Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[2] La requérante est une femme de 43 ans qui a travaillé dans le domaine des ventes toute sa vie. Elle a arrêté de travailler le 22 décembre 2016 en raison d’une dépression, d’anxiété et de migraines. À l’audience, elle a déclaré que le problème qui l’empêchait de travailler n’était pas son anxiété, mais bien sa dépression. Son employeur lui verse actuellement des prestations d’invalidité de longue durée. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 28 décembre 2017. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, la requérante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. J’estime que la PMA de la requérante prend fin le 31 décembre 2019.

Questions en litige

[4] La dépression de la requérante a-t-elle entraîné chez cette dernière une invalidité grave dans une mesure où elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice le 31 décembre 2019?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de la requérante était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie en date du 31 décembre 2019?

Analyse

[6] Une personne est considérée comme invalide si elle est atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Il incombe à la requérante de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère. Ainsi, si la requérante ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

Il n’y a aucune preuve objective à l’appui d’une invalidité grave

[7] La requérante a déclaré qu’elle était incapable de fonctionner, qu’elle se sentait repliée sur elle-même et que la communication entre elle et ses amis était très minimale. Elle a fourni certains éléments de preuve. Cependant, une preuve substantielle ne suffit pas à démontrer qu’elle est atteinte d’une invalidité grave qui l’empêcherait d’exercer toute occupation véritablement rémunératrice.

[8] Je suis d’accord avec les observations du ministre selon lesquelles il n’y a pas d’éléments de preuve clinique supplémentaires démontrant un état mental grave, un traitement ou des soins actifs réguliers prodigués par un psychiatre. Le ministre ne peut pas conclure que la requérante est atteinte d’une invalidité en raison d’un problème de santé mentale, et je ne suis pas non plus en mesure de le faire.

[9] Une requérante ou un requérant doit fournir une preuve médicale objective de son invaliditéNote de bas de page 2.

[10] Dans l’arrêt MDRH c Angheloni, 2003 CAF 140, l’on fait mention d’une preuve objective comme « oppos[ant] peut-être les preuves [...] “objectives” aux éléments de preuve subjective soumis par la défenderesse elle-même ». L’arrêt Angheloni se poursuit en jugeant que « [l]es souffrances de la défenderesse ne constituent cependant pas un élément sur lequel repose le critère de l’“invalidité” ».

[11] La requérante a fait état d’une dépression débilitante qui l’a contrainte à cesser de travailler le 22 décembre 2016. À l’audience, elle a refusé de dire ce qui avait causé la dépression, mais a admis qu’il s’agissait de problèmes personnels. Elle a déclaré qu’elle essayait maintenant de faire face, mentalement, à la situation. Dans son questionnaire daté du 28 décembre 2017, elle note que cela a commencé trois semaines avant qu’elle ne quitte le travail. Son médecin de famille, le Dr Greenwood, a noté dans son rapport médical du 12 février 2018 qu’elle a eu une rupture conjugale en novembre 2015 qui a causé la dépression. Elle a déclaré que l’incident qui lui avait fait quitter son travail n’était pas résolu.

[12] Elle a vu une psychologue, Suzanne Dumais, du 1er février 2017 au 1er juillet 2017. Elle ne l’a jamais revue par la suite. Elle a déclaré qu’elle avait déménagé à cette époque et avait cessé de voir Mme Dumais. Les dossiers ou les notes de Suzanne Dumais n’ont pas été fournis en preuve.

[13] La requérante n’a pas cherché de traitement pendant un an et demi. Dans l’intervalle, elle a suivi une « thérapie par la parole » avec le Dr Greenwood, son médecin de famille. Dans son questionnaire de décembre 2017, elle note que pendant qu’elle reçoit de l’aide du Dr Greenwood, celui-ci aimerait qu’elle voie un thérapeute. Elle ne voyait pas de thérapeute à ce moment-là et n’a pas cherché à en trouver un autre pendant près d’un an. Elle n’est pas non plus retournée voir Suzanne Dumais.

[14] La requérante a fait une surdose en septembre 2018 en prenant les médicaments antidouleur qui lui avaient été prescrits pour une douleur au cou. À l’époque, elle prenait également de l’Ativan pour son anxiété. Elle a déclaré qu’elle avait fait une surdose en raison d’une dépression et qu’elle voulait juste dormir. Aucune preuve médicale n’a été fournie pour expliquer la raison de la surdose, sa gravité ou ses conséquences. Elle n’a pas passé la nuit à l’hôpital.

