Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] La requérante est née en 1981 et elle a des palpitations du cœur depuis l’adolescence. Après avoir terminé ses études secondaires, elle a obtenu des diplômes en esthétique et en gestion des services d’hébergement et de restauration. Au fil des ans, elle a travaillé comme chauffeuse-livreuse, serveuse dans un restaurant et esthéticienne. À son dernier emploi, elle faisait de l’entretien ménager dans un hôtel. Elle a quitté cet emploi en juin 2017 parce qu’elle n’avait pas accès à un service de gardeNote de bas de page 1.

[3] En novembre 2017, la requérante a demandé des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), soutenant qu’elle ne pouvait plus travailler en raison d’un problème cardiaque qui la rendait faible et incapable de se tenir debout pendant de longues périodes.

[4] Le ministre a rejeté la demande parce que, selon lui, la requérante n’avait pas démontré qu’elle souffrait d’une invalidité « grave et prolongée ».

[5] La requérante a porté le refus du ministre en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a tenu une audience par téléconférence et, dans une décision datée du 29 février 2020, elle a rejeté l’appel parce qu’elle a conclu que la preuve médicale n’était pas suffisante pour montrer que la requérante était invalide en date de l’audience. La division générale a noté que le seul diagnostic de la requérante était la tachycardie paroxystique supraventriculaire (TPSV). Elle a observé qu’elle n’avait parfois pas de symptômes pendant plusieurs mois. Elle a aussi noté que la TPSV ne l’avait pas empêchée d’occuper divers emplois. Elle a souligné que la requérante avait quitté son dernier emploi pour des raisons non médicales. Elle a jugé que rien ne démontrait que son problème de santé s’était aggravé.

Les motifs d’appel de la requérante

[6] Le 20 mars 2020, la requérante a demandé la permission d’interjeter appel à la division d’appel. Elle prétend que la division générale a commis diverses erreurs, notamment :

  1. La division générale n’a pas saisi la gravité du problème de santé de la requérante. Elle présente une TPSV depuis la naissance et elle a été hospitalisée à de nombreuses reprises en raison de ce trouble. Elle n’a jamais réussi à soulager ou à contrôler ses palpitations par la prise de médicaments.
  2. La division générale n’a pas compris que si la requérante révèle son problème de santé aux entreprises qui l’emploient ou à ses collègues, elle va perdre son emploi. Si elle mentionne son état de santé à un employeur potentiel, elle n’obtiendra pas l’emploi.
  3. La division générale a commis une erreur quand elle a conclu que la requérante avait des palpitations depuis l’adolescence. En fait, elle éprouve ce problème de santé depuis la naissance.
  4. La division générale a commis une erreur quand elle a conclu que la requérante avait cessé de travailler en juin 2017 pour s’occuper de son enfant. En fait, elle a cessé de travailler dans le but de consulter un ou une cardiologue et de régler un problème avec lequel elle vit depuis toujours.
  5. La division générale a conclu que la requérante avait admis pouvoir travailler comme réceptionniste ou secrétaire. Ce faisant, elle n’a pas tenu compte de son manque d’instruction ou d’expérience dans ces domaines.
  6. La division générale a conclu que les épisodes de la requérante sont intermittents et que [traduction] « parfois, elle n’a aucun symptôme pendant plusieurs mois ». En fait, dans son témoignage, elle a déclaré que jusqu’à trois mois peuvent s’écouler sans qu’elle ait un épisode, mais que ses symptômes peuvent s’aggraver de façon imprévisible.
  7. La division générale a conclu que le problème de santé de la requérante est contrôlé. La requérante nie que son problème de santé ait jamais été contrôlé et prétend que la division générale a ignoré la preuve montrant que ses médicaments sont inefficaces.
  8. La division générale a conclu que ses épisodes étaient très courts et qu’ils [traduction] « disparaissent après quelques secondes ou minutes ». Ce faisant, elle a minimisé la gravité de son problème de santé et ignoré la preuve montrant que ses épisodes durent de 30 minutes à 6 heures.
  9. La division générale a pris en considération l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques et l’expérience de vie de la requérante. Celle-ci affirme que ces facteurs n’ont rien à voir avec son problème de santé.
  10. La division générale a conclu que la requérante n’avait pas fait assez d’efforts pour obtenir un emploi après juin 2017. La requérante soutient qu’elle ne devrait pas être obligée de recommencer sa carrière à zéro et de continuer de gagner un faible revenu pour le restant de ses jours.
  11. La division générale a conclu que la requérante n’avait pas une invalidité « grave et prolongée ». La requérante se demande comment elle a pu tirer cette conclusion en procédant par téléconférence, sans la voir en personne. Elle affirme qu’elle n’a jamais exprimé une préférence pour une audience téléphonique.

