Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Résumé :

RPC – Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) qui a été rejetée initialement et après révision par le ministre. La division générale (DG) a ensuite rejeté l’appel au motif que le requérant n’avait pas une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). La division d’appel (DA) a toutefois déterminé que la DG avait commis une erreur de droit en omettant d’analyser et d’expliquer quelle preuve démontrait que le requérant avait une certaine capacité de travailler à l’échéance de sa PMA.

Lorsqu’un requérant exerce des activités professionnelles après la fin de la PMA, il peut être tentant d’axer l’analyse de la DG sur ces activités, surtout si elles tendent à démontrer une capacité de travailler après la fin de la PMA. Cependant, il faudrait toujours commencer par évaluer si l’invalidité était grave à la date de fin de la PMA ou avant cette date. Si la preuve ne démontre pas une invalidité grave à l’échéance de la PMA, alors la preuve des activités professionnelles après la fin de la PMA ne fait que confirmer cette conclusion. Si la preuve démontre une invalidité grave à la date de fin de la PMA ou avant cette date, la DG doit alors examiner les activités après la fin de la PMA. Il se peut que les activités soient si peu importantes qu’elles n’interfèrent pas avec la conclusion du caractère grave de l’invalidité (p. ex. : un emploi qui n’est pas véritablement rémunérateur, un emploi auprès d’un « employeur bienveillant » ou des tentatives de travail infructueuses). Quoi qu’il en soit, l’analyse devrait toujours commencer par l’invalidité à la fin de la PMA, pour ensuite porter sur les activités après la fin de la PMA.

Il est incorrect en droit de commencer l’analyse dans l’autre sens (en portant son attention d’abord sur les activités exercées après l’échéance de la PMA). Les activités accomplies après la fin de la PMA ne peuvent pas servir de fondement à une conclusion selon laquelle le requérant n’avait pas une invalidité « grave » à la fin de sa PMA. La DA a accueilli l’appel. Elle a renvoyé l’affaire à la DG pour un réexamen car le dossier était incomplet, la DA n’ayant pas eu accès à l’enregistrement audio de l’audience devant la DG.

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur. Je renvoie l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen.

Aperçu

[2] D. W. (requérant) a été gravement blessé dans un accident de voiture en 2006. Il a subi des lacérations au foie et aux reins, de nombreuses fractures osseuses au côté gauche du corps et un œdème cérébral. Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). Le ministre a rejeté sa demande initialement et après révision. Le requérant a présenté une nouvelle demande. Le ministre a rejeté la deuxième demande initialement et après révision. Le requérant a interjeté appel auprès du Tribunal. Le 8 juillet 2019, la division générale a rejeté l’appel du requérant, concluant qu’il n’avait pas une invalidité grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date.

[3] Le requérant a interjeté appel devant la division d’appel. Je lui ai accordé la permission de le faire. J’ai conclu qu’il avait une cause défendable selon laquelle la division générale avait commis une erreur de droit.

[4] J’ai écouté les arguments du requérant et du ministre. Je dois maintenant déterminer si la division générale a commis une erreur au titre de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Si la division générale a effectivement commis une erreur, je dois déterminer comment réparer cette erreur.

[5] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur de droit. Je n’ai pas l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. Ainsi, je n’ai malheureusement pas ce qu’il faut pour rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je renvoie l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’analyser la preuve et d’expliquer en quoi elle montrait que le requérant avait la capacité de travailler avant la fin de sa PMA?

Analyse

[7] La division d’appel ne donne pas aux parties la possibilité de défendre à nouveau leur cause dans le cadre d’une nouvelle audience. La division d’appel examine plutôt la décision de la division générale afin de déterminer si elle contient une erreur. L’examen de la division d’appel est basé sur le libellé de la Loi sur le MEDS, qui énonce les moyens d’appel qu’il est possible d’invoquerNote de bas de page 1.

[8] Omettre d’appliquer les critères juridiques établis pour la division générale dans les dispositions législatives et par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale constitue une erreur de droit. Si la division générale commet une telle erreur de droit, cela correspond à l’un des moyens d’appel prévus par la Loi sur le MEDSNote de bas de page 2.

Mettre l’accent sur la période minimale d’admissibilité

[9] La partie requérante doit montrer qu’elle avait une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant cette dateNote de bas de page 3. La division générale doit analyser la preuve relative à l’état de santé du requérant le jour où se termine sa PMA ou avantNote de bas de page 4. La division générale doit étayer ses conclusionsNote de bas de page 5.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit?

[10] La division générale a commis une erreur de droit en omettant d’analyser la preuve et de se demander et d’expliquer en quoi la preuve au dossier montrait que le requérant avait une certaine capacité à travailler au dernier jour de sa PMA ou avant.

[11] La décision de la division générale décrit brièvement l’accident et les blessures subies par le requérant en 2006Note de bas de page 6. La décision énonce que le requérant a reçu son congé de l’hôpital en février 2007 et qu’il a ensuite été « confiné dans un lit d’hôpital à son domicile pendant un anNote de bas de page 7 ».

