Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Aperçu

[1] En janvier 2015, la requérante a été blessée dans un accident de véhicule. En décembre 2017, elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC)Footnote 1. Elle a déclaré qu’elle ne pouvait plus travailler depuis mars 2015 en raison de son incapacité à retenir et à traiter des informations, de maux de tête, d’anxiété ainsi que de douleurs au dos et au cou.

[2] Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel au Tribunal de la sécurité sociale. En août 2019, la division générale du Tribunal a rejeté l’appel.

[3] La requérante demande l’annulation ou la modification de cette décision.

La décision de la division générale

[4] La membre de la division générale a rejeté l’appel après avoir tenu une audience en personne le 6 août 2019.

[5] Pour être admissible, une invalidité doit être grave et prolongéeFootnote 2. L’invalidité d’une partie requérante est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est prolongée si elle est susceptible de durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[6] La requérante devait prouver qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle était devenue invalide au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle est calculée en fonction de ses cotisations au RPC. Sa PMA a pris fin le 31 décembre 2017Footnote 3.

[7] Après avoir examiné la preuve médicale et les témoignages, la membre de la division générale a estimé que les maux de tête et le fonctionnement cognitif de la requérante étaient bien contrôlés. Elle a également jugé que la preuve ne permettait pas de conclure que la requérante était incapable de détenir quelque occupation que ce soit. Elle a estimé que la requérante n’avait pas établi qu’il était plus probable qu’improbable qu’elle était atteinte d’une invalidité grave selon les exigences du RPC.

Question en litige

[8] La requérante a-t-elle démontré l’existence de faits nouveaux et essentiels?

Analyse

Critère applicable aux faits nouveaux

[9] Je peux annuler ou modifier la décision de la division générale si la requérante présente un fait nouveau et essentiel qui, au moment de l’audience, ne pouvait être connu malgré l’exercice d’une diligence raisonnableFootnote 4.

[10] La requérante doit présenter de nouveaux renseignements qui n’étaient pas facilement accessibles au moment de l’audience. Les nouveaux renseignements doivent également être essentiels, c’est-à-dire qu’il est raisonnablement probable qu’ils auraient influé sur l’issue de l’audience si la membre du Tribunal en avait alors eu connaissance.

[11] Le critère est énoncé dans une décision de la Cour fédérale du Canada rendue dans le contexte de l’ancien article 84(2) du RPC, qui est quasi identique à l’article 66(1)(b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialFootnote 5. La Cour d’appel fédérale a établi ce qui suit :

(i) une partie demanderesse doit établir un fait qui existait au moment de la première audience, mais qui ne pouvait être découvert avant celle-ci moyenne une diligence raisonnable;

(ii) il doit être raisonnablement probable que ce fait aurait influé sur la décision rendue à l’issue de la première audience.

[12] Une demande relative à des faits nouveaux ne constitue ni un appel ni une occasion de débattre de nouveau du fonds de la demande de pension d’invalidité d’une partie requérante. Il s’agit plutôt d’un outil conçu pour permettre au Tribunal de rouvrir une de ses décisions lorsque des éléments de preuve nouveaux et pertinents sont découverts et qu’ils n’auraient pu être découverts avant, pour quelque raison que ce soit, malgré l’exercice d’une diligence raisonnableFootnote 6.

[13] La requérante présente comme étant des faits nouveaux des diagnostics du DSM-VFootnote 7 et la conclusion selon laquelle elle souffre d’un trouble d’adaptation marqué de niveau 4 que l’on retrouve dans un rapport d’évaluation de déficience invalidante daté du 3 octobre 2019Footnote 8.

[14] Le Dr Kiraly, psychiatre, a effectué l’évaluation psychiatrique pour l’évaluation de déficience invalidante. Les diagnostics du DSM-V posés par le Dr Kiraly étaient une dépression majeure, un trouble à symptomatologie somatique (essentiellement de la douleur), un trouble de stress post‑traumatique et un trouble neurocognitif dû à un traumatisme cérébralFootnote 9. Il a estimé que la requérante présentait une déficience de niveau 4 qui affectait sa capacité à s’adapter à des circonstances stressantesFootnote 10.

