Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit. Je rendrai la décision qu’elle aurait dû rendre. La requérante a droit à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] A. P. (requérante) a des antécédents d’arthrite, de trouble obsessionnel-compulsif (TOC) et de douleurs thoraciques. Elle a travaillé comme spécialiste du télémarketing jusqu’en avril 2010, quand son employeur a supprimé son poste. Elle a reçu des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) jusqu’en janvier 2011, soit jusqu’à ce que les médecins lui diagnostiquent un cancer du sein. Après son diagnostic, elle recevait des prestations de maladie de l’AE. Elle a subi une tumorectomie, trois cycles de chimiothérapie et de la radiothérapie. En août 2011, son traitement contre le cancer était terminé.

[3] La requérante a demandé une pension d’invalidité au titre du RPC en 2011. Le ministre a rejeté sa demande en janvier 2012. La requérante n’a pas appelé de la décision.

[4] Le 26 octobre 2016, la requérante a présenté une nouvelle demande de pension d’invalidité. Le ministre a rejeté la demande une première fois, puis de nouveau après révision. La requérante en a appelé au présent Tribunal. La division générale a rejeté son appel le 31 décembre 2018. La division générale a décidé que la requérante n’avait pas établi que son invalidité était grave et prolongée au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). La PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2012. J’ai accordé à la requérante la permission d’appeler de la décision de la division générale. J’ai conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis une erreur de fait concernant la capacité de la requérante à travailler.

[5] Il m’incombe de décider s’il y a plus de chances que la division générale a commis une erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) que de chances qu’elle n’en ait pas commis. Si je relève une erreur, je dois décider de la façon de la corriger (de la réparation).

[6] À mon avis, la division générale a commis une erreur de fait liée au témoignage de la Dre Nikore. En conséquence, la division générale a conclu, de façon erronée, que la requérante était capable de travailler. Je dispose du dossier dont j’ai besoin pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, à savoir la requérante a droit à la pension d’invalidité au titre du RPC.

Questions préliminaires

[7] La requérante a présenté de nouveaux éléments de preuve à la division d’appel.

[8] La division d’appel n’examine pas les nouveaux éléments de preuve. Il y a quelques exceptions à cette règle, mais aucune d’elles ne s’applique au cas présentNote de bas de page 1.

[9] Je ne tiendrai pas compte des nouveaux éléments de preuve produits par la requérante.

Question en litige

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait en décidant que la requérante avait la même capacité à travailler à la fin de sa PMA qu’avant la suppression de son poste par son employeur?

Analyse

La révision des décisions de la division générale par la division d’appel

[11] La division d’appel ne donne pas aux gens l’occasion de tenir une nouvelle audience pour débattre une autre fois de la cause en entier. En fait, la division d’appel révise la décision de la division générale pour décider si une erreur a été commise. Cette révision repose sur le libellé de la LMEDS, qui énonce les motifs pour interjeter appel à la division d’appel (aussi appelés « moyens d’appel »)Note de bas de page 2.

[12] La LMEDS précise qu’une erreur de fait survient quand la division générale fonde « sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance »Note de bas de page 3.

[13] Il s’ensuit que le fait doit être à la fois important et erroné pour que la division d’appel conclue à une erreur de fait. La division générale doit avoir jugé le fait d’une façon qui va sciemment à l’encontre de la preuve, qui n’est pas guidée par un jugement solide ou qui néglige la preuveNote de bas de page 4.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait?

[14] La division générale a commis une erreur de fait. Elle a décidé que la requérante avait la même capacité à travailler à la fin de sa PMA qu’avant la suppression de son poste par son employeur. En arrivant à cette conclusion, la division générale a mal interprété le témoignage de la Dre Nikore, qui faisait précisément état de la capacité fonctionnelle de la requérante après la suppression du poste de la requérante par l’employeur, au moment où la requérante a reçu un diagnostic de cancer (et avant la fin de sa PMA). Le rapport de la Dre Nikore était important et la division générale a mal interprété cette preuve, ce qui a entraîné une erreur de fait.

[15] La Dre Nikore, la médecin de famille de la requérante, a déclaré en 2017 que [traduction] « depuis le diagnostic de cancer du sein [de la requérante], elle a eu de la difficulté à s’adapter et les symptômes de son TOC se sont exacerbés. Elle est incapable de travailler en raison d’un manque de concentration, d’idées obsédantes, d’anxiété, de fatigue, de douleurs généralisées et de maux de tête »Note de bas de page 5.

