Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] Les demandes de prorogation du délai et de permission d’en appeler sont rejetées.

Aperçu

[2] La requérante est une femme âgée de 64 ans à qui l’on a diagnostiqué un certain nombre de problèmes de santé, notamment la fibromyalgie, une bronchopneumopathie chronique obstructive, un trouble anxieux, l’ostéoporose, l’arthrose, l’hypothyroïdie, une spondylose lombaire et un reflux gastroœsophagien. Elle a occupé ses derniers emplois à la fin des années 1990 comme coiffeuse, empaqueteuse de viande et caissière.

[3] En juillet 2017, la requérante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), affirmant qu’elle était incapable de travailler depuis 1986. Il s’agissait de sa quatrième demande en ce sens. Comme les autres, le ministre l’a rejetée parce que, selon lui, la requérante n’avait pas démontré qu’elle était atteinte d’une invalidité « grave et prolongée » à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 1995Note de bas page 1.

[4] La requérante a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 10 mai 2019, a rejeté la demande de la requérante, concluant à l’insuffisance de la preuve médicale selon laquelle elle était invalide à la fin de sa PMA. La division générale a noté qu’une grande partie des renseignements médicaux de la requérante documentaient des problèmes qui étaient apparus bien après le 31 décembre 1995. Elle a également constaté que les preuves concernant l’état de santé de la requérante pendant sa PMA ne montraient pas qu’elle était incapable de travailler avant 1996.

[5] Le 11 février 2020, bien après le délai de 90 jours prévu par la loi, la requérante a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel dans laquelle elle a indiqué que la division générale avait commis plusieurs erreurs, notamment :

  1. elle a ignoré la preuve selon laquelle la requérante a été impliquée dans plusieurs accidents de véhicule dans les années 1980;
  2. elle a ignoré la preuve selon laquelle certains des documents contenus dans le dossier d’audience ont été altérés;
  3. elle a ignoré la preuve selon laquelle le Dr Gavin Daniels s’est contredit au sujet de la capacité de travailler de la requérante.

[6] J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que, puisque les motifs d’appel de la requérante ne confèrent à l’appel aucune chance raisonnable de succès, il n’est pas approprié en l’espèce d’accorder une prorogation de délai.

Questions en litige

[7] Je dois trancher les questions connexes suivantes :

Question en litige no 1 : La requérante devrait-telle se voir accorder une prorogation de délai pour présenter sa demande de permission d’en appeler?

Question en litige no 2 : Les observations de la requérante confèrent-elles à son appel une chance raisonnable de succès en appel?

Analyse

Question en litige no 1 : La requérante devrait-elle se voir accorder une prorogation de délai?

[8] Aux termes de l’article 57(1)(b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle la décision a été communiquée à la requérante. La division d’appel peut accorder un délai supplémentaire pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler, mais une demande ne peut jamais être présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision est communiquée à la requérante.

[9] Selon le dossier, le Tribunal a envoyé la décision de la division générale par la poste à l’adresse domiciliaire de la requérante le 10 mai 2019. La division d’appel n’a reçu la demande de permission d’en appeler de la requérante que le 11 février 2020, soit neuf mois après la date de la décision et six mois après le délai de dépôt. J’estime que la requérante a présenté sa demande en retard.

[10] Après avoir examiné les observations de la requérante, j’en suis arrivé à la conclusion que la prorogation de délai n’est pas justifiée en l’espèce. Dans l’affaire Canada c GattellaroNote de bas page 2, la Cour fédérale a établi quatre facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il y a lieu d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel :

  1. si le retard a été raisonnablement expliqué;
  2. si la partie requérante manifeste une intention persistante de poursuivre l’appel;
  3. si la prorogation du délai cause un préjudice à d’autres parties;
  4. si la cause est défendable.

[11] L’importance à accorder à chacun des facteurs de l’arrêt Gattellaro peut varier d’un cas à l’autre, et d’autres critères peuvent s’avérer pertinents. Cependant, la considération primordiale est de servir l’intérêt de la justiceNote de bas page 3.

i) Retard raisonnablement expliqué

[12] La requérante a rempli un formulaire de demande de permission d’en appeler. Le formulaire contenait une partie qui demandait précisément à la requérante d’expliquer, si le délai de 90 jours était expiré, pourquoi elle présentait sa demande en retard. Étant donné que la requérante a laissé cette partie en blanc, j’estime qu’elle n’a pas fourni d’explication raisonnable pour son retard à présenter sa demande.

ii) Intention persistante de poursuivre l’appel

[13] Selon le dossier, pendant les neuf mois qui se sont écoulés entre le moment où la division générale a rendu sa décision et celui où la requérante a présenté sa demande de permission d’en appeler, la requérante n’a eu aucun contact avec le Tribunal. Ce manque de communication me porte à croire que la requérante n’avait pas une intention persistante de poursuivre son appel.

iii) Préjudice à l’autre partie

[14] Je conclus qu’il est peu probable que le fait de permettre à la requérante de poursuivre son appel à cette date tardive porterait préjudice aux intérêts du ministre, étant donné la période relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai légal. Je ne crois pas que la capacité du ministre à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

iv) Cause défendable

[15] Une partie requérante qui veut obtenir une prorogation de délai doit démontrer qu’elle dispose au moins d’une cause défendable en appel du point de vue du droit. Il s’agit également du critère de la permission d’en appeler. La Cour d’appel fédérale a établi que la question de savoir si une partie requérante a une cause défendable revient à se demander si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 4.