[15] La requérante a consulté le Dr Kiraly le 30 juillet 2019Footnote 11, une semaine avant l’audience devant la division générale du 7 août 2019. M. Hammond, l’avocat de la requérante, a affirmé avoir reçu le rapport le 3 octobre 2019 avec d’autres rapports compris dans l’évaluation de déficience invalidante. Bien qu’il ait mentionné que la requérante faisait l’objet d’une évaluation de déficience invalidante lors de l’audience, il n’a pas demandé d’ajournement pour obtenir et déposer le rapport.

[16] J’ai déterminé que la requérante n’a pas établi de faits nouveaux pour les motifs qui suivent.

La requérante et son avocat ont négligé d’exercer une diligence raisonnable

[17] Les renseignements auraient pu être présentés à l’audience moyennant une diligence raisonnable. La requérante aurait pu demander un ajournement jusqu’à ce que l’évaluation de déficience invalidante soit terminée. En ne le faisant pas, elle a négligé d’exercer une diligence raisonnable.

[18] M. Hammond a déclaré qu’il n’avait pas demandé d’ajournement parce qu’il ne savait pas combien de temps il faudrait pour que l’évaluation de déficience invalidante soit terminée. Sa cliente ne recevait aucune prestation et avait besoin de la pension d’invalidité du RPC dès que possible. Il a déclaré qu’il n’aurait pas pu avoir l’évaluation de déficience invalidante pour l’audience. Il a soutenu que le fait d’affirmer que la requérante aurait dû demander un ajournement constituait un fardeau déraisonnable avec l’avantage que donne le recul.

[19] Je ne suis pas d’accord.

[20] Étant donné le temps qu’il faut pour organiser ces évaluations, la requérante et M. Hammond devaient savoir bien avant l’audience qu’une évaluation de déficience invalidante était en cours de préparation. Ils savaient également qu’elle pouvait être pertinente. Ils auraient pu demander un ajournement avant l’audience. Ils ont fait le choix stratégique de ne pas demander d’ajournement. Ils ne devraient pas pouvoir poursuivre l’audience sans l’évaluation de déficience invalidante, puis demander la réouverture de l’audience en fonction de faits nouveaux puisqu’ils n’ont pas eu gain de cause.

[21] Je dois mettre en équilibre d’une part l’intérêt légitime du ministre dans le caractère définitif des décisions et la nécessité d’encourager les parties requérantes à mettre toutes leurs cartes sur la table dès que cela leur est raisonnablement possible et, d’autre part, l’intérêt légitime des parties requérantes, qui sont en général non représentées, à ce que leurs réclamations soient évaluées au fond, et d’une manière équitableFootnote 12.

[22] La requérante était représentée par un avocat lors de la première audience. La diligence raisonnable exigée d’une partie requérante dont le représentant a une formation juridique consiste notamment à examiner si un rapport à venir pourrait être pertinent et si un ajournement serait approprié. En ne demandant pas d’ajournement, la requérante a choisi de ne pas mettre toutes ses cartes sur la table.

