Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Le requérant possède un diplôme d’études secondaires et a occupé divers emplois dans les domaines de la vente et de la gestion de projets. En avril 2014, il a eu une crise cardiaque et a subi un pontage de l’artère coronaire d’urgence. À l’époque, il travaillait en tant que gestionnaire de projet pour une entreprise de construction. Il a tenté de retourner au travail progressivement, mais n’arrivait pas à remplir les exigences relatives à son poste. Il ne travaille plus depuis février 2015 et est maintenant âgé de 46 ans.

[3] En juillet 2017, le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), prétendant qu’il ne pouvait plus travailler en raison de symptômes liés au trouble de stress post-traumatique (TSPT). Le ministre a rejeté la demande après avoir déterminé que l’invalidité du requérant n’était pas « grave et prolongée » au sens du RPC.

[4] Le requérant a interjeté appel du rejet du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 24 juillet 2019, elle a rejeté l’appel. Elle a conclu que le requérant n’avait pas démontré qu’il était devenu régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au cours de sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle a pris fin le 31 décembre 2017. La division générale a fondé sa décision en partie sur la conclusion selon laquelle le requérant n’avait pas essayé de travailler à quelque titre que ce soit après que son état de santé avait commencé à se détériorer.

[5] Le requérant a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal, affirmant que la division générale avait commis des erreurs. J’ai accordé la permission d’en appeler au requérant parce que j’ai estimé que l’appel avait une chance raisonnable de succès en fonction de ses observations.

[6] J’ai convoqué une audience par téléconférence parce qu’à mon avis, le mode d’audience respecte l’exigence prévue par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Le 10 janvier 2020, le requérant a présenté des observations écrites supplémentaires qui précisaient ses motifs d’appel. Le même jour, le ministre a déposé des observations écrites faisant valoir que la division générale n’avait pas commis d’erreur et que sa décision devait être maintenue.

[7] J’ai examiné les observations écrites et orales des parties et j’ai conclu que la division générale avait commis au moins deux erreurs en rendant sa décision. J’ai déterminé que la réparation appropriée en l’espèce est d’évaluer moi-même l’affirmation selon laquelle le requérant est atteint d’une invalidité et de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Par conséquent, j’infirme la décision de la division générale, mais je la substitue à ma propre décision de ne pas accorder une pension d’invalidité du RPC au requérant.

Questions en litige

[8] Le requérant a soulevé les questions suivantes :

  1. La division générale a conclu qu’aucun des problèmes de santé du requérant ne l’empêchait d’occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Le requérant prétend que la division générale n’a pas adopté une approche « réaliste » en analysant la gravité de son invalidité et qu’elle a ignoré la preuve que ses crises de panique étaient vraiment imprévisibles et qu’il ne pouvait pas se présenter au travail avec certitude, quel que soit l’emploi.
  2. La division générale a conclu que le requérant n’avait [traduction] « pas essayé de travailler à quelque titre que ce soit ». Le requérant prétend que la division générale a tiré cette conclusion par erreur et qu’elle a ignoré le fait qu’il avait repris le travail à temps partiel, mais qu’il n’arrivait pas à remplir les exigences relatives à son poste.
  3. La division générale a conclu que le requérant disait la vérité sur ses problèmes de santé et sur la façon dont ils l’empêchaient de travailler. Bien qu’elle l’ait trouvé crédible, la division générale a conclu que le requérant était capable de travailler. Le requérant affirme qu’il s’agissait d’une contradiction qui a rendu les motifs de la division générale incompréhensibles.
  4. La division générale s’est appuyée sur la déclaration de la Dre Adey selon laquelle le requérant était impatient de retourner au travail. Le requérant affirme qu’en agissant ainsi, la division générale l’a bel et bien pénalisé en estimant qu’il avait la capacité de reprendre le travail, même si ses efforts, qui se sont finalement révélés infructueux, ont prouvé le contraire.

Analyse

[9] Il n’y a que trois moyens d’appel à la division d’appel. Toute partie requérante doit démontrer que la division générale n’a pas agi équitablement, a interprété la loi incorrectement ou a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[10] Après avoir examiné les observations des parties, je suis convaincu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion erronée concernant les efforts du requérant de retourner au travail et qu’elle a manqué au principe de justice naturelle en omettant de motiver sa décision de manière compréhensible. Comme la décision de la division générale porte uniquement sur ces questions, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de trancher les autres questions.