[15] C’est en septembre 2018, presque deux ans après avoir quitté son travail, qu’elle a enfin vu la psychologue clinicienne Shelagh Jamieson. Compte tenu du moment, il est raisonnable de penser qu’on l’ait envoyée consulter la Dre Jamieson en raison de la surdose dont elle a été victime. La lettre de la Dre Jamieson datée du 13 juin 2019Note de bas de page 3 indique qu’elle a vu la requérante [traduction] « à plusieurs reprises depuis septembre 2018 ». Ses notes complémentaires révèlent qu’elle n’a vu la requérante que quatre fois au cours de ces dix mois : en septembre 2018, en février 2019, en mai 2019 et en juin 2019. Je ne considère pas que quatre rendez-vous en dix mois puissent être qualifiés de [traduction] « à plusieurs reprises ». La Dre Jamieson a indiqué qu’elle était atteinte d’un trouble dépressif majeur grave, et on lui a conseillé de suivre un traitement psychologique plus continu et plus intensif pour traiter sa dépression. Le diagnostic de la médecin était principalement fondé sur des tests qui s’appuient sur les déclarations de la patiente, c’est-à-dire la requérante.

[16] Les notes du Dr Greenwood datant de juillet 2019 indiquent qu’elle voit un psychologue tous les mois, probablement la Dre Jamieson, puisqu’elle ne voyait aucun autre psychologue à ce moment-là. La Dre Jamieson n’a traité la requérante que six fois depuis 2018, et non sur une base mensuelle. La Dre Jamieson indique une séance supplémentaire le 31 octobre 2019 en raison d’une [traduction] « humeur maussade ». La requérante a déclaré lors de l’audience de mars 2020 qu’après octobre 2019, elle a revu la Dre Jamieson une fois de plus en novembre ou en décembre 2019. Elle ne l’a pas revue depuis.

[17] Rien n’indique qu’elle a des rendez-vous mensuels avec la Dre Jamieson. La requérante a déclaré qu’elle essayait de la voir tous les deux mois, mais qu’elle n’avait pas de rendez-vous prévu. Elle a affirmé que cela est attribuable à l’horaire de travail et aux finances de son mari. Cela démontre soit un problème de santé qui ne nécessite pas de traitement régulier, soit le fait qu’elle ne se conforme pas aux recommandations de la Dre Jamieson concernant un traitement continu et intensif.

[18] Le Dr Greenwood a noté en septembre 2019Note de bas de page 4 que son trouble dépressif majeur sévère est résistant au traitement d’une psychologue clinique. Six rendez-vous en un an et demi ne constituent pas un traitement agressif. Il n’y a pas non plus d’élément de preuve objective provenant de la Dre Jamieson et à l’appui du fait que la requérante s’est montrée résistante au traitement. Les notes cliniquesNote de bas de page 5 du Dr Greenwood en mars, en avril, en juillet et en novembre 2019 font état d’incidents liés à la dépression situationnelle liée à un décès dans la famille et à des problèmes de confiance de son mari.

[19] Malgré l’opinion de la Dre Jamieson selon laquelle elle était atteinte d’un trouble dépressif majeur grave, et malgré le pronostic réservé du Dr Greenwood et sa recommandation qu’elle fasse plus de séances de thérapie, la requérante n’a pas fait l’objet d’une gestion de crise, d’une intervention psychiatrique régulière ou de soins psychologiques intensifs.

[20] À ce jour, la requérante n’a reçu aucun traitement continu et intensif de la part de la Dre Jamieson ou de toute autre personne.

[21] Elle a déclaré avoir dit au Dr Greenwood, il y a un an, qu’elle n’avait plus besoin de prendre de l’Ativan pour son anxiété. En novembre 2019, elle n’a qu’une seule prescription, soit pour du lorazépam 1 mg (qui peut être pour l’anxiété ou le sommeil), prescrit par le Dr Greenwood avant de prendre sa retraite en décembre 2019, et ce n’était que pour 30 pilules. Elle n’a reçu aucune autre prescription.

[22] La requérante a déclaré qu’elle ne prenait aucun médicament pour sa dépression.

[23] L’absence de traitement régulier continu, d’intervention psychiatrique ou d’antidépresseurs n’indique pas qu’elle est atteinte d’une maladie mentale grave.

La requérante n’a pas respecté le traitement et a peut-être retardé son retour au travail

[24] La requérante n’a pas cherché à suivre un traitement psychologique continu et intensif comme le conseillait la Dre Jamieson et pourrait donc avoir prolongé la résolution de son état de santé et retardé son retour au travail.

