Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] La division générale a commis une erreur de droit. La division d’appel rend la décision que la division générale aurait dû rendre. Le requérant est admissible à une pension d’invalidité.

Aperçu

[3] D. F. (requérant) a terminé sa 12e année. Il a occupé pendant plusieurs années des emplois dangereux pour des installations de forage pétrolier. Ses derniers revenus déclarés remontent à 2003.

[4] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en 2012. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. Le requérant a présenté une nouvelle demande de pension d’invalidité en 2017. Il affirme qu’il est invalide à cause d’une maladie hépatique. Il a également été victime de plusieurs accidents et s’est fracturé de nombreux os dans tout son corps.

[5] Le ministre a rejeté la demande de prestations d’invalidité de 2017. Le requérant a interjeté appel de la décision du ministre devant le Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a conclu que le requérant avait conservé une capacité de travailler après la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA –la date à laquelle une partie requérante doit être déclarée invalide pour toucher la pension d’invalidité).

[6] La permission d’en appeler de cette décision a été accordée au motif que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en ne tenant pas compte de la douleur du requérant. J’ai examiné les documents présentés au Tribunal, les observations écrites des parties et la décision de la division générale. La division générale n’a pas tenu compte de toutes les circonstances personnelles du requérant. Il s’agit d’une erreur de droit. Par conséquent, l’appel est accueilli. La division d’appel rend la décision que la division générale aurait dû rendre : le requérant est devenu invalide avant la fin de la PMA. Il est admissible à la pension d’invalidité.

Question préliminaire

[7] Lorsque la permission d’en appeler a été accordée, une date a été fixée pour une audience orale de l’appel. Cependant, le ministre a par la suite écrit au Tribunal et a convenu que la division générale avait commis une erreur prévue par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) et que le requérant était invalide avant la fin de la PMA.

[8] Comme les questions juridiques n’étaient plus en litige, l’audience orale a été annulée. La décision est fondée sur les documents présentés au Tribunal.

Question en litige

[9] La division générale a-t-elle commis l’une des erreurs suivantes prévues par la Loi sur le MEDS?

  1. elle n’a pas tenu compte du témoignage du requérant au sujet de sa douleur ni de la déclaration de son médecin en 2006 selon laquelle il ne lui restait qu’environ deux ans à vivre;
  2. la membre de la division générale n’avait pas une formation médicale suffisante;
  3. elle a fondé sa décision sur le manque de preuve médicale datant de l’époque de la PMA;
  4. elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante en concluant que le requérant avait la capacité de se recycler.

Analyse

[10] La Loi sur le MEDS régit le fonctionnement du Tribunal. Elle fournit des règles pour les appels devant la division d’appel. Un appel n’est pas une nouvelle audience de la demande originale. Je dois plutôt déterminer si la division générale :

  1. a négligé d’offrir un processus équitable;
  2. a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

L’appel est examiné dans ce contexte.

Défaut de tenir compte de la douleur ou de la situation personnelle du requérant

[11] La Cour d’appel fédérale a statué que pour déterminer si une partie requérante est invalide, la division générale doit tenir compte de tous ses problèmes de santé, et non seulement de ceux qui sont les plus importantsNote de bas de page 2. Le requérant soutient que la division générale n’a pas fait cela parce qu’elle n’a pas tenu compte de l’incidence de sa douleur permanente sur sa capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Dans sa demande de pension d’invalidité, le requérant a écrit qu’il souffrait [traduction] d’« arthrite migratoire » et que ses muscles étaient si douloureux qu’il pleurait lorsqu’il bougeaitNote de bas de page 3. La décision de la division générale ne fait pas référence à l’arthrite ou à la douleur du requérant. Par conséquent, la division générale n’a pas pris en considération ce problème de santé. Il s’agit d’une erreur de droit sur la base de laquelle l’appel doit être accueilli.

[12] La Cour fédérale d’appel a également établi que pour déterminer si une partie requérante est invalide, la division générale doit aussi prendre en considération sa situation particulière, notamment son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vieNote de bas de page 4. Cela est énoncé dans la décision et certaines des circonstances personnelles du requérant ont été prises en considérationNote de bas de page 5. La division générale a tenu compte du fait que le requérant était âgé de 54 ans à la fin de la PMA, qu’il avait terminé ses études secondaires et qu’il avait reçu une formation de chimiste de son employeur. C’est à la lumière de ces renseignements que la division générale a conclu que le requérant avait la capacité de se recycler en vue d’un emploi adapté à ses limitationsNote de bas de page 6. Cependant, cette conclusion est erronée parce qu’elle n’est pas fondée sur la prise en compte de tous les problèmes de santé du requérant. Étant donné que la division générale a omis de tenir compte de la douleur du requérant, elle n’a pas non plus tenu compte de l’incidence de celle-ci sur la capacité du requérant à se recycler en vue d’un autre emploi. Cette erreur exige aussi que l’appel soit accueilli.

Autres moyens d’appel

[13] Le requérant a invoqué plusieurs autres moyens d’appel. Toutefois, parce que j’ai décidé que l’appel doit être accueilli pour les motifs énoncés ci-dessus, je n’ai pas besoin de les prendre en considération à ce moment-ci.