La division générale a commis une erreur en concluant que le requérant n’avait pas déployé assez d’efforts pour reprendre le travail

[11] J’ai conclu que la division générale avait mal interprété les efforts du requérant de reprendre le travail après que son état de santé s’était détérioré.

[12] Bien que le requérant avait cessé de travailler au départ à cause de ses problèmes cardiaques, sa demande de prestations d’invalidité était principalement fondée sur sa dépression, son anxiété et son TSPT. Il a affirmé que ses troubles psychologiques engendraient des crises de panique, de graves maux de tête et des problèmes de concentration.

[13] L’un des principaux motifs de la décision de la division générale était sa conclusion selon laquelle le requérant n’avait pas respecté son obligation, telle qu’énoncée dans Inclima c CanadaNote de bas de page 2, de démontrer qu’il avait essayé de trouver un autre emploi convenable et que sa tentative s’était révélée infructueuse en raison de ses problèmes de santé. Voici ce que la division générale a écrit au paragraphe 9 de sa décision :

[traduction]
Même si je suis d’accord avec le témoignage et la preuve médicale voulant que le requérant n’ait pas pu occuper son poste habituel, qui était exigeant sur le plan cognitif, j’estime qu’il avait la capacité d’exercer un autre emploi. Le requérant estime que son invalidité l’empêche totalement de travailler. Toutefois, la preuve médicale n’appuie pas cette conclusion. Si une personne a une certaine capacité de travailler, elle doit faire des efforts pour trouver un emploi. Le requérant n’a pas essayé de travailler à quelque titre que ce soit. Par conséquent, il n’a pas fait d’efforts pour trouver un autre emploi. Je ne peux donc pas conclure que son invalidité est grave [mis en évidence par le soussigné].

[14] Ce passage contient une déclaration claire et sans équivoque qui n’est pas appuyée par la preuve disponible. La division générale a conclu que le requérant n’avait [traduction] « pas essayé de travailler à quelque titre que ce soit », mais selon les renseignements au dossier, il avait repris son poste de gestionnaire de projet à temps partiel. Bien qu’il soit vrai que la division générale ait brièvement mentionné le retour au travail [traduction] « progressif » du requérant dans sa décisionNote de bas de page 3, elle n’a pas abordé l’état dans lequel le requérant est retourné au travail ni les circonstances qui l’ont mené à cesser de travailler pour de bon.

[15] Après une convalescence de six semaines à la suite de sa crise cardiaque, le requérant a recommencé à travailler chez X. Il a [traduction] « tranquillement repris » son ancien poste en travaillant de 9 h à 14 h. Il n’était pas obligé de faire des visites sur place, ce qui occupait auparavant environ 40 pour cent de son temps. Lorsque j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale, j’ai entendu le requérant parler longuement de ses capacités réduitesNote de bas de page 4 :

  • Il se sentait épuisé et stressé. Sa mémoire et sa concentration [traduction] « étaient absentes ». Il n’accomplissait qu’un dixième de ce qu’il réalisait auparavant.
  • [traduction] « Les choses que j’avais l’habitude de faire et que je trouvais faciles sont maintenant incroyablement difficiles à accomplir. »
  • Il était sujet aux crises de panique. Il avait constamment une boule dans la gorge, [traduction] « comme si un éclair pouvait frapper à tout moment ».
  • Il a développé un ulcère hémorragique et a commencé à s’absenter du travail, un ou deux jours à la fois.

[16] Le requérant a continué de bénéficier de mesures d’adaptation au travail pendant huit mois, jusqu’à ce que son employeur et lui, d’un commun accord, décident de mettre fin à leur relation. Rien de tout cela n’avait été mentionné dans la décision de la division générale. Le fait que son emploi était [traduction] « exigeant sur le plan cognitif », comme la division générale l’a précisé, et le fait que le requérant avait exploré toutes les autres possibilités d’emploi raisonnables sont deux questions que j’aborderai ci-après dans mes motifs. Toutefois, à la lumière de la preuve mentionnée précédemment, je suis convaincu que la division générale a fondé sa décision sur la conclusion erronée selon laquelle le requérant n’avait pas essayé de travailler à quelque titre que ce soit.

La division générale s’est contredite en concluant que le requérant était [traduction] « crédible » tout en rejetant son affirmation selon laquelle il était atteint d’une invalidité

[17] La division générale a rejeté la demande de prestations d’invalidité du requérant essentiellement pour deux raisons. Elle a conclu qu’il n’avait pas déployé assez d’efforts pour conserver son emploi et elle s’est fiée aux déclarations de sa psychiatre selon lesquelles son état s’était amélioré au point où il se sentait capable de reprendre le travail.

