Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La décision que la division générale aurait dû rendre est rendue. Le requérant a une invalidité grave et prolongée et est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[3] M. H. (requérant) a terminé sa 9e année avant d’intégrer la main‑d’œuvre rémunérée. Il a occupé plusieurs postes, notamment comme gestionnaire d’immeubles; il a assuré l’entretien et le déneigement, fait des travaux d’agriculture, conduit un camion et fait du travail de supervision. Il a subi une blessure par perforation de la fesse droite en 1999, qui a causé une douleur continue, de la faiblesse aux jambes et un mauvais équilibre. Le requérant a arrêté de travailler lorsqu’il a été licencié de son emploi auprès d’une entreprise de gestion d’immeubles et après avoir fait deux tentatives de travail subséquentes qui ont été infructueuses. Il a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC et il soutient qu’il est invalide en raison de sa douleur continue et de ses autres limitations.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. Le requérant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel parce qu’elle a déterminé que le requérant avait conservé une certaine capacité régulière à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[5] La demande de permission d’interjeter appel de cette décision devant la division d’appel a été accueillie sur le fondement que la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des répercussions de l’instruction du requérant sur sa capacité de travailler, ou elle pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le requérant n’avait pas démontré qu’il ne pouvait pas obtenir ou conserver un emploi en raison de son état de santé. Après avoir pris connaissance de tous les documents déposés auprès du Tribunal, de l’enregistrement de l’audience devant la division générale et des observations des parties, je suis convaincue que la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur une erreur de fait importante concernant la raison pour laquelle le requérant a arrêté de travailler. L’appel est donc accueilli.

[6] La décision que la division générale aurait dû rendre est rendue. Le requérant a une invalidité grave et prolongée. Il était invalide en septembre 2016, lorsqu’il a arrêté de travailler. Le paiement de sa pension d’invalidité commence en janvier 2017.

Moyens d’appel

[7] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle fournit des règles pour les appels devant la division d’appel. Un appel ne constitue pas une nouvelle audience portant sur la demande initiale. Je dois plutôt déterminer si la division générale :

  1. a omis d’offrir un processus équitable;
  2. n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas page 1.

Questions en litige

[8] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a omis de tenir compte des répercussions de l’instruction du requérant sur sa capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice?

[9] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante lorsqu’elle a établi comme un fait que les emplois du requérant avaient pris fin pour des raisons autres que son état de santé?

Analyse

Erreur de droit

[10] Un moyen d’appel au titre de la Loi sur le MEDS est que la division générale a commis une erreur de droit. Le requérant fait valoir que la division générale a commis une telle erreur parce qu’elle a omis d’examiner les répercussions de son instruction sur sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[11] La Cour d’appel fédérale prévoit que pour déterminer si une personne est invalide, un décideur doit adopter une approche réalisteNote de bas page 2. Cela signifie qu’il doit tenir compte des problèmes de santé de la personne et de ses caractéristiques personnelles, y compris son âge, ses compétences linguistiques, son instruction et ses expériences de travail et de vie. Cela est énoncé correctement dans la décision de la division généraleNote de bas page 3. Concernant l’instruction du requérant, la décision mentionne :

[traduction]

Le requérant a terminé sa 9e année et n’avait aucune autre formation officielle. Le représentant a laissé entendre qu’un trouble d’apprentissage pourrait être en cause. Le requérant n’a pas mentionné avoir un problème de langage ou d’apprentissage et aucun élément de preuve au dossier ne montre que ses efforts pour se recycler ou détenir un autre emploi seraient affectés par un trouble de langage ou d’apprentissageNote de bas page 4.

La décision ne fait aucune autre référence à l’instruction du requérant. Elle n’a pas tenu compte de l’impact de l’instruction limitée du requérant sur sa capacité de travaillerNote de bas page 5. Il s’agit d’une erreur de droit. L’appel est accueilli sur ce fondement.

Erreur de fait importante

[12] Un autre moyen d’appel qui peut être pris en compte par la division d’appel est celui de savoir si la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante selon laquelle il était vraisemblable que le travail du requérant a pris fin pour des raisons autres que son état de santé. Pour avoir gain de cause en appel sur ce fondement, le requérant doit prouver trois choses :

  1. que cette conclusion de fait a été tirée par erreur;
  2. que la conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale;
  3. que la décision a été fondée sur cette conclusion de faitNote de bas page 6.