Réparation

[14] La Loi sur le MEDS prévoit les réparations que la division d’appel peut accorder lorsqu’un appel est accueilliNote de bas de page 7. Il convient que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre en l’espèce pour les raisons suivantes :

  1. les faits ne sont pas contestés;
  2. le dossier est complet;
  3. le requérant soutient être devenu invalide avant la fin de sa PMA et le ministre est d’accord;
  4. la Loi sur le MEDS prévoit que le Tribunal peut trancher des questions de droit et de fait nécessaires pour statuer sur un appelNote de bas de page 8;
  5. le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale exige que l’appel se déroule de la manière la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 9;
  6. le requérant a demandé une pension d’invalidité il y a presque trois ans et un délai supplémentaire s’ajouterait si l’affaire était renvoyée à la division générale aux fins de réexamen.

Les faits

[15] Les faits ne sont pas contestés. Ils sont exposés en détail dans les documents présentés au Tribunal. Ils se résument comme suit :

  1. le requérant a terminé ses études secondaires;
  2. le requérant a occupé pendant plusieurs années des emplois dangereux pour des installations de forage pétrolier;
  3. le requérant a été gravement blessé dans un accident à l’âge de 19 ans;
  4. le requérant a aussi été blessé à plusieurs reprises en travaillant et s’est cassé de nombreux os;
  5. le requérant a reçu un diagnostic d’hépatite C et de cirrhose et souffre d’autres troubles de santé qui interfèrent avec le traitement de son hépatite C;
  6. le requérant souffre de douleurs arthritiques constantes et prend des narcotiques pour les soulager;
  7. le requérant était travailleur indépendant lorsqu’il a travaillé pour la dernière fois pour des installations de forage pétrolier et ses derniers revenus d’emploi déclarés remontent à 2003;
  8. la PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2006;
  9. le requérant a essayé de travailler après décembre 2006 et il pouvait travailler tout au plus une heure par jour en échange du gîte et du couvert;
  10. en octobre 2010, le Dr Suske a signalé que le requérant souffrait d’une hépatite C grave depuis quatre ans ainsi que d’une cirrhose grave et d’arthrite grave depuis trois ans.

Analyse

[16] Une partie requérante est invalide au titre du Régime de pensions du Canada si elle est atteinte d’une invalidité grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si la partie requérante est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 10. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinieNote de bas de page 11.

[17] L’invalidité du requérant est grave. Le Dr Suske a signalé en 2010 que le requérant souffrait d’une hépatite C grave depuis quatre ans. En conséquence, il est fatigué et incapable de faire beaucoup de choses. De plus, le requérant a un certain nombre de limitations physiques. Il a été paralysé à l’âge de 19 ans et s’est cassé de nombreux os lors de différents accidents. Il a travaillé depuis cette époque malgré des douleurs constantes et croissantes. Il devait prendre des narcotiques pour soulager ses douleurs. Ces problèmes de santé étaient présents avant la fin de la PMA et ont eu une incidence sur la capacité du requérant de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[18] J’accorde du poids au témoignage du requérant selon lequel il ne savait pas pourquoi il avait écrit dans sa demande qu’il ne pouvait plus travailler en 2009 ou 2010. Je me fie au registre des gains. Selon celui-ci, le requérant n’a pas touché de salaire véritablement rémunérateur depuis 2003Note de bas de page 12. C’était avant la fin de la PMA.

[19] Je dois aussi tenir compte de la situation personnelle du requérantNote de bas de page 13. Le requérant avait seulement 54 ans à l’échéance de la PMA. Il a un diplôme d’études secondaires. Ces facteurs auraient des conséquences défavorables sur sa capacité à obtenir un emploi qui n’est pas exigeant physiquement. Le requérant a travaillé de nombreuses années pour des installations de forage pétrolier. Ces compétences ne seraient pas facilement transférables à un autre emploi. Avec sa fatigue et ses douleurs continues, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que le requérant se recycle en vue d’un emploi sédentaire.

[20] L’invalidité du requérant est aussi prolongée. En dépit des traitements qu’il a reçus, l’état de santé du requérant ne s’est pas amélioré depuis qu’il a cessé de gagner un revenu en 2003. Rien dans les documents présentés au Tribunal ne suggère que l’état de santé du requérant s’améliorera.

[21] Par conséquent, je conclus que le requérant était invalide avant la fin de la PMA.

[22] Le Régime de pensions du Canada prévoit qu’une personne ne peut être réputée être devenue invalide plus de 15 mois avant la présentation de sa demande de pension d’invaliditéNote de bas de page 14. Le requérant a présenté sa demande de pension en février 2017. Il est ainsi réputé invalide en novembre 2015.

[23] Le versement d’une pension d’invalidité commence quatre mois après qu’une partie requérante devient invalideNote de bas de page 15. Par conséquent, le versement de la pension d’invalidité commencera en mars 2016.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli.

[25] La décision que la division générale aurait dû rendre est rendue : le requérant est réputé être invalide en novembre 2015 et est admissible à recevoir la pension d’invalidité à compter de mars 2016.

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Observations :

D. F., appelant

Viola Herbert, représentante de l’intimé

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