[18] Le requérant a insisté pour dire qu’il avait fait de son mieux pour conserver son emploi, mais qu’il ne pouvait pas exécuter les tâches de son ancien poste même en bénéficiant d’importantes mesures d’adaptation. Comme il a été mentionné précédemment, la division générale n’a pas fait référence au témoignage du requérant sur ce point, bien qu’elle ait brièvement résumé sa position comme suit :

[traduction]
Selon [le requérant], il ne peut pas travailler en raison du caractère imprévisible de son TSPT et de ses crises de panique. Le requérant a également déclaré qu’il est incapable de respecter un horaire, d’interagir avec les gens et d’éviter tout élément qui pourrait déclencher ses troublesNote de bas de page 5.

[19] La division générale a ensuite résumé la preuve [traduction] « objective » qu’elle a utilisée pour justifier sa décision. Cependant, lorsque j’examine cette preuve avec attention, je constate qu’elle appuie principalement l’affirmation du requérant selon laquelle il souffrait d’anxiété et de dépression après sa crise cardiaque. Seuls deux éléments de preuve divergeaient de cette affirmation. Le plus important d’entre eux était une note de juin 2016 dans laquelle la Dre Adey a précisé une amélioration générale des symptômes et des fonctions quotidiennes du requérant. La psychiatre a également noté que le requérant était [traduction] « impatient de retourner au travail et qu’il se sentait capable de le faireNote de bas de page 6 ».

[20] À l’audience, on a demandé au requérant de répondre à ces déclarations. Il a insisté sur le fait que la psychiatre avait présenté une vision légèrement déformée de son état de santé en 2016 :

[traduction]
J’essayais d’améliorer mon sort. J’essayais d’être optimiste. Je ne me rappelle pas avoir dit que j’étais prêt à retourner au travail et à me remettre au boulot comme si je me sentais bien. [La déclaration de la Dre Adey] ne décrit pas bien la situation. Je crois bien réagir aux médicaments, ce qui a probablement commencé quand j’ai été sevré du Celexa et que les symptômes de sevrage se sont dissipés avec le Zoloft. J’étais peut-être optimiste en espérant que cela fonctionne. Mais j’avais toujours des crises de paniqueNote de bas de page 7.

[21] Le requérant a insisté sur le fait que la Dre Adey avait exagéré l’amélioration de son état psychologique, mais la division générale n’a même pas mentionné ce témoignage dans sa décision. La division générale a accordé beaucoup de poids aux déclarations de la Dre AdeyNote de bas de page 8, mais n’en a pas accordé autant à la tentative du requérant de qualifier et de contextualiser ces déclarations. Il est donc difficile d’échapper à la conclusion selon laquelle la division générale était réticente à accepter les affirmations du requérant sur parole. Cela est surprenant, car la division générale avait précédemment déclaré qu’elle trouvait que le requérant était très crédible :

[traduction]
J’estime que le requérant disait la vérité lorsqu’il a présenté ses observations et son témoignage. Ses réponses aux questions lors de l’audience correspondaient à ses observations écrites. J’estime que le requérant est crédible. Toutefois, je dois également examiner la preuve objective au dossier pour déterminer si elle appuie le témoignage du requérantNote de bas de page 9.

Il est difficile de voir comment le requérant pourrait être [traduction] « crédible » et [traduction] « constant » de façon générale, mais que l’on ne puisse pas le croire en ce qui a trait à la question principale de ce litige, soit celle de savoir si son trouble anxieux l’a régulièrement empêché d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Le principal problème de santé du requérant se caractérise par des symptômes très subjectifs. Ils ne peuvent pas être confirmés par des tests diagnostiques, et toute évaluation de leur effet sur la capacité de fonctionner d’une personne dépend en fin de compte de la conclusion concernant la crédibilité de cette personne.

[22] Je suis convaincu que les conclusions de la division générale n’entretenaient pas de lien logique avec l’une de ses principales conclusions de fait. Par conséquent, les motifs de la division générale de rejeter l’affirmation du requérant selon laquelle il était invalide sont essentiellement incompréhensibles. Ils entrent donc en conflit avec le principe de la justice naturelle.

Réparation

Il y a trois façons de réparer l’erreur de la division générale

[23] La division d’appel a le pouvoir de réparer toute erreur commise par la division généraleNote de bas de page 10. En vertu de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, je peux :

  • confirmer, infirmer ou modifier la décision de la division générale;
  • renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen;
  • rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

J’ai également le pouvoir de trancher toute question de fait ou de droit nécessaire pour accorder les réparations ci-dessus.

