Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le 12 juillet 2017, l’appelant a effectué une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Sa demande a été rejetée par le Ministre de l’Emploi et du Développement social. Il a interjeté appel de cette décision.

[2] L’appelant n’est pas admissible à recevoir une pension d’invalidité en vertu du RPC et l’appel est rejeté, pour les motifs suivants.

Aperçu

[3] Au moment de l’audition, l’appelant était âgé de 63 ans. Quant à son éducation, l’appelant a complété sa sixième année, mais il ne sait lire ni écrire.

[4] L’appelant a commencé à travailler dès l’âge de 16 ans. Il a toujours occupé des emplois manuels : de la cueillette de patates au « labour », à la construction et, enfin, à divers emplois dans des usines. L’appelant a occupé un dernier emploi d’entretien ménager d’une usine jusqu’en 2015. Il a indiqué qu’il ne lui était plus possible de travailler car sa tête lui tournait trop, elle lui faisait trop mal.

[5] Enfin, l’appelant bénéficie d’une prestation de retraite du RPC depuis juin 2016.

Question en litige

[6] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, une personne doit avoir été déclarée invalide au sens du RPC à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant la fin de cette période.Note de bas page 1 Le calcul de la PMA est fondé sur les cotisations de l’appelant au RPC. Je constate que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2018.

[7] Dans un deuxième temps, pour être considérée comme invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.Note de bas page 2

[8] Cependant, pour être admissible à une pension d’invalidité, une personne ne peut bénéficier d’une prestation de retraite, comme l’appelant depuis juin 2016. Une personne peut remplacer cette prestation de retraite par une prestation d’invalidité si elle est réputée être invalide avant le mois au cours duquel sa prestation de retraite est devenue payable.Note de bas page 3

[9] L’appelant étant bénéficiaire d’une prestation de retraite depuis juin 2016, il doit être réputé invalide avant ce mois pour pouvoir remplacer sa prestation de retraite par une prestation d’invalidité.

[10] La question en litige est donc de savoir si l’invalidité de l’appelant est grave est prolongée et ce, avant juin 2016. L’appelant a le fardeau de preuve quant à ce qui précède.Note de bas page 4

L’invalidité de l’appelant est-elle grave et prolongée avant juin 2016?

Témoignage de l’appelant

[11] Dans son questionnaire du 17 juin 2017, l’appelant indique que ses conditions médicales sont vertigo (sic) et le mal de jambe. Il ne peut se pencher et a un problème à marcher plus de trois minutes ou 100 pieds. Il ne peut rester assis plus de 10 minutes et debout plus de 15 minutes.

[12] L’appelant a effectivement témoigné à des épisodes d’étourdissements qui ont commencé peu après qu’il ait été opéré pour un cancer de la glande thyroïde il y a 7 ans. Il ne peut rester penché pour plus de quelques secondes ou regarder dans les airs ou sur les côtés. Il ne peut non plus s’étendre de façon droite, sa tête s’engourdit et lui fait mal. Il a témoigné qu’à tous les après-midis, il doit aller s’étendre et fermer les yeux pour enlever la pression dans sa tête. Il a dit que ça faisait deux ou trois ans qu’il fait ça, se fermer les yeux pour 60 à 90 minutes, et que ça aide.

[13] L’appelant a de plus témoigné qu’il a les jambes engourdies, qui lui font assez mal. Il est incapable de marcher plus de 5-10 minutes. Il a témoigné que son mal de jambe a commencé environ deux ans « avant aujourd’hui ».

[14] L’appelant a aussi témoigné qu’il souffre de dépression majeure chronique depuis 2013, suite à une séparation. Il indique qu’il est découragé et qu’il pleure tout le temps. Il indique qu’il a eu des moments de hauts et de pas depuis 2013, que « ça vient et ça part ».

[15] L’appelant a aussi témoigné qu’il est diabétique de type 2. Son diabète est survenu après qu’il ait cessé de travailler, mais l’appelant a témoigné qu’il est possible qu’il ait été diagnostiqué il y a moins de trois ans. Enfin, il est suivi pour sa pression et prend des médicaments à cet effet depuis environ un an.

[16] L’appelant indique être suivi aux trois mois par un nouveau médecin de famille suite à la retraite de son médecin de famille précédent. Il indique avoir essayé plusieurs médicaments, longtemps, pour ses étourdissements et que rien n’y faisait. Il est également médicamenté pour sa dépression, bien qu’il ne connaît pas le nom des médicaments qu’il prend.