[16] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur de fait. La division générale n’a pas tenu compte de la preuve relative aux effets néfastes que le traitement contre le cancer a eus sur la capacité à travailler de la requérante à la fin de sa PMANote de bas de page 6. La requérante a livré un témoignage sur ses limitations depuis le traitement de son cancer, et son témoignage est appuyé par lettre que la Dre Nikore a rédigée en août 2017. La requérante était incapable de travailler après avoir eu le cancer. Ses problèmes de santé (son TOC ainsi que sa capacité d’adaptation et ses douleurs) faisaient qu’elle ne pouvait plus travailler.

[17] La requérante soutient que le membre de la division générale a soit ignoré ou n’a pas convenablement tenu compte du témoignage de la Dre Nikore quand il a décidé que les limitations fonctionnelles de la requérante à la fin de sa PMA étaient pareilles à celles qu’elle présentait quand on a supprimé son poste.

[18] Le ministre soutient que la division générale n’a pas commis d’erreurNote de bas de page 7. Dans son témoignage, la requérante a dit que si son employeur n’avait pas réduit les effectifs, elle aurait été capable de continuer à travailler. Le ministre soutient que la division générale n’a pas ignoré le rapport de la Dre Nikore. Elle a simplement soupesé le rapport médical et le témoignage de la requérante, puis elle a décidé d’accorder une plus grande importance à ce dernier. Soupeser la preuve pour en tirer des conclusions est le travail de la division générale.

[19] Le ministre prétend également que le contenu du rapport de la Dre Nikore était plutôt général et ne permettait pas d’évaluer l’état de santé de la requérante à la fin de la PMA. Le litige ne porte donc pas sur le fait que la division générale a écarté le rapport médical parce que la médecin l’a rédigé après la PMA, mais sur la nature trop générale de son contenu. Le ministre soutient que le rapport ne décrit pas le déclin de l’état de santé de la requérante avec assez de précision pour être utile.

[20] À mon avis, la division générale a commis une erreur de fait. Le rapport de la Dre Nikore était important pour plusieurs raisons.

[21] Premièrement, le rapport mentionnait spécifiquement les nombreuses limitations fonctionnelles de la requérante (l’exacerbation du TOC, les difficultés d’adaptation, le manque de concentration, les idées obsédantes, l’anxiété, la fatigue, les douleurs généralisées et les maux de tête).

[22] Deuxièmement, il situait dans le temps l’expérience de ces limitations fonctionnelles (depuis le diagnostic de cancer du sein). Le diagnostic est tombé après la suppression du poste de la requérante, mais avant la fin de la PMA.

[23] Troisièmement, le rapport corroborait le témoignage de la requérante sur les conséquences que son traitement contre le cancer du sein a eues sur ses limitations fonctionnelles.

[24] Quatrièmement, le rapport a précisément fait le lien entre les limitations et l’observation selon laquelle la requérante ne pouvait pas travailler.

[25] La division générale a décrit le rapport de la Dre Nikore dans sa décisionNote de bas de page 8. Toutefois, la division générale semble avoir écarté le rapport, du moins en partie, parce que la médecin l’avait rédigé longtemps après la PMA : « Ses rapports (sic) ont été produits bien après le 31 décembre 2012 et ne m’aident pas beaucoup à évaluer la capacité de la requérante à travailler à cette époque. » Rien n’oblige les médecins à rédiger leurs rapports médicaux au moment de la PMA. Un rapport médical qui a été rédigé après la PMA mais qui porte sur la PMA ne peut pas être écarté d’embléeNote de bas de page 9.

[26] La division générale a aussi précisé que même si le rapport médical de la Dre Nikore mentionnait en 2011 que le pronostic de la requérante était [traduction] « réservé », la requérante a déclaré que si son employeur n’avait pas réduit les effectifs, elle aurait été capable de continuer à travailler. La division générale a écrit : « J’en conclus que la preuve subjective produite par la requérante n’est pas assez convaincante pour pallier le manque de preuve médicale matérielle à compter de sa PMANote de bas de page 10. »

[27] Selon moi, la division générale a commis une erreur de fait. Elle a décidé que la requérante n’avait pas démontré que son invalidité était grave avant la fin de sa PMA. Il s’agit de la principale conclusion de la décision. Je suis convaincue que la division générale a tiré cette conclusion sans tenir compte du véritable sens du rapport de la Dre Nikore.

