Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – La requérante a commencé à recevoir une pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC) en 2014. En 2018, elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC mais le ministre l’a refusée puisqu’il était trop tard selon les règles du RPC pour annuler sa pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité. Devant la division générale (DG), le ministre a soutenu que la requérante devait non seulement être exclue du bénéfice des prestations d’invalidité « régulières », mais aussi de la nouvelle prestation d’invalidité après-retraite (PIAR). La DG a rendu une décision en conséquence, estimant que la requérante ne pouvait pas annuler sa pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité et a rejeté sommairement l’appel. La question de la PIAR n’avait pas été examinée dans la décision de révision faisant l’objet de l’appel. La DA a déterminé que la DG avait outrepassé sa compétence en abordant l’admissibilité de la requérante à la PIAR. La requérante a demandé la PIAR beaucoup plus tard en janvier 2019 et n’a pas encore reçu de décision du ministre à ce sujet. Par conséquent, il n’y avait aucune décision de révision portant spécifiquement sur la PIAR que la requérante aurait pu porter en appel. La DA a reconnu que le ministre demande maintenant aux requérants d’utiliser le même formulaire pour la pension d’invalidité et la PIAR. Cela ne signifie pas que la PIAR soit la même prestation ou qu’une décision sur l’admissibilité à la PIAR ne soit pas nécessaire. La PIAR est une prestation distincte des prestations d’invalidité « régulières », et une décision sur l’admissibilité aux prestations d’invalidité n’est pas nécessairement déterminante de l’admissibilité à la PIAR. On ne peut pas supposer qu’une décision de révision concernant la pension d’invalidité s’applique également à la PIAR. En l’espèce, par exemple, le motif pour lequel la pension d’invalidité a été refusée n’empêche peut-être pas automatiquement la requérante d’être admissible à la PIAR. La DA a accueilli l’appel et a modifié la décision de la DG afin qu’elle reflète le fait que la DG n’avait pas compétence pour trancher la question de l’admissibilité de la requérante à la PIAR.

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale n’avait pas compétence sur la question d’admissibilité à la prestation d’invalidité après-retraite (PIAR). Je vais donc modifier la décision de la division générale pour refléter cela.

Aperçu

[2] M. L. (requérante) a commencé à recevoir sa pension de retraite du Régime de pensions du Canada (RPC) en septembre 2014. Au début de 2018, elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. Service Canada a rejeté la demande parce qu’il était trop tard pour que la requérante puisse annuler sa pension de retraite afin de la remplacer par une pension d’invalidité. Service CanadaNote de bas page 1 a rejeté la demande de révision de la requérante pour la même raison, en septembre 2018.

[3] La requérante a interjeté appel de cette décision découlant d’une révision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale en novembre 2018. Le ministre a soutenu que l’appel de la requérante devait être rejeté sur la base de l’admissibilité à la pension d’invalidité de même que de l’admissibilité à la PIAR. La division générale en a convenu. La division générale a déterminé que la requérante ne pouvait pas annuler sa pension de retraite afin de la remplacer par une pension d’invalidité, et qu’elle n’était pas admissible à la PIAR.

[4] La requérante a ensuite interjeté appel à la division d’appel, en soulignant qu’elle n’avait pas reçu de décision de Service Canada concernant sa demande de PIAR. Elle a demandé pourquoi on ne lui avait pas donné la chance d’interjeter appel d’une telle décision et pourquoi la division générale avait [traduction] « présumé arbitrairement qu’elle avait le pouvoir de décider de son admissibilitéNote de bas page 2 ». Ainsi, la requérante a soulevé la question de savoir si la division générale avait excédé sa compétence. J’ai conclu que la division générale avait effectivement excédé sa compétence en déterminant l’admissibilité de la requérante à la PIAR.

Question en litige

[5] La requérante accepte la décision de la division générale selon laquelle il était trop tard pour annuler sa pension de retraite et la remplacer par une pension d’invalidité. La question en litige dans le cadre de cet appel est celle de savoir si la division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle a déterminé l’admissibilité de la requérante à la PIAR.

Analyse

[6] Un des moyens d’appel devant la division d’appel est le suivant : la division générale « a […] excédé ou refusé d’exercer sa compétenceNote de bas page 3 ».

[7] La division générale a supposé qu’elle avait compétence sur la PIAR. Le paragraphe 9 de la décision de la division générale énonce ce qui suit :

La PIAR n’a pas été abordée dans la décision découlant de la révision de l’intimé qui a entraîné cet appel. Toutefois, l’intimé a fait mention de cette prestation dans ses observations du 11 janvier 2019. Compte tenu de ces observations et de l’absence d’un argument à l’effet contraire, je présume avoir le pouvoir de juger de l’admissibilité de la requérante à la PIAR.

La compétence de la division générale est limitée aux appels sur les décisions découlant d’une révision.

