Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – Le requérant a fait une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en 2011. Sa demande a été rejetée par le ministre. La division générale (DG) a rejeté un premier appel en décidant que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité. La division d’appel (DA) est arrivée à la même conclusion que la DG en juin 2015.

En janvier 2019, le requérant a présenté une autre demande en affirmant qu’il était toujours incapable de travailler en raison de son invalidité. Le ministre l’a rejetée de nouveau puisque la question avait déjà été tranchée par une décision définitive du Tribunal. Le requérant a ensuite interjeté appel du deuxième refus du ministre à la DG.

La DG ne peut statuer sur une affaire qui a déjà été jugée sur la base du principe de la chose jugée. Cet appel satisfait aux critères pour appliquer ce principe : les parties sont les mêmes, la chose demandée est la même, et une décision définitive a été rendue. Toutefois, la DG doit aussi décider si l’application du principe de la chose jugée causerait une injustice; il s’agit du facteur le plus important à prendre en considération. Le requérant désire simplement que la DG lui donne une autre chance de prouver le bien-fondé de sa demande. La DG a jugé que l’application du principe de la chose jugée ne causerait aucune injustice. Ainsi, elle a déterminé que la décision de juin 2015 devrait être maintenue et a rejeté l’appel.

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appel du requérant portant sur l’obtention de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) ne peut aller de l’avant parce qu’une autre membre du Tribunal a déjà décidé qu’il ne répondait pas aux critères d’admissibilité des prestations d’invalidité du RPC le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

[2] J’ai examiné tous les documents au dossier avant l’audience. Après avoir entendu le témoignage du requérant et pris connaissance des observations des parties, j’ai pu informer les parties de ma décision à la fin de l’audience. Le requérant cherche à obtenir des prestations d’invalidité depuis de nombreuses années et il a décrit les difficultés financières et émotionnelles qu’il éprouve. J’ai été en mesure de rendre ma décision sur-le-champ et je trouvais qu’il serait injuste de faire attendre le requérant pendant plusieurs semaines avant de lui dire que son appel n’irait pas de l’avant. La présente confirme la décision que j’ai rendue de vive voix et motive mon refus d’accueillir l’appel du requérant.

Aperçu

[3] En juin 2011, le requérant a demandé des prestations d’invalidité du RPC. Le ministre a rejeté sa demande et le requérant a fait appel de la décision. Le Tribunal a tenu une audience le 10 février 2015. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel et conclu que la preuve ne démontrait pas que le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2012, soit à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA)Note de bas page 1. Il s’agit de la date limite à laquelle le requérant devait remplir les conditions requises pour recevoir les prestations d’invalidité du RPC.

[4] Le requérant a demandé la permission d’en appeler à la division d’appel. Celle-ci a rejeté sa demande en juin 2015Note de bas page 2.

[5] En janvier 2019, le requérant a demandé des prestations d’invalidité du RPC, affirmant qu’il ne pouvait toujours pas travailler en raison de son invalidité. Le ministre a rejeté sa demande, affirmant que la question avait déjà été tranchée dans une décision définitive du Tribunal. Le requérant a appelé de la décision au Tribunal.

[6] Dans une lettre que je lui ai fait parvenir avant l’audience et de nouveau à l’audience, j’ai demandé au requérant s’il pensait qu’il y aurait une injustice si j’appliquais les règles de la chose jugée. Je lui ai demandé de décrire la nature de l’injustice. Il a dit que ce serait injuste parce qu’il n’a pas d’aide financière même s’il ne peut pas travailler. Selon lui, il était invalide quand la division générale a rejeté son appel en 2012. Il estime qu’il était injuste que la division générale rejette son appel à ce moment-là et qu’il devrait avoir une autre chance de faire appel parce qu’il est toujours invalide en raison des mêmes problèmes de santé. Il a dit que son invalidité s’était aggravée et qu’il serait injuste pour moi de refuser de juger son appel de nouveau parce qu’il est toujours incapable de travailler. Il reçoit d’autres prestations en raison de son invalidité et présente des symptômes de dépression et d’anxiété. Il a affirmé que son médecin ne comprend pas pourquoi on a rejeté sa demande.