[16] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la requérante n’a pas avancé de motifs d’appel qui confèrent à son appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : Les observations de la requérante confèrent-elles à l’appel une chance raisonnable de succès?

[17] Selon l’article 58(1) de la LMEDS, il existe seulement trois moyens d’appel auprès de la division d’appel. Une partie demanderesse doit démontrer que la division générale a agi de manière inéquitable, qu’elle a mal interprété le droit ou qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 5.

[18] Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel que si la permission d’en appeler est d’abord accordéeNote de bas page 6. La division d’appel accorde la permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas page 7.

[19] La requérante avance que la division générale n’a pas suffisamment tenu compte de la preuve selon laquelle elle est invalide. Cependant, la division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissanceNote de bas page 8, et je ne constate aucune cause défendable selon laquelle la membre aurait en l’espèce ignoré un renseignement important. Bien que la requérante puisse ne pas être d’accord avec ses conclusions, la division générale était habilitée à soupeser la preuve accessible et à tirer des conclusions de fait, dans la mesure où ces conclusions étaient justifiées.

[20] Selon mon examen du dossier, la division générale en est arrivée à sa décision après avoir effectué ce qui semble être un examen approfondi de la preuve au dossier. Elle a confirmé que la requérante devait démontrer qu’elle était devenue invalide pendant sa PMA. Elle a analysé les problèmes de santé de la requérante et leur incidence sur sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice pendant la période pertinente. En fin de compte, la division générale n’a tout simplement pas trouvé suffisamment d’éléments de preuve d’une invalidité grave et prolongée avant le 31 décembre 1995. Je ne vois aucune raison d’intervenir dans cette conclusion.

[21] La requérante a également formulé trois allégations d’erreurs précises, que j’aborderai brièvement :

i) Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale a omis de tenir compte des accidents de véhicule de la requérante.

[22] Comme je l’ai dit plus tôt, la division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance et elle dispose d’une marge de manœuvre considérable quant à la façon dont elle soupèse cette preuve. En l’espèce, je n’ai pas besoin de présumer que la division générale a tenu compte des accidents de véhicule de la requérante, car je peux constater que la division générale a fait explicitement référence à ceux-ci dans sa décision. Au paragraphe 8, la division générale a noté que la requérante [traduction] « a eu plusieurs accidents de véhicule qui lui ont causé diverses blessures, dont un en 1988 alors qu’elle se rendait au travail ».

[23] La requérante croit sincèrement que la division générale aurait dû accorder plus d’importance à ces accidents de véhicule. Cependant, la division générale avait le pouvoir d’attacher moins d’importance à des blessures particulières et davantage d’importance aux problèmes de santé à long terme résultant de ces blessures. La division générale a accordé davantage d’attention aux rapports médicaux à sa disposition datant la fin des années 1980 et du début des années 1990 et en est arrivée à la conclusion défendable qu’il était plus probable qu’improbable que la requérante était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice pendant cette période.

ii) Il n’y a aucune cause défendable selon laquelle la division générale aurait ignoré le fait que des éléments de preuve ont été altérés.

[24] La requérante estime qu’un certain nombre de rapports médicaux figurant au dossier d’audience ont été [traduction] « inventés », « plagiés » ou « piratés ». Elle laisse entendre que la division générale a ignoré son allégation selon laquelle quelqu’un aurait [traduction] « compromis » des éléments de preuve, en particulier les rapports du Dr Melenchuk, qui étaient souvent rédigés au crayon et donc facilement effaçables.

[25] Je ne constate pas l’existence d’une cause défendable à cet égard. Encore une fois, la division générale n’a pas ignoré les préoccupations de la requérante concernant le fait que des éléments de preuve auraient été altérés. En fait, elle a répondu à celles-ci directement au paragraphe 10 de sa décision :

[traduction]

J’ai tenu compte des observations de la requérante selon lesquelles des documents à GD‑2 du dossier d’appel ont été compromis et « masqués au correcteur ». Je lui ai demandé de préciser les documents compromis. Elle a attiré mon attention sur GD2‑275. Bien que ce document soit difficile à lire, il est lisible. En outre, le Dr Melenchuk fait référence à cette radiographie et à ses résultats dans GD2-73 [sic]Note de bas page 9. Je suis d’accord avec la requérante pour dire que plusieurs documents sont difficiles à lire en raison de leur âge. Cependant, j’estime qu’ils sont lisibles et que les renseignements n’ont pas été « masqués au correcteur » ou compromis.

