Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] Le requérant est admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) payable à partir de juillet 2017.

Aperçu

[2] Le requérant a cessé de travailler en octobre 2016 comme opérateur d’un champ de gaz en raison de graves douleurs au dos. Il a subi une chirurgie au dos en octobre 2016 et il a développé un syndrome du pied pendant avec perte complète de la flexion dorsale au pied gauche. Le prestataire possède également une ferme qui génère des revenus. Le ministre a reçu la demande de pension d’invalidité du requérant en juin 2018. Le ministre a rejeté cette demande initialement et après révision. Le prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[3] Une personne qui présente une demande de pension d’invalidité doit satisfaire à certaines exigences. Celles-ci sont énoncées dans la loi qui porte sur les prestations d’invalidité du RPC. Premièrement, il faut satisfaire aux exigences en matière de cotisations. Le terme juridique pour décrire cela est la période minimale d’admissibilité (PMA)Note de bas de page 1. Cela ne constitue pas un problème dans le présent appel. La période minimale d’admissibilité du requérant prend fin le 31 décembre 2021.

[4] Deuxièmement, il faut que la personne soit atteinte d’une invalidité « grave et prolongéeNote de bas de page 2 ». La personne doit être atteinte de cette invalidité au plus tard à la fin de sa PMA. Comme la PMA du requérant prend fin dans le futur, je dois déterminer s’il était invalide au plus tard à la date de l’audience (le 23 avril 2020).

[5] Pour la plupart des gens, le terme « grave » signifie quelque chose qui est « très mauvais » ou « très important ». De même, la plupart des gens considèrent que le terme « prolongée » représente quelque chose qui dure pendant une longue période. Les termes « grave » et « prolongée » ont cependant un sens précis dans le domaine du droit qui nous occupe.

Que signifie « grave »?

[6] Selon la loi, si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en raison d’une invalidité, cette personne est atteinte d’une invalidité graveNote de bas de page 3.

[7] Le terme « invalidité grave » ne concerne pas la nature d’une invalidité. Il désigne une invalidité qui influe sur la capacité d’une personne de travailler. Si une invalidité est grave au point où elle rend une personne régulièrement incapable de détenir une occupation, cette personne est atteinte d’une invalidité grave. Il est important de noter qu’il ne pas s’agit ici d’un emploi précédent ou d’un emploi avec un salaire comparable, mais de toute occupation véritablement rémunératrice, même si le salaire est plus bas que celui des emplois précédents.

Que signifie « prolongée »?

[8] Par « prolongée », on entend une invalidité qui doit « durer pendant une période longue, continue et indéfinie » ou qui doit « entraîner vraisemblablement le décèsNote de bas de page 4 ». Pour qu’une invalidité soit considérée comme « prolongée », elle doit être presque de nature quasi permanente. Donc, si une personne a une chance raisonnable de retrouver sa capacité de travailler dans un proche avenir, son invalidité n’est pas prolongée.

[9] Le ministre reconnaît les symptômes du requérant, mais il croit que la preuve ne démontre pas que ses problèmes de santé sont graves. Cela signifie que le requérant aurait la capacité de travailler. Le ministre affirme que le requérant a continué à prendre des décisions d’affaire concernant son exploitation agricole. Il a déclaré des revenus agricoles bruts de plus de 100 000 $ en 2017 et de plus de 200 000 $ en 2018Note de bas de page 5. C’est pourquoi sa demande a été rejetée.

[10] Le dossier du Tribunal indique que le requérant souffre actuellement de nombreux problèmes de santé. Pour déterminer si son invalidité est grave, je dois tenir compte de l’opinion du requérant sur l’incidence de ses problèmes de santé sur sa capacité à travailler. Je dois aussi tenir compte des avis de ses médecins et des autres professionnels de la santé concernant son état de santé, ainsi que d’autres éléments comme les résultats des examens médicaux. Si le requérant est régulièrement capable de détenir une occupation qui est véritablement rémunératriceNote de bas de page 6, il n’est pas admissible à une pension d’invalidité.

