Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[2] Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. La requérante est invalide et a droit à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Aperçu

[3] La requérante a terminé ses études secondaires ainsi qu’un programme de formation pour devenir secrétaire dans un cabinet de médecin. Elle a travaillé dans ce domaine pendant de nombreuses années. Elle a arrêté de travailler en 2016. Elle a demandé une pension d’invalidité du RPC, affirmant être invalide en raison d’une dépression et de l’anxiété.

[4] Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté la demande. La requérante a appelé de cette décision au Tribunal. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a décidé que, malgré ses troubles de santé mentale, la requérante avait conservé une certaine capacité de travail et qu’elle n’avait donc pas une invalidité grave. 

[5] La permission d’appeler de cette décision à la division d’appel du Tribunal a été accordée parce que la division générale avait possiblement fondé sa décision sur une erreur de fait importante. J’ai maintenant examiné tous les documents déposés à la division d’appel et à la division générale. J’accueille l’appel, car la division générale a effectivement fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes. Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre : la requérante a droit à une pension d’invalidité.

Question préliminaire

[6] Pour les raisons suivantes, le présent appel a été tranché d’après les documents déposés au Tribunal.

  1. La question en litige est simple.
  2. Les positions des parties sont clairement exprimées dans les documents qu’elles ont déposés au Tribunal.
  3. La requérante demande que l’appel soit accueilli et que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre, soit qu’elle est invalide.
  4. Le ministre a reconnu que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes sans tenir compte de tous les éléments portés à sa connaissance et demande que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre, soit que la requérante est invalide.
  5. Le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) exige que les appels soient tranchés de la façon la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettentNote de bas de page 1.

Questions en litige

[7] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une erreur de fait importante?

[8] Si oui, quelle réparation convient-il d’accorder?

Analyse

[9] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal. Elle énonce les règles à suivre pour interjeter appel à la division d’appel. Un appel n’est pas une nouvelle occasion de débattre de la demande originale. En fait, je dois plutôt décider si la division générale :

  1. a mené une procédure inéquitable;
  2. a omis de statuer sur une question qu’elle aurait dû trancher ou a statué sur une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 2.

[10] J’examine ci-après les arguments de la requérante voulant que la division générale ait fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

Erreurs de fait importantes

[11] Un moyen d’appel prévu par la Loi sur le MEDS est que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante. Pour avoir gain de cause sur ce fondement, la requérante doit prouver trois choses :

  1. une conclusion de fait était erronée (fausse);
  2. la conclusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à la connaissance de la division générale;
  3. la décision est fondée sur cette conclusion de faitNote de bas de page 3.

[12] Dans sa décision, la division générale considère comme un fait établi que la preuve matérielle ne permet pas de conclure à une invalidité pour tout type de travailNote de bas de page 4. Elle considère également comme un fait établi que la preuve médicale confirme la capacité de travail de la requéranteNote de bas de page 5. Toutefois, en mai 2019, le psychiatre de la requérante a écrit qu’elle était incapable de retourner travailler dans tout type d’emploiNote de bas de page 6. En septembre 2019, le médecin de famille de la requérante a également écrit qu’elle ne se portait pas assez bien tout au long de 2018 et de 2019 pour retourner au travail, peu importe le posteNote de bas de page 7.

[13] Ces éléments de preuve contredisent les conclusions de fait tirées par la division générale. La décision ne fait pas référence à ces éléments. Bien qu’il ne soit pas nécessaire que la division générale mentionne chacun des éléments de preuve portés à sa connaissanceNote de bas de page 8, lorsque des éléments de preuve contredisent sa décision, elle doit expliquer pourquoi elle ne leur a pas accordé d’importance. Comme elle n’a ni mentionné ces éléments ni expliqué pourquoi elle ne leur a pas accordé d’importance, je suis convaincue que la division générale a tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte de ces éléments de preuve.

[14] La décision est fondée, du moins en partie, sur ces conclusions de fait. Par conséquent, la division générale a commis des erreurs aux termes de la Loi sur le MEDS et l’appel doit être accueilli.

