Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait et a commis une erreur de droit.

[2] La décision que la division générale aurait dû rendre est la suivante : le prestataire est admissible à une pension d’invalidité.

Aperçu

[3] T. A. (requérant) a terminé sa 11e année avant de commencer à travailler. Il a ensuite occupé des emplois exigeants sur le plan physique, jusqu’à ce qu’il développe de l’urticaire chronique intermittente déclenchée par l’exposition à des substances utilisées en usine et à d’autres éléments déclencheurs environnementaux. Le requérant a ensuite travaillé pour l’entreprise de déménagement de son frère. Il a arrêté de travailler en 2010, après avoir subi une intervention chirurgicale pour une hernie.

[4] Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada et a déclaré être invalide en raison d’un certain nombre de problèmes de santé, dont l’urticaire chronique, la dépression et une hernie. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. Le requérant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale. La division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Elle a déterminé que le requérant n’avait pas d’invalidité grave avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA – la date jusqu’à laquelle une partie requérante doit être réputée invalide afin d’être admissible à une pension).

[5] La permission d’en appeler de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal a été accordée sur le fondement que la division générale a rendu sa décision en se fondant sur une importante erreur de fait en affirmant qu’il n’y avait aucun rapport médical soutenant la thèse que le requérant était incapable d’occuper un quelconque emploi.

[6] J’ai examiné la décision de la division générale, les documents présentés à la division d’appel, ainsi que les documents présentés à la division générale. La division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait et a commis une erreur de droit. L’appel est accueilli. Il est également approprié que la division d’appel rende la décision que la division d’appel aurait dû rendre. Le requérant était invalide avant la fin de sa PMA. Il est admissible à la pension d’invalidité.

Question préliminaire

[7] Cet appel a été tranché sur le fondement des documents présentés au Tribunal pour les raisons suivantes :

  1. La question juridique à trancher est simple.
  2. Les parties ont présenté des observations écrites qui décrivent clairement leur position juridique sur les questions en litige.
  3. Le requérant demande à la division d’appel de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, soit celle que le requérant était invalide avant la fin de sa PMA.
  4. Le ministre admet que la division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait et qu’elle a commis une erreur de droit. Il demande également que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre, soit celle que le requérant était invalide avant la fin de sa PMA.

Questions en litige

[8] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur au moins l’une des importantes erreurs de fait suivantes :

  1. Aucun rapport médical n’appuie le fait que le requérant était incapable de travailler avant la fin de sa PMA.
  2. La capacité du requérant à travailler était la même avant et après son intervention chirurgicale pour sa hernie.

[9] La division générale a-t-elle commis l’une des erreurs de droit suivantes :

  1. Elle a omis de tenir compte du fait que l’absence de compétences transférables du requérant nuirait à capacité à occuper un emploi sédentaire.
  2. Elle a omis de tenir compte du fait que la scolarité du requérant nuirait à sa capacité à régulièrement occuper un emploi véritablement rémunérateur.
  3. Elle a omis d’appliquer les principes juridiques en déterminant si le dernier employeur du requérant était un employeur bienveillant.

Analyse

[10] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régit le fonctionnement du Tribunal et fournit des règles pour les appels devant la division d’appel. Un appel n’est pas une nouvelle audience sur la demande originale. Je dois plutôt décider si la division générale :

  1. a omis d’offrir un processus équitable;
  2. a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. a commis une erreur de droit;
  4. a fondé sa décision sur une erreur factuelle importanteNote de bas page 1.

[11] Le requérant soutient que la division générale a fondé sa décision sur d’importantes erreurs de fait et qu’elle a commis des erreurs de droit. Ses arguments sont analysés ci-dessous dans ce contexte.

Importantes erreurs de fait au sujet de la preuve médicale

[12] L’un des moyens d’appel prévu par la Loi sur le MEDS est que la division générale a fondé sa décision sur une erreur factuelle importante. Pour avoir gain de cause sur ce fondement, le requérant doit prouver trois choses :

  1. La conclusion de fait était erronée.
  2. La conclusion de fait a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
  3. La décision était fondée sur cette conclusion de fait erronéeNote de bas page 2.

[13] Le requérant soutient d’abord que l’appel aurait dû être accueilli parce que la division générale a fondé sa décision sur l’importante erreur de fait qu’aucun rapport médical ne soutient qu’il était incapable de travailler pendant sa PMANote de bas page 3.