Questions préliminaires

[7] Le Tribunal ne peut pas statuer sur une affaire qui a déjà été tranchée. C’est ce qu’on appelle le principe de la chose jugée. Il s’applique quand les parties à l’appel sont les mêmes, que les questions en litige sont les mêmes et que la décision antérieure est définitive. Quand le principe s’applique, un tribunal ne peut pas rendre une autre décision sur les mêmes questions en litige. Il y a possiblement une exception à cette règle.

[8] Les renseignements au dossier montrent que l’appel du requérant répond aux critères du principe de la chose jugée. Les parties sont les mêmes, la question en litige est la même et la décision rendue est définitive. Toutefois, je dois aussi décider si l’application du principe pourrait entraîner une injustice. Dans un tel cas, j’ai le pouvoir de faire une exception et de juger l’appel même s’il porte sur la même question.

[9] Dans le présent appel, il faut d’abord trancher les questions liées au principe de la chose jugée. La première question est de savoir si le principe de la chose jugée doit s’appliquer. Si le principe ne s’applique pas, je serai alors en mesure d’examiner si le requérant était atteint d’une invalidité au sens du RPC à la fin de sa PMA. J’ai fixé une audience par téléconférence au 18 mars 2020 pour entendre les témoignages et prendre connaissance des observations sur la question de savoir si le principe de la chose jugée devait s’appliquer. Je voulais m’assurer que les parties avaient pleinement l’occasion de produire leur preuve et de présenter leurs observations sur la question de savoir si le rejet de l’appel à la suite de l’application du principe de la chose jugée entraînerait une véritable injustice.

[10] Avant l’audience, j’ai avisé les parties que je traiterais les questions en litige séparément. Nous allions tenir une première audience pour décider si l’appel pouvait passer à la prochaine étape ou si je devais le rejeter parce que la question en litige avait déjà été tranchée. Si je décidais que l’appel pouvait aller de l’avant, alors je planifierais une deuxième audience pour que les parties puissent produire des preuves sur la question de savoir si le requérant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au moment où il était admissible pour la dernière fois aux prestations d’invalidité du RPC.

Questions en litige

[11] Le présent appel répond-il aux critères du principe de la chose jugée?

[12] Si oui, devrais-je faire une exception et refuser d’appliquer le principe de la chose jugée parce qu’une injustice en découlerait?

Analyse

[13] J’ai décidé que l’appel répond aux critères du principe de la chose jugée. J’ai aussi décidé qu’il n’y a aucune circonstance me permettant de refuser d’appliquer ce principe.

Circonstances où le principe de la chose jugée s’applique

[14] Trois conditions doivent être remplies pour que la doctrine de la chose jugée empêche le Tribunal de revenir sur les questions en litige dans un appelNote de bas page 3. Il faut :

  1. que la question soit la même que celle qui a été tranchée dans la décision antérieure;
  2. que la décision antérieure soit définitive;
  3. que les parties dans le présent appel soient les mêmes que dans la procédure antérieure.

Les conditions sont remplies dans le présent appel

[15] Dans l’appel précédent, la question en litige était celle de savoir si le requérant était invalide au sens du RPC le 31 décembre 2012 ou avant cette date. La PMA du requérant n’a pas changé depuis l’appel précédent. Par conséquent, la question en litige dans le présent appel est la même que dans l’appel antérieur.

[16] La division générale a rendu une décision le 5 juin 2015 dans le cadre de l’appel précédent. Elle a décidé que le requérant n’était pas atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC le 31 décembre 2012 ou avant cette date. La division d’appel a rejeté la demande de permission d’en appeler du requérant. Ainsi, la décision que la division générale a rendue le 5 juin 2015 tranche définitivement la question de savoir si le requérant avait une invalidité au sens du RPC le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

[17] Finalement, le requérant et le ministre étaient les parties au premier appel ainsi qu’au présent appel.