La requérante a aussi mentionné qu’elle souhaitait apporter de nouveaux éléments de preuve et clarifier ce qu’elle qualifie de [traduction] « déclarations abrégées, incohérentes et malavisées » dans la décision de la division générale.

Question en litige

[7] Je dois décider si l’un des motifs d’appel de la requérante conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès.

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale en la comparant au fond de l’affaire. J’ai conclu que la requérante n’a avancé aucun argument qui pourrait conférer à l’appel une chance raisonnable de succès.

[9] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il y a seulement trois moyens d’appel à la division d’appel. Un requérant ou une requérante doit démontrer :

  1. i) que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. ii) qu’elle a commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. iii) qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Un appel peut aller de l’avant seulement avec la permission de la division d’appelNote de bas de page 2. À cette étape-ci, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. Il s’agit d’un critère qui est relativement facile à remplir, car la requérante doit présenter au moins un argument défendableNote de bas de page 4.

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas saisi la gravité du problème de santé de la requérante?

[11] La requérante est en désaccord avec presque tous les aspects de la décision de la division générale, mais je ne vois pas comment on pourrait soutenir qu’une si grande divergence d’appréciation équivaut à une erreur de droit.

[12] Une grande partie de l’argument de la requérante consiste essentiellement à me demander de reconsidérer le fond de sa demande de prestations d’invalidité. Je ne peux pas accueillir sa requête en raison des contraintes que m’impose la LMEDS, qui autorise la division d’appel à examiner une seule chose, soit si la division générale a commis une erreur qui appartient à l’une ou l’autre de trois catégories bien définies. Ces contraintes empêchent effectivement la division d’appel de se pencher sur le bien-fondé de la preuve — que ce soit de nouveaux éléments de preuve ou les éléments que la division générale a déjà examinés. Bref, un appel à la division d’appel ne sert pas à recommencer l’audience de la division générale.

[13] La division générale a rejeté l’appel de la requérante parce qu’elle a jugé que la preuve était insuffisante pour démontrer une invalidité grave. Elle a tiré cette conclusion parce que la requérante avait : i) occupé plusieurs emplois malgré son diagnostic de TPSV; ii) quitté son emploi de femme de ménage pour des raisons non liées à son problème de santé; iii) eu des palpitations à quelques mois d’intervalle tout au plus; iv) réussi à contrôler son problème de santé par la prise de médicaments; v) déclaré qu’elle était capable de faire du travail de bureau; vi) fait un effort insuffisant pour revenir sur le marché du travail. Par la suite, la division générale a considéré l’état mental et physique de la requérante en tenant compte de sa jeunesse relative, de sa formation postsecondaire et de sa bonne maîtrise de l’anglais. Elle a conclu que son âge, son niveau d’instruction et ses compétences linguistiques ne l’empêcheraient pas de réintégrer le marché du travailNote de bas de page 5.

[14] Au bout du compte, la division générale a jugé qu’il y avait plus de chances que la requérante soit régulièrement capable plutôt qu’incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur. Dans son rôle de juge des faits, la division générale doit avoir une certaine latitude dans sa façon d’apprécier la preuve. Dans ce cas-ci, je ne vois aucune raison de modifier ses conclusions.

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas compris l’incidence du problème cardiaque de la requérante sur son employabilité perçue?

[15] Devant la division générale, la requérante a soutenu qu’elle se trouve dans une situation impossible, puisque personne ne l’embauchera sachant qu’elle a des problèmes cardiaques.

[16] Selon moi, on ne peut pas soutenir que la division générale a négligé ce point. Le critère d’invalidité n’a rien à voir avec la question de savoir si une personne qui demande des prestations se pense invalide. Le fait que de possibles employeurs, employeuses ou collègues perçoivent la requérante comme invalide n’est pas non plus un facteur important à considérer. Ce qui importe est de savoir si la requérante est en effet régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cette détermination dépend d’une variété de facteurs, dont, entre autres, ce que la preuve médicale révèle sur l’état de santé de la requérante, ce que la requérante a subi comme traitements pour son problème de santé, ce qu’elle est vraiment capable de faire dans une journée et ce qu’elle a tenté pour rester sur le marché du travail en dépit de ses déficiences.  