[28] Conclure que le rapport n’est pas très utile est abusif ou arbitraire ou ignore son véritable contenu. Le rapport a été produit par une médecin de famille qui traitait la requérante depuis de nombreuses années et qui abordait directement la question de l’état de santé de la requérante après la suppression de son poste par son employeur, mais avant la fin de sa PMA. Il est abusif de conclure que l’état de santé de la requérante n’a pas changé entre le moment où son poste a été supprimé (avant le cancer) et la fin de sa PMA (après le traitement du cancer) étant donné ce que le rapport de la Dre Nikore dit sur les problèmes de santé de la requérante à compter du diagnostic de son cancer.

Réparation

[29] Comme j’ai conclu que la division générale a commis une erreur, je peux soit renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen, soit rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 11. À l’audience de la division d’appel, la requérante a soutenu que si je concluais à une erreur, je pouvais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La requérante a aussi souligné que si je pensais que le dossier était incomplet sur le plan de la situation personnelle de la requérante, je pouvais aussi renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen.

[30] Le ministre a demandé que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre si jamais je jugeais que la division générale avait commis une erreur. La position du ministre est que l’affaire devrait se conclure de la même façon : la requérante n’a pas droit au versement d’une pension d’invalidité. Le ministre s’est fié sur tous ses [sic].

[31] Malgré le fait que la requérante aurait probablement fourni des renseignements plus détaillés sur sa situation personnelle si j’avais renvoyé l’affaire à la division générale, je suis convaincue que le dossier dans la présente cause est complet. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. C’est la façon la plus juste et efficace d’aller de l’avantNote de bas de page 12.

[32] J’ai examiné la preuve médicale, le témoignage de la requérante et la preuve relative à sa situation personnelle. J’ai tenu compte des efforts qu’elle a faits pour gérer ses problèmes de santé. À mon avis, la requérante a démontré qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC à compter du mois d’août 2011 (avant la fin de sa PMA le 31 décembre 2012). Elle a pris des mesures pour gérer ses problèmes de santé et n’a refusé aucun traitement.

La preuve de la gravité d’une invalidité

[33] Une personne a droit à une pension d’invalidité si elle peut démontrer qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la fin de la PMA. Le ministre établit la PMA selon les cotisations que la personne a versées au RPC. L’invalidité d’une personne est grave si elle la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 13.

[34] Pour décider si une invalidité est grave, la bonne approche est d’évaluer l’état de santé de la requérante dans son ensemble, ce qui signifie qu’il faut tenir compte de toutes les déficiences possibles, pas seulement des déficiences les plus importantes ou de la déficience principaleNote de bas de page 14.

La situation personnelle de la requérante est un obstacle à l’emploi

[35] Pour décider si l’invalidité est grave, je dois examiner la situation personnelle de la requérante ainsi que ses problèmes de santéNote de bas de page 15. Je dois adopter une approche réaliste pour examiner le degré de gravité de l’invalidité de la requérante et son employabilité. Autrement dit, je dois tenir compte de la situation personnelle de la requérante, y compris son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vieNote de bas de page 16.

[36] La requérante avait 56 ans à sa PMA. Il lui restait encore de nombreuses années avant d’atteindre l’âge minimum pour pouvoir prendre une retraite anticipée au titre du RPC. Elle a seulement fait sa 9e année. Elle a déclaré qu’elle a grandi dans une réserveNote de bas de page 17 et elle a parlé du fait qu’elle avait commencé l’école dans la réserve plus tard que les autres enfants. Elle a témoigné des effets du TOC sur son apprentissage. Elle a déclaré que vérifier et compter des choses sont des comportements qui la déconcentraient quand elle essayait d’apprendre. Elle a dit qu’elle avait quitté l’école. Elle a tenté d’y retourner à plusieurs reprises mais sans succès parce qu’elle avait trop besoin d’aide.

[37] Elle n’a que peu de compétences transférables, voire aucune : elle ne sait pas se servir d’un ordinateur et n’a reçu aucune formation professionnelle en particulier. Elle parle bien l’anglais. Son expérience de travail comprend le lavage de la vaisselle et certaines tâches de préparation des aliments dans une cuisine, le gardiennage d’enfants chez elle ainsi que son emploi en télémarketing (ses tâches ne nécessitaient pas l’usage d’un ordinateur).

