Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La requérante est admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), payable à partir d’août 2017. Mes motifs sont les suivants.

Aperçu

[2] La requérante a travaillé comme aide-éducatrice à temps plein auprès du Conseil scolaire du district de Toronto de septembre 1999 à avril 2017. Elle a allégué qu’elle ne pouvait plus travailler à partir de ce moment-là en raison de douleurs chroniques et de limitations découlant d’une chirurgie au pied droit. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité de la requérante le 30 janvier 2018. Le ministre a rejeté la demande initialement et après révision. La requérante a interjeté appel de la décision issue de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la date marquant la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de la requérante au RPC. Je conclus que la date de fin de la PMA de la requérante est le 31 décembre 2021, mais puisqu’il s’agit d’une date à venir, la requérante doit être réputée invalide au plus tard le jour de l’audience.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé de la requérante ont-ils entraîné chez elle une invalidité grave, c’est-à-dire qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de l’audience?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de la requérante durait-elle également depuis une période longue, continue et indéfinie à la date de l’audience?

Analyse

[6] L’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongéeNote de bas de page 1. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Une personne doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son invalidité satisfait aux deux volets du critère; ainsi, si la requérante ne satisfait qu’à un seul volet, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

Invalidité grave

La requérante souffre de problèmes de santé graves.

[7] Dans mon évaluation, je dois prendre en compte l’ensemble des problèmes de santé de la requérante, ce qui veut dire examiner toutes les détériorations possibles, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principaleNote de bas de page 2.

[8] J’ai conclu que la requérante était crédible. Dans son témoignage, elle a répondu franchement aux questions sur son travail et ses antécédents de santé. J’ai accordé le même poids au témoignage crédible entendu et à la preuve contenue dans le dossier de l’audience. 

[9] La requérante a soutenu que sa vie n’a plus jamais été la même depuis la chirurgie qu’elle a subie au pied droit en 2017. Il devait s’agir d’une chirurgie pratiquée couramment qui consiste à enlever un névrome de Morton et à faire une reconstruction de l’avant-pied. Les médecins l’ont assuré qu’il y aurait une amélioration des symptômes et qu’elle pourrait retourner au travail. Le Dr Tountas a exprimé son optimisme initial peu de temps après l’intervention chirurgicale lorsqu’il a déclaré que la chirurgie qu’il venait de pratiquer permettait habituellement un rétablissement complet. Cela ne s’est tout simplement pas produit, ce que corrobore la preuve médicale.      

[10] J’estime que la requérante s’est conformée aux traitements recommandés. Elle a subi une chirurgie et des traitements en physiothérapie, elle a reçu des injections dans une clinique antidouleur, elle a fait des exercices et de la natation, elle a porté une orthèse fabriquée sur mesure, et elle a fait l’essai de nombreux médicaments sous ordonnance et en vente libre, mais elle a dû cesser d’en prendre un bon nombre en raison d’effets indésirables. Rien n’a aidé, sauf l’oxycodone pour son pied et le Tylenol no 3 pour ses douleurs à la hanche et au dos.

[11] Il n’y a pas eu de nouveaux traitements ni de nouvelles recommandations de spécialistes. Deux chirurgiens orthopédistes ont déterminé que d’autres chirurgies n’étaient pas nécessaires, et elle a cessé de consulter une clinique antidouleur parce que les traitements offerts ne donnaient pas de résultats.   

[12] Dans sa décision en révision, le ministre affirme que l’état de santé de la requérante n’était pas grave parce qu’un traitement moins invasif qu’une autre intervention chirurgicale avait été recommandé. Je suis d’un avis différent. Ce n’est pas parce qu’une personne n’est pas candidate à une intervention chirurgicale que son état n’est pas nécessairement grave. Cela signifie que les chirurgiens n’avaient pas d’autres options viables de traitement chirurgical à lui proposer dans leur champ de pratique. En octobre 2018, le Dr Tountas a déclaré qu’il orientait la requérante vers un deuxième chirurgien orthopédiste parce que son état ne s’améliorait pas. 

[13] Ce n’est pas parce que l’imagerie diagnostique comme l’imagerie par résonance magnétique (IRM) de 2018 semblait normale que la requérante souffrait moins. La cause profonde de la douleur chronique ne peut pas toujours être observée objectivement. La douleur chronique est quelque chose de très subjectif, et c’est pourquoi j’ai examiné attentivement les conséquences de la douleur sur la requérante. 