Question en litige no 3 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion erronée concernant le moment où est apparu le problème cardiaque de la requérante?

[17] La requérante soutient que la division générale a commis une erreur en concluant que la requérante avait des palpitations intermittentes depuis l’adolescenceNote de bas de page 6.

[18] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument. Dans son témoignage, la requérante a déclaré qu’elle a commencé à ressentir des symptômes de TPSV quand elle avait 15 ansNote de bas de page 7. Certains éléments de la preuve médicale écrite laissent croire que le problème de santé n’est pas apparu ou, du moins, n’est pas devenu important avant 2001, quand la requérante avait 20 ans. Le Dr Murphy a vu la requérante pour [traduction] « des épisodes récurrents de TPSV au cours des deux dernières années »Note de bas de page 8. Par la suite, le Dr Andrew a rapporté des antécédents de [traduction] « battements rapides du cœur qui apparaissent soudainement depuis l’adolescence [de la requérante] »Note de bas de page 9.

[19] De toute façon, même si la division générale avait commis une erreur de fait et ignoré la preuve montrant que la requérante a des épisodes de palpitations depuis la naissance, je ne vois pas en quoi cette erreur aurait été importante. Selon la LMEDS, une décision de la division générale peut être annulée seulement si elle est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon « abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Cette formulation laisse entendre que l’erreur de fait doit être non seulement extraordinaire, mais aussi importante. Si la division générale a bel et bien commis une erreur sur ce point, et je ne vois pas comment il serait possible de le soutenir, je doute que l’erreur ait satisfait à cette norme, surtout parce que la question que la division générale devait trancher n’était pas de savoir si la requérante avait un problème cardiaque durant son enfance, mais si ce problème était suffisamment grave pour la rendre invalide à l’âge adulte.

Question en litige no 4 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que la requérante avait cessé de travailler en juin 2017 parce qu’elle devait prendre soin de son enfant?

[20] La requérante conteste la conclusion de la division générale selon laquelle elle a quitté son dernier emploi pour des raisons non médicales. Elle affirme avoir dit à la division générale qu’elle avait cessé de faire de l’entretien ménager pour suivre un traitement médical complet.

[21] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument. Dans la décision de la division générale, on peut lire ceci :

[traduction]
À son dernier emploi, du 1er janvier 2017 au 24 juin 2017, elle faisait de l’entretien ménager dans un hôtel. Elle n’a pas travaillé depuis. Ses tâches comprenaient le nettoyage des chambres et des aires communes. Dans le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité daté du 10 novembre 2017 ainsi que lors de son témoignage, elle a déclaré qu’elle avait cessé de travailler le 24 juin 2017 pour s’occuper de sa fille. L’école avait pris fin pour l’été et il n’y avait personne pour la garderNote de bas de page 10.

[…]

La requérante a touché des prestations régulières d’assurance-emploi après avoir cessé de travailler à compter du 4 septembre 2017. Je lui ai demandé si elle était prête et disposée à travailler et capable de le faire après le 24 juin 2017. Elle a répondu qu’elle aurait pu travailler, mais qu’elle avait besoin d’un service de garde. Si elle avait pu faire garder sa fille, elle aurait continué à travailler, mais pas à l’hôtel, car elle voulait avancer dans sa carrièreNote de bas de page 11.

J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale et je n’ai rien entendu qui contredise ce qui précède. Comme la division générale le souligne à juste titre, dans son questionnaire, la requérante a répondu [traduction] « pas de garderie » à l’endroit où on lui demande pourquoi elle a cessé de travailler en juin 2017Note de bas de page 12. À l’audience, le membre de la division générale l’a interrogée sur cette réponse :

[traduction]

Requérante : J’ai perdu ce poste à cause de mon cœur parce que [inaudible] travail. J’en ai parlé à ma patronne et, le lendemain, je me suis présentée au travail et elle m’a dit : « Je suis désolée, mais on n’a pas besoin de toi. » Mais ce n’était pas à cause de mon rendement ou de mon attitude ou de ma capacité à venir au travail.

Membre : Donc qu’est-ce qui a mal tourné selon vous?

Requérante : J’ai eu un épisode cardiaque au travail et je l’ai dit à ma patronne.