[8] La compétence du Tribunal (son pouvoir de trancher certaines questions) lui vient de la loi. Le Régime de pensions du Canada donne au Tribunal la compétence sur les appels qu’interjettent les parties de certaines décisions rendues par le ministreNote de bas page 4 :

82 La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l’article 81, notamment une décision relative au délai supplémentaire, ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale, constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social. [mis en évidence par la soussignée]

[9] La décision rendue par le ministre « en application de l’article 81 » est sa décision découlant de la révision. Cette section donne à une partie requérante le droit de demander et de recevoir une décision découlant d’une révision du ministreNote de bas page 5 si elle n’est pas satisfaite d’une décision initiale concernant une demande de prestationsNote de bas page 6.

[10] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) donne à la division générale du Tribunal le pouvoir de trancher les appels des décisions découlant d’une révision du ministreNote de bas page 7.

Il n’y avait aucune décision découlant d’une révision portant précisément sur la PIAR.

[11] La PIAR est une nouvelle prestation qui est devenue disponible le 1er janvier 2019. La requérante n’a pas, et n’aurait pas pu, demander la PIAR lorsqu’elle a fait sa demande de pension d’invalidité au début de 2018, car la PIAR n’existait pas à l’époque. La décision découlant d’une révision de septembre 2018 précise que la demande de prestations d’invalidité du RPC de la requérante a été rejetée parce que la requérante a fait sa demande plus de 15 mois après avoir commencé à toucher sa pension de retraite du RPC. Elle ne fait aucune mention de la PIAR.

[12] La requérante a demandé la PIAR en janvier 2019. Elle n’a pas reçu de décision de Service Canada en réponse à cette demande. Sans décision initiale, elle ne pouvait pas demander ou recevoir une décision découlant d’une révision en application de l’article 81. Par conséquent, il n’y avait aucune décision découlant d’une révision portant précisément sur la PIAR par rapport à laquelle la requérante pouvait interjeter appel devant la division générale.

Le ministre n’a pas présuméNote de bas page 8 ses observations comme étant sa décision découlant d’une révision.

[13] Si la requérante avait demandé à la division générale d’ajouter la question de la PIAR à son appel existant, le ministre aurait pu présumer ses observations comme étant sa décision initiale et sa décision découlant d’une révision concernant la PIAR, avec l’accord de la requérante. Toutefois, la requérante n’a pas mentionné qu’elle souhaitait que la division générale aborde la question de la PIAR et de toute façon, la division générale n’a pas proposé cette option aux parties. Par conséquent, il n’y avait aucune décision découlant d’une révision présumée concernant la PIAR dans le cadre de l’appel à la division générale.

La décision découlant d’une révision de 2018 ne couvrait pas ou n’abordait pas implicitement la question de la PIAR.

[14] La représentante du ministre affirme que la division générale a agi dans les limites de sa compétence lorsqu’elle a déterminé l’admissibilité de la requérante à la PIAR. Pour appuyer cette affirmation, elle a expliqué pourquoi la décision découlant d’une révision de 2018 n’abordait pas la question de la PIAR :

  • la décision découlant d’une révision a été rendue avant l’entrée en vigueur de la PIAR;
  • la décision découlant d’une révision a été rendue avant que la requérante présente une demande de PIAR;
  • le rejet de la demande de pension d’invalidité de la requérante en 2018 a rendu la requérante inadmissible à la PIAR, car l’admissibilité à la PIAR dépend de l’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC.

[15] La raison pour laquelle la décision découlant d’une révision n’abordait pas la question de la PIAR n’est pas pertinente à la question de savoir si le ministre a rendu une décision concernant la PIAR « en application de l’article 81 », et si la requérante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal.

[16] La représentante du ministre semble laisser entendre qu’une décision découlant d’une révision distincte n’est pas requise pour la PIAR, en raison de son rapport étroit avec la pension d’invalidité. Elle décrit la PIAR comme [traduction] « n’étant pas une prestation distincte de la pension d’invalidité du RPC » et comme étant [traduction] « un sous-ensemble de prestations d’invalidité du RPC ». Elle a mis l’accent sur le fait qu’une [traduction] « partie demanderesse qui n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC n’est pas admissible à une PIARNote de bas page 9 ». Je crois que la représentante du ministre soutient qu’une décision concernant une pension d’invalidité couvre automatiquement ou implicitement la question de l’admissibilité à la PIAR.

[17] Le Tribunal devrait adopter une approche globale à l’égard de sa compétence, dans les limites de la loiNote de bas page 10, pour gérer les appels de manière équitable et efficace. Les décisions découlant d’une révision ne sont pas toujours détaillées, et il est parfois nécessaire de prendre en considération les demandes et décisions sous-jacentes pour déterminer la portée de la révisionNote de bas page 11. Toutefois, je ne peux pas accepter que la décision découlant de la révision concernant cet appel couvre ou aborde implicitement la question de l’admissibilité à la PIAR.

[18] Je suis consciente du fait que Service Canada demande maintenant aux gens d’utiliser le même formulaire pour la pension d’invalidité et la PIARNote de bas page 12. Cela ne signifie pas que la PIAR est la même prestation ou qu’une décision relative à l’admissibilité propre à la PIAR n’est pas requise. L’article 44 énumère les différentes prestations à verser en application du Régime de pensions du Canada. Dans cet article, la PIAR est distincte de la pension d’invalidité ainsi que des autres prestations disponiblesNote de bas page 13. Certains des critères d’admissibilité diffèrentNote de bas page 14. De plus, le montant de la PIAR est calculé différemment du montant de la pension d’invaliditéNote de bas page 15.