[24] Le Tribunal doit veiller à ce que les instances se déroulent de la manière la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que tout décideur doit tenir compte du temps qui s’est écoulé avant qu’une décision concernant une demande de pension d’invalidité ait été rendue. Cela fait maintenant quatre ans que le requérant a présenté sa demande de pension d’invalidité. Si je renvoyais cette affaire à la division générale, je ne ferais que retarder la résolution de l’affaire.

[25] Dans les observations orales que le requérant et le ministre m’ont présentées, les deux parties ont convenu que si je décelais une erreur dans la décision de la division générale, la réparation appropriée serait que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre et que j’évalue moi-même la demande de prestations d’invalidité du requérant. Bien entendu, les parties avaient des points de vue différents sur le bien-fondé de la demande de prestations d’invalidité du requérant. Le requérant a soutenu que si la division générale avait correctement évalué les huit mois futiles lors desquels il avait essayé de reprendre son ancien poste, elle l’aurait jugé invalide et aurait décidé d’une issue différente. Le ministre a soutenu que, quelles que soient les erreurs de la division générale, les autres éléments de preuve portaient tout de même à croire que le requérant était capable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur.

Le dossier contient assez de renseignements pour trancher cette affaire sur le fond

[26] Je suis convaincu que le dossier dont je dispose est complet. Le requérant a déposé de nombreux rapports médicaux devant le Tribunal, et je détiens beaucoup de renseignements au sujet de ses antécédents professionnels et de son historique des gains. La division générale a tenu une longue audience orale au cours de laquelle le requérant a été interrogé au sujet de ses détériorations, de leur effet sur sa capacité de travailler et de ses efforts pour trouver un autre emploi. Je doute que la preuve du requérant soit très différente si l’affaire était instruite à nouveau.

[27] Par conséquent, je suis en position d’apprécier la preuve dont disposait la division générale et de rendre la décision qu’elle aurait dû rendre si elle n’avait pas commis d’erreur. À mon avis, même si la division générale avait bien évalué la tentative du requérant de demeurer sur le marché du travail, l’issue aurait été la même. En me fondant sur ma propre évaluation du dossier, je suis convaincu que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31décembre 2017.

Il n’y a pas assez d’éléments de preuve selon lesquels le requérant était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de la PMA

[28] Pour être réputée invalide, toute partie requérante doit démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à l’échéance de la PMA ou avant celle-ci. Une invalidité est grave si elle rend la personne « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une invalidité est prolongée si elle doit « vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou [si elle doit] entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 11 ».

[29] J’ai examiné le dossier et j’ai estimé que le requérant ne s’était pas acquitté du fardeau de prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de la PMA. Je reconnais que le requérant a subi un quadruple pontage il y a six ans, et qu’une fois combiné à son âge, cela exclut sans aucun doute de nombreux emplois exigeants sur le plan physique qui auraient autrement été une possibilité pour lui, compte tenu de son instruction et de son expérience professionnelle. Le requérant fonde son affirmation selon laquelle il était invalide sur son état psychologique, mais je n’ai tout simplement pas estimé qu’il y avait assez d’éléments de preuve pour laisser croire que son anxiété, sa dépression et son TSPT l’avaient rendu régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2017. J’ai fondé cette conclusion sur les facteurs ci-dessous.

Le traitement a eu un effet sur les problèmes psychologiques du requérant

[30] Je ne nie pas le fait que le requérant avait des problèmes de santé mentale. Selon les notes de bureau de son médecin de famille, son anxiété et sa dépression semblent être apparues vers août 2014Note de bas de page 12. Le mois suivant, le Dr Hancock a souligné que le requérant trouvait son travail stressant et qu’il avait des crises de panique. Le requérant a pris une semaine de congé et a dit qu’il envisageait de changer de carrièreNote de bas de page 13. Les mois suivants, il a continué à se plaindre à propos de ses crises de panique, de son manque d’entrain, et de ses problèmes de concentration et de mémoire. En mars 2015, le Dr Hancock a noté que le requérant ne se portait pas très bien depuis les six derniers mois, qu’il prenait des antidépresseurs et qu’il recevait des services de counselingNote de bas de page 14.