[14] Malgré cela, la décision fait référence à un certain nombre de rapports médicaux qui indiquaient que le requérant était incapable de travailler. Par exemple :

  1. En novembre 2011, le médecin de famille a écrit que le requérant était médicalement invalideNote de bas page 4.
  2. En mai 2012, le médecin de famille a de nouveau indiqué que le requérant était médicalement invalide au moment de la consultation et pour un avenir prévisibleNote de bas page 5.
  3. En juillet 2012, le médecin de famille a indiqué que son angioœdème l’empêchait de faire des efforts physiques et que le requérant n’était plus capable de travailler depuis 2010Note de bas page 6.

[15] Ainsi, la conclusion de fait selon laquelle aucun rapport médical ne soutenait le fait que le requérant était incapable de travailler était erronée. Cette conclusion a été tirée sans tenir compte de certains éléments de preuve médicaux présentés à la division générale, auxquels elle faisait pourtant référence. La décision a été prise, au moins en partie, sur le fondement de cette conclusion de fait.

[16] De plus, la Cour suprême du Canada indique qu’il est nécessaire de fournir des raisons lorsqu’on tire des conclusions de fait à partir d’éléments de preuve contradictoires et sur lequel le résultat de l’appel dépend largementNote de bas page 7. La division générale ne l’a pas fait. Elle a utilisé une note en bas de page pour faire généralement référence à la preuve médicale du médecin de famille lorsqu’elle explique sa décision. La preuve est contradictoire à la conclusion de la division générale. La division générale n’a pas analysé la preuve, ni expliqué pourquoi elle ne lui a accordé aucune importance. Faire référence à la preuve seulement dans une note en bas de page ne suffit pas à démontrer que la division générale l’a correctement analysée pour rendre sa décision.

[17] Ainsi, la division générale a fondé sa décision sur une importante erreur factuelle. Sur ce fondement, l’appel doit être accueilli.

Erreur de droit concernant les circonstances personnelles du requérant

[18] Le requérant soutient également que la division générale a commis une erreur de droit. La Cour d’appel fédérale nous indique que pour déterminer si une partie requérante est invalide, le preneur ou la preneuse de décision doit tenir compte des problèmes médicaux et des circonstances personnelles de celle-ci, y compris son âge, ses capacités linguistiques, sa scolarité et son expérience professionnelle et de vieNote de bas page 8.

[19] La division générale a correctement énoncé ce principe dans sa décisionNote de bas page 9. La décision indique également que le requérant n’avait aucun problème de langage, qu’il avait des compétences transférables limitées car son expérience de travail consistait à effectuer des tâches manuellesNote de bas page 10. Toutefois, la division générale n’a pas tenu compte des répercussions de la scolarité du requérant sur sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le fait que le requérant n’a pas terminé ses études secondaires est important et a des répercussions sur sa capacité à obtenir du travail.

[20] La division générale a également commis une erreur de droit. L’appel doit être accueilli sur ce fondement également.

Autres questions

[21] Le requérant a présenté un certain nombre d’autres moyens d’appel également. Toutefois, puisque l’appel doit être accueilli sur le fondement des erreurs examinées ci-dessus, il n’est pas nécessaire de se pencher sur les autres moyens d’appel.

Réparation

[22] La Loi sur le MEDS établit les mesures correctrices que la division d’appel peut prendre lorsqu’un appel est accueilli. Il est approprié pour la division d’appel de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, et ce, pour les raisons suivantes :

  1. Le dossier est complet.
  2. Les parties ont présenté des observations écrites qui décrivent clairement leur position juridique sur les questions en litige.
  3. Le requérant a présenté une demande de pension d’invalidité en 2017. L’affaire est en cours depuis environ trois ans et d’autres retards seraient à prévoir si elle était renvoyée à la division générale aux fins de révision.
  4. Les parties ont toutes deux demandé que la division d’appel rende la décision que la division générale aurait dû rendre.

