Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant est admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] L. P. (requérant) a eu un emploi saisonnier de chauffeur de camion en 2016. Il a cessé de travailler en raison d’un manque de travail. Il a reçu des prestations d’AE jusqu’en juin 2017. Il a eu une crise cardiaque en août 2017. Après la crise cardiaque, le requérant a dit qu’il ne pouvait plus travailler, alors il a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du RPC. En avril 2018, le médecin de famille du requérant a déterminé que le requérant ne pouvait plus travailler. Le ministre a rejeté la demande du requérant initialement et après révision.

[3] Le requérant a interjeté appel devant le Tribunal. La division générale a rejeté l’appel du requérant en mai 2019, après avoir établi que l’invalidité du requérant n’était pas grave et prolongée au sens du RPC. Le requérant a présenté une demande de permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale. J’ai accordé au requérant la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale.

[4] Je dois déterminer si la division générale a commis une erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS.

[5] J’estime que la division générale a commis une erreur de fait. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant est admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait lorsqu’elle a ignoré la preuve médicale qui expliquait pourquoi le Dr Van avait déterminé en avril 2018 que le requérant ne pouvait plus travailler?

Analyse

Réexamen des décisions de la division générale

[7] La division d’appel ne donne pas l’occasion aux parties appelantes de défendre de nouveau leur cause lors d’une nouvelle audience. La division d’appel réexamine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si une erreur a été commise. Ce réexamen est fondé sur le libellé de la Loi sur le MEDS, qui énonce les moyens d’appelNote de bas de page 1.

[8] La Loi sur le MEDS affirme qu’une erreur est commise lorsque la division générale « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance »Note de bas de page 2. Une erreur fondée sur des faits doit être importante au point où elle pourrait avoir une incidence sur le résultat de la décision (on appelle cela un fait [traduction] « essentiel »). L’erreur doit découler du fait d’avoir écarté des éléments de preuve, d’avoir statué sciemment à l’opposé de la preuve, ou d’avoir formulé un raisonnement qui n’est pas guidé par un jugement continuNote de bas de page 3.

La division générale a-t-elle commis une erreur de fait?

[9] La division générale a commis une erreur de fait en ignorant une preuve médicale essentielle qui expliquait pourquoi le Dr Van a déterminé en avril 2018 que le requérant ne pouvait plus travailler. Cet élément de preuve touchait au coeur même de la cause du requérant. Les résultats de l’écho doppler artériel des membres inférieurs (que j’appellerai [traduction] l’« examen ») étaient importants. Les résultats de l’examen expliquaient pourquoi le Dr Van a changé d’opinion au sujet de la capacité de travailler du requérant. Le fait d’avoir ignoré cet élément de preuve médicale objective a teinté l’analyse par la division générale de la preuve du Dr Van et a mené à une conclusion selon laquelle le requérant avait la capacité de travailler même si le Dr Van avait mentionné qu’il ne pouvait pas travailler.

[10] En présence d’éléments de preuve contradictoires, le membre de la division générale doit analyser les éléments de preuve et expliquer pourquoi il privilégie un élément plutôt qu’un autreNote de bas de page 4. La Cour d’appel fédérale confirme que le fait d’écarter un élément de preuve qui touche au cœur de la cause d’un requérant constitue une erreur de faitNote de bas de page 5.

[11] Plusieurs spécialistes traitaient le requérant. La division générale devait examiner les éléments de preuve du Dr Pearce et du Dr Van. Le Dr Van a mentionné en mars 2018 que le requérant pouvait travailler pendant plus de quatre heures et qu’il était capable de soulever un poids de plus de 20 livresNote de bas de page 6. Un mois plus tard, en avril 2018, il a déclaré : [traduction] « Compte tenu de l’état de santé du patient, j’estime qu’il n’est plus capable de travailler. J’appuie le fait qu’il a une invalidité »Note de bas de page 7. En mai 2018, le Dr Pearce a déclaré que le requérant a montré [traduction] « une amélioration considérable »Note de bas de page 8 grâce au traitement, et en octobre 2018, le Dr Pearce a décrit l’état du requérant comme étant [traduction] « stable »Note de bas de page 9.