Membre : Dans le questionnaire, à propos de votre dernier emploi, on vous demande « Pourquoi avez-vous cessé de travailler? » et vous avez écrit « pas de garderie ». Et votre dernier jour de travail était le 24 juin 2017, ce qui tombe à peu près à la fin de l’année scolaire. Donc est-ce que votre fille allait à l’école à ce moment-là et allait-elle être en congé durant l’été?

Requérante : Oui. Je n’avais aussi personne pour la garder parce que le père de son père était mourant, alors le fils et la mère étaient occupés…Note de bas de page 13

[22] Dans la suite de son témoignage, la requérante a déclaré qu’elle avait demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi, mais sa demande avait d’abord été rejetée parce qu’elle n’était pas prête et disposée à travailler et capable de le faire à toute heure. Elle a décrit la situation comme une impasse, puisque sa disponibilité était limitée par la nécessité de prendre soin de sa fille :

[traduction]

Membre : Donc si vous aviez eu une garderie, vous seriez retournée travailler?

Requérante : Oui.

Membre : Auriez-vous continué à travailler à X si vous aviez eu une garderie?

Requérante : Non.

Membre : Pourquoi pas?

Requérante : Non, parce que j’ai commencé à avoir des palpitations au travail et les gens là-bas se sont retournés contre moi assez vite.

Membre : Si on ne s’était pas retourné contre vous là-bas, est-ce que vous seriez restée? Parce que vous avez dit que vous étiez capable de faire le travail.

Requérante : Non, j’aurais quand même continué à chercher autre chose parce que je veux avoir l’occasion d’avancer et, à cet endroit, il n’y avait aucune chance d’avancement. Il fallait rester dans le même poste, peu importe ce qu’on vous avait donné, et c’est tout. Je veux monter les échelons, mais je veux être capable de gagner de l’argent, mais c’est dur quand on reste toujours au bas de l’échelleNote de bas de page 14.

[23] Ces extraits montrent que même si la requérante a déclaré qu’un épisode de palpitations ait pu entraîner des commentaires négatifs de la part des personnes qui la supervisaient, elle a quitté son dernier emploi en grande partie parce que l’année scolaire était terminée et qu’il n’y avait personne pour s’occuper de sa fille pendant la journée. Toutefois, le manque d’options pour faire garder les enfants ne soustrait pas les personnes qui demandent des prestations de leur obligation de chercher un autre emploi qui serait mieux adapté à leur état de santé. Dans la présente affaire, la division générale a conclu que la requérante n’avait pas fait les efforts raisonnables pour respecter cette obligation. Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.

Question en litige no 5 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que la requérante pouvait travailler comme réceptionniste ou secrétaire?

[24] La requérante conteste la conclusion de la division générale voulant qu’elle soit peut-être capable de faire du travail de bureau, même si elle n’a pas la formation ni l’expérience nécessaires pour un tel emploi.

[25] Je ne vois pas non plus le bien-fondé de cet argument. Dans sa décision, la division générale n’a pas conclu que la requérante était capable de faire du travail de bureau, elle a plutôt conclu que la requérante n’avait pas fait suffisamment d’efforts pour trouver un autre emploi qui lui conviendrait mieux étant donné son problème de santé. En tirant cette conclusion, la division générale s’est appuyée sur une cause intitulée Inclima c CanadaNote de bas de page 15, dans laquelle on a établi que les personnes qui demandent des prestations d’invalidité doivent démontrer que malgré des tentatives raisonnables de trouver un emploi, leurs efforts ont échoué à cause de leur problème de santé. Elles doivent aussi se montrer prêtes, en toute bonne foi, à suivre des programmes de formation ou de recyclage qui leur permettront de trouver un autre emploiNote de bas de page 16.

[26] À l’audience, la division générale a posé des questions pertinentes visant à déterminer ce que la requérante avait fait pour réintégrer le marché du travail :

[traduction]
J’ai demandé à la requérante si elle avait cherché du travail depuis qu’elle a cessé de travailler en juin 2017. Elle a fait [traduction] « un peu » de recherches. Elle reconnaît qu’elle peut ou pourrait occuper certains postes, comme ceux de réceptionniste, de secrétaire et d’autres types de travail de bureau. Dans le questionnaire, elle a mentionné qu’elle prévoyait travailler dans un proche avenir, peut-être à la tête de sa propre entreprise. Elle n’a pas lancé sa propre entreprise. Elle ne veut pas retourner à l’écoleNote de bas de page 17.