[31] En février 2016, le Dr Hancock a orienté le requérant vers la clinique de psychothérapie START de St. John’sNote de bas de page 15. Là-bas, il a été évalué et traité par une psychiatre, la Dre Adey, qui a constaté des résultats encourageants. En mai 2016, la Dre Adey a rapporté que le requérant avait toujours de l’anxiété et des crises de panique, mais qu’il présentait moins de symptômes. Elle a précisé qu’il avait été capable de monter sur scène (le requérant avait déjà été musicien), alors qu’il n’avait pas pu le faire dans le passéNote de bas de page 16. Le mois suivant, la Dre Adey a laissé aller le requérant et a écrit ceci :

[traduction]
Le patient a été suivi et a commencé à prendre du Sertraline (Zoloft) à 50 mg, et sa dose a été ajustée à 150 mg. Le patient réagissait bien aux médicaments, n’a rapporté aucune autre crise de panique et a vu ses fonctions s’améliorer de jour en jour. Le patient note que ses symptômes se sont améliorés de façon générale et consent à retourner en médecine générale pour recevoir des soins. Le patient est impatient de retourner au travail et estime qu’il est capable de le faireNote de bas de page 17.

Quoi qu’il en soit, il s’agissait d’un rapport positif, bien qu’il ait été produit plus de 18 mois avant la fin de la PMA. J’ai cherché des signes de régression dans l’état du requérant, mais je n’ai rien trouvé dans les rapports médicaux antérieurs. Le Dr Hancock a continué de voir le requérant, mais moins souvent qu’auparavant (une fois tous les trois à six mois). Le Dr Hancock a noté que le requérant était sujet à de [traduction] « multiples facteurs de stressNote de bas de page 18 », mais a également noté que son patient avait reçu des services de counseling psychothérapeutique et qu’il avait obtenu des résultats positifsNote de bas de page 19. Même dans le rapport médical qui accompagnait la demande de prestations d’invalidité du RPC du requérant, le Dr Hancock n’a donné qu’un pronostic ouvert qui devait encore [traduction] « être déterminéNote de bas de page 20 ». Les notes de bureau mises à jour vers la fin de la PMA n’ont pas non plus aidé le requérant. Le Dr Hancock a continué de noter que le requérant était atteint d’anxiété et de dépression, mais a ajouté qu’il était [traduction] « triste, bien que son humeur était pire en 2016Note de bas de page 21 ». Une autre note précise qu’un examen physique de routine a été réalisé, mais qu’aucun problème de santé mentale important n’a été signalé. Le seul élément concernant l’état psychologique du requérant auquel le Dr Hancock a fait référence était [traduction] « l’anxiété liée à l’analyse sanguineNote de bas de page 22 ».

[32] Un diagnostic ne peut être assimilé à une invalidité. Le requérant est atteint de dépression et d’anxiété, mais la preuve démontre qu’il a réagi au traitement et que ses symptômes se sont grandement améliorés avant la fin de la PMA. À l’audience devant la division générale, le requérant a tenté de minimiser le rapport définitif de la Dre Adey, laissant entendre qu’il avait donné à la psychiatre une vision trop optimiste de sa capacité et de ses perspectives à l’époque. C’est peut-être le cas, mais je suis aussi influencé par le fait que rien dans le dossier médical du requérant ne donnait à penser à de graves problèmes de santé mentale après le milieu de l’année 2016.

[33] Tout comme la division générale, j’ai estimé que le requérant était crédible, mais cela ne permet pas de trancher l’affaire. Je n’ai aucun doute que le requérant croit sincèrement être invalide, mais une conclusion d’invalidité au titre du RPC ne peut pas entièrement reposer sur l’opinion subjective d’une partie requérante quant à sa capacité; elle doit également être étayée par une preuve médicale. En l’espèce, je ne suis pas convaincu que la preuve médicale disponible ait démontré que le requérant était régulièrement incapable d’occuper un emploi véritablement rémunérateur.

Les antécédents du requérant ne l’empêchent pas d’obtenir un autre emploi

[34] Dans l’ensemble, la preuve m’amène à conclure que le requérant avait une capacité résiduelle d’explorer d’autres possibilités d’emploi à l’échéance de la PMA. J’avance cela en gardant à l’esprit l’âge du requérant, son niveau d’instruction, ses compétences linguistiques, ainsi que son expérience de travail et de vie, comme le prévoit l’arrêt Villani c CanadaNote de bas de page 23. La langue maternelle du requérant est l’anglais, et le requérant n’avait que 44 ans à la fin de la PMA. Il possède un diplôme d’études secondaires et a démontré au fil des ans qu’il est capable d’acquérir de nouvelles compétences et de s’adapter à une variété d’environnements de travail. Il a travaillé en tant que vendeur à la commission, conseiller hypothécaire et gestionnaire de projetNote de bas de page 24.