[14] Selon la requérante, elle ressent de la douleur tous les jours dès son réveil. Elle a l’impression que ses orteils se retroussent, qu’ils brûlent et se contractent douloureusement et qu’ils sont enflés. Même le contact avec un drap la nuit cause une douleur insoutenable. Cela influe aussi bien sur la qualité que la durée de son sommeil. Elle souffre maintenant d’une boiterie antalgique à cause de l’impact de son pied sur sa hanche droite et sur son dos. 

[15] Le témoignage de la requérante a été confirmé par le Dr Marcial de la clinique antidouleur de l’Hôpital Toronto Western en mars 2019. Il a déclaré que, depuis juin 2017, la requérante éprouvait des douleurs qui augmentaient sans cesse, des douleurs persistantes fulgurantes, lancinantes et brûlantes. En 2019, le Dr Bhatia de la même clinique a affirmé que les symptômes de la requérante étaient provoqués par une douleur neuropathique continuelle. Il a noté que la requérante devait utiliser de la morphine pour gérer la douleur. Il lui a recommandé des médicaments et des injections par blocage nerveux. La requérante a témoigné qu’elle avait donné suite à ces recommandations, mais que son état ne s’était pas amélioré.

[16] J’accepte que l’état de santé de la requérante ne se soit pas amélioré depuis 2017, malgré les traitements et l’application des recommandations. La preuve médicale fait état d’un optimisme initial quant à son rétablissement, mais les rapports plus récents indiquent que son état s’est détérioré en douleur neuropathique chronique pour laquelle il existe peu d’options de traitement. Je conclus que son état de santé la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.   

L’état de santé de la requérante a grandement troublé sa vie de tous les jours.

[17] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne d’occuper son emploi habituel, mais plutôt sur son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 3.

[18] La requérante a soutenu qu’il y avait très peu de choses qu’elle pouvait faire, même à la maison. Par exemple, comme elle ne peut pas faire porter son poids sur les orteils de son pied droit, elle doit s’asseoir sur un banc pour prendre sa douche, elle a de la difficulté à conduire une voiture parce qu’elle a rapidement mal au pied/à la cheville, et elle doit se reposer entre les brassées de lessive ou en essayant de préparer un repas. Lorsqu’elle se rend à l’épicerie, c’est pour se procurer quelques articles seulement. Il y a des jours où elle ne peut pas porter de bas ou de souliers parce que ses pieds sont douloureux et sensibles. Elle a tenté d’aller au cinéma, mais elle n’a pas pu demeurer assise pour la durée de la projection et elle a dû partir. Elle a peu de vie sociale et elle demeure essentiellement confinée à la maison. 

[19] La requérante n’est pas capable de demeurer assise ou debout ou de marcher pour plus de 30 minutes avant que la douleur ne l’assaille. Elle ne peut rien faire pendant ce temps, sauf attendre que la douleur se dissipe. Elle doit garder la jambe relevée et prendre des médicaments. Les poussées de douleur peuvent durer jusqu’à sept jours. Les médicaments ne permettent pas de guérir la douleur, mais tout juste de la rendre tolérable. 

[20] Selon le témoignage de la requérante, elle dépense la majeure partie de son temps et de son énergie à essayer d’atténuer la douleur et à limiter ses activités. J’accepte que son état de santé ait eu des conséquences sur tous les aspects de sa vie quotidienne.

La requérante a tenté de retourner au travail, mais elle n’a pas réussi.

[21] Lorsqu’il y a preuve de la capacité de travailler, une personne doit démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santéNote de bas de page 4.

[22] Le ministre a soutenu que, bien que la requérante ne puisse pas reprendre son emploi antérieur, elle devrait être capable d’occuper d’autres fonctions étant donné sa formation et son expérience. Le ministre a aussi fait valoir que des dates de retour au travail avaient été discutées avec les médecins à plusieurs reprises. Je suis d’accord que la preuve établit que la requérante ne peut pas reprendre son emploi antérieur. Il exigeait parfois des efforts physiques et elle devait souvent garder la même posture pendant un certain temps en travaillant avec des enfants.