L’application du principe de la chose jugée relève d’un pouvoir discrétionnaire

[18] Même si le présent appel remplit les trois critères du principe de la chose jugée, je peux tout de même décider d’autoriser l’instruction de l’appel. La loi me permet une certaine latitude, mais je ne peux pas exercer ce pouvoir au hasard. Autrement dit, je ne peux pas refuser d’appliquer les règles pour n’importe quelle raison. Mon objectif doit être de veiller à ce que l’application du principe de la chose jugée favorise l’administration ordonnée de la justice, mais pas au prix d’une injustice concrèteNote de bas page 4.

[19] La Cour suprême du Canada a énoncé une liste de facteurs concernant l’appel antérieur qu’il faut considérer quand on aborde cette question. Parmi ceux-ci, on trouve entre autres : a) le libellé du texte de loi qui accordait le pouvoir de rendre la décision antérieure, b) l’objet de la loi, c) l’existence d’un droit d’appel, d) les garanties offertes dans le cadre de l’instance administrative, e) l’expertise de la personne rendant la décision administrative, f) les circonstances ayant entraîné la procédure antérieure et g) tout risque d’injusticeNote de bas page 5.

[20] La Cour suprême du Canada précise que la liste n’est pas une liste de contrôle exhaustive. Il ne faut pas appliquer la liste machinalement ni examiner et appliquer uniquement les facteurs qui y figurentNote de bas page 6. Les facteurs peuvent différer d’une cause à l’autre et le principe d’équité est prépondérant. Le facteur le plus important à considérer est la question de savoir si, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’appel antérieur et de l’appel actuel, l’application du principe de la chose jugée (c.-à-d. faire que la décision de la division générale soit la décision définitive) entraînerait une injusticeNote de bas page 7.

[21] J’ai examiné les documents au dossier de l’appel précédent. Les dispositions du RPC qui s’appliquaient à l’appel précédent étaient les mêmes que celles qui s’appliquent à l’appel actuel. Le requérant agissait en son nom et communiquait directement avec le Tribunal et le personnel administratif dans le cadre de son appel. Les observations et la preuve qu’il a soumises dans cet appel démontrent qu’il connaissait les exigences auxquelles il devait répondre.

[22] La division générale avait la compétence pour prendre l’appel en charge et elle a donné l’occasion au requérant d’obtenir et de produire des éléments de preuve. Il s’agissait d’une audience en personne. Le Tribunal a entendu le témoignage du requérant et examiné le dossier ainsi que les observations des parties. La membre du Tribunal a rendu une décision motivée par écrit. La procédure prévoyait la possibilité de demander la permission d’appeler de la décision de la division générale à la division d’appel, ce que le requérant a fait. La division d’appel a rejeté sa demande.

[23] Le requérant me demande de juger son appel de nouveau parce qu’il est toujours invalide et en désaccord avec la décision que la division générale a rendue en 2015. Il n’a relevé aucun fait résultant de l’appel précédent qui montre qu’il y aurait une injustice si je lui refusais la permission d’aller de l’avant. Je lui ai demandé de décrire l’injustice potentielle qui en découlerait selon lui. Il a répondu qu’il était injuste que la division générale rejette son appel précédent et il estime qu’il devrait pouvoir en appeler de nouveau parce qu’il est toujours invalide et a besoin d’aide financière.

[24] Le requérant a eu l’occasion de faire valoir ses arguments et de participer pleinement à son appel devant une membre en règle du Tribunal. Le requérant me demande de juger de nouveau son appel et de lui donner une autre chance de prouver ses prétentions. Je comprends ce qu’il veut et je comprends sa position, mais je ne peux pas faire ce qu’il demande. Je conclus qu’il n’y a aucune circonstance qui entraînerait une injustice si j’appliquais la doctrine de la chose jugée dans le cadre du présent appel.

Conclusion

[25] La division générale a décidé en juin 2015 que le requérant n’avait pas d’invalidité grave à la fin de sa PMA. Je ne peux pas tenir une nouvelle audience pour trancher cette question de nouveau. Le principe de la chose jugée s’applique et, compte tenu de l’ensemble des circonstances, son application dans le cadre du présent appel n’entraîne pas d’injustice.

[26] L’appel est rejeté.

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