[35] J’ai n’ai presque rien relevé dans la preuve médicale pour me convaincre que le requérant n’était pas capable de tenir une occupation en date du 31 décembre 2017. Compte tenu du profil du requérant, j’estime qu’il est plus probable qu’il avait la capacité résiduelle d’essayer à tout le moins d’occuper un emploi peu stressant dans la vente au détail ou la prestation de services.

Le requérant n’a pas tenté d’obtenir un autre emploi convenable

[36] Selon InclimaNote de bas de page 25, un arrêt de la Cour d’appel fédérale faisant jurisprudence, pour prouver son invalidité, toute partie requérante doit démontrer qu’elle a tenté, en vain, de demeurer sur le marché du travail. Pour s’appuyer sur Inclima, un juge-arbitre doit d’abord déterminer si la partie requérante avait la capacité résiduelle de déployer de tels efforts.

[37] En définitive, l’appel du requérant doit être rejeté parce que même s’il a essayé de travailler après sa crise cardiaque, il a repris un emploi qui était particulièrement mal adapté pour une personne atteinte de troubles psychologiques. J’ai écouté attentivement l’enregistrement de l’audience devant la division générale, surtout le passage où le requérant décrit ses fonctions en tant que gestionnaire de projet chez Short Atlantic. Son travail n’était pas facile. Il devait préparer des devis, embaucher des personnes sous-traitantes et veiller à ce qu’elles répondent aux spécifications tout en respectant les délais et le budgetNote de bas de page 26. Il est vrai que le requérant a recommencé à travailler à temps partiel vers juin 2014 et qu’il n’était pas obligé de se déplacer sur les chantiers de construction. Toutefois, même avec ces mesures d’adaptation, son poste était toujours aussi exigeant et stressant, et le requérant devait respecter des délais serrés et des attentes élevées. Il a déclaré qu’il était toujours en bons termes avec ses supérieurs, mais qu’il avait eu beaucoup de mal avec le gestionnaire d’une personne sous-traitante dans le cadre d’un projet [traduction] « très technique » sur la plateforme de forage pétrolier Hebron. Il a finalement été retiré de ce dossier, de même que de quelques autresNote de bas de page 27.

[38] Dans ces circonstances, il n’est pas surprenant que le requérant, déjà sujet à l’anxiété, ait vu la fréquence de ses crises de panique augmenter et n’ait occupé ce poste très stressant que pendant huit mois. À l’audience devant la division générale, on a demandé au requérant s’il avait envisagé d’occuper un autre type d’emploi. Il a répondu qu’il en était hors de question parce qu’il ne pouvait pas garantir qu’il serait capable de se présenter au travail tous les matins, compte tenu de son anxiété et de ses crises de paniqueNote de bas de page 28. Toutefois, je me demande comment il pouvait être aussi certain d’être incapable d’occuper un autre emploi s’il ne l’avait jamais essayé.

[39] Selon Inclima, toute personne qui demande des prestations d’invalidité et qui se trouve dans la même situation que le requérant doit démontrer que ses tentatives raisonnables pour obtenir et conserver un emploi ont échoué en raison de son état de santé. Pour être admissible à des prestations d’invalidité, toute partie requérante doit faire preuve de bonne volonté pour trouver un autre emploiNote de bas de page 29. En l’espèce, je ne suis pas convaincu que le requérant a suffisamment approfondi ses recherches pour trouver un emploi moins stressant qui conviendrait davantage à son état de santé mentale.

Le requérant était-il atteint d’une invalidité prolongée à l’échéance de la PMA?

[40] Comme la preuve du requérant ne respecte pas le critère relatif à la gravité, il n’est pas nécessaire de déterminer si son invalidité est prolongée.

Conclusion

[41] Je rejette l’appel. Bien que la division générale ait mal interprété les efforts de retour au travail du requérant et n’ait pas motivé sa décision de manière compréhensible, j’estime qu’elle n’en serait pas arrivée à une conclusion différente si elle n’avait pas commis ces erreurs. Après avoir examiné moi-même le dossier, je ne suis pas convaincu que le requérant était atteint d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2017.

 

Date de l’audience :

Le 27 janvier 2020

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

R. V., appelant

Duncan Allison, représentant de l’appelant

Sandra Doucette, représentante de l’intimé

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