[27] Ces conclusions concordent avec ce que j’ai entendu dans l’enregistrement audio et lu dans le dossier. Compte tenu de ces conclusions, la division générale a jugé que :

[traduction]
Elle n’a pas fait d’efforts importants pour trouver du travail ou suivre un programme de formation d’appoint ou de recyclage. Dans son témoignage, elle a déclaré qu’elle était capable de faire du travail de bureauNote de bas de page 18.

[28] En fin de compte, l’appel de la requérante a été rejeté parce que la division générale a conclu qu’elle n’avait pas sérieusement tenté de travailler ou de se recycler depuis qu’elle a quitté son emploi de femme de chambre à l’hôtel. La division générale a soupesé les éléments de preuve disponibles et a conclu que la fréquence (tous les quelques mois) et la durée (de quelques secondes à quelques minutes) des épisodes de palpitations de la requérante ne l’empêchaient pas d’exercer d’autres emplois. La requérante a maintenu que le caractère imprévisible de ces épisodes l’empêchait de réussir dans n’importe quel emploi, mais, comme la division générale l’a souligné, il n’y avait pas de preuve claire qu’elle a été congédiée de ses emplois précédents en raison de son état de santé.

Question en litige no 6 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en minimisant le caractère imprévisible des épisodes de la requérante?

[29] La requérante prétend que la division générale [traduction] « a minimisé » ses symptômes, et elle maintient que l’imprévisibilité de ses épisodes de palpitations la rend incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.  

[30] Je ne vois pas comment on pourrait soutenir que la division générale n’a pas saisi l’irrégularité des épisodes de la requérante. Dans sa décision, on peut lire ce qui suit :

[traduction]
Les symptômes de la requérante sont intermittents (paroxystiques). Parfois, elle n’a aucun symptôme pendant plusieurs mois. Ses employeurs, ses employeuses et ses collègues ignoraient souvent qu’elle avait un problème de santé, car elle travaillait sans problème pendant des mois. Son problème de santé ne l’empêche pas de travailler, mais certaines des entreprises qui l’employaient l’ont mise à pied après avoir appris qu’elle avait un problème de santé. Elle avait juste besoin d’une courte pause après avoir eu des palpitations. Elle pouvait ensuite retourner au travail [mis en évidence par le soussigné]Note de bas de page 19.

Ce passage reflète bien la preuve montrant que les épisodes de palpitations de la requérante pouvaient survenir à des intervalles éloignés. L’utilisation de l’adverbe « parfois » indique que la division générale savait que la fréquence des épisodes pouvait varier. Toutefois, elle a fini par conclure que, malgré cet élément imprévisible, la requérante était quand même apte à l’emploi puisque la preuve médicale montrait que les épisodes avaient tendance à être relativement brefs et mineurs. Dans son rôle de juge des faits, la division générale avait le pouvoir d’en arriver à ce qui me semble être une conclusion défendable.

Question en litige no 7 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que le problème de santé de la requérante était contrôlé par la prise de médicaments?

[31] La requérante nie, contrairement à la conclusion de la division générale, que les médicaments ont un effet positif sur son problème de santé.

[32] Je ne vois pas le bien-fondé de cette observation. Dans sa décision, la division générale mentionne un questionnaire médical daté de décembre 2017 dans lequel le Dr Vornberger a indiqué que les symptômes de la requérante ne s’étaient pas aggravés depuis 2010 et que son problème de santé était contrôlé par l’acébutolol, un bêta-bloquantNote de bas de page 20. À l’audience, la requérante a dit que l’acébutolol n’était plus fabriqué et que le médicament de substitution qu’on lui avait prescrit avait des effets indésirablesNote de bas de page 21. Elle a ajouté que c’est pour cette raison qu’elle ne prenait plus de médicaments depuis deux ans. Elle n’a produit aucune preuve montrant que la fabrication du médicament avait cessé ou que cet arrêt était permanent. Elle n’a pas expliqué pourquoi les spécialistes qui la soignaient n’avaient pas essayé d’autres traitementsNote de bas de page 22. Le fait est que, selon son principal fournisseur de soins, son problème de santé était contrôlé.

Question en litige no 8 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en décrivant mal la durée des épisodes de la requérante?