[15] La requérante soutient également que la division générale a fondé sa décision sur d’autres erreurs de fait importantes. Cependant, comme j’ai conclu qu’il me faut accueillir l’appel pour les motifs décrits ci-dessus, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres moyens d’appel.

Réparation

[16] La Loi sur le MEDS énonce les recours que la division d’appel peut accorder quand un appel est accueilli. Il convient que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre dans la présente affaire. Voici pourquoi.

  1. a) Il ne manque aucun écrit au dossier.
  2. b) Les deux parties ont demandé que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre.
  3. c) La Loi sur le MEDS prévoit que le Tribunal peut trancher toute question de droit ou de fait pour juger un appelNote de bas de page 9.
  4. d) Le Règlement sur le TSS exige que les appels soient menés de la manière la plus expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Analyse

[17] La période minimale d’admissibilité (PMA, c’est-à-dire la date à laquelle il faut prouver qu’on était invalide pour avoir droit à une pension d’invalidité) de la requérante se termine le 31 décembre 2019.

[18] J’ai examiné tous les documents déposés à la division d’appel et à la division générale. La preuve médicale démontre que la requérante a un trouble de santé mentale depuis de nombreuses années. Elle a été traitée et elle a suivi toutes les recommandations de traitement. Le simple fait de ne pas avoir pris de médicaments ne démontre pas que son problème de santé n’était pas grave, mais seulement qu’on ne lui avait pas prescrit de médicaments pour le traiter. La preuve médicale montre également que même si les médecins traitants de la requérante envisageaient avec optimisme que son état de santé allait s’améliorer grâce au traitement en 2017Note de bas de page 10, au fil du temps et avec un traitement continu, leurs opinions ont changé. En 2019, ils ont écrit que la requérante était incapable de travaillerNote de bas de page 11.

[19] La requérante aussi a écrit qu’elle était incapable de travailler. Elle a écrit qu’elle a suivi une thérapie aussi longtemps qu’elle pouvait se le permettre, que son état s’est détérioré en raison de sa situation familiale et de ses contraintes financières. De plus, comme ses déficiences fonctionnelles incluaient une incapacité à se concentrer et à accomplir ses tâches, à interagir professionnellement, à s’organiser, à gérer les conflits et à garder le contrôle de ses émotions, elle était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératriceNote de bas de page 12. Rien ne contredit cet élément de preuve. Je suis convaincue que la requérante a travaillé malgré ses problèmes de santé pendant aussi longtemps qu’elle en était capable.

[20] La Cour d’appel fédérale nous enseigne que pour décider si un requérant ou une requérante est invalide, il faut tenir compte de ses problèmes de santé et de sa situation personnelleNote de bas de page 13. La requérante a suivi une formation de secrétaire médicale. Son expérience de travail se limite à ce domaine. Cela restreint sa capacité de trouver du travail dans un autre domaine. De plus, elle avait 60 ans à la fin de sa PMA. Cet âge réduirait aussi de façon considérable sa capacité à travailler. En outre, on ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce qu’elle se recycle à cet âge pour exercer un autre emploi.

[21] Après avoir pris en considération l’ensemble de la preuve, je suis convaincue que l’invalidité de la requérante est grave. Elle l’était quand la requérante a cessé de travailler en 2016 et elle a continué de l’être par la suite.

[22] L’invalidité de la requérante est aussi prolongée. La requérante a un trouble de santé mentale depuis des années. Ses troubles persistent malgré les traitements. La preuve médicale la plus récente laisse croire que son état de santé ne va pas s’améliorer de façon importante.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli parce que la division générale a fondé sa décision sur des erreurs de fait importantes.

[24] J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La requérante est invalide aux termes du RPC. Elle était invalide en juin 2016 quand elle a cessé de travailler.

[25] Le RPC prévoit que le versement de la pension d’invalidité commence quatre mois après que la personne devient invalideNote de bas de page 14. Par conséquent, la pension est payable à compter d’octobre 2016.

 

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Comparutions :

E. L., appelante

Suzette Bernard, avocate de l’intimé

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