La décision de la division générale mentionne que [traduction] « Les emplois du requérant ont probablement pris fin pour des raisons autres que ses problèmes de santé »Note de bas page 7. La décision mentionne aussi que le requérant a affirmé qu’il n’aurait pas été capable de continuer à détenir le poste de gestionnaire d’immeubles s’il n’avait pas été licencié, mais qu’il n’existe aucun élément de preuve pour appuyer cette affirmationNote de bas page 8. Cependant, le requérant a témoigné de ses difficultés avec cet emploi, notamment de ses douleurs continues qui faisaient qu’il était difficile pour lui de s’asseoir, qu’il avait besoin de quelque chose [traduction] « de plus actif » afin de pouvoir se déplacer pour tenir compte de ses douleursNote de bas page 9 et qu’il avait eu quelques accidents de la route pendant qu’il était au travail. Cette preuve appuie l’affirmation du requérant selon laquelle il n’aurait pas été capable de continuer à travailler s’il n’avait pas été licencié.

[13] La division générale n’a pas évalué cette preuve dans ce contexte. Par conséquent, la conclusion de fait selon laquelle le requérant a été licencié du travail pour des raisons autres que son état de santé a été tirée par erreur, et sans tenir compte de l’ensemble de la preuve portée à sa connaissance. La décision a été fondée, du moins en partie, sur cette conclusion de fait. La division générale a donc fondé sa décision sur une erreur de fait importante. La division d’appel doit intervenir sur ce fondement également.

[14] Le ministre fait référence à l’affirmation du médecin de famille en 2018. Il affirme qu’à ce moment‑là, le requérant continuait à éprouver une neuropathie invalidante du nerf sciatique droit et qu’aucun type d’emploi pertinent ne lui convenaitNote de bas page 10. Cette lettre ne fait pas référence à l’état du requérant au moment où il a cessé de travailler et ne m’aide donc pas.

Réparation

[15] La Loi sur le MEDS établit quelles réparations la division d’appel peut fournir lorsqu’un appel est accueilli. Il est approprié que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre pour les raisons suivantes :

  1. le dossier devant la division d’appel est complet;
  2. les deux parties ont demandé que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre si elle intervenait;
  3. il n’y a aucune lacune dans la preuve ni aucun besoin d’éléments de preuve additionnels;
  4. la Loi sur le MEDS affirme que le Tribunal peut trancher toute question de droit ou de fait pour statuer sur une demande présentée sous le régime de la présente loiNote de bas page 11;
  5. le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale exige que les appels soient tranchés de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas page 12.

Analyse

[16] Pour être invalide au titre du RPC, une personne doit avoir une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). La PMA du requérant est le 31 décembre 2018.

[17] Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Elle est prolongée si elle dure pendant une période longue, continue et indéfinieNote de bas page 13.

a) L’invalidité est grave

[18] Le requérant a témoigné de façon honnête et directe. Son témoignage était cohérent et concordait avec la preuve écrite. Il a répondu à quelques questions d’une manière qui allait à l’encontre de ses intérêts. Par exemple, il a expliqué de façon candide qu’il s’était initialement opposé aux recommandations de traitement de la Dre SalsmanNote de bas page 14 parce qu’il s’attendait à ce que le rendez-vous avec elle porte sur quelque chose d’autre. Il a aussi admis avoir eu des accidents de la route dans le cadre de son travail. Il est crédible. J’accorde beaucoup d’importance à son témoignage.

[19] Le requérant a subi une blessure en 1999 lorsqu’un morceau de verre a perforé sa fesse et sa hanche droites. Il a eu de la douleur continue et une faiblesse à la jambe droite qui s’est détériorée depuis la blessure. Cela perdure malgré le traitement.

[20] Le requérant a travaillé dans la construction malgré sa blessure jusqu’en 2006. Il a ensuite travaillé pour une entreprise de gestion d’immeubles. Lorsqu’il est entré au service de cette entreprise, il travaillait dans le déneigement, puis il a changé d’emploi et est devenu superviseur. Il a affirmé que ses tâches de supervision consistaient notamment à se déplacer en conduisant d’un immeuble à l’autre, à organiser les travailleurs, à commander les fournitures, à remplir les formulaires de bail et à faire visiter les appartements. Il a eu au moins un accident de la route et a subi un accident de travail à la suite d’une chute pendant qu’il était au travail. Le requérant a aussi affirmé que lorsqu’il occupait le poste de superviseur, qui était plus sédentaire, il [traduction] « souffrait tout le temps » parce qu’il avait besoin d’être [traduction] « plus actif » afin de contrôler ses douleurs au dos et à la jambeNote de bas page 15.