[23] Pour déterminer que le critère de diligence raisonnable n’a pas été rempli, je me suis inspiré de la décision rendue par la Commission d’appel des pensions (CAP) dans l’affaire Giampa v Ministre de l’Emploi et de l’ImmigrationFootnote 13. Dans cette affaire, la requérante a cherché à faire admettre comme fait nouveau un rapport psychiatrique obtenu du Dr Ahmed après l’audience. Le rapport du Dr Ahmed a été obtenu après l’audience en raison d’un commentaire fait par le Dr Fulton dans un rapport déposé lors de l’audience où il se disait surpris que la requérante n’ait pas consulté un psychiatre. Le représentant de la requérante n’a reçu le rapport du Dr Fulton qu’une heure avant l’audience. La CAP a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Il convient de noter qu’après la production tardive du rapport du Dr Fulton, aucun ajournement n’a été demandé. Au lieu de cela, le choix a été fait de poursuivre l’audience. Quels que soient les recours dont la requérante aurait pu disposer en appel, le critère de diligence raisonnable n’a pas été rempli en l’espèce. La question des possibles problèmes psychiatriques était connue, même si ce n’est que peu de temps avant l’audience. La décision a été prise de procéder à l’audience malgré tout. Accueillir la demande maintenant reviendrait à cautionner le choix de la requérante de tenter de poursuivre l’audience avec la possibilité de rouvrir la décision en vertu de l’article 84(2)Footnote 14 si l’issue de la première audience n’était pas satisfaisante.

[24] La requérante n’a pas satisfait au critère de diligence raisonnable.

Les nouveaux renseignements réitèrent ce qui était déjà connu

[25] L’évaluation de déficience invalidante ne présente pas de faits nouveaux et essentiels.

[26] La requérante présente comme étant des faits nouveaux les diagnostics posés dans l’évaluation de déficience invalidante et la conclusion selon laquelle elle a une déficience invalidante. Cependant, la question principale dans les causes touchant le RPC n’est pas de déterminer la nature ou le nom du problème de santé, mais plutôt son effet sur la capacité à travailler de la partie requéranteFootnote 15. C’est la capacité de la requérante à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de son invalidité en vertu du RPCFootnote 16. Les symptômes et les limitations décrits dans l’évaluation de déficience invalidante étaient connus et ont été étudiés en détail lors de l’audition initiale. Un rapport qui réitère ce qui est déjà connu n’établit pas des faits nouveauxFootnote 17.

[27] Les extraits les plus significatifs du rapport du Dr Kiraly sont les suivants :

[traduction]

Adaptation :

[…]

[D. N.] a une faible tolérance au stress et une faible endurance. Avant l’accident, elle était capable d’exercer ses fonctions sans difficulté. Elle travaillait à plein temps dans le secteur de l’assurance. Elle était capable de prendre soin d’elle-même sans problème. Elle était une femme indépendante. Depuis l’accident, elle a des symptômes de douleur. Sa douleur alimente sa dépression et sa dépression alimente sa douleur et le cycle se perpétue. Elle n’a pas été capable de retrouver ses niveaux de fonctionnement antérieurs à l’accident. Elle est devenue renfermée et isolée sur le plan social. Elle doit se contrôler. Elle manque de patience. Elle est irritable. Elle se fâche très facilement. Cela a affecté ses relations avec sa famille et ses amis. Elle a perdu tout intérêt pour ses loisirs. Sa mémoire lui fait défaut. Elle est préoccupée par ses symptômes de douleur. Elle s’inquiète constamment pour son avenir. Elle a parfois du mal à trouver ses mots. La lumière vive et le bruit la dérangent. Ses difficultés sont dues à des symptômes de dépression dont elle est atteinte depuis longtemps, à des problèmes de sommeil, à de l’anxiété, à des difficultés cognitives, à un trouble de stress post-traumatique et à syndrome postcommotionnel.

Dans cette catégorie, je constate une déficience marquée ou de niveau 4.

[28] Le rapport d’évaluation du Dr Kiraly ne contient aucune nouvelle preuve concernant les symptômes et les limitations de la requérante. Les symptômes et les limitations décrits par le Dr Kiraly ont été traités en détail dans les rapports médicaux et les témoignages de vive voix pendant la première audience.