[25] Je dois évaluer la gravité du critère dans un contexte réalisteNote de bas de page 6. Cela signifie que pour décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[26] La requérante est une jeune femme ayant plus de 20 ans devant elle avant l’âge de la retraite. Son âge, ses compétences linguistiques (elle parle couramment l’anglais) et son niveau d’études (elle a terminé sa 12e année d’études secondaires) ne l’empêcheraient pas de trouver un emploi convenable ou de se recycler. Elle a occupé pendant de nombreuses années des postes dans le domaine de la vente pour diverses entreprises. Elle a également dirigé une entreprise de nettoyage de maisons avec son mari pendant deux ans, de 2012 à 2014. Ils ont fermé l’entreprise parce que, comme l’a déclaré la requérante, le fait de jongler avec ses trois enfants, de s’occuper du ménage tout en ayant ce travail était trop demandant. Elle possède une variété de compétences transférables.

[27] Avant que la Dre Jamieson fournisse son avis en 2018, aucune preuve n’avait été fournie pour indiquer pourquoi la requérante était incapable de travailler en raison de sa santé mentale. Aucune preuve médicale n’a été fournie concernant ses traitements auprès de Suzanne Dumais, ses progrès en matière de traitement ou son état de santé à partir du moment où elle a quitté son travail. Par conséquent, il n’existe aucune preuve médicale indiquant sa capacité à travailler avant, pendant ou après avoir reçu les traitements de Mme Dumais. Le rapport médical du Dr Greenwood daté du 12 février 2018 ne fournit pas de détails sur son traitement à l’époque ni sur sa capacité à travailler.

[28] Seule la Dre Jamieson a fait mention de sa capacité à travailler. En juin 2019, elle a écrit qu’on déconseillait à la requérante de retourner au travail dans un avenir prévisible et qu’on lui conseillait de suivre un traitement psychologique de façon plus continue et plus intensive afin de traiter la dépression et l’anxiété. L’opinion de la Dre Jamieson implique qu’elle pourra peut-être retourner au travail une fois qu’elle aura reçu le traitement.

[29] Le contexte « réaliste » suppose aussi que le Tribunal se demande si le refus de la requérante de suivre des traitements est raisonnable et quelle incidence ce refus pourrait avoir sur l’état d’incapacité de la requéranteNote de bas de page 7.

[30] La requérante a déclaré qu’elle ne voyait la Dre Jamieson que tous les quelques mois lorsqu’elle pouvait obtenir un rendez-vous et qu’elle ne la voyait plus en raison de l’horaire de travail et des finances de son mari. Elle a déclaré qu’elle payait pour les services de la Dre Jamieson par le biais des prestations de son mari. J’accepte que les prestations soient généralement minimes. Les finances sont une véritable préoccupation pour beaucoup de gens. Cependant, il existe des traitements disponibles dans les centres communautaires et d’autres traitements financés par les soins de santé provinciaux. Rien n’indique qu’elle ait demandé à la Dre Jamieson ou au Dr Greenwood de lui recommander des options de traitement qui conviendraient à son budget. En ce qui concerne l’horaire de travail de son mari, la requérante n’a fourni aucune preuve quant à la manière dont son horaire de travail irrégulier affectait sa capacité à se rendre à un rendez-vous régulier. Ses enfants ont 19, 16 et 14 ans, et elle a déclaré qu’ils prennent soin d’eux-mêmes. Elle a également déclaré qu’elle ne voyait pas la Dre Jamieson régulièrement parce qu’il y a généralement peu de rendez-vous de disponibles à l’horaire de sa médecin. Ce n’est pas une excuse acceptable. La Dre Jamieson a recommandé des traitements réguliers et intensifs. Il est donc tout à fait raisonnable de penser que la médecin fixerait des rendez-vous réguliers pour la requérante.

[31] Dans un contexte réaliste, son non-respect des traitements est déraisonnable. Elle aurait peut-être pu améliorer son état et éventuellement reprendre le travail si elle avait suivi les recommandations de la Dre Jamieson et si elle avait fixé des rendez-vous pour suivre des traitements réguliers et intensifs.

[32] Je reconnais que la requérante est atteinte de dépression en raison de problèmes familiaux, comme elle l’a déclaré. Cependant, elle ne prend actuellement aucun médicament contre la dépression et ne reçoit aucun traitement psychologique régulier ou intensif.

[33] Je conclus que la requérante n’a pas prouvé qu’elle est atteinte d’un problème de santé grave qui la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

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