Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] D. R. est la requérante en l’espèce. Elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en décembre 2017. Le ministre de l’Emploi et du Développement social a rejeté sa demande. La requérante a interjeté appel de la décision du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale. J’accueille l’appel de la requérante. Voici les motifs de ma décision.

Aperçu

[2] La requérante est née en 1975. Elle a terminé ses études secondaires et a obtenu un diplôme en musique. Elle a travaillé en tant que professeure de piano pendant trois ans. Elle a travaillé dans une pharmacie comme chauffeuse-livreuse, assistante en pharmacie et aide‑comptable d’août 1998 à janvier 2017. La requérante a des maux de dos chroniques depuis de nombreuses années. Ses douleurs ont augmenté après une chute en août 2015 et un accident de voiture, également survenu en 2015. En plus de l’arthrose aux genoux, elle a aussi fait une dépression. La requérante prétend qu’elle ne peut pas occuper d’emploi à cause de ses problèmes de santé.

[3] Le ministre a soutenu que la preuve ne montrait pas que la requérante était atteinte d’une invalidité au sens du RPCNote de bas page 1.

Questions en litige

[4] Les problèmes de santé de la requérante ont-ils entraîné une invalidité grave, ce qui signifie que la requérante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en date du 31 décembre 2018?

[5] Dans l’affirmative, l’invalidité de la requérante était-elle également d’une durée longue, continue et indéfinie en date du 31 décembre 2018?

Analyse

[6] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, la requérante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA repose sur les cotisations de la requérante au RPC. J’estime que la PMA de la requérante a pris fin le 31 décembre 2018.

[7] Une invalidité est définie comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongéeNote de bas page 2. Toute personne est considérée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès. Toute personne doit prouver que, selon la prépondérance des probabilités, son invalidité respecte les deux parties du critère, ce qui signifie que si elle ne remplit qu’une seule partie, elle n’est pas admissible aux prestations d’invalidité.

La requérante affirme qu’elle était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2018

[8] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne a de graves détériorations, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. Il ne s’agit pas de savoir si une personne est incapable d’exercer son emploi régulier, mais plutôt de savoir si elle est incapable d’effectuer un travail véritablement rémunérateurNote de bas page 3.

[9] Je suis convaincu que la preuve montrait que la requérante était incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur à la fin de sa PMA.

[10] La requérante a déclaré qu’elle avait des maux de dos chroniques depuis de nombreuses années. Elle a vu un chiropraticien pendant plusieurs années. Elle prenait des vacances au lieu de prendre des congés de maladie. Ses maux de dos ont empiré en 2015. La même année, elle a fait une chute en août et a eu un accident de voiture en septembre. Elle a tenté d’ignorer la douleur et de travailler. Son employeur lui avait offert des mesures d’adaptation. La requérante travaillait comme assistante en pharmacie en 2015. Son patron ne l’obligeait pas à soulever des charges lourdes et il avait réduit ses heures de travail après ses accidents. La requérante a commencé à travailler à temps partiel en 2016. Elle a essayé la physiothérapie. Son patron l’avait autorisée à occuper les postes d’adjointe administrative et d’aide-comptable comme mesures d’adaptation. Cependant, elle n’arrivait pas à tolérer ses fonctions d’adjointe administrative. Le fait de rester assise pendant de longues périodes accentuait ses maux de dos. Elle était autorisée à emporter un tapis de yoga au travail pour faire des étirements. Elle pouvait alterner entre la position assise et debout. Toutefois, ses douleurs étaient tout de même trop intenses. Elle commettait des erreurs. Elle a cessé de travailler en janvier 2017 et n’a pas travaillé depuis.

[11] La requérante touche des prestations d’invalidité par l’entremise de la Great-West. La requérante a déclaré que ses maux de dos sont imprévisibles. Elle ne sait pas quand elle passera une bonne ou une mauvaise journée. Elle a parlé du fait de travailler à domicile avec la Great-West. Cependant, elle ne croit pas qu’elle serait une employée fiable. Elle ne pense pas qu’elle pourrait travailler des heures régulières à temps plein ou à temps partiel. Elle ne croit pas non plus pouvoir travailler comme professeure de piano ni être en mesure de gérer tout type d’emploi en raison de ses problèmes de concentration.

[12] La requérante a également fait une dépression pendant de nombreuses années. Sa santé mentale s’est détériorée avec le temps. Elle a essayé de prendre des antidépresseurs, des antidouleurs et de la marijuana thérapeutique. Sa santé ne s’est pas améliorée à la suite de ces traitements. Son arthrose aux genoux l’a également mené à utiliser une canne.