La requérante peut ne pas être d’accord avec la conclusion de la division générale, mais elle ne peut pas raisonnablement soutenir que celle-ci a ignoré ses allégations selon lesquelles des éléments de preuve auraient été altérés. À la révision du dossier, je constate que la requérante n’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de ses allégations autres que les allégations elles‑mêmes. J’ai procédé à mon propre examen des documents qui selon la requérante ont été altérés et je n’ai rien vu qui puisse suggérer que la division générale a commis une erreur en rejetant ses préoccupations.

iii) Il n’y a pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait ignoré des contradictions dans les rapports du Dr Daniels.

[26] La requérante prétend que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son médecin de famille, le Dr Daniels, a émis des avis contradictoires sur sa capacité de travailler.

[27] Je ne constate pas une cause défendable à cet égard. En avril 2017, le Dr Daniels a écrit que la requérante demeurait [traduction] « très atteinte et incapable de travaillerNote de bas page 10 ». Trois mois plus tard, le Dr Daniels a écrit qu’elle [traduction] « était capable d’effectuer du travail physique léger ainsi que d’occuper un emploi sédentaire ou de supervisionNote de bas page 11 ». Je reconnais que ces déclarations semblent contradictoires, mais je constate également que la division générale s’est efforcée de résoudre cette contradiction apparente dans sa décision :

[traduction]

Bien qu’il [le Dr Daniels] ait estimé en avril 2017 que la requérante était très atteinte et incapable de travailler, il a signalé en décembre 2015 et en juillet 2017 que, malgré ses limitations fonctionnelles, la requérante était toujours capable d’effectuer du travail physique léger ainsi que d’occuper un emploi sédentaire ou de supervision. Toutefois, elle ne pouvait pas effectuer de travail exigeant sur le plan physique. J’ai accordé plus d’importance aux rapports de décembre 2015 et de juillet 2017 pour les raisons suivantes :

  • Ces rapports (de décembre 2015 et de juillet 2017) fournissent plus de détails et d’explications sur les problèmes de santé et les limitations de la requérante qui étayent son avis. Le rapport d’avril 2017ffff pour le gouvernement de la Saskatchewan était essentiellement un questionnaire auquel on répond par oui ou par non. De plus, dans ce rapport, le Dr Daniels ne fournit aucun renseignement concernant les limitations ou les capacités fonctionnelles de la requérante. Il mentionne simplement qu’elle « demeure très atteinte et incapable de travailler ».
  • De plus, l’avis du Dr Daniels selon lequel la requérante conservait sa capacité de travailler concorde avec les preuves médicales et les avis des autres soignants. Même si je ne tenais pas compte de l’avis du Dr Daniels selon lequel la requérante conservait sa capacité de travailler en décembre 2015 et en juillet 2017, le médecin de famille de la requérante, le Dr Melenchuk, qui était son médecin de famille à la fin de sa PMA, a indiqué en novembre 1996 que la requérante était capable d’effectuer du travail léger, même si elle se remettait d’une fracture du poignetNote de bas page 12.

[28] Je ne suis même pas sûr que la contradiction apparente soit importante, car elle résulte de rapports datant de plusieurs années après la PMA, rédigés par un médecin qui n’a commencé à voir la requérante qu’en 2008. Néanmoins, il ressort clairement du passage ci-dessus que la division générale a étudié les rapports et expliqué pourquoi elle a choisi d’accorder plus d’importance à l’un qu’à l’autre. En tant que juge des faits, elle était en droit de faire cela, à condition de ne pas ignorer ou mal interpréter l’un ou l’autre des éléments de preuve importants dont elle disposait.

Conclusion

[29] Après avoir apprécié les facteurs qui précèdent, j’ai conclu qu’il n’est pas indiqué en l’espèce de proroger le délai d’appel de 90 jours. J’ai jugé que la requérante n’avait pas expliqué raisonnablement son retard ni manifesté l’intention persistante de poursuivre son appel. Même si j’ai cru peu probable que les intérêts du ministre soient lésés si un délai supplémentaire était accordé, j’ai jugé qu’aucun des motifs d’appel avancés par la requérante ne pouvait donner lieu à une cause défendable. C’est ce dernier facteur qui a été déterminant; j’estime qu’il ne sert à rien d’accueillir cette demande qui est vouée à l’échec.

[30] Compte tenu des facteurs établis dans l’arrêt Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je rejette cette demande de prorogation du délai d’appel.

Représentante :

K. B., non représentée

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