Analyse

[23] Les faits sont exposés dans les documents présentés au Tribunal. Ils sont résumés ci-dessous :

  1. Le requérant a terminé sa 11e année avant de commencer à travailler.
  2. Le requérant a travaillé comme apprenti mécanicien et comme meuleur. Il a cessé de travailler dans le domaine en raison d’urticaire chronique provoquée par l’exposition à des substances industrielles et par d’autres facteurs environnementaux.
  3. Le requérant a ensuite travaillé pour l’entreprise de déménagement de son frère. Il a cessé de travailler en 2010 après avoir subi une intervention chirurgicale pour une hernie.
  4. Le requérant est également atteint d’angioœdème et est essoufflé lorsqu’il fait des efforts physiques au travail.
  5. La PMA du requérant s’est terminée le 31 décembre 2013.
  6. Le requérant avait 56 ans à la fin de sa PMA.
  7. Le médecin de famille du requérant a rédigé trois rapports médicaux avant la fin de la PMA, lesquels indiquaient que le requérant était incapable de travailler en raison de ses problèmes de santé.
  8. Le requérant affirme qu’il a de la difficulté à se concentrer, à dormir et à respirer à cause des démangeaisons causées par l’urticaire. Il ne peut pas soulever des objets en raison de son hernieNote de bas page 11.

[24] Il est évident, après l’analyse des éléments de preuve présentés au Tribunal, que le requérant ne peut pas travailler dans un environnement fermé ou dans un milieu industriel. Il réagit à plusieurs substances chimiques ou qui se trouvent dans l’environnement. Celles-ci lui provoquent de l’urticaire, qui lui impose des limites sur le plan physique. Le seul traitement recommandé pour l’urticaire est un soulagement des symptômes et l’évitement des substances en cause. Cela vient limiter les possibilités de travail du requérant de façon importante.

[25] Le 4 juin 2012, le médecin de famille du requérant a écrit que son angioœdème l’empêchait de faire des efforts physiques, puisque toute tentative de travailler lui provoquait une enflure de la langue et des essoufflements. Il a ajouté que malgré qu’il ne travaillait pas depuis 2010, son angioœdème continuait d’être déclenché par divers éléments environnementauxNote de bas page 12.

[26] De plus, le requérant a subi une intervention chirurgicale pour une hernie en 2010. Par la suite, il ne pouvait plus soulever des objets lourds. Cela vient limiter de plus belle ses possibilités d’emploi.

[27] Je donne de l’importance à la note médicale du médecin de famille du requérant, rédigée l’année avant la fin de sa PMA. Le Dr Barnard indique clairement et de façon cohérente que le requérant est incapable de travailler. Ses notes ont été rédigées au moment de la consultation du requérant. Il a traité l’ensemble des problèmes de santé du requérant.

[28] La Cour fédérale nous indique que je dois tenir compte de l’état de santé du requérant, ainsi que de ses caractéristiques personnelles, notamment son âge, sa scolarité, ses compétences linguistiques et son expérience professionnelle et de vieNote de bas page 13. Le requérant a terminé sa 11e année. Il n’y a aucune preuve qu’il possède des compétences en informatique. Il n’a aucune expérience professionnelle dans un travail sédentaire ou administratif. Son expérience de travail se limite à des emplois exigeants sur le plan physique. De plus, le fait que le requérant n’a pas fait d’études nuirait de façon importante à sa capacité de se trouver ou d’effectuer un travail sédentaire. Le requérant avait 56 ans à la fin de sa PMA, ce qui viendrait aussi nuire à sa capacité de se trouver un travail.

[29] Les problèmes de santé du requérant, conjointement avec ses caractéristiques individuelles, montrent qu’il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Son invalidité est donc grave. Elle était grave lorsqu’il a cessé de travailler en 2010, soit avant la fin de sa PMA.

[30] L’invalidité du requérant est également prolongée. Il n’a pas travaillé depuis 2010 en raison de ses problèmes de santé. Il a suivi les recommandations de traitement. Toutefois, son urticaire et son angioœdème ne se sont pas améliorés. Rien n’indique que ces problèmes de santé se résorberont dans l’avenir.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli. La division générale a fondé sa décision sur une importante erreur de fait et a commis une erreur de droit.

[32] Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. Le requérant est invalide. Il est devenu invalide avant la fin de sa PMA.

[33] Toutefois, le Régime de pensions du Canada indique qu’une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant la présentation d’une demande de pension d’invaliditéNote de bas page 14. Le requérant a présenté sa demande de pension d’invalidité en mai 2017. Ainsi, il est réputé invalide à partir de février 2016.

[34] Le Régime de pensions du Canada énonce aussi que le versement d’une pension d’invalidité commence quatre mois après la date à partir de laquelle une personne est réputée invalideNote de bas page 15. Ainsi, le paiement de la pension d’invalidité commence en juin 2016.

Mode d’instruction :

Sur la foi du dossier

Observations :

Alexandra Victoros, avocate de l’appelant
Susan Johnstone, représentante de l’intimé

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