Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] J. M. est le requérant dans cette affaire. J’ai déterminé qu’il n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Je suis consciente que cette décision sera décevante pour le requérant, mais je l’ai rendue pour les motifs qui sont expliqués ci-dessous.

Aperçu

[2] Le requérant avait 49 ans lorsqu’il a arrêté de travailler comme responsable de l’esthétique automobile en octobre 2018. Il a été licencié de cet emploi. Le requérant dit qu’il a été incapable de trouver un travail convenable depuis ce moment.Sa fatigue liée à la dystrophie de Becker limite sa capacité de travailler. Le requérant a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en juin 2018. Le ministre a refusé sa demande. Il a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale. Je suis la membre du Tribunal qui a instruit cet appel. Sa mère a aussi assisté à l’audience.

Question en litige dans cet appel

[3] Une personne qui présente une demande de pension d’invalidité doit satisfaire aux exigences imposées. Ces exigences sont énoncées dans la loi qui traite des prestations d’invalidité du RPC. Premièrement, la personne doit satisfaire aux exigences quant aux cotisations. Le terme juridique à cet égard est la « période minimale d’admissibilité »Note de bas de page 1. Cela n’est pas un problème dans le cadre de cet appel. La période minimale d’admissibilité du requérant est le 31 décembre 2018.

[4] Deuxièmement, une personne doit avoir une invalidité qui est «  grave et prolongée »Note de bas de page 2. Elle doit avoir cette invalidité à la date de fin de la période minimale d’admissibilité ou avant cette date.

[5] Pour la plupart des gens, « grave » signifie quelque chose qui est [traduction] « très mauvais » ou « très important ». De la même manière, la plupart des gens pensent que le mot « prolongée » veut dire quelque chose qui prend beaucoup de temps. Mais les mots « grave » et « prolongée » ont des significations spéciales dans le domaine du droit.

Que signifie « grave »?

[6] La loi dit que si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison de son invalidité, cette personne est atteinte d’une invalidité grave Note de bas de page 3.

[7] Le caractère grave d’une invalidité ne concerne pas la nature d’une invalidité. Il concerne plutôt la question de savoir si l’invalidité a des répercussions sur la capacité de travailler d’une personne. Si une invalidité est grave au point d’empêcher une personne de régulièrement détenir un emploi, alors cette personne a une invalidité grave. Il est important de noter que cela ne signifie pas un ancien emploi ou un emploi avec un salaire comparable. Cela signifie tout emploi qui est véritablement rémunérateur, même si le salaire est inférieur à celui des emplois précédents.

Que signifie « prolongée »?

[8] Le mot « prolongée » signifie qu’une invalidité doit durer une « période longue, continue et indéfinie » ou « doit entraîner vraisemblablement le décès »Note de bas de page 4. Pour qu’une invalidité soit « prolongée », elle doit être presque de nature permanente. Ainsi, si une personne a une chance raisonnable de retrouver la capacité de travailler dans un avenir rapproché, son invalidité n’est donc pas prolongée.

[9] Le ministre admet les symptômes du requérant. Le ministre est d’avis que la preuve ne montre pas que ces problèmes de santé sont graves. Cela signifie que le requérant aurait la capacité de travailler. C’est la raison pour laquelle sa demande a été rejetée.

[10] Pour déterminer si son invalidité est grave, je dois tenir compte de la façon dont le requérant se sent par rapport aux répercussions de ses problèmes de santé sur sa capacité de travailler. Je dois aussi tenir compte de ce que disent ses médecins et autres professionnels de la santé au sujet de son état, par exemple de ses résultats d’examens médicaux. Si le requérant est capable de régulièrement accomplir un certain type de travail qui est véritablement rémunérateurNote de bas de page 5, alors il n’est pas admissible à une pension de retraite.

La preuve médicale n’appuie pas le fait que le requérant est invalide

[11] Le requérant a affirmé avoir été très malade en décembre 1996. Il a eu la grippe et il allait bien par la suite. Quelques semaines plus tard, il était très congestionné au réveil et a eu besoin d’aller à l’hôpital. Ses lèvres devenaient bleues et il manquait d’air. Il a été admis à l’unité des soins intensifs et est demeuré à l’hôpital pendant environ trois à quatre mois. Le diagnostic n’était pas très clair. Il avait besoin de dialyse et a perdu plusieurs doigts du pied droit et des orteils des deux pieds en raison de l’ischémie. Il s’est rétabli lentement par la suite. Cependant, il a une concentration élevée d’enzymes hépatiques et musculaires depuis ce temps. En 2007, le requérant a reçu un appel de son médecin à cette époque pour un taux élevé de CK. Depuis 2014-2015, il constate qu’il se fatigue facilement lorsqu’il fait des activitésNote de bas de page 6.