[12] Le membre de la division générale a soupesé la preuve du Dr Van et du Dr PearceNote de bas de page 10. Le membre de la division générale a qualifié le changement d’opinion du Dr Van à propos de l’incapacité à travailler du requérant [traduction ] d’« incohérence », ce qu’il n’a pas expliqué. Le membre de la division générale a déterminé que le Dr Van n’avait pas fourni [traduction] « d’autres renseignements objectifs » quant à la raison pour laquelle il avait émis la nouvelle opinion selon laquelle le requérant ne pouvait pas travailler. La division générale a reconnu que le Dr Van « a affirmé toutefois que son patient avait une athérosclérose avancée, comme en témoignent les maladies vasculaires cérébrales, ainsi que la coronaropathie et l’arthropathie ».

[13] Le requérant fait valoirNote de bas de page 11 que la division générale a commis une erreur de fait en déterminant que le Dr Van n’a pas fourni d’autres renseignements objectifs pour expliquer la raison pour laquelle il a changé d’opinion quant à la capacité de travailler du requérant. Il semble que le Dr Van ait reçu les résultats de l’examen avec le rapport de consultation daté du 28 mars 2018. Le diagnostic actualisé d’athérosclérose a éclairé la nouvelle opinion du Dr Van quant à la capacité de travailler du requérant, qu’il a formulée en avril 2018.

[14] Le requérant soutient que les résultats de l’examen touchent au cœur même de sa demande. Ces résultats confirment et appuient la preuve du requérant selon laquelle la douleur, les fourmillements et les engourdissements dans les jambes avaient empiré après sa crise cardiaque. L’examen éclaire la nouvelle opinion du Dr Van (à savoir que le requérant ne pouvait plus travailler), qui en retour appuie la demande de pension d’invalidité du requérant. La décision voulant que le changement d’opinion du Dr Van était inexpliqué est une erreur de fait, parce qu’elle ne tient pas compte de l’examen médical clé subi par le requérant qui appuie son témoignage au sujet de la détérioration de ses capacités fonctionnelles après sa crise cardiaque.

[15] Le ministre fait valoirNote de bas de page 12 que la division générale n’a pas commis d’erreur. L’opinion du Dr Van n’a pas été étayée par des renseignements objectifs. Le rapport d’avril 2018 faisait état d’un nouveau diagnostic d’athérosclérose avancée. Cependant, le rapport s’arrêtait là. Il ne mentionnait pas d’examen diagnostic ou de notes appuyant ce nouveau diagnostic. Le membre souligne cette incohérence. Le fait de souligner cette incohérence ne constitue pas une erreur de fait commise d’une manière abusive ou arbitraire. La division générale a relevé l’incohérence et a tenu compte de l’information contenue dans le rapport. Il revient à la division générale de soupeser la preuve, et la division d’appel n’a pas le mandat d’évaluer de nouveau cette preuve pour établir qu’une erreur a été commise.

[16] Je conclus que la division générale a commis une erreur de fait. Une preuve objective appuyait le changement d’opinion du Dr Van. La conclusion de la division générale selon laquelle le Dr Van n’a pas fait référence à une preuve objective est une erreur. Les résultats de l’examen montraient une athérosclérose avancée. Le rapport du Dr Van fait référence à ce diagnostic, bien que pas précisément à l’examen lui-même. Je suis convaincue que les résultats de l’examen ont éclairé la nouvelle opinion du Dr Van. Le fait d’avoir ignoré cette preuve lors de l’interprétation du rapport du Dr Van était une erreur de fait. La division générale a ignoré la preuve médicale objective qui expliquait le changement d’opinion du Dr Van. Cette preuve était fondamentale dans la cause du requérant parce qu’elle appuyait sa position selon laquelle ses douleurs aux jambes étaient pires après sa crise cardiaque et l’empêchaient de travailler.