La preuve médicale confirme que le requérant est invalide

[11] La Dre Swiegers (médecin de famille) traite le requérant depuis sa blessure initiale au dos en 2011. Elle a déclaré qu’il a subi plusieurs interventions depuis cette blessure pour une radiculopathie lombo-sacrée. Cette radiculopathie a évolué jusqu’au point où il a développé un syndrome du pied pendant avec perte complète de flexion dorsale au pied gauche en 2017. Après sa chirurgie au dos en octobre 2016, le requérant n’a pas recouvré de mobilité et de force dans sa jambe gauche. La Dre Swiegers a déclaré que le requérant doit aussi composer avec un syndrome de douleur régionale complexe, une enflure, une mauvaise régulation de la température corporelle et une mauvaise circulation dans toute la partie inférieure de sa jambe gauche. La Dre Swiegers a estimé que le requérant était totalement incapable de faire son travail d’agriculteurNote de bas de page 7 et d’exercer tout emploi qui l’obligerait à marcher ou à rester en position debout ou assise pendant plus de 30 minutes. Elle a expliqué que les membres inférieurs du requérant étaient très faibles. Il souffrait d’atrophie musculaire et d’engourdissements aux jambes. Ses douleurs neuropathiques accompagnées d’allodynie et d’hyperesthésie l’empêchaient d’accomplir la plupart des activités de la vie quotidienneNote de bas de page 8. La Dre Swiegers a déclaré qu’elle l’avait orienté vers un neurochirurgien dans un [traduction] « effort ultime » pour contrôler ses douleurs. Elle a signalé que l’invalidité du requérant empirait depuis longtemps et que son degré d’atrophie musculaire ne pouvait pas être corrigé par la chirurgie.

[12] Une lettre du Dr Wardell d’une clinique antidouleur rédigée en juin 2018 mentionne que le requérant souffrait peut-être d’une sténose du canal rachidien importanteNote de bas de page 9. Dans des notes cliniques rédigées en mai 2019Note de bas de page 10, on souligne que le requérant ressentait beaucoup de douleurs et de la faiblesse dans les deux jambes. Il souffrait de spasmes musculaires et de douleurs neuropathiques attribuables à sa sténose du canal rachidien. Il devait s’allonger assez souvent pour détendre son dos.

[13] Le Dr Pillay, neurologue, a déclaré en avril 2019Note de bas de page 11 que des examens des nerfs ont confirmé une neuropathie motrice du nerf péronier gauche. Des examens à l’aide d’aiguilles ont confirmé une lésion du nerf péronier et montré des potentiels de fibrillation et des pointes positives. Le Dr Pillay a recommandé une réadaptation et de la physiothérapie continues. Les symptômes du requérant, y compris ses douleurs et son hyperesthésie, suggéraient un syndrome de douleur régionale complexe.

[14] Le requérant a déclaré qu’il souffre de psoriasis depuis environ deux ans. Ses doigts, ses coudes et ses orteils en sont atteints. Il reçoit des injections de son spécialiste tous les six mois. Il continue d’éprouver des douleurs intermittentes et de la difficulté à utiliser ses mains. Le requérant a dit qu’il continue à suivre des traitements de physiothérapie et d’acupuncture chaque semaine. Il a affirmé que cela atténue la pression sur ses jambes, mais seulement pendant quelques jours. Il fait aussi de la massothérapie, mais ce traitement ne lui apporte qu’un soulagement partiel pendant quelques jours.

[15] La preuve médicale appuie le fait que le requérant a des limitations en raison de sa faiblesse et de ses douleurs neuropathiques aux membres inférieurs. Il ne fait aucun doute qu’il serait [sic] en mesure de reprendre un emploi exigeant sur le plan physique comme celui d’opérateur d’un champ de gaz ou de fermier.

[16] Je suis tenu d’évaluer le volet du critère relatif à la gravité dans un contexte réalisteNote de bas de page 12. Cela signifie que je dois tenir compte de la situation personnelle du requérant, comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie, en plus de ses problèmes de santé et des limitations qui en découlentNote de bas de page 13. Le requérant est âgé de 59 ans. Il a terminé une 10année et un programme de perfectionnement correspondant à une 12année. Il a très peu d’expérience de travail et celle-ci se limite à du travail physique. Le requérant a travaillé comme opérateur d’équipement lourd pendant 21 ans, comme chauffeur de camion de gravier et comme opérateur d’un champ de gaz. La preuve médicale, y compris l’avis de son médecin de famille, confirment qu’il serait incapable de reprendre un emploi physique. J’estime que l’expérience professionnelle limitée du requérant, son âge et son faible niveau d’instruction représenteraient des obstacles pour lui.

Les activités agricoles du requérant constituent-elles une preuve de capacité de travailler?

[17] La ferme du requérant lui a permis de gagner des revenus agricoles bruts de 138 326 $ en 2017 et de 227 201 $ en 2018. Selon la jurisprudence, la rentabilité de l’entreprise commerciale d’une partie requérante n’est pas nécessairement un indicateur de sa capacité de travailler. Il ne reste donc que la preuve liée aux restrictions fonctionnelles du requérant. Cependant, il demeure qu’il faut se demander si les revenus bruts élevés du requérant impliquent en soi qu’il est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Je suis d’avis que ce n’est pas le cas. On ne peut se fonder uniquement sur les revenus bruts du requérant, il faut aussi tenir compte de sa capacité de travailler.