[23] Il y a également des éléments de preuve attestant de discussions entre la requérante et ses médecins à propos de dates de retour au travail. En mars 2018, la requérante est retournée à son ancien emploi avec des modifications de tâches. Elle devait travailler seulement 3,5 heures par jour, prenait des pauses plus fréquentes et pouvait alterner entre la position assise et debout. Au bout de trois jours, son médecin lui a conseillé de cesser de travailler en raison de l’intensification de la douleur. Les jours où elle avait travaillé, tout ce qu’elle pouvait faire à son retour à la maison c’était de se reposer avec la jambe surélevée jusqu’au lendemain. Elle ne pouvait rien faire d’autre. J’estime qu’il s’agit d’un échec.

[24] La plus récente discussion à propos d’un retour au travail a lieu avec le Dr Bhatia en janvier 2020. Il a recommandé un retour progressif au travail en mars 2020, avec de nombreuses restrictions, c’est-à-dire ne pas marcher sur une surface accidentée, ne pas rester debout ou assise pendant plus de 30 minutes, ne pas soulever des objets de plus de 10 kg, ne pas monter des escaliers longs et ne pas s’agenouiller ou s’accroupir. Il a aussi mentionné que les médicaments que prenait la requérante pouvaient provoquer une somnolence ainsi que des problèmes d’équilibre.

[25] La requérante a soutenu que, même si elle savait qu’elle ne pouvait pas travailler, elle aurait essayé. Cependant, avec toutes ses restrictions, elle s’est interrogée sur le type de travail qu’elle pouvait vraiment faire. Elle ne peut même pas faire des tâches simples régulièrement à la maison. L’employeur de la requérante, le Conseil scolaire du district de Toronto, est d’accord avec la requérante. Un travail, même modifié, n’a pas été trouvé au sein de leur organisation. Il n’a pas été possible de prendre des mesures d’adaptation pour tenir compte des limitations de la requérante.

[26] Je conclus que la requérante a fait des efforts pour retourner au travail et se conformer aux recommandations de ses médecins. Même si le Dr Bhatia a récemment recommandé un retour progressif au travail, il n’est pas envisageable de trouver un emploi qui permet d’appliquer les restrictions recommandées. C’est ce que pense l’employeur de longue date de la requérante. Bien que la requérante n’ait pas présenté de demande d’emploi à l’extérieur du conseil scolaire, je suis convaincu que son état de santé l’empêche aussi bien d’obtenir que de conserver un emploi.

La requérante n’est pas employable d’un point de vue réaliste.

[27] Je dois aussi évaluer le critère de la gravité « dans un contexte réalisteNote de bas de page 5 ». Cela veut dire qu’il faut tenir compte d’éléments comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques et l’expérience de vie de la requérante.

[28] La requérante a 59 ans et elle parle couramment l’anglais. Elle a terminé son secondaire. Elle a travaillé en dernier pendant près de 20 ans comme aide-éducatrice à temps plein, après avoir travaillé dans une garderie. Je conclus qu’elle a peu de compétences polyvalentes. Étant donné son âge, son manque de compétences polyvalentes et ses limitations fonctionnelles, je conclus également qu’elle n’est pas une bonne candidate au recyclage ou à un emploi sédentaire adapté. Ayant pris en compte la preuve présentée, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que la requérante était atteinte d’une invalidité grave telle que définie dans le RPC à la date de l’audience.

Invalidité prolongée

[29] Je conclus aussi que l’invalidité de la requérante durait depuis une période longue, continue et indéfinie à la date de l’audience. Elle souffrait de douleurs à la jambe et au pied droit ainsi qu’au dos, qui augmentaient depuis 2016. Malgré les nombreux traitements invasifs et non invasifs, son état de santé ne s’est pas amélioré. Étant donné que ses problèmes de santé durent depuis aussi longtemps et qu’il n’y ait pas eu d’amélioration à ce jour, je conclus qu’il y a peu de chance que son état de santé s’améliore au point où elle soit régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, quelle qu’elle soit.

Conclusion

[30] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en avril 2016, date à laquelle elle a arrêté de travailler pour subir une intervention chirurgicale à son pied droit. Les paiements commencent quatre mois après la date où la requérante est réputée être devenue invalide, soit à partir d’août 2017Note de bas de page 6.

[31] L’appel est accueilli.

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