[17] Le rapport du Dr Van était un élément clé de l’appel du requérant parce que le Dr Van est un spécialiste traitant qui a clairement énoncé en avril 2018 (avant la fin de la période minimale d’admissibilité du requérant) que le requérant n’était pas capable de travailler. La division générale a établi que le requérant avait une certaine capacité de travailler, et qu’il devait donc démontrer que ses démarches pour trouver et conserver un emploi avaient été infructueuses en raison de son état de santéNote de bas de page 13. Le requérant n’était pas en mesure de satisfaire à cette norme. Le requérant n’a pas cherché de travail après sa crise cardiaque. Le Dr Van a consigné par écrit qu’il ne pouvait pas travailler en avril 2018 et qu’il appuierait l’affirmation selon laquelle le requérant était invalide, et il a rempli un rapport médical du RPC en conséquenceNote de bas de page 14.

Réparation

[18] Après avoir décelé une erreur commise par la division générale, je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, ou je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 15. À l’audience de la division d’appel, le requérant et l’intimé ont confirmé que si je décelais une erreur, ils ne s’opposaient pas à ce que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre.

[19] Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je suis convaincue que le dossier de la division générale est exhaustif. Il s’agit de la façon la plus équitable et la plus efficace d’aller de l’avantNote de bas de page 16.

[20] J’estime que la situation personnelle du requérant présente un obstacle à son retour au travail. Il a un problème de santé grave. Ce problème lui occasionne des limitations fonctionnelles pour s’asseoir, se lever, se pencher, soulever des objets et marcher. Il a des douleurs, des engourdissements et des fourmillements (qu’il appelle des [traduction] « picotements ») dans les jambes. Il est épuisé et a un sommeil interrompu. Il a pris des mesures pour gérer ses problèmes. Il n’a pas refusé de traitement. Il est atteint d’une invalidité grave et prolongée au titre du RPC et est admissible à une pension d’invalidité.

Prouver qu’une invalidité est « grave »

[21] Une personne est admissible à une pension d’admissibilité lorsqu’elle peut démontrer qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le ministre calcule la PMA en fonction des cotisations de la personne au Régime de pensions du Canada. L’invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 17.

[22] Les parties conviennent que la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2019Note de bas de page 18. Sa PMA était dans le futur au moment où son audience devant la division générale s’est tenue.

La situation personnelle est un obstacle à l’emploi

[23] Je dois adopter une approche « réaliste » pour déterminer le caractère grave de l’invalidité du requérant. Cela signifie que je dois tenir compte de la situation personnelle du requérant, notamment son âge, son niveau d’instruction, ses compétences linguistiques, et ses expériences antérieures de travail et de vieNote de bas de page 19.

[24] Lorsque la PMA a pris fin le 31 décembre 2019, le requérant avait un peu plus de 59 ans. Il restait moins d’un an avant qu’il puisse être admissible à une retraite anticipée au titre du RPC. Il est né au Portugal et il a fréquenté l’école au Canada lorsqu’il était enfant. Il a arrêté d’aller à l’école en 9e année et a commencé à travailler à temps plein au début des années 1970. Il a affirmé n’avoir jamais suivi de formation technique ou pratique ni d’apprentissage d’un métierNote de bas de page 20. Le requérant parle anglais. Le requérant a affirmé qu’il travaillait comme emballeur d’aliments dans une usine et qu’il faisait ensuite les livraisons. Plus tard, il est devenu un conducteur de grands routiers.

[25] La représentante du requérant a soutenu devant la division générale que les secteurs d’emplois dans lesquels le requérant a de l’expérience exigent un niveau de force physique qui est au-dessus de la capacité régulière du requérant.

[26] À mon avis, le requérant fait face à d’importants obstacles au réemploi. Les limitations physiques du requérant sont si importantes que je suis convaincue qu’il ne peut pas retourner à un emploi physique comme il l’a fait par le passé. Les antécédents professionnels du requérant se limitent à des emplois en usine et dans le domaine de la livraison, ainsi que de la conduite de camions. Il n’a pas de compétences transférables de ses antécédents professionnels qui lui permettraient d’obtenir un emploi sédentaire.

[27] Je ne suis pas convaincue que le requérant puisse tolérer la position assise prolongée qu’exige le recyclage professionnel, et encore moins un travail complètement sédentaire dans le respect de ses restrictions physiques. Il n’est pas raisonnable en l’espèce de s’attendre à ce que le requérant (qui avait 59 ans à l’époque de la PMA) poursuive son éducation à ce moment. Il a quitté l’école pour travailler dans les années 1970.