[13] En 2018, elle passait plus de mauvaises que de bonnes journées. Lorsqu’elle passe une mauvaise journée, elle ne peut pas entreprendre d’activités. Elle ne fait que gérer ses douleurs. Même lorsqu’elle passe une bonne journée, ses activités sont limitées : elle peut effectuer des tâches ménagères pendant environ une heure, mais elle se sent ensuite fatiguée et endolorie. Elle essaie de tondre sa pelouse, mais elle ne peut le faire que pendant de courtes périodes. La requérante a déclaré qu’elle avait du mal à s’asseoir, à se tenir debout, à marcher et à soulever des objets et qu’elle avait des problèmes de mémoire, de concentration et de sommeil en 2018. Elle avait du mal à mettre ses bas et ses chaussures. Son époux et elle ont acheté un lit différent pour l’aider à dormir. Ils ont aussi installé une toilette plus haute pour lui faciliter la vie. Toutefois, quels que soient les traitements qu’elle a essayés ou les modifications apportées à son domicile, la requérante a toujours éprouvé des douleurs chroniques qui l’ont empêché de travailler.

La preuve médicale appuie la conclusion selon laquelle la requérante était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 décembre 2018

[14] Je ne suis pas d’accord avec l’argument du ministre selon lequel la preuve n’appuie pas la conclusion voulant que la requérante ait été atteinte d’une invalidité grave au titre du RPC.

[15] La preuve médicale montre que la requérante s’est rendue dans une clinique de physiothérapie en 2016 pour des maux de dos, une baisse de l’humeur et des troubles du sommeil. Elle avait également des douleurs à la hanche droite et une bursite du trochanter droitNote de bas page 4.

[16] En 2016, la requérante a consulté un médecin spécialisé dans la gestion de la douleur chronique. Le spécialiste a confirmé que la requérante éprouvait des douleurs dans le bas du dos depuis 12 ansNote de bas page 5. La requérante avait des troubles du sommeil et éprouvait de la fatigue le jour. Le spécialiste a également mentionné que la chute et l’accident de voiture, tous deux survenus en 2015, étaient la cause de ses maux de dos. La requérante a tenté de reprendre le travail, mais ses symptômes se sont aggravés au point où elle ne travaillait que neuf heures par semaineNote de bas page 6. Le spécialiste a également fait référence à la dépression de la requéranteNote de bas page 7. Il lui a prescrit de l’hydromorphoneNote de bas page 8, mais la requérante ne pouvait pas supporter ce médicament. Il la rendait confuse et elle ne se sentait pas à l’aise de le prendre lorsqu’elle travaillait. La requérante n’a pas été capable de prendre d’autres antidouleurs en 2016. En août 2016, elle a augmenté son nombre d’heures de travail à 18 heures par semaine. Le spécialiste de la douleur a noté que la requérante tolérait ces heures, mais qu’elle avait parfois du mal à travailler à plein temps. Il a déclaré que la requérante recevrait prochainement des injections aux facettes articulairesNote de bas page 9.

[17] La requérante s’est également rendue dans un centre de réadaptation en 2016 où elle a vu un physiothérapeute et a participé à des consultations psychologiquesNote de bas page 10.

[18] La médecin de famille de la requérante a rédigé un rapport médical pour le ministre en décembre 2017. Elle a précisé que la requérante avait des maux de dos chroniques et des douleurs au genou droit en raison de l’arthrose, et qu’elle faisait une dépression. La requérante a tenté de travailler après ses accidents en 2015, mais ses tentatives ont échoué. La famille [sic] a dit que les problèmes de la requérante ne se sont pas estompés avec les traitements qui comprenaient les injections aux facettes articulaires. La requérante devait appliquer des compresses chaudes et faire beaucoup d’étirements pour gérer ses problèmes de santé, et la médecin de famille estimait que ces activités n’étaient pas compatibles avec le travailNote de bas page 11.

[19] La requérante a consulté un chirurgien orthopédiste en 2018 pour ses maux de dos. Celui‑ci ne pensait pas que la chirurgie aiderait la requérante.

[20] En 2018, la requérante a également vu un autre médecin pour ses douleurs au genou dans un centre de médecine orthopédique et sportive. La requérante prenait du Naproxen et de la marijuana thérapeutique. Elle se servait aussi d’une canneNote de bas page 12.

[21] Je suis d’accord avec le ministre que les radiographies en l’espèce n’étaient pas très concluantesNote de bas page 13. La requérante n’avait pas besoin d’être opérée. Selon des commentaires dans certains dossiers médicaux, la requérante se sentait bienNote de bas page 14.

[22] La requérante a des douleurs chroniques et fait une dépression. Ces maladies sont difficiles à prouver, car l’ampleur de la douleur et de la détresse mentale d’une personne n’est pas facile à mesurer. La Cour suprême du Canada a reconnu que les personnes éprouvant des douleurs chroniques sont constamment soupçonnées de feindre leur mal, car leurs problèmes ne peuvent être étayés par des conclusions objectivesNote de bas page 15. Bon nombre de ces cas dépendent de la crédibilité de la partie requérante.