[12] Le requérant a d’abord consulté le Dr Iain McGregor (médecin de famille) en mai 2018 en raison de la fatigue lorsqu’il faisait du travail physique. Il a dit à son médecin que ses employeurs n’acceptaient pas le fait qu’il devait se reposer fréquemmentNote de bas de page 7. En juin 2018, le médecin de famille du requérant a déclaré que le requérant souffrait de fatigue chronique et de myalgie (pas encore diagnostiquée). Le Dr McGregor a dit que depuis 1997, le requérant est intolérant au travail intense sur le plan physique et se fatigue facilement. Cela s’est détérioré progressivement depuis 2016Note de bas de page 8. Il a dit que le requérant devait arrêter de travailler après une heure pour se reposer pendant 15 à 30 minutes. Le Dr McGregor était d’avis que le pronostic serait bon pour le rétablissement si la cause pouvait être déterminée. Le requérant a été orienté en neurologie aux fins de diagnostic et de traitement.

[13] En novembre 2018, le requérant a été vu par le Dr Al-Kaabi (neurologie) pour des symptômes de fatigue et une évaluation de la myalgie et un taux élevé de CK. Une électromyographie (EMG) et un examen des conductions nerveuses de l’extrémité du membre supérieur gauche et de l’extrémité du membre inférieur ont montré une motricité et des conductions nerveuses normales. Le Dr Al-Kaabi a conclu que le requérant avait un taux élevé de CK et une grande fatigue. Une biopsie endomyocardique et un examen des conductions nerveuses ont révélé de possibles légers changements myopathiques au deltoïde gauche. Le taux de CK avait été auparavant stable pendant au moins dix ans et il est probable qu’il s’agisse d’une étiologie héréditaire compte tenu de sa stabilité au fil du temps. Le Dr Al-Kaabi a orienté le requérant vers la Genetics & Metabolism Clinic [clinique des maladies génétiques et métaboliques] pour une évaluation.

[14] En mai 2019, le requérant a consulté Nicole Yang (conseillère génétique) à la Genetics & Metabolism ClinicNote de bas de page 9. Elle a rapporté que les symptômes et les investigations antérieures du requérant pourraient dénoter une myopathie sous-jacente. Le requérant a accepté de poursuivre les tests génétiques. En septembre 2019, un diagnostic de dystrophie de Becker a été poséNote de bas de page 10. Mme Yang a expliqué que le requérant avait une faiblesse musculaire proximale, une intolérance à l’exercice, une myalgie qui s’est détériorée avec l’effort et l’activité, ainsi que de la fatigue. Tous les symptômes concordaient avec son diagnostic de dystrophie de Becker.

[15] Cependant, ce n’est pas le diagnostic d’un problème de santé qui détermine si une personne est invalide. Les répercussions du problème de santé sur la personne doivent être prises en compte. De plus, la mesure dans laquelle une invalidité est « grave » ne correspond pas à la question de savoir si la personne souffre de déficiences graves, mais plutôt à celle de savoir si l’invalidité empêche la personne de gagner sa vieNote de bas de page 11. La preuve appuie le fait que le requérant serait incapable de détenir une occupation exigeante sur le plan physique en raison de sa fatigue. J’estime toutefois que la preuve montre que le requérant a encore la capacité de travailler.

Le requérant conserve une capacité de travailler

[16] En juin 2018, le requérant a affirmé qu’il avait la capacité de s’asseoir et de se tenir debout pendant un maximum de deux heures. Il pouvait aussi conduire un vélo sur une distance de un ou deux kilomètres ou pendant environ 30 minutes. Il n’avait pas de difficulté à atteindre des objets, à voir, à parler, à se souvenir, à se concentrer ou à dormir. Il était capable d’exécuter ses activités de la vie quotidienne et de s’occuper de ses besoins personnels. Il était aussi capable de conduire une voiture dans la ville de Winnipeg, mais pas plus de deux heures de conduite sur l’autorouteNote de bas de page 12. À l’audience, le requérant m’a dit qu’il aimait lire et qu’il pensait retourner aux études. Cependant, après s’être assis pendant environ 30 minutes, il aurait besoin de se lever ou de marcher un peu. Il a dit qu’il donne un coup de main à sa mère à la maison. Sa mère a dit qu’elle le tient occupé en lui confiant des tâches ménagères et des travaux de réparation.

[17] Le requérant m’a dit qu’il avait été licencié de son emploi en esthétique automobile en octobre 2016. Il a expliqué qu’à ce moment-là, 14 autres personnes avaient aussi été licenciées. La raison invoquée était la restructuration de l’entreprise. Le requérant a dit que lorsqu’il avait demandé à son employeur de lui donner de plus amples détails, on lui a dit que sa fatigue posait problème. Le requérant a communiqué avec la Commission des droits de la personne dans l’espoir de ravoir son emploi. Cependant, il n’est pas retourné travailler depuis octobre 2016.