Le requérant a des limitations qui affectent sa capacité de travailler

[28] Le principal problème de santé du requérant qui affecte sa capacité à travailler est son athérosclérose avancée. Ce problème de santé lui occasionne des douleurs, des engourdissements et des fourmillements à la jambe, qui se sont tous aggravés après la crise cardiaque du requérant en août 2017. Il a des limitations pour s’asseoir, se tenir debout, marcher, dormir et soulever des objets.

[29] Bien que le dossier contienne quelques éléments de preuve au sujet de la fonction pulmonaire du requérant, je ne constate pas que le requérant a une série de limitations fonctionnelles associées à sa fonction pulmonaire qui affectent sa capacité de travailler. Le requérant a subi une crise cardiaque en août 2017. J’accepte la preuve selon laquelle il ressent de l’épuisement en lien avec son problème de santé. J’admets que cet épuisement, bien qu’il ne suffise pas à lui seul pour donner lieu à une invalidité grave, contribue à son manque de capacité de travailler.

[30] Bien que le requérant ait eu des problèmes avec ses jambes qui affectaient son travail dès 2011, j’estime que les symptômes aux jambes se sont détériorés après sa crise cardiaque en août 2017. J’estime que les symptômes se sont détériorés davantage en mars 2018, lorsqu’il a subi un écho doppler artériel des membres inférieurs (un « examen »). Son équipe soignante a diagnostiqué une athérosclérose avancée. Les limitations fonctionnelles que vit le requérant en raison de son problème de santé, jumelées aux autres obstacles à son réemploi, signifient qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC.

[31] Le requérant a affirméNote de bas de page 21 qu’il avait de la douleur au bas du dos et qu’il pouvait la ressentir jusque dans ses jambes quand il travaillait comme chauffeur de camion. Ses jambes s’engourdissaient parfois. Ses muscles étaient parfois douloureux quand il marchait. Son médecin lui a dit qu’il avait des élongations musculaires et lui a prescrit du Tylenol 3 pour soulager cette douleur. Il a affirmé qu’il en prenait le soir et que cela l’aidait parfois. Le requérant a fourni une preuve selon laquelle il avait apporté des ajustements dans sa vie et son horaire de travail pour composer avec la douleur. En 2011, il a travaillé moins et a gagné moins d’argent en raison de ses problèmes aux jambes. Il a commencé à occuper un emploi saisonnier afin de mieux composer avec son état de santé. Il n’a pas travaillé pendant les mois d’hiver de 2011 à 2016. L’employeur du requérant l’a mis à pied à l’automne 2016. Il a touché de l’assurance‑emploi de janvier à juin 2017. Il cherchait du travail lorsque, le 6 août 2017, il a subi une crise cardiaque.

[32] Il a présenté une première demande de pension d’invalidité tout juste après la crise cardiaque, en août 2017. Par conséquent, il semble que le premier rapport médical du RPC ne soit pas du médecin de famille ou du cardiologue du requérant, mais plutôt d’un médecin‑interne qui mentionnait connaître le requérant depuis deux semainesNote de bas de page 22. Le diagnostic était un infarctus du myocarde avec dysfonction modérée du ventricule gauche. Le rapport a confirmé que le requérant avait le souffle court à l’effort en raison de sa maladie cardiaque. Le rapport confirme que le requérant a reçu une endoprothèse (angioplastie) et qu’il aurait besoin d’une période de six mois de réadaptation cardiaque (qu’il a finalement faite). Le rapport précisait que l’état du requérant était stable.

[33] Le requérant a affirmé que sa douleur à la jambe s’est aggravée après sa crise cardiaqueNote de bas de page 23. La douleur était habituellement intermittente, mais désormais elle [traduction] « demeurait ». Il ne pouvait pas marcher, se tenir debout ou s’asseoir pendant des périodes prolongées. Après 10 à 15 minutes de marche, la douleur à la jambe devenait importante et il a devait se reposer avant d’être capable de continuer à marcher. Plus tard dans la soirée, et surtout la nuit, le requérant ressentait de la douleur dans les jambes, et ce, même au repos.