[12] Au début de sa description des limitations fonctionnelles du requérant, la division générale les a fixées dans le temps en écrivant [traduction] « depuis », ce qui semble faire référence à l’année passée dans un lit d’hôpital.

[13] La PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2008.

[14] La décision décrit par la suite, avec un certain niveau de détail, la preuve médicale datant d’après la PMA. Sous le sous-titre [traduction] « Il y a des éléments de preuve qui montrent une certaine capacité à travailler », la division générale a écrit :

[traduction]
Il n’y a que peu de rapports médicaux datant de la PMA ou d’autour de cette période. Les rapports médicaux datés d’après la PMA indiquent que l’état de santé du requérant s’était nettement amélioré. Bien qu’il avait toujours de la douleur et des limitations, on a souligné qu’il ne prenait que très peu de médicaments. Plusieurs années après sa PMA, son état de santé semble s’être détérioré. Je conclus donc qu’il y a des éléments de preuve indiquant qu’il avait une certaine capacité à travaillerNote de bas de page 8.

[15] Il convient de souligner que la division générale n’a pas abordé d’éléments de preuve autres que les rapports médicaux (comme un témoignage) portant sur la capacité du requérant à travailler à l’époque de la PMA.

[16] La division générale a déterminé que les activités du requérant et ses rapports médicaux d’après sa PMA montraient que son état s’était [traduction] « nettement amélioré » et que par conséquent, il avait la capacité de travailler au moment de la PMA. La division générale conclut que l’état de santé du requérant s’est détérioré longtemps après la fin de la PMA (après une autre intervention chirurgicale subie en 2015).

[17] Le requérant affirme que la membre de la division générale n’avait pas fondé sa décision sur des éléments de preuve datant de sa PMA. Si la division générale avait mis l’accent sur la PMA, il aurait été évident, selon lui, qu’il avait une invalidité grave et prolongée au sens du RPC.

[18] Le ministre soutientNote de bas de page 9 que la division générale n’a pas commis d’erreur. Il incombait au requérant de prouver qu’il répondait au critère relatif à la gravité de l’invalidité pendant sa PMA. La division générale a souligné à juste titre que [traduction] « les rapports médicaux datés d’après la PMA indiquent que l’état de santé du requérant s’était nettement amélioré ». Des éléments de preuve datant de 2009, 2012, 2014 et 2015 montrent que l’état de santé du requérant s’était amélioré et qu’il avait une certaine capacité à travailler. Selon lui, l’ensemble de la preuve montre qu’il n’avait pas une invalidité grave à la fin de sa PMA.

[19] Le ministre soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur en mettant l’accent sur les études du requérant et sur l’emploi qu’il a occupé après la fin de sa PMA. Les tribunaux ont expliqué, dans d’autres décisions, que poursuivre des études signifiait qu’il y avait capacité à travaillerNote de bas de page 10. Le fait que le requérant a suivi des cours pendant un an, à partir d’octobre 2013, montre qu’il avait la capacité de travailler à temps partiel, dans le cadre d’un emploi adapté à sa réalité ou d’un emploi sédentaire. Selon lui, la division générale n’a pas non plus commis une erreur en mettant l’accent sur l’emploi du requérant après sa PMA. Ce travail ne peut être considéré comme une vaine tentative de retourner travailler, puisque le temps passé à étudier, ajouté au temps passé à travailler, représente plus de deux ans. La Cour fédérale a déjà affirmé qu’un retour au travail pour seulement quelques jours était considéré comme une vaine tentative de retour au travail, mais qu’après deux années de gains équivalents à ses gains précédents, on ne pouvait pas considérer qu’il y avait eu une vaine tentative de retourner travaillerNote de bas de page 11.

[20] À mon avis, la division générale a commis une erreur de droit en omettant de centrer son analyse et ses motifs sur l’état de santé du requérant au dernier jour de sa PMA ou avant. La PMA du requérant a pris fin le 31 décembre 2008. La division générale semble déduire que la capacité de travailler dont a fait preuve le requérant lorsqu’il était aux études et qu’il travaillait, des années après la fin de sa PMA, montre qu’il avait une capacité de travailler à la fin de sa PMA également. Il est également possible, toutefois, que le requérant répondait au critère d’invalidité grave à l’époque de sa PMA, et que son état se soit amélioré, bien que temporairement, pendant qu’il était aux études et qu’il tentait de retourner travailler.

[21] Lorsque le requérant montre qu’il a travaillé après la fin de sa PMA, il est tentant de centrer son analyse sur ses activités, surtout si ces activités semblent montrer qu’il est apte à travailler après la fin de sa PMA. Toutefois, le point de départ de ce type d’affaires est toujours la détermination de la gravité de l’invalidité au dernier jour de la PMA ou avant.

[22] Si la preuve ne montre pas une invalidité grave pendant la PMA, les éléments de preuve montrant qu’une partie requérante a travaillé après la fin de la PMA ne font que renforcer cette conclusion.