[29] Lors de la première audience de la division générale, la requérante a témoigné à plusieurs reprises sur ses troubles cognitifs et ses changements d’humeur. Elle a déclaré qu’elle avait commencé à [traduction] « tout oublier » après l’accident, et que certains jours, elle ne se souvenait plus comment allumer son ordinateur. Elle n’était pas capable de compter la monnaie lorsqu’elle travaillait dans un magasin. En parlant de ses limitations fonctionnellesFootnote 18, elle a déclaré qu’elle était surtout affectée par ses difficultés à parler, à se souvenir, à se concentrer et à dormir. Elle a déclaré que lorsqu’elle travaillait à temps partiel dans un studio de yoga, elle souffrait [traduction] « d’anxiété et d’angoisse » s’il y avait plus de deux personnes au comptoir.

[30] Il y a aussi plusieurs rapports de fournisseurs de traitements et de spécialistes qui ont décrit des symptômes et des limitations similaires à ceux évoqués par le Dr Kiraly.

[31] En juillet 2015, le Dr Tuff, psychologue, a déclaré que la requérante avait signalé que ses troubles de mémoire s’étaient aggravés. Elle oubliait de dire des choses aux gens, se répétait et perdait le fil de ses penséesFootnote 19.

[32] En février 2016, le Dr Vaccherejani, neurochirurgien, a vu la requérante dans une clinique hospitalière pour les traumatismes crâniens. Elle a dit au Dr Vaccherejani que dans les mois qui ont suivi l’accident, elle avait eu l’impression qu’elle perdait la raison. Elle lui a également dit que ses problèmes cognitifs avaient été la principale difficulté qu’elle avait rencontrée. Elle oubliait des choses. Ses aptitudes en mathématiques et en orthographe avaient été gravement affectées. Elle avait des problèmes à trouver ses mots. Lorsqu’elle a essayé de retourner travailler dans le commerce de détail, elle a eu du mal à compter la monnaie. Le Dr Vaccherejani a déclaré que ses problèmes cognitifs représentaient un grave problème pour elle et étaient [traduction] « assez limitants sur le plan fonctionnel ». Elle avait échoué à un examen pour devenir courtière en assurances en raison de ses problèmes cognitifs et de son manque d’attentionFootnote 20.

[33] En octobre 2016, le Dr Vaidyanath, physiatre, a affirmé que la requérante se plaignait notamment de troubles du sommeil et de fatigue, de troubles de l’humeur et de symptômes cognitifs. Il a déclaré que la requérante avait subi une commotion cérébrale et un léger traumatisme crânien. Elle présentait des symptômes persistants, y compris de la dépression et de l’irritabilité. Elle ne pouvait pas accomplir les tâches de l’emploi qu’elle occupait avant son accident en raison de ses problèmes de mémoire et de concentrationFootnote 21.

[34] En septembre 2017, le Dr Goldstein, neurologue, a déclaré que les symptômes persistants de la requérante comprenaient des problèmes cognitifs, des troubles du sommeil et des difficultés émotionnelles. Ses diagnostics comprenaient un possible traumatisme crânien, des réactions psychologiques au traumatisme, des troubles du sommeil post-traumatique et un dysfonctionnement cognitif multifactorielFootnote 22.

[35] Dans le rapport médical du RPC de décembre 2017, le Dr Olisa, le médecin de famille de la requérante, a diagnostiqué de l’insomnie, un dysfonctionnement cognitif, une commotion cérébrale, un traumatisme cérébral, une douleur cervicale mécanique au cou (coup de fouet), des douleurs myo-fasciales et de l’anxiété. Le Dr Olisa a déclaré que les symptômes de la requérante étaient principalement liés à sa commotion cérébrale et à ses problèmes cognitifs résiduels et incluaient une mauvaise concentration, des maux de tête, de l’anxiété et des effets psychologiquesFootnote 23.

[36] L’évaluation de déficience invalidante ne fournit pas de nouveaux renseignements qui pourraient vraisemblablement avoir influé sur l’issue de l’audience. Il ne s’agit que d’une répétition des symptômes et des limitations de la requérante qui avaient déjà été portés à la connaissance de la membre de la division généraleFootnote 24.

Conclusion

[37] La demande est rejetée.

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