[18] Le ministre a fait valoir que le requérant participe à l’exploitation de sa ferme et que cela prouve qu’il a la capacité de travailler. Lors de l’audience, le requérant a fourni des explications supplémentaires à propos de son rôle dans l’exploitation de la ferme.

[19] Dans son questionnaire sur le travail indépendantNote de bas de page 14, le requérant a indiqué que sa ferme est une ferme familiale. Sa femme, son fils et sa fille effectuent toutes les tâches requises pour accomplir le travail. Ils préparent la ferme en vue de l’ensemencement et font le nécessaire pour effectuer les tâches requises. Le requérant a déclaré qu’il ne participe pas à l’exploitation de sa ferme en raison de son état de santé. C’est sa famille qui l’exploite. Il peut prendre des décisions et déplacer des choses quand il s’en sent capable.

[20] En janvier 2020, le requérant a déclaré à son représentant qu’il lui arrive de déplacer la machinerie d’un champ vers un autre. Parfois, il ne peut déplacer la machinerie que pendant quelques minutes et d’autres fois pendant une heure. Il a dit qu’il y a des jours où il ne pouvait rien faire et que sa capacité variait d’un jour à l’autre. En décembre 2018Note de bas de page 15, le requérant a déclaré que son fils gérait l’ensemble de la ferme avec l’aide de sa femme et d’un employé. Le requérant a expliqué qu’il ne peut pas se tenir debout ni marcher sans éprouver de difficultés. Il a besoin de se reposer en s’allongeant fréquemment pendant la journée. Il a dit qu’il n’est pas fiable puisque certains jours il est capable de conduire un tracteur pendant quelques minutes et d’autres jours pas du tout. Le travail physique est effectué par son fils et un employé. Le témoignage du requérant n’a jamais changé et je ne vois aucune raison de douter de celui-ci.

[21] Le ministre a également fait valoir que le requérant a continué à participer à la gestion et aux décisions de la ferme. Le requérant a fourni des précisions sur son rôle dans la gestion et les décisions de la ferme. Il a expliqué que les terres et l’équipement demeurent au nom de sa femme et à son nom, tout comme la dette. Il est prévu que le fils du requérant devienne propriétaire de la ferme. Actuellement, son fils exploite la ferme et prend toutes les décisions courantes. Il suggère quand l’ensemencement et les récoltes devraient commencer. Il a décidé que la moissonneuse‑batteuse devait être remplacée. Il a décidé du type de grain à planter. Le fils du requérant a touché 60 % des revenus agricoles et les 40 % restants ont été remis au requérant qui s’en sert pour payer la dette agricole et acheter de l’équipement. Le requérant a expliqué qu’il ne prend pas les décisions concernant l’exploitation de la ferme, mais qu’étant donné qu’il a des intérêts financiers dans la ferme, en particulier la dette, son fils soumet ses décisions à son approbation. Il a déclaré que son fils avait peu d’expérience dans le domaine de l’agriculture et qu’il se fiait à l’expertise de son père.

[22] Bien que le requérant ait des intérêts financiers dans la ferme et qu’il conseille son fils, je ne considère pas que cela démontre une capacité de travailler.

L’invalidité du requérant est prolongée

[23] Une invalidité est prolongée si elle dure pendant une période longue et qu’il semble qu’elle se poursuivra indéfiniment ou qu’elle entraînera le décès d’une personneNote de bas de page 16.

[24] Je ne trouve aucun élément de preuve qui pourrait raisonnablement m’amener à supposer que l’état du requérant s’améliorera dans un avenir prévisible. Le pronostic est sombre, on ne s’attend pas à ce que son état s’améliore et aucune autre option de traitement n’est prévueNote de bas de page 17. Malgré de nombreux médicaments et traitements, son état ne s’est pas suffisamment amélioré pour lui permettre de retourner à une occupation véritablement rémunératrice.

[25] Le requérant a fait ce que ses médecins lui ont dit de faire, mais son état ne s’est pas amélioré. Cela me porte à croire que son état persistera indéfiniment. Pour ce motif, je conclus que son invalidité est prolongée et grave.

Conclusion

[26] Le requérant avait une invalidité grave et prolongée en octobre 2016 lorsqu’il n’était plus en mesure de travailler. Cependant, pour calculer la date de service de la pension, une personne ne peut être réputée invalide plus de 15 mois avant que le ministre n’ait reçu la demande de pensionNote de bas de page 18. Le ministre a reçu la demande en juin 2018, de sorte que la date réputée d’invalidité est mars 2017. Les versements doivent commencer en juin 2017, soit quatre mois après la date réputée d’invaliditéNote de bas de page 19.

[27] L’appel est accueilli.

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