[38] Je suis convaincue que l’âge, le niveau d’instruction, les antécédents de travail et l’expérience de vie de la requérante représentent pour elle des obstacles importants à l’emploi ou même à une formation d’appoint. Sa situation personnelle, conjuguée à la preuve concernant ses limitations fonctionnelles, me mène à la conclusion que l’invalidité de la requérante était grave en août 2011 et par la suite.

Les limitations fonctionnelles de la requérante signifient que son invalidité est grave

[39] Je conclus que l’invalidité de la requérante est devenue grave après la fin de son traitement contre le cancer du sein en août 2011. À ce moment-là, son manque de concentration, ses idées obsédantes, son anxiété, sa fatigue, ses douleurs généralisées et ses maux de tête la rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 18.

[40] J’admets, comme le fait la division générale dans son analyse, qu’avant son traitement contre le cancer, la requérante travaillait malgré ses multiples diagnostics, dont le TOC, l’arthrite, le diabète, l’hyperlipidémie et l’hypertension.

[41] La requérante contrôle son diabète avec des médicaments, mais sa glycémie était élevée en mars 2011. Elle contrôlait également son hypertension et son hyperlipidémie avec des médicaments et je suis convaincue qu’aucune limitation fonctionnelle n’était liée à ces problèmes de santé avant la fin de la PMA.

[42] Je suis convaincue que l’arthrite de la requérante lui causait des douleurs aux genoux, au dos et aux épaules. Même si d’autres requérants et requérantes ont parfois des résultats plus objectifs quant à l’arthrite, la scintigraphie osseuseNote de bas de page 19 de la requérante montre tout de même des changements dégénératifs mineurs à la colonne vertébrale, aux vertèbres L3-L4 et L4-L5. L’articulation sacro-iliaque présentait des changements dégénératifs mineurs et irréguliers. Il y avait aussi des changements modérés liés à l’arthrose aux deux genoux, aux deux chevilles et dans la région médiotarsienne aux deux pieds. Les épaules présentaient des changements dégénératifs mineurs du côté droit.

[43] La scintigraphie osseuse, combinée au diagnostic et au pronostic de la Dre Nikore, constitue une preuve médicale suffisante pour que je puisse conclure que la requérante ressent de la douleur à ces endroits. Les limitations fonctionnelles liées à ces problèmes de santé ne seraient pas suffisantes à elles seules pour permettre de conclure à une invalidité grave. Toutefois, lorsqu’on les combine à certaines des limitations fonctionnelles associées au TOC de la requérante et apparues après le traitement de son cancer, la gravité de son invalidité devient évidente.

a) Preuve médicale des limitations fonctionnelles

[44] La lettre d’appui datée du 15 août 2017 que la Dre Nikore a rédigée fournit de plus amples renseignements. Elle y écrit que la requérante a eu de la difficulté à « copying » ([traduction] « copier ») et que les symptômes de son TOC se sont exacerbés. Je suppose qu’il y a eu une faute grammaticale et que le mot « copying » est en fait le mot « coping » ([traduction] « s’adapter »). La Dre Nikore a clairement mentionné que la requérante [traduction] « est incapable de travailler en raison d’un manque de concentration, d’idées obsédantes, d’anxiété, de fatigue, de douleurs généralisées et de maux de tête »Note de bas de page 20.

[45] J’accorde une grande importance au rapport de la Dre Nikore. Je suis convaincue qu’il montre que même si la requérante travaillait malgré ses douleurs et son TOC avant d’avoir le cancer, sa capacité d’adaptation était moindre après le cancer. Il y a eu une exacerbation de ses symptômes de TOC, et elle ne pouvait plus travailler en raison de la combinaison de ses limitations : un manque de concentration, des idées obsédantes, de l’anxiété, de la fatigue, des douleurs généralisées et des maux de tête. La Dre Nikore décrit clairement un changement des limitations et de la capacité de s’y adapter, et elle situe son opinion dans le temps — le changement accompagne le diagnostic de cancer. Elle établit un lien précis entre les limitations et l’observation selon laquelle la requérante ne pouvait pas travailler. Elle ne mentionne aucune inquiétude voulant que la requérante puisse ou doive faire quelque chose pour réduire ses limitations fonctionnelles ni que les limitations puissent vraisemblablement s’améliorer avec le temps.