[34] Dans un document de janvier 2018Note de bas de page 24, le requérant a mentionné qu’il avait des douleurs à la poitrine tous les jours, et qu’il avait des douleurs aux jambes et aux muscles et que ses jambes « s’endormaient » et que parfois il ne pouvait plus les sentir. Il a mentionné que le côté droit de son corps, entre sa jambe et son épaule droites, lui faisait mal tous les jours. Il a mentionné que la douleur semblait empirer.

[35] Le Dr Van (cardiologue) a fourni un rapport daté du 5 mars 2018Note de bas de page 25, qui précisait que le requérant était capable de marcher sans essoufflement et sans palpitation. Il a fait une épreuve d’effort qui montrait qu’il avait une bonne tolérance à l’exercice. Le ventricule gauche était en mesure d’expulser une quantité de sang de faible à normale. Le Dr Van a conclu, sur le fondement de ces examens de sa fonction cardiaque, que le requérant était capable de travailler pendant plus de quatre heures et était capable de soulever plus de 20 livres. Le Dr Van a orienté le requérant vers le Dr Pearce (un autre cardiologue) pour un écho doppler artériel des membres inférieurs (un « examen »)Note de bas de page 26.

[36] Les résultats de cet examen n’étaient pas bons. Le requérant avait une

[traduction]
sténose de haut grade de 75 à 99 % dans l’artère fémorale commune proximale droite et une sténose de haut grade de 50 à 99 % dans l’artère iliaque externe distale gauche. Il y a une affection bénigne dans les artères fémorales superficielles et les artères poplitées avec réduction du diamètre de moins de 50 %Note de bas de page 27.

[37] Le requérant est retourné consulter le Dr Pearce le 28 mars 2018, juste après avoir subi l’examen. Le Dr Pearce a prescrit un médicament pour augmenter le débit sanguin vers ses extrémités.

[38] Le requérant est retourné consulter le Dr Van le 12 avril 2018. Le Dr Van a appris le nouveau diagnostic d’athérosclérose avancée. Le Dr Van a écrit une nouvelle lettre au Dr Wong ce jour-làNote de bas de page 28, qui confirmait ce diagnostic. Le Dr Van a mentionné qu’en raison de l’état de santé du requérant : [traduction] « Je pense qu’il n’est plus capable de travailler. Je vais appuyer le fait qu’il est atteint d’une invalidité »Note de bas de page 29.

[39] En conséquence, le 16 avril 2018, le Dr Van a rempli un rapport médical pour le RPCNote de bas de page 30. Ce rapport précise qu’il traitait le requérant depuis huit mois pour une maladie vasculaire périphérique grave et qu’il lui prodiguait des soins continus pour la claudication (crampes découlant d’artères bloquées dans les jambes). Le Dr Van a mentionné que les limitations fonctionnelles du requérant étaient une claudication en raison d’artères bloquées dans les jambes et de l’épuisement et de la fatigue par suite de sa crise cardiaqueNote de bas de page 31. Le Dr Van a mentionné que l’IVA (artère interventriculaire antérieure) du requérant était [traduction] « stable » et que son pronostic pour la PVP (pression veineuse périphérique) était bon s’il subissait une intervention chirurgicale. Le Dr Van a mentionné que la MVP (maladie vasculaire périphérique) du requérant ne s’était pas améliorée et qu’un pontage pourrait être nécessaire.

[40] Le 23 mai 2018, le Dr Pearce a mentionné une amélioration considérable des symptômes de claudication chez le requérantNote de bas de page 32.

[41] Le 15 octobre 2018, le Dr Pearce a mentionné qu’il avait vu le requérant pour un suivi de sa maladie vasculaire périphériqueNote de bas de page 33. Le Dr Pearce a établi que [traduction] « la gravité et la diffusion de la maladie [du requérant] demeurent inchangées depuis son dernier rendez‑vous. Ses symptômes de claudication sont stables. Ses crampes nocturnes ne sont pas causées par sa maladie vasculaire périphérique. Possiblement son Lipitor […] ».

