatre heures de travail quelques fois par semaine. Elle m’a dit qu’elle travaillait en moyenne 15 jours par mois, ce qui équivaut à 12 heures par semaine. J’ai estimé que son témoignage était de bonne foi. Cette affirmation est corroborée par les documents qu’elle a fournis au ministre. Sa version des faits à cet égard n’a jamais changé.

[20] Je vais maintenant me référer à quelques causes. Je trouve important de me référer à ces causes parce que le raisonnement est utile à la compréhension des raisons pour lesquelles j’en suis venu à ma conclusion.

[21] Un certain nombre de causes ont amené la Commission d’appel des pensions (CAP) à se pencher sur le nombre d’heures travaillées nécessaire pour déterminer qu’une occupation est véritablement rémunératrice.

[22] La CAP a signalé qu’il est parfaitement ridicule de considérer un emploi à temps partiel, où l’on travaille bien moins qu’une semaine de travail régulière, comme étant une capacité de détenir régulièrement une occupation rémunératrice. La semaine de travail moyenne au Canada se situe entre 37 et 40 heures. Par conséquent, travailler de 14 à 16 heures par semaine à faible salaire n’est pas une occupation rémunératriceNote de bas de page 10.

[23] La CAP a signalé que la capacité de la requérante de travailler 12 heures par semaine n’empêchait pas de conclure qu’elle était invalide au sens du RPCNote de bas de page 11.

[24] De la même façon, la CAP a signalé qu’un travailleur capable de travailler 16 heures par semaines ne détient pas une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 12.

[25] Ces causes ne sont pas contraignantes pour moi mais elles sont convaincantes compte tenu de ce que « détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice » signifie.

[26] Je signale également l’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC). Il donne une formule pour le calcul de la somme minimale que procurerait une « occupation véritablement rémunératrice », qui équivaut essentiellement à 12 fois la prestation mensuelle maximale de retraite [sic].

[27] En ce qui concerne la requérante, il n’y a pas de gains personnels. Elle n’a reçu aucun salaire et a enregistré des pertes personnelles dans ses déclarations de revenus pendant toute la période pertinente. Toutefois, l’article 68.1 du Règlement sur le RPC peut être très instructif.

[28] Je tire une conclusion de fait selon laquelle le type d’emploi que la requérante était et est toujours capable d’occuper est un poste de vente de base pour lequel le salaire minimum serait la rémunération probable.

[29] En Colombie-Britannique, les salaires minimums pertinents étaient les suivants :

  1. 10,25 $ en 2014;
  2. 10,45 $ en 2015;
  3. 10,85 $ en 2016;
  4. 11,25 $ en 2017.

[30] Par conséquent, je fais les constatations suivantes concernant ce que la requérante aurait pu gagner si elle avait été employée et si elle avait travaillé les heures qu’elle était capable d’effectuer à son magasin. Quinze jours de travail par mois à raison de quatre heures par jour sur une période de 12 mois donnent ce qui suit :

  1. 2014 : 15 x 4 x 12 x 10,25 = 7 380 $;
  2. 2015 : 15 x 4 x 12 x 10,45 = 7 524 $;
  3. 2016 : 15 x 4 x 12 x 10,85 = 7 812 $;
  4. 2017 : 15 x 4 x 12 x 11,25 = 8 100 $.

[31] La liste ci-dessous énumère les sommes approximatives jugées comme étant des gains véritablement rémunérateurs conformément à l’article 68.1 du Règlement sur le RPC :

  1. 2014 : 14 836 $;
  2. 2015 : 15 175 $;
  3. 2016 : 15 489 $;
  4. 2017 : 15 763 $.

[32] Il ressort clairement de ces chiffres que les gains possibles de la requérante se situaient bien au-dessous de sommes véritablement rémunératrices telles qu’énoncées à l’article 68.1 du Règlement sur le RPC. J’estime convaincants ces faits selon lesquels la requérante est toujours gravement invalide au sens du RPC.

[33] J’estime également que le raisonnement tiré des décisions de la CAP signalées plus haut est convaincant. Dans chacune des trois causes, les parties requérantes étaient capables de travailler approximativement le même nombre d’heures que la requérante de la présente affaire. Dans chacune des trois causes, la CAP a conclu que ce n’était pas un obstacle à l’obtention d’une pension d’invalidité du RPC.

[34] Tel que signalé ci-dessus, il incombe au ministre de démontrer selon la prépondérance des probabilités que la requérante a cessé d’être invalide au sens du RPC. Le ministre a accepté que la requérante a été invalide jusqu’en avril 2014. À ce titre, j’ai tenu compte uniquement des circonstances qui ont suivi cette date. Je conclus, compte tenu de la capacité résiduelle, des heures travaillées, et de la rémunération possible qui s’offre à elle, que la requérante demeure invalide et admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Invalidité prolongée

[35] La requérante continue de souffrir de sa dépression et de symptômes d’anxiété. Il n’y a aucun signe qui montre que cet état se soit amélioré. Une fois de plus, il incombe au ministre de démontrer que l’invalidité n’est plus prolongée. Le ministre ne l’a pas démontré et par conséquent je conclus que l’invalidité de la requérante demeure prolongée.

Conclusion

[36] L’appel est accueilli.

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