[46] Le témoignage de la Dre Nikore n’a pas été contredit par celui de la requérante, qui concordait aussi avec l’idée que ses limitations fonctionnelles ont empiré après son cancer.

b) Témoignage de la requérante sur ses limitations fonctionnelles

[47] La requérante a témoigné des difficultés qu’elle avait au travail, plus particulièrement en ce qui concerne ses douleurs aux genoux et au dos lorsqu’elle se levait de sa chaise ainsi que sa concentration et sa fatigue. Elle vérifiait et revérifiait son travail tout en essayant de cacher à ses collègues certains de ces comportements. J’admets que ses limitations fonctionnelles lui causaient des difficultés, mais qu’elle a continué à travailler jusqu’à ce que son employeur supprime son poste.

[48] Toutefois, j’accueille également la preuve de la requérante concernant l’incidence de son traitement contre le cancer sur sa capacité à travailler. Après son traitement, elle n’était plus capable de travailler en raison de limitations fonctionnelles, dont un manque de concentration, des idées obsédantes, de l’anxiété, de la fatigue, des douleurs généralisées et des maux de tête.

[49] En réponse à une question posée par le membre de la division générale, la requérante a déclaré que si son employeur n’avait pas supprimé son poste, elle aurait été capable de continuer à travailler comme spécialiste du télémarketing. J’accorde peu d’importance à cette réponse. Devant une situation hypothétique, la requérante a admis que si son employeur n’avait pas supprimé son poste, elle aurait continué à travailler. Elle a dit qu’elle aimait ses collègues. Par contre, elle a aussi témoigné des défis auxquels elle était confrontée quand elle occupait ce poste. Elle a dit qu’elle prenait du retard à cause de son TOC, elle revérifiait son travail et manquait de concentration. De plus, elle ressentait des douleurs aux genoux et au bas du dos parce qu’elle devait se lever de sa chaise pour écrire des informations supplémentaires sur le tableauNote de bas de page 21.

[50] Je ne suis pas sûre de comprendre si le membre de la division générale cherchait à savoir si la requérante aurait continué à travailler même après avoir reçu son diagnostic de cancer ou s’il voulait simplement savoir si elle aurait continué à travailler jusqu’à ce qu’elle ait le cancer. On ne sait pas vraiment si le cancer faisait même partie de la situation hypothétique avancée par le membre de la division générale. Je considère que, par sa réponse, la requérante voulait dire qu’elle n’aurait pas quitté son emploi avant d’avoir le cancer, mais je ne peux pas en déduire qu’elle aurait continué à travailler même après le traitement de son cancer, compte tenu de son témoignage sur les graves répercussions des traitements contre le cancer sur ses limitations fonctionnelles.

[51] Dans son témoignage, la requérante a expliquéNote de bas de page 22 qu’après la fin de ses traitements de chimiothérapie et de radiothérapie, sa médecin lui avait dit qu’elle aurait besoin de temps pour récupérer. La requérante sait que certaines personnes ne s’en remettent jamais complètement. Elle se considère comme étant l’une de ces personnes. Elle ne dort plus très bien et elle a de la difficulté à tirer certaines choses au clair (comme rendre la monnaie dans une vente-débarras). Elle a déclaré que ses douleurs arthritiques avaient empiré, y compris aux mains et aux poignets. Elle ne pouvait plus coudre ni jardiner comme avant. Elle doit prendre son temps pour effectuer certaines tâches comme se tenir debout pour faire la vaisselle.

[52] La requérante a déclaré que sa médecin avait augmenté au maximum la dose de ses médicaments contre le TOC, mais son état s’était dégradé après le traitement de son cancer. Elle a dit que sa médecin lui avait offert de changer de médicament, mais elle avait refusé parce qu’elle ne voulait prendre aucune substance pouvant créer une dépendance. Après son traitement, elle avait des troubles de mémoire et des difficultés de concentration, elle dormait sur le sofa durant la journée et son esprit roulait à pleine vitesse comme un train sans freins. La requérante a expliqué que même si elle oubliait les choses avant son traitement contre le cancer, la situation a empiré après le traitement. Ses obsessions étaient plus intenses et elle comptait, regardait, vérifiait plus qu’avant. Son mari a pris la relève et a commencé à s’occuper des tâches ménagères.