[42] Le requérant a affirmé qu’il ne peut pas travailler. Il a des troubles du sommeil. Il a affirmé que la médication qu’il prend fait ce qu’elle peut, mais que ce n’est pas suffisant. Jusqu’à [traduction] « un certain point, elle diminue la douleur », mais la douleur « est encore là ». Le requérant a affirmé qu’il se force pour marcher afin d’éviter de subir une autre crise cardiaque ou un AVC. Il marche et il utilise les escaliers et il pousse son charriot d’épicerie comme l’a recommandé son médecin, mais il a besoin de longues pauses de 15 minutes, et qu’il ressent des engourdissements, des picotements douloureux et de la rigidité dans les jambes. Quand ou si ses jambes deviennent mauves, il dit qu’il est supposé appeler le 911. Il se sent faible physiquement. Il aime et préfère travailler. Il ne peut pas faire l’entretien ménager, et ses amis et sa famille l’aident.

[43] J’ai examiné toute la preuve médicale et le témoignage du requérant. Le requérant a livré un témoignage honnête. J’accorde une grande importance à l’opinion du Dr Van au sujet de l’incapacité du requérant à travailler à compter d’avril 2018. L’opinion du Dr Van au sujet de l’incapacité du requérant à travailler a évolué après l’examen (qui expliquait les problèmes aux jambes du requérant qui avaient été traités auparavant par le médecin de famille comme des élongations musculaires). Les développements de l’information fournie au Dr Van expliquent l’évolution de son opinion. Le requérant avait la PVP, la MVP et une athérosclérose avancée.

[44] La lettre du Dr Van n’est toutefois pas parfaite. Le ministre a signalé (et je trouve cela étrange) que le Dr Van avait écrit que le requérant n’a [traduction] « pas de diabète, pas d’hypertension et pas de dyslipidémie » puisque dans la même lettre il mentionne : [traduction] « de plus, j’aimerais contrôler rigoureusement la tension artérielle du patient ainsi que le diabète et le cholestérol »Note de bas de page 34.

[45] Il se peut que les affirmations ne soient pas erronées du tout. Autrement dit, que le requérant n’a pas de diabète, d’hypertension ou de dyslipidémie, et que le Dr Van aimerait maintenir cela ainsi en [traduction] « contrôlant rigoureusement » ces aspects de la santé du requérant afin qu’ils ne deviennent pas un problème dans l’avenir. Je suppose que ce pourrait être parce que le Dr Van a confondu des patients dans ce rapport et que par conséquent, le rapport est en quelque sorte peu fiable. Cependant, compte tenu de l’affirmation claire formulée par le Dr Van au sujet des développements clés dans la situation médicale du requérant (les diagnostics qui expliquaient les problèmes aux jambes du requérant), je n’estime pas que l’affirmation du Dr Van au sujet de l’incapacité de travailler du requérant n’est pas fiable.

[46] Les rapports médicaux du requérant comprennent de multiples références au fait qu’il a été fumeur. Le ministre signale que des éléments de preuve semblent être contradictoires quant au moment où le requérant a arrêté de fumer. Par exemple, le Dr Pearce a écrit que le requérant a arrêté de fumer après sa crise cardiaqueNote de bas de page 35, mais cela ne concorde pas avec le rapport du Dr Van d’avril 2018, qui mentionnait que le requérant était non-fumeur [traduction] « depuis de nombreuses années ». Les deux rapports semblent ne pas concorder à cet égard, mais je ne peux pas déterminer, d’après la preuve dont je dispose, le moment exact où le requérant a arrêté de fumer et quel rapport est donc incorrect à cet égard. De plus, je n’ai pas assez d’information pour déterminer pourquoi un médecin ou l’autre détenait un fait erroné, qu’il s’agisse d’une erreur de transcription, ou que le médecin se soit fié à des renseignements incorrects, ou pour une autre raison.

[47] À mon avis, le requérant a démontré qu’il a un problème de santé grave. Il est atteint d’une coronaropathie et il a subi une crise cardiaque en 2017 qui a donné lieu à une chirurgie pour installer une endoprothèse. Le principal problème de santé qui l’empêche de travailler est l’athérosclérose avancée. J’accepte sa preuve selon laquelle les symptômes liés à ses jambes lui causaient de la difficulté lorsqu’il travaillait, mais qu’ils se sont aggravés après sa crise cardiaque. Ajoutés à son épuisement, la douleur, les engourdissements, les picotements et la raideur qu’il ressent aux jambes donnent lieu à d’importantes limitations pour s’asseoir pendant des périodes prolongées, se tenir debout ou marcher.