[18] Il a reçu des prestations d’assurance-emploi d’octobre 2016 à juillet 2017. Le requérant a dit que pendant ce temps, il avait la [traduction] « volonté et la capacité » de travailler. Il m’a dit que depuis qu’il avait été licencié en octobre 2016 et jusqu’à présent, il continue de chercher un emploi et de poser sa candidature à des postes. Certains de ces emplois, notamment celui de gardien dans un cinéma, étaient trop physiques et il aurait été incapable de les détenir en raison de la fatigue. La preuve médicale semble aussi appuyer cela. Cependant, d’après les capacités fonctionnelles du requérant en juin 2018 et la description de ses capacités aujourd’hui, j’estime qu’il aurait la capacité d’effectuer un travail moins physique. Le requérant est d’accord avec cette affirmation. Il a dit qu’il serait probablement capable de détenir un emploi sédentaire s’il avait la possibilité de se lever et de marcher un peu, périodiquement. Il m’a aussi dit qu’il avait présenté sa candidature à un poste de conducteur de navette pour un concessionnaire automobile. Il a dit qu’il pourrait faire un travail qui consisterait à conduire une navette. Malheureusement, il n’a pas été embauché parce qu’il n’était pas encore assez âgé. Le requérant m’a expliqué que les employeurs de la concession automobile préfèrent avoir quelqu’un d’au moins 55 ans. Il m’a dit à l’audience qu’il avait de nouveau cherché récemment des emplois de conducteur de navette parce qu’il s’agit d’un emploi qu’il aurait la capacité d’exercer. Les rapports des médecins démontrent clairement qu’il ne peut pas faire de travail manuel exigeant. Il demeure que le requérant a une certaine capacité de travailler.

[19] Lorsqu’il y a une preuve de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les démarches qu’elle a faites pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueuses en raison de son état de santéNote de bas de page 13.

[20] Des facteurs socio-économiques comme les conditions du marché du travail ne sont pas pertinents pour déterminer si une personne est invalide. L’accent est mis sur une occupation véritablement rémunératrice en lien avec la situation personnelle de la partie requérante et non sur la question de savoir si de véritables emplois sont disponibles sur le marché du travailNote de bas de page 14.

La situation personnelle du requérant ne limiterait pas sa capacité de travailler

[21] Je dois évaluer le caractère grave du critère dans un contexte réaliste Note de bas de page 15. Cela signifie que je tiens compte de la situation personnelle du requérant, comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie, ainsi que de son état de santé et des limitations qui en découlent Note de bas de page 16.

[22] Le requérant avait 51 ans à l’échéance de sa PMA (décembre 2018). Il a fait des études de 12e année. Bien qu’il ait des compétences de travail transférables limitées, son âge, ses études et ses aptitudes linguistiques n’auraient pas une incidence négative sur sa capacité à travailler. De plus, le requérant n’a pas de limitations cognitives qui l’empêcheraient de se recycler.

Les difficultés financières ne sont pas pertinentes pour la détermination de l’admissibilité à une pension d’invalidité

[23] Le requérant a mentionné qu’il n’a pas touché de revenu d’emploi stable depuis octobre 2016. Une prestation d’invalidité du RPC lui enlèverait de la pression financière. Bien que je compatisse à la situation du requérant, les difficultés financières ne sont pas pertinentes pour la détermination de l’admissibilité à une pension d’invalidité. Cela signifie que ce n’est pas un fondement sur la base duquel des prestations d’invalidité sont payées. Le Tribunal a été créé par voie législative et j’ai donc uniquement les pouvoirs qui me sont conférés par sa loi habilitante. Je suis tenue d’interpréter et d’appliquer les dispositions telles qu’elles ont été énoncées dans le RPC, et je suis lié par les décisions de la Cour fédérale. Je ne peux pas utiliser les principes de justice ou d’équité ou tenir compte de circonstances exténuantes pour ignorer les dispositions du RPC ou les décisions de la Cour fédérale.

[24] Comme je l’ai mentionné ci-dessus, une personne doit avoir une invalidité grave et prolongée pour toucher des prestations. Je conclus que l’invalidité du requérant n’est pas grave, parce qu’il a une certaine capacité de travailler.

[25] Il n’est pas nécessaire que j’examine la question de savoir si l’invalidité est prolongée, étant donné que j’ai déterminé que l’invalidité n’est pas grave.

Conclusion

[26] L’appel est rejeté.

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