[17] L’appelant a indiqué qu’il avait consulté Dr. Diane Morissette en juin 2016 pour sa dépression, qu’il a été la voir plusieurs mois et qu’il a tout arrêté à un moment donné, car c’était pire quand il sortait de chez le médecin. Quant à l’Association canadienne pour la santé mentale, il dit avoir refusé d’y aller car « dans sa tête à lui », ce sont des fous qui vont là et que lui, dans sa tête, il n’était pas fou. Il ne se souvient pas qu’on lui ait parlé du Centre l’Horizon et du Groupe WRAP. L’appelant pense que oui, il se souvient que le Dr. Morissette voulait qu’il retourner travailler.

[18] Enfin, lorsque j’ai demandé à l’appelant pourquoi il ne pouvait travailler en mai 2016, il a indiqué qu’il avait demandé à son employeur de réduire ses journées d’ouvrage, mais celui-ci n’a pas voulu. Il voulait également « se faire mettre sur une autre job », mais son employeur lui a indiqué qu’il n’y avait rien de tel pour lui. Et enfin, il n’a pas tenté de trouver un autre emploi car « il n’y a pas de job où on travaille toujours la tête drette (sic) ».

[19] Par ailleurs, je dois aussi soupeser la preuve médicale, objective, à l’appui des prétentions de l’appelant.

Preuve médicale

[20] La preuve médicale quant à l’invalidité et aux limitations de l’appelant est la suivante, et je ferai le résumé des divers rapports médicaux ci-bas.

Rapport du Dr. Claude Lajoie, médecin de famille, du 9 juillet 2017

[21] Au niveau du diagnostic, le Dr. Lajoie conclut à une maladie de Meunière probable et à une dépression majeure chronique. Il indique que l’appelant est en rémission complète d’un cancer de la glande thyroïde suite à une chirurgie. Il note que l’appelant souffre d’épisodes de vertiges récurrents, incapacitants et imprévisibles pour lesquels il n’y a aucune solution permanente, uniquement une médication pour en atténuer les symptômes. Sa dépression majeure chronique est stabilisée mais non résolue. Les médicaments et la psychothérapie ont permis d’éviter la décompensation. Le pronostic est réservé.

Rapport du Dr. Claude Maranda, cardiologue, du 3 mai 2016

[22] Dr. Maranda a vu l’appelant le 30 mars 2016. Il indique que l’appelant souffre de lipothymie depuis un an et connaît des périodes d’étourdissements qui durent 10-15 minutes environ deux à trois fois par mois. Après examen, il conclut que l’appelant n’a pas de signe de maladie cardiaque comme tel et que ses étourdissements ne sont pas expliqués. Il lui recommandé l’achat d’un appareil pour prendre sa pression et sa fréquence cardiaque lors d’étourdissements.

Rapport du Dr. Diane Morissette, psychiatre, 10 juin 2016

[23] Dr. Morissette a vu l’appelant le 6 juin 2016. Elle conclut qu’il est probable que l’appelant souffre de dépression majeure modérée et de trouble d’anxiété généralisé et qu’il est possible qu’il souffre d’un trouble de panique. Dans les trois cas, elle voudrait éliminer d’abord une anomalie physique pour son diagnostic. Les services de l’Association canadienne pour la santé mentale sont suggérés à l’appelant, mais il aurait refusé. On lui propose également de participer aux activités du centre l’Horizon et on le réfère au Groupe WRAP pour la gestion de ses symptômes. On explique aussi à l’appelant qu’il est important qu’il s’active, qu’il fasse de l’activité physique et intellectuelle et qu’il socialise. Dr. Morissette croit qu’il faut encourager l’appelant à s’activer en vue d’un retour au travail, et que s’il ne se sent pas prêt à un retour graduel avec sa médication actuelle, on pourrait modifier sa médication.

Rapport d’imagerie diagnostique du 25 octobre 2016

[24] Ce scan cérébral, qui vise à éliminer une lésion au cerveau pour expliquer le vertige de l’appelant, note aucune hémorragie, lésion ou masse. L’examen est donc normal.

Rapport du Dr. Lajoie du 3 mai 2017

[25] Comme diagnostic, Dr. Lajoie indique « major depression » et « positional vertigo ». Il indique également que l’appelant n’est pas motivé à vaquer aux activités de la vie quotidienne, qu’il est plus isolé, que sa concentration et son humeur font défaut, qu’il a moins d’ambition et d’endurance physique, et qu’il y a une perte d’équilibre. Dans la rubrique « Retour au travail », il indique avoir abordé le retour au travail à plusieurs reprises avec l’appelant, mais que celui-ci se dit incapable à cause de son vertige et sa dépression. Il recommande le repos complet et les médicaments que l’appelant prend déjà. Il recommande également une psychothérapie et des séances de groupe à un centre d’aide.

Certificat médical du Dr. Lajoie du 2 octobre 2018

[26] Dr. Lajoie indique qu’en raison de vertiges chroniques et une dépression majeure chronique, l’appelant ne pourra, pour cause médicale, se présenter à son travail, indéfiniment.