[48] J’accepte la preuve du Dr Van selon laquelle le requérant n’était plus capable de travailler en date de mars 2018. J’accepte la preuve du requérant selon laquelle les médicaments l’aident, mais n’ont pas permis d’améliorer ses capacités fonctionnelles. Dans le rapport médical du RPC du Dr Van, pendant le traitement, il semble que le Dr Van ait écrit la PVP et « avec la pentoxifylline » et « ne s’est pas améliorée »Note de bas de page 36.

[49] Le Dr Van n’a pas relevé les résultats des examens cardiaques (comme l’épreuve d’effort) comme étant la raison pour laquelle le requérant ne peut pas travailler. Lorsqu’il a reçu ces résultats, il a mentionné que le requérant pourrait travailler, avec certaines restrictions. Une fois que l’examen a ciblé la source et l’étendue des problèmes aux jambes du requérant, le Dr Van a mentionné que le requérant ne pouvait plus travailler.

[50] Le Dr Pearce continue de suivre le requérant. Le Dr Pearce n’a pas précisé si le requérant était capable ou non de travailler. J’estime que les médicaments ont aidé aux symptômes de claudication du requérant et que son état est « stable ». Je ne crois pas que le Dr Pearce utilise le mot « stable » pour dire que le requérant n’a plus de limitations fonctionnelles avec ses jambes qui interféreraient avec sa capacité de travailler. Ce que je comprends de l’utilisation du mot « stable » dans ce contexte, c’est qu’il signifie que les symptômes ne se détériorent pas étant donné que les améliorations se sont produites en mai 2018 tout juste après que le requérant a commencé à prendre les médicaments.

[51] Le Dr Pearce n’a pas soupesé du tout la capacité de travailler du requérant. Il a documenté les améliorations de l’état du requérant. Le requérant a reconnu que les médicaments l’ont aidé. J’accepte la preuve du Dr Pearce selon laquelle l’état du requérant s’est amélioré en mai 2018 après qu’il a commencé à prendre les médicaments, et que son état était stable en octobre 2018.

[52] J’accepte l’argument du requérant : un problème de santé qui s’est amélioré et stabilisé peut tout de même être (et c’est le cas en l’espèce) grave conformément au RPC. L’état ne s’est pas détérioré, mais cela signifie tout de même que le requérant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Les limitations fonctionnelles du requérant pour s’asseoir, se tenir debout et marcher, ajoutées à sa faiblesse et à son épuisement, signifient qu’il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La preuve du Dr Pearce ne nous dit pas que le requérant n’a pas ces limitations ou qu’il est capable de travailler.

[53] J’estime que les restrictions du requérant signifient qu’il ne peut pas exécuter aucun des emplois qu’il a détenus par le passé. Il aurait besoin d’alterner beaucoup trop entre les positions assise et debout et la marche pour accomplir ces emplois. Je considère qu’un travail sédentaire signifierait des barrières similaires en raison de ses restrictions physiques. De plus, sa situation personnelle (comme j’en ai discuté ci-dessus) signifie qu’il n’a pas de compétences transférables à un travail sédentaire, et il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’il se recycle.

Mesures raisonnables pour gérer son état de santé; n’a pas refusé de traitement

[54] Le requérant a pris des mesures raisonnables pour gérer son état de santé. Il n’a pas refusé de traitement.

[55] Les parties requérantes doivent démontrer qu’ils ont pris les mesures nécessaires pour gérer leurs problèmes de santéNote de bas de page 37. Si les parties requérantes refusent un traitement de façon déraisonnable, elles pourraient ne pas être admissibles à la pension d’invalidité (et les répercussions du traitement refusé sont pertinentes dans cette analyse)Note de bas de page 38.