[23] J’estime que la requérante est une témoin crédible. Elle faisait preuve d’une bonne éthique de travail. Selon son relevé d’emploi, elle a gagné un revenu chaque année de 1995 à 2016Note de bas page 16. Elle a travaillé pour le même employeur pendant plus de 18 ans. Depuis ses accidents en 2015, elle éprouve des douleurs vives. Malgré tout, elle a tenté de travailler jusqu’en janvier 2017. Cependant, ses efforts pour reprendre le travail ont été infructueux, même si son employeur lui a offert d’importantes mesures d’adaptation. Selon certains rapports médicaux, l’état de la requérante semblait s’améliorer sur certains points. Toutefois, je n’accorde pas beaucoup de poids à ces commentaires. J’accepte que la santé de la requérante ait connu des hauts et des bas au fil du temps. Cependant, son état ne s’est jamais amélioré au point où elle pouvait reprendre un travail véritablement rémunérateur après son dernier emploi en janvier 2017. Je n’ai aucune raison de douter du témoignage de la requérante selon lequel elle ne pouvait pas travailler après janvier 2017.

La requérante ne pouvait pas travailler dans un contexte réaliste en date du 31 décembre 2018

[24] Je dois évaluer la partie du critère portant sur la gravité dans un contexte réalisteNote de bas page 17. Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, je dois tenir compte de certains facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie.

[25] Je reconnais que la requérante ne pouvait pas travailler dans un contexte réaliste avant la fin de sa PMA. La requérante avait seulement 43 ans à l’échéance de sa PMA. Elle a fait des études postsecondaires. Elle a de l’expérience dans le domaine de l’informatique. Elle comprend l’anglais. Son âge, ses aptitudes linguistiques, son niveau d’instruction et ses antécédents de travail donnent à penser que de nombreuses options de travail s’offrent à la requérante. Toutefois, j’estime que la requérante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa PMA en raison de ses problèmes de santé.

[26] Je ne crois pas que la requérante pouvait gérer tout type de travail physique à la fin de sa PMA puisqu’elle avait du mal à soulever des objets, à se tenir debout et à marcher. Je ne pense pas que la requérante pouvait se recycler pour exercer un autre travail en raison de ses problèmes de concentration liés à ses douleurs chroniques. Je ne crois pas qu’elle aurait pu occuper un poste de chauffeuse. Je m’interroge sur sa capacité à exercer un tel emploi en toute sécurité avec certains médicaments qu’elle prenait. Bon nombre de personnes qui ne peuvent pas s’asseoir ou se tenir debout pendant de longues périodes réussissent à travailler si elles peuvent alterner entre la position assise et debout. L’employeur de la requérante lui avait offert la possibilité d’alterner entre ces deux positions, de même que celle de faire des étirements sur un tapis de yoga au besoin. Malgré tout, la requérante ne pouvait pas occuper le poste sédentaire d’adjointe administrative avec ces mesures d’adaptation. Je reconnais que la capacité de la requérante d’effectuer des tâches ménagères était affaiblie à la fin de sa PMA. J’accepte aussi son témoignage selon lequel elle ne pouvait pas effectuer des activités assez longtemps pour être employée dans un contexte réaliste. De plus, je reconnais que l’intensité de ses douleurs était imprévisible au point où elle n’aurait pas pu travailler de façon régulière, fiable ou prévisible à la fin de sa PMA.

[27] Lorsqu’il existe une preuve de capacité de travail, la personne doit montrer que ses démarches pour obtenir et conserver un emploi ont été infructueuses en raison de son état de santéNote de bas page 18. Je suis convaincu que la requérante n’a pas pu continuer à travailler à la pharmacie à cause de son état de santé. Je suis convaincu que la requérante n’a pas eu la capacité de travailler depuis son dernier emploi en janvier 2017.

La requérante a suivi des options de traitement raisonnables

[28] Je suis convaincu que la requérante a suivi les options de traitement recommandées. Elle a fait des suivis avec sa médecin de famille. Elle a consulté des spécialistes de la douleur. Elle a vu un chirurgien orthopédique. Elle a essayé la physiothérapie, la massothérapie, l’acuponcture, la chiropractie et les injectionsNote de bas page 19. Elle a participé à des consultations psychologiques. Elle a essayé différents médicaments pour contrôler sa douleur et sa dépression, mais en vain.

Invalidité prolongée

[29] La requérante a prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité qui doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie.

[30] Selon sa médecin de famille, l’état de la requérante ne s’améliorera probablement pasNote de bas page 20.

[31] Je suis convaincu que les médecins de la requérante gèrent ses problèmes de santé plutôt que d’essayer de la guérir.

Conclusion

[32] La requérante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2017, lorsqu’elle a travaillé pour la dernière fois. Les versements commencent quatre mois après la date de l’invalidité, soit en mai 2017Note de bas page 21.

[33] L’appel est accueilli.

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