[33] La requérante prétend que la division générale a conclu que ses épisodes de palpitations étaient plus courts qu’ils ne l’étaient réellement. Au paragraphe 15 de sa décision, la division générale décrit les épisodes comme étant [traduction] « très courts [et ils] disparaissent après quelques secondes ou minutes ». La requérante soutient que, ce faisant, la division générale a minimisé la gravité de son problème de santé et ignoré la preuve montrant que ses épisodes duraient de 30 minutes à 6 heures.

[34] Je ne vois pas le bien-fondé de cette allégation. Je le répète, comme juge des faits, la division générale est libre de soupeser les éléments de preuve contradictoires comme elle l’entend, pourvu qu’elle en arrive à une conclusion défendable. Dans ce cas-ci, elle ne faisait que citer les conclusions du cardiologue de la requérante, qui lui-même décrivait dans son rapport de décembre 2017 les résultats d’un examen Holter de 48 heuresNote de bas de page 23. Le Dr Andrew a écrit que même si la requérante avait subi au moins 81 minutes de tachycardie (rythme cardiaque accéléré), elle était en bonne part asymptomatique durant cette période. Pour cette raison, il a choisi de ne pas recommander une prise de médicaments motivée par les épisodes parce que [traduction] « des médicaments autoadministrés au besoin » n’aideraient pas beaucoup en cas d’épisodes, comme ceux de la requérante, qui sont [traduction] « très courts et disparaissent après quelques secondes ou minutes ».

[35] Dans son témoignage et dans le journal de symptômes qu’elle tenait, la requérante a insisté sur le fait que ses épisodes de palpitations étaient longs, intenses et incapacitants, mais la division a choisi d’accorder une plus grande importance aux rapports du Dr Vornberger et du Dr Andrew qui laissaient entendre que ses symptômes étaient beaucoup moins graves. Je ne vois aucune raison de modifier cette conclusion.

Question en litige no 9 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en tenant compte de l’âge, du niveau d’instruction, des aptitudes linguistiques et de l’expérience de vie de la requérante?

[36] Dans sa décision, la division générale a écrit qu’elle était tenue d’évaluer le critère relatif à la gravité de la prétendue invalidité de la requérante [traduction] « dans un contexte réaliste »Note de bas de page 24. La requérante affirme que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques et son expérience de vie n’ont rien à voir avec son problème cardiaque.

[37] Je ne vois pas le bien-fondé de cet argument dans la présente affaire. Quand elle a conclu que les antécédents de la requérante ne limitaient pas sa capacité résiduelle à travailler, la division générale ne faisait que citer l’arrêt Villani c CanadaNote de bas de page 25, qui fait autorité en matière de prestations d’invalidité du RPC et dans lequel la Cour d’appel fédérale encourageait les personnes qui prennent les décisions à considérer les gens qui demandent des prestations d’invalidité comme des personnes à part entière et à évaluer leur employabilité en tenant compte non seulement de leurs déficiences, mais aussi de leurs antécédents et de leurs caractéristiques personnelles. Je ne vois pas comment la façon dont la division générale a invoqué et appliqué la loi pertinente était une erreur.

Question en litige no 10 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que la requérante n’avait pas fait assez d’efforts pour se trouver un autre emploi?

[38] J’ai également abordé cette question dans mon analyse de la cinquième question en litige. La requérante a toujours soutenu, d’abord devant la division générale et maintenant devant la division d’appel, que sa TPSV et les palpitations qui y sont associées expliquent sa tendance à passer rapidement d’un emploi à un autre.

[39] Je ne vois pas comment on pourrait soutenir que la division générale a ignoré ou mal compris cet argument. La division générale était au courant de la tendance de la requérante à occuper des emplois pendant une courte période. Toutefois, elle a conclu que peu d’éléments démontraient que ces emplois avaient été écourtés principalement en raison de son problème de santé. Les rapports médicaux présentés en preuve indiquaient que sa TPSV était contrôlée et que ses symptômes étaient loin d’être graves. À l’audience, la requérante a elle-même admis qu’elle avait quitté ses emplois pour des raisons non médicales. Comme la division générale l’a noté :

[traduction]
Avant janvier 2017, la requérante avait travaillé entre autres comme chauffeuse pour le service de livraison d’une pharmacie, préposée au service à la clientèle dans un salon de bronzage et de manucure ainsi que dans une sandwicherie Subway, commis débarrasseuse dans un bar et esthéticienne. Elle a cessé d’occuper ces emplois parce qu’elle avait été mise à pied, qu’elle n’aimait pas le travail ou ses collègues ou qu’elle voulait gagner un meilleur salaireNote de bas de page 26.