[56] Le dossier montre clairement que le requérant avait de la douleur au bas du dos et aux jambes lorsqu’il travaillait comme chauffeur de camion. Il a modifié considérablement son horaire de travail et occupait seulement un travail saisonnier comme chauffeur afin d’essayer de gérer la douleur. Il a essayé de découvrir ce qui n’allait pas. J’accepte sa preuve selon laquelle son médecin lui avait dit qu’il avait des crampes aux jambes. Il a pris les médicaments qui lui avaient été prescrits pour soulager sa douleur, notamment du Tylenol 3.

[57] Après sa crise cardiaque, le requérant a subi une chirurgie (endoprothèse). Il a continué de consulter des spécialistes, et lorsque les nombreux symptômes qu’il a eus dans les jambes se sont intensifiés, il a passé un examen qui a donné lieu à un nouveau diagnostic.

[58] Les documents médicaux contiennent des exemples qui montrent que les médecins du requérant lui ont fait des recommandations concernant son mode de vie, y compris sur l’importance de faire de l’exercice. J’accepte le témoignage du requérant selon lequel il a suivi les conseils de ses médecins, et je ne vois aucun document dans le dossier qui constituerait une preuve selon laquelle le requérant aurait refusé un traitement de façon déraisonnable. Il y a une certaine confusion dans le dossier au sujet du moment précis où le requérant a arrêté de fumer, mais je suis convaincue qu’il a suffisamment géré son état.

L’invalidité est prolongée

[59] L’invalidité du requérant sera vraisemblablement d’une durée longue, continue et indéfinie. Cela signifie qu’elle est prolongée au sens du RPCNote de bas de page 39.

[60] Le requérant a des problèmes avec ses jambes depuis 2011. J’ai accepté la preuve du requérant sur l’impact limité des médicaments sur ses symptômes et sa capacité de travailler. Je suis donc convaincue que les symptômes qu’il a seront vraisemblablement longs et continus.

[61] Je suis convaincue que l’invalidité du requérant est vraisemblablement d’une durée indéfinie également. La représentante du requérant a fait valoir qu’il n’existe pas de remède pour le problème de santé du requérant. Le ministre n’a pas rejeté cette position. Le Dr Van a affirmé que le requérant ne pouvait plus travailler. La lettre du Dr Van ne précise pas que l’invalidité pourrait s’améliorer dans l’avenir, ou que le requérant est incapable de travailler seulement temporairement. J’accorde beaucoup de poids à cette lettre dans la conclusion selon laquelle le requérant s’est acquitté du fardeau de démontrer que son invalidité est vraisemblablement d’une durée indéfinie.

[62] Le rapport médical du RPC du Dr Van mentionne un [traduction] « éventuel pontage périphérique » dans l’avenir, et que le pronostic est [traduction] « bon si intervention chirurgicale pour la MVP ». Cependant, au moment de l’audience devant la division générale, il n’y avait aucune preuve selon laquelle le requérant était un candidat à cette chirurgie. D’autres examens étaient prévus pour lui. Il ne détenait aucune information au sujet du résultat probable d’une chirurgie qui ne lui avait pas encore été recommandée par son médecin.

[63] Le fait qu’une chirurgie soit possible et assortie d’un bon pronostic pour la PVP n’est pas suffisant pour que je puisse conclure que l’invalidité du requérant n’est probablement pas d’une durée indéfinie. Je n’ai pas de preuve démontrant quelles seront les limitations fonctionnelles si le requérant subit cette chirurgie, ou les répercussions sur sa capacité de travailler. En l’absence de ce type d’information, je suis convaincue, compte tenu de l’ensemble de la preuve, que le requérant a démontré que l’invalidité est vraisemblablement d’une durée indéfinie.

[64] Le requérant a prouvé qu’il avait une invalidité grave et prolongée dès avril 2018, lorsque le Dr Van a mentionné qu’il n’était plus capable de travailler. La PMA du requérant a pris fin seulement le 31 décembre 2019. Les versements commencent quatre mois après le début de l’invaliditéNote de bas de page 40, ce qui signifie que les paiements commencent en août 2018.

Conclusion

[65] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant est admissible à une pension d’invalidité au titre du RPC.

 

Date de l’audience :

Le 5 novembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

Nadia Bruno, représentante de l’appelant

Susan Johnstone, représentante de l’intimé

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