[19] L’admissibilité et l’inadmissibilité à la pension d’invalidité et à la PIAR ne vont pas de pair. Une personne ne peut pas recevoir les deux prestations en même temps. Une personne qui est inadmissible à une pension d’invalidité pourrait être admissible ou inadmissible à une PIAR. Il est vrai qu’une personne qui n’est pas atteinte d’une invalidité ne pourrait recevoir ni l’une ni l’autre des prestationsNote de bas page 16. Par contre, si une personne est inadmissible à la pension d’invalidité pour d’autres raisons, il se pourrait qu’elle soit admissible à la PIAR si elle satisfait à toutes les exigences.

[20] La représentante du ministre a tort d’affirmer que puisque la demande de pension d’invalidité de la requérante a été rejetée, la requérante n’est pas admissible à la PIAR. Service Canada a rejeté la demande de prestations d’invalidité de 2018 de la requérante, car celle-ci recevait déjà une pension de retraite et qu’elle ne pouvait pas l’annuler. Cela ne l’a pas rendue inadmissible à la PIAR. Le fait de recevoir une pension de retraite est en fait l’une des exigences pour obtenir une PIARNote de bas page 17. Le ministre a en fait dit à la division générale que la requérante n’était pas admissible à la PIAR pour une raison complètement différenteNote de bas page 18.

[21] Pour résumer, la PIAR est une prestation distincte, et une décision relative à la pension d’invalidité ne permet pas nécessairement de déterminer l’admissibilité à la PIAR. On ne peut pas supposer qu’une décision découlant d’une révision concernant la pension d’invalidité comprend aussi la PIAR. De plus, dans le cas de cet appel en particulier, la décision découlant d’une révision n’aurait pas pu comprendre une décision implicite concernant la PIAR : la raison pour laquelle la pension d’invalidité a été refusée n’exclut pas l’admissibilité à la PIAR, et la PIAR n’existait pas au moment où la décision a été rendue.

La division générale a excédé sa compétence.

[22] La décision découlant d’une révision de septembre 2018 que la requérante a porté en appel devant la division générale portait sur le refus d’une pension d’invalidité. Comme il a été expliqué précédemment, cette décision découlant d’une révision n’a pas abordé explicitement ou implicitement l’admissibilité de la requérante à la PIAR. Aucune décision présumée ou autre décision découlant d’une révision ne porte sur l’admissibilité de la requérante à la PIAR. Puisque la compétence de la division générale sur les questions liées au RPC se limite aux appels concernant les décisions du ministre découlant d’une révision, je conclus que la division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle s’est prononcée sur l’admissibilité de la requérante à la PIAR.

Réparation

[23] Lorsque la division générale commet une erreur de compétence, la division d’appel peut (entre autres) modifier la décision de la division générale. Il s’agit de la réparation la plus efficace dans le cadre de cet appel.

[24] Je vais modifier la décision de la division générale afin de retirer toutes les références à l’admissibilité de la requérante à la PIAR. Plus précisément, je vais retirer le bout de phrase qui dit « 2) la requérante ne satisfait pas aux exigences d’admissibilité pour la prestation d’invalidité après-retraite (PIAR) » au paragraphe 3 ainsi que les paragraphes 9, 10 et 11 de la décisionNote de bas page 19.

[25] Quelles sont les conséquences pratiques de ma décision? La requérante a présenté une demande de PIAR en janvier 2019. La seule chose qu’elle a reçue de Service Canada en réponse à sa demande est une copie de la décision de la division générale, en novembre 2019. Elle a droit à une décision initiale du ministreNote de bas page 20 concernant sa demande de PIAR, qui ne tient pas compte de la décision initiale de la division générale, ou qui ne s’appuie pas sur celle-ci. La requérante aura accès aux recours habituels (révision du ministre suivie d’un appel devant le Tribunal) si elle n’est pas satisfaite de la décision et si elle souhaite poursuivre cette affaire.

[26] La représentante du ministre a suggéré de procéder à une conférence préparatoire afin d’examiner de plus près les exigences d’admissibilité à la PIAR avec la requérante. Cette affaire est maintenant entre la requérante et le ministre. J’encourage la représentante du ministre à discuter des exigences relatives à la PIAR avec la requérante dans le cadre de sa réponse à sa demande en suspens.

Conclusion

[27] L’appel est accueilli. Je vais modifier la décision de la division générale afin de refléter le manque de compétence sur la question de l’admissibilité à la PIAR.

[28] Le bout de phrase « 2) la requérante ne satisfait pas aux exigences d’admissibilité pour la prestation d’invalidité après-retraite (PIAR) » au paragraphe 3 et les paragraphes 9, 10 et 11 ont été supprimés de la décision.

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Comparutions :

M. L., appelante
Sarah Rooney, représentante de l’intimé

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