Analyse

Invalidité grave

[27] Le critère permettant de déterminer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à établir si la personne souffre d’incapacités graves, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité de la personne d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer tout travail c’est-à-dire, « une occupation véritablement rémunératrice ».Note de bas page 5

[28] Par ailleurs, l’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou selon toute vraisemblance, qu’il était invalide au sens du RPC avant juin 2016, quand il a commencé à bénéficier d’une prestation de retraite du RPC.

[29] Je conclus que l’appelant ne se décharge pas de son fardeau de preuve et que la preuve est insuffisante afin que je puisse conclure qu’il y avait invalidité grave avant juin 2016, pour les motifs suivants.

[30] Tout d’abord, le témoignage de l’appelant quant à sa condition médicale et ses limitations n’était pas particulièrement spécifique à la période avant juin 2016. Bien que j’avais indiqué à l’appelant que cela était nécessaire, je note qu’un témoignage vague par rapport à des périodes données n’est pas nécessairement inhabituel. Dans ce cas, la preuve médicale peut souvent nous éclairer.

[31] Or, je note que dans ce dossier, la preuve médicale est assez mince, surtout lorsqu’on l’analyse à la lumière de la date du 31 mai 2016. Le rapport du Dr. Lajoie, médecin de famille, est daté de juillet 2017. Il indique qu’il a commencé à traiter l’appelant pour son état pathologique principal en novembre 2013, mais je note que tant pour les étourdissements que pour la dépression, aucun spécialiste n’a été consulté avant 2016.

[32] Le premier spécialiste consulté est le Dr. Maranda, cardiologue. Il est le seul à avoir été consulté avant juin 2016. Son rapport indique que l’appelant souffre de lipothymie depuis un an, mais connaît des périodes d’étourdissements qui durent 10-15 minutes environ deux à trois fois par mois. Je ne peux conclure que de tels étourdissements, que je qualifierais de sporadiques, rendaient l’appelant incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant juin 2016.

[33] Par ailleurs, le rapport du Dr. Morissette, psychiatre, est daté du 10 juin 2016. Je note que même en juin 2016, soit près de trois ans après le début de la dépression de l’appelant, Dr. Morissette parle d’encourager l’appelant à s’activer vers un retour au travail.

[34] De plus, plusieurs traitements, comme les services du Centre Horizon, du Groupe WRAP et de l’Association canadienne de santé mentale, ne sont envisagés qu’à ce moment.  Dr. Lajoie reprend également certaines de ces recommandations en dans son rapport de mai 2017, recommandant une psychothérapie et des séances de groupe à un centre d’aide.

[35] Enfin, il est curieux que le questionnaire de l’appelant du 12 juillet 2017 passe sous silence la dépression dont il souffre de façon chronique depuis 2013.

[36] Donc, puisque Dr. Morissette voulait encourager l’appelant à un retour au travail en juin 2016, que plusieurs traitements pour la dépression n’ont été envisagés qu’en 2016-2017 alors que celle-ci a débuté en 2013 et que l’appelant a passé sous silence sa dépression dans son questionnaire de juillet 2017, je ne peux non plus conclure que la dépression de l’appelant le rendait incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice avant juin 2016.

[37] Par ailleurs, le certificat médical en Dr. Lajoie du 2 octobre 2018 ne peut aider l’appelant, puisqu’il est rédigé près de deux ans et demi après la date butoir du 31 mai 2016.

[38] Quant au problème aux jambes soulevé par l’appelant dans son témoignage, qui lui occasionne d’importantes difficultés à la marche, le rapport du Dr. Lajoie de juillet 2017 est silencieux quant à celui-ci. Il l’est également quant au diabète. J’en conclus qu’il est probable que ces problèmes se sont manifestés après juillet 2017. L’appelant l’a d’ailleurs essentiellement confirmé dans son témoignage.

[39] Enfin, le critère de gravité doit faire l’objet d’une analyse réaliste.Note de bas page 6 C’est donc dire qu’au moment de décider si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. Il est vrai que l’appelant était âgé de soixante ans le 31 mai 1956, qu’il a peu d’instruction et qu’il ne sait lire ni écrire. Il a occupé des emplois manuels. Par ailleurs, l’appelant a pu occuper de tels emplois toute sa vie et la preuve devant moi, surtout la preuve médicale, m’empêche de conclure qu’il ne pouvait régulièrement détenir une occupation valablement rémunératrice avant juin 2016.

Invalidité prolongée

[40] Puisque j’ai déterminé que l’invalidité de l’appelant n’était pas grave avant juin 2016, il n’est pas nécessaire que je me prononce sur le critère d’invalidité prolongée.

Conclusion

[41] L’appelant n’est pas admissible à recevoir une pension d’invalidité en vertu du RPC. L’appel est rejeté.

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