[23] Si la preuve montre qu’il y avait invalidité grave au dernier jour de la PMA ou avant, la division générale doit examiner les activités du requérant après sa PMA. Il se pourrait que les activités soient insignifiantes, au point où elles n’interfèrent pas avec la conclusion selon laquelle l’invalidité est grave. Il se pourrait que tout travail effectué ne soit pas véritablement rémunérateur, ou qu’il s’agisse d’une vaine tentative de retour au travail. Il se pourrait également que les activités aient été modifiées de façon telle qu’il ne s’agit plus vraiment d’un travail (ou qu’il s’agit de ce que l’on appelle un travail pour un « employeur bienveillant »).

[24] Indépendamment de cela, l’analyse devrait toujours commencer avec l’invalidité à l’époque de la PMA et ensuite passer aux activités après la fin de la PMA. Commencer le processus d’analyse de façon inverse (soit en analysant les activités après la fin de la PMA d’abord) ne fonctionne pas. Ces activités menées après la fin de la PMA ne peuvent constituer le fondement de la conclusion selon laquelle l’invalidité du requérant n’était pas « grave » à l’échéance de sa PMA.

[25] L’analyse doit être centrée sur la PMA. La division générale n’a pas indiqué quelles étaient les limitations fonctionnelles du requérant à partir de février 2008 (moment à partir duquel il semble qu’il n’était plus confiné à un lit d’hôpital dans son domicile) jusqu’au 31 décembre 2008, date de la fin de sa PMA. Je comprends mal quelles étaient les limitations du requérant à l’époque (et je n’ai pas accès à l’enregistrement de l’audience devant la division générale).

[26] La division générale peut conclure qu’un requérant avait la capacité résiduelle de travailler pendant sa PMA, mais les limitations du requérant à la fin de la PMA n’ont pas été indiquées clairement. Les motifs fournis dans cette partie de la décision ne sont pas clairs du tout. Compte tenu de la gravité de ses blessures et de l’importance des limitations du requérant pendant la première année à la maison après son congé de l’hôpital, je ne comprends pas comment la division générale en est venue à déduire que la preuve médicale après la PMA était pertinente à l’état de santé du requérant pendant sa PMA.

[27] Il se peut que le fait que le requérant ait vu ses limitations fonctionnelles réduites montre qu’il n’était pas continuellement invalide depuis la fin de sa PMA. Il se peut que l’amélioration de l’état de santé du requérant lorsqu’il était aux études et au travail montre que son invalidité n’était plus grave. La division générale a reconnu qu’il y avait eu une détérioration de l’état de santé du requérant après son intervention chirurgicale de 2015, qui était liée au traitement de la même blessure subie en 2006.

[28] La division générale a commis une erreur de droit. La conclusion selon laquelle le requérant avait une certaine capacité à travailler doit être expliquée et doit être liée à son état de santé pendant sa PMA. Si celle-ci est fondée sur les éléments de preuve relatifs à l’état de santé du requérant après sa PMA, la division générale doit justifier en quoi les éléments de preuve datant d’après la PMA fournissent des indications sur l’état de santé du requérant pendant sa PMA.

[29] Enfin, la division générale semble avoir tenu compte du travail occupé par le requérant après sa PMA pour déterminer si les efforts du requérant pour obtenir et conserver un emploi avaient été vains en raison de son invalidité (je vais appeler cela le [traduction] « critère relatif à l’occupation d’un emploiNote de bas de page 12 »). Le requérant doit fournir une preuve de ses efforts pour occuper un emploi datant d’avant la fin de sa PMA pour répondre au critère relatif à la gravité de l’invalidité. En d’autres mots, la division générale ne doit pas se fonder sur les activités du requérant après la fin de sa PMA pour déterminer s’il répondait au critère relatif à l’occupation d’un emploi. L’ensemble de l’analyse visant à déterminer si l’invalidité du requérant est grave doit être centrée sur la PMA. Si la division générale conclut qu’il y a invalidité grave, elle peut ensuite se pencher sur les activités du requérant après la fin de sa PMA.

Réparation

[30] Dans le cas où la division générale commet une erreur, je peux soit rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, soit renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamenNote de bas de page 13.

[31] Lorsque le dossier est complet, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre est souvent la façon la plus efficace de procéder. En l’espèce, toutefois, je n’ai pas l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. Même si le requérant aurait souhaité que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre, je ne peux le faire. Je n’ai pas accès aux témoignages et ne peux donc pas consulter l’ensemble de la preuve relative à l’état de santé du requérant de février 2008 au 31 décembre 2008. Cela serait probablement important pour toute analyse visant à déterminer si le requérant avait la capacité de travailler à la fin de sa PMA.

[32] Je vais renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamen. Le dossier n’est pas complet sans l’enregistrement de l’audience devant la division générale.

Conclusion

[33] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit. Je renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

 

Date de l’audience :

Le 17 décembre 2019

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions :

D. W., appelant

Viola Herbert, représentante de l’intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.