[53] Le témoignage de la requérante sur les répercussions que le traitement contre le cancer a eues sur elle était convaincant. Il concordait avec les réponses qu’elle avait fournies dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité pour expliquer combien sa concentration et sa mémoire avaient changé après sa [traduction] « chimio »Note de bas de page 23.

Une démarche raisonnable pour gérer ses problèmes de santé et aucun refus de traitement

[54] La requérante a fait les démarches nécessaires pour gérer ses problèmes de santé et elle n’a pas refusé les traitements.

[55] Les personnes qui demandent des prestations doivent démontrer qu’elles ont fait ce qu’il fallait pour gérer leurs problèmes de santéNote de bas de page 24. Si la personne refuse un traitement et que son refus est déraisonnable, elle pourrait ne pas avoir droit à la pension d’invalidité (et l’effet du traitement refusé est un élément pertinent de l’analyse dans ces cas)Note de bas de page 25.

[56] Je suis convaincue que le dossier montre que la requérante a suivi les traitements nécessaires pour ses problèmes de santé. Elle a une médecin de famille. Elle prend les médicaments qui lui sont prescrits. Elle a subi de nombreux traitements peu agréables contre le cancer. Elle a refusé de prendre les médicaments dont les effets secondaires étaient intolérables, et sa médecin n’a soulevé aucune préoccupation quant à l’implication de la requérante dans ses soins de santé. La requérante explique qu’elle a refusé de prendre des médicaments comme le Percocet parce qu’elle craignait de développer une dépendance. Dans l’optique où il pourrait s’agir d’un refus de traitement, je suis convaincue que c’est une décision raisonnable fondée sur une crainte légitime pour sa santé et son bien-être. Elle a aussi demandé à être dirigée vers une clinique chiropratique ainsi que vers un ou une spécialisteNote de bas de page 26.

L’invalidité est prolongée

[57] L’invalidité de la requérante devait vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie. Cela signifie qu’elle est prolongée au sens du RPCNote de bas de page 27.

[58] Dans le rapport médical que la médecin de la requérante a rempli, on peut lire que le pronostic est [traduction] « réservé »Note de bas de page 28. La requérante a déclaré que depuis 2012, son état ne s’est pas amélioré. La Dre Nikore a reconnu les limitations de la requérante ainsi que leur degré de gravité après le cancer. Elle a fait référence au fait que la requérante n’a pas travaillé depuis son cancer sans mentionner que l’état de sa patiente s’améliorerait peut-être de sorte qu’elle puisse un jour retourner au travail.

[59] Il incombait à la requérante de démontrer qu’il y avait plus de chances qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au sens du Régime de pensions du Canada durant sa période minimale d’admissibilité, qui a pris fin le 31 décembre 2012, que de chances qu’elle n’ait pas eu une telle invalidité.

[60] Je conclus que la requérante a prouvé qu’elle avait une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2012, soit à la fin de sa PMA. En 2010, l’entreprise où elle travaillait a réduit ses effectifs et supprimé son poste. Elle était capable de travailler à ce moment-là, mais n’a pas trouvé d’emploi. Elle a reçu un diagnostic de cancer. En août 2011, elle avait terminé une partie de ses traitements contre le cancer et ses limitations fonctionnelles empiraient. À la lumière de son témoignage, des rapports médicaux et de sa situation personnelle, je conclus qu’à compter du mois d’août 2011, son invalidité était grave.

[61] Pour ce qui est du paiement, on ne peut pas considérer la requérante comme étant invalide pour plus de 15 mois avant la présentation de sa demandeNote de bas de page 29. Dans le cas présent, la requérante a présenté une demande de pension d’invalidité le 26 octobre 2016. Par conséquent, en ce qui concerne le versement de la pension, la requérante n’est pas réputée invalide avant le 1er juillet 2015. Le versement de la pension commence quatre mois après le début de l’invaliditéNote de bas de page 30, ce qui veut dire que le versement des prestations commence en novembre 2015.

Conclusion

[62] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur. Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a droit à une pension d’invalidité au titre du RPC. La pension est payable à compter de novembre 2015.

 

Date de l’audience :

Le 4 novembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Ian Aiken, représentant de l’appelante

Viola Herbert, représentante de l’intimé

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