Je n’ai rien entendu dans l’enregistrement audio de l’audience qui contredise le compte rendu de la division générale.

Question en litige no 11 : Est-il possible de soutenir que la division générale a procédé de façon inéquitable en tenant une audience par téléconférence?

[40] La requérante se demande comment la division générale a pu conclure qu’elle n’était pas invalide si elle ne l’a jamais vue ou ne lui a jamais parlé en personne. Elle affirme qu’elle n’a jamais exprimé une préférence pour la tenue d’une audience par téléphone.

[41] Je ne vois pas comment on pourrait soutenir que la division générale a procédé de façon inéquitable en tenant l’audience de la requérante par téléphone.

[42] L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale précise que la division générale peut tenir une audience de plusieurs façons, y compris par des questions et réponses écrites, par téléconférence, par vidéoconférence et par comparution en personne. L’utilisation du mot « peut » sans adverbe ni condition laisse entendre que la division générale a un vaste pouvoir discrétionnaire pour décider du mode d’audience.

[43] Toutefois, un tel pouvoir doit être exercé conformément aux règles d’équité procédurale. Dans l’arrêt Baker c Canada, la Cour suprême du CanadaNote de bas de page 27 a jugé que le concept d’équité procédurale est variable et doit être évalué dans le contexte particulier de chaque cas. L’arrêt Baker énumère un certain nombre de facteurs dont on peut tenir compte quand on détermine ce qu’exige l’obligation d’équité procédurale dans une affaire en particulier, y compris la nature de la décision recherchée, l’importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision ainsi que les choix de procédure que le tribunal faits lui‑même, particulièrement quand la loi laisse au décideur ou à la décideuse la possibilité de choisir ses propres procédures.

[44] La division générale a dû tenir compte d’un certain nombre de facteurs pour décider quelle forme d’audience était appropriée. J’admets que les questions en litige dans la présente affaire sont importantes pour la requérante, mais j’accorde également beaucoup d’importance à la nature du système législatif qui régit la division générale. Le Tribunal de la sécurité sociale a été conçu pour régler le plus rapidement et le plus économiquement possible les litiges dont il est saisi. Pour ce faire, le Parlement a adopté une loi qui donne à la division générale le pouvoir de déterminer le mode d’audience.

[45] La requérante n’a peut-être pas demandé une audience par téléconférence, mais elle n’a pas écarté cette possibilité non plus. Dans l’avis d’audience, la division générale a précisé que la requérante n’avait pas indiqué sa préférence pour un mode d’audience en particulierNote de bas de page 28. Je soupçonne que cela se soit produit parce que la requérante a fait appel en déposant une lettre et n’a pas utilisé le formulaire prescrit pour l’avis d’appel. Le formulaire demande clairement à la personne qui fait appel d’indiquer le mode d’audience qu’elle préfère. Cependant, même si la requérante avait fait connaître sa préférence pour une vidéoconférence ou une audience en personne, cela n’aurait pas eu un effet déterminant sur le litige. La requérante suggère que la division générale devait la voir pour rendre une décision parfaitement éclairée sur la gravité de son invalidité. Je ne suis pas d’accord. Une audience de la division générale n’est pas un examen médical, et les membres ne sont pas des médecins. Une audience vise à donner aux parties une meilleure chance de faire valoir leur point de vue et à donner à la division générale une autre occasion de recueillir des renseignements et, si nécessaire, d’évaluer la crédibilité. Dans la majorité des cas, ces tâches peuvent s’effectuer efficacement durant une entrevue téléphonique, sans inspection visuelle.

[46] La Cour d’appel fédérale a confirmé que pour écarter une ordonnance discrétionnaire, un requérant ou une requérante doit prouver que la personne qui a rendu la décision a commis une [traduction] « erreur manifeste et dominante »Note de bas de page 29. Je ne vois rien de tel dans la présente affaire.

Conclusion

[47] Ma révision de la décision montre que la division générale a analysé la preuve de façon valable et a tiré une conclusion défendable selon laquelle il y a plus de chances que la requérante était en effet régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date d’audience.

[48] Puisque la requérante n’a présenté aucun argument qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentante :

T. L., non représentée

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