[21] Le requérant a travaillé pour l’entreprise de gestion d’immeubles jusqu’à ce qu’il soit licencié en 2015, bien qu’il avait de la difficulté à accomplir ce travail. J’accepte qu’il n’aurait pas été capable de continuer à détenir cet emploi s’il n’avait pas été licencié.

[22] Le requérant a ensuite essayé de travailler dans une ferme de visons, mais il n’y est resté qu’une journée en raison de la douleur occasionnée. Par l’intermédiaire d’un programme d’aide, le requérant a ensuite essayé de diriger sa propre entreprise de déménagement. Son épouse s’occupait de la majeure partie des tâches administratives; il avait des problèmes avec les tâches physiques, et il s’est blessé à la cheville dans le cadre de cet emploi. Il a vendu son entreprise moins d’un an après son ouverture. Le requérant ne gagnait pas un montant véritablement rémunérateur pour ni l’un ni l’autre de ces postes.

[23] La Cour d’appel fédérale prévoit que lorsqu’il y a preuve de la capacité de travailler, une partie requérante doit démontrer qu’elle n’a pas pu obtenir ou conserver un emploi en raison de son état de santé. Le requérant n’a pas essayé d’obtenir du travail après septembre 2016, moment où il affirme qu’il était invalide. Cependant, cela ne l’exclut pas du bénéfice de la pension d’invalidité parce qu’il n’avait pas la capacité de travailler à ce moment-là. Il avait été licencié de l’entreprise de gestion d’immeubles, et il ne pouvait pas travailler à la ferme de visons ni diriger sa propre entreprise. Il serait incapable d’assister à un programme de recyclage professionnel ou d’effectuer un travail sédentaire en raison de ses problèmes de santé qui lui causent des problèmes de sommeil et de concentration. Il a également des limitations pour la compréhension en lecture.

[24] Je dois tenir compte des caractéristiques personnelles du requérant et de ses problèmes de santé. Le requérant avait 42 ans à l’échéance de sa PMA. Malgré ce jeune âge, il est incapable d’occuper un poste exigeant physiquement. Le niveau d’instruction de 9e année du requérant fait qu’il serait difficile pour lui d’obtenir un emploi sédentaire même s’il a de l’expérience avec certaines tâches associées à un emploi sédentaire. Il parle anglais couramment, toutefois il a de la difficulté à comprendre certains mots écrits, et sa femme a rempli pour lui la majeure partie des documents liés à son entrepriseNote de bas page 16. Il aurait de la difficulté à exécuter un emploi sédentaire ou à participer à un programme de recyclage en raison de sa douleur, de ses difficultés de concentrationNote de bas page 17 et de compréhension en lecture.

[25] J’accepte et adopte les motifs de la division générale pour conclure que le requérant a suivi les recommandations de traitement.

[26] Pour ces raisons, j’estime que l’invalidité du requérant est grave au titre du RPC. Le requérant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice lorsqu’il a travaillé pour la dernière fois en septembre 2016.

b) L’invalidité est prolongée

[27] L’invalidité du requérant est également prolongée. Il a été blessé initialement en 1999 et il continue d’avoir de la douleur continue et des limitations malgré le traitement et les médicaments. Bien que la Dre Salsman ait formulé récemment de nouvelles recommandations de traitement, celles-ci visent à contribuer à gérer la douleur du requérant et à aider à son équilibre. Le traitement ne vise pas à régler le problème de santé du requérant. Par conséquent, son invalidité est d’une durée longue, continue et indéfinie.

Conclusion

[28] L’appel est accueilli.

[29] La décision que la division générale aurait dû rendre est rendue. Le requérant était invalide lorsqu’il a arrêté de travailler et a vendu son entreprise en septembre 2016.

[30] Au titre du RPC, les paiements de la pension d’invalidité commencent quatre mois après le début de l’invalidité d’une personneNote de bas page 18. Les paiements commenceront en janvier 2017.

Date de la comparution :

Le 18 février 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

M. H., appelant
David Brannen, avocat de l’appelant
Hilary Perry, avocate de l’intimé

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