Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

Décision

[1] Je refuse d’accorder au requérant une prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler.

Aperçu

[2] Le requérant tente de rouvrir une décision lui refusant une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

[3] Le requérant est un ancien chaudronnier qui a de longs antécédents de gains et de cotisations au RPC. En août 2015, quelques mois après son 60e anniversaire, il a demandé et commencé à recevoir une pension de retraite anticipée du RPC. Il souffrait de douleurs arthritiques croissantes à la hanche et au genou droits, mais il a continué à travailler jusqu’en octobre 2015, date à laquelle il ne pouvait plus gérer les exigences physiques de son emploi. En mai 2016, il a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC en prétendant être incapable d’occuper tout emploi.

[4] Le ministre a rejeté la demande du requérant parce que la loi ne permet pas à une personne de recevoir une pension de retraite et une pension d’invalidité du RPC en même tempsFootnote 1. Le ministre a également conclu que l’état de santé du requérant ne l’empêchait pas de travailler à partir du 31 juillet 2015, date à laquelle son admissibilité à la pension d’invalidité du RPC a pris fin.

[5] En mars 2017, le requérant a interjeté appel du refus du ministre devant le Tribunal de la sécurité sociale. Dans une décision datée du 27 mars 2019, la division générale du Tribunal a rejeté l’appel, estimant que la preuve médicale n’était pas suffisante pour établir que le requérant était atteint d’une invalidité grave en date du 31 juillet 2015. La division générale a accordé beaucoup d’importance à ce qu’elle a jugé être le propre aveu du requérant selon lequel il avait été capable de continuer à travailler jusqu’en octobre 2015.

[6] Après que la division d’appel du Tribunal a rejeté sa demande de permission d’en appeler, le requérant a déposé une demande d’annulation ou de modification de la décision de la division généraleFootnote 2, alléguant qu’un agent de Service Canada avait négligemment omis de l’informer que son admissibilité à la pension d’invalidité du RPC serait restreinte une fois qu’il aurait commencé à recevoir une pension de retraite anticipée. Un autre membre de la division générale a examiné s’il fallait annuler ou modifier la décision du 27 mars 2019, mais a conclu que les circonstances de la demande de retraite anticipée du RPC du requérant ne constituaient pas un « fait nouveau et essentiel » au sens de l’article 66 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS)Footnote 3.

[7] Le requérant demande maintenant la permission d’en appelerFootnote 4 devant la division d’appel, alléguant que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en refusant d’annuler ou de modifier sa décision. Dans sa demande, le requérant a répété que lorsqu’il a présenté sa demande de pension de retraite en 2015, personne ne lui a dit que cela pourrait également le rendre inadmissible à la pension d’invalidité du RPC. Il demande que sa demande antérieure de pension de retraite soit considérée comme un « fait nouveau et essentiel ».

Questions en litige

[8] Je dois trancher les questions connexes suivantes :

Question en litige no 1 : La demande de permission d’en appeler du requérant a‑t‑elle été présentée en retard? Le cas échéant, le requérant devrait-il se voir accorder une prorogation de délai?

Question en litige no 2 : Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en refusant d’annuler ou de modifier sa décision datée du 27 mars 2019?

Analyse

Question en litige no 1 : La demande de permission d’en appeler du requérant a‑t‑elle été présentée en retard? Le cas échéant, le requérant devrait-il se voir accorder une prorogation de délai?

[9] Selon l’article 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où la décision est communiquée au demandeur. La division d’appel peut accorder un délai supplémentaire pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler, mais une demande ne peut jamais être présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision est communiquée au demandeur.

[10] Selon le dossier, la division générale a rendu sa décision relative à la demande d’annulation ou de modification le 30 septembre 2019. Deux jours plus tard, elle a été envoyée par courrier ordinaire au demandeur à sa dernière adresse résidentielle connue.

[11] La division d’appel n’a reçu la demande de permission d’en appeler du demandeur que le 10 avril 2020, soit bien après le délai prescrit de 90 jours. Même en tenant compte du délai de livraison présumé de 10 jours en vertu par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, la demande du demandeur était en retard de plus de trois mois.

[12] Dans l’affaire Canada c GattellaroFootnote 5, la Cour fédérale a établi quatre facteurs à prendre en considération pour déterminer s’il y a lieu d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel :

i) si le retard a été raisonnablement expliqué;

ii) si la partie requérante manifeste une intention persistante de poursuivre l’appel;

iii) si la prorogation du délai cause un préjudice à d’autres parties;

iv) si la cause est défendable.

L’importance à accorder à chacun des facteurs de l’arrêt Gattellaro peut varier d’un cas à l’autre, et d’autres facteurs peuvent s’avérer pertinents. Cependant, la considération primordiale est de servir l’intérêt de la justiceFootnote 6.

i) Retard raisonnablement expliqué

[13] Le dossier contient une lettreFootnote 7 suggérant qu’au début de janvier 2020, le requérant s’est informé de la progression de la décision de la division générale relativement à la demande d’annulation ou de modification. À l’époque, le Tribunal a informé le requérant que la division générale avait rendu une décision à ce sujet en octobre et avait clos son dossier. Le requérant a ensuite affirmé qu’il n’avait pas reçu la décision de la division générale avant que le ministre ne lui en envoie une autre copie en janvier.

[14] Je reconnais que le courrier se perd parfois. C’est pourquoi je suis prêt à admettre que le requérant a tardé à présenter sa demande de permission d’en appeler parce que le premier envoi par la poste de la décision de la division générale concernant la demande d’annulation ou de modification a été mal acheminé.

ii) Intention persistante de poursuivre l’appel

[15] Comme je l’ai mentionné précédemment, le requérant s’est renseigné sur les progrès de la division générale en janvier 2019. Ce faisant, il s’est montré vivement intéressé à poursuivre sa demande. On peut en déduire qu’il souhaitait également préserver ses droits d’appel. Je suis disposé à présumer que le requérant avait une intention persistante de poursuivre son appel dans les mois précédant sa demande de permission d’en appeler.

iii) Préjudice à l’autre partie

[16] Je conclus qu’il est peu probable que le fait de permettre au requérant de poursuivre son appel à cette date tardive porterait préjudice aux intérêts du ministre, étant donné la période relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai légal. Je ne crois pas que la capacité du ministre à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

iv) Cause défendable

[17] Une partie requérante qui veut obtenir une prorogation de délai doit démontrer qu’elle dispose au moins d’une cause défendable en appel du point de vue du droit. Il s’agit là du critère de la permission d’en appeler. La Cour d’appel fédérale a établi que la question de savoir si une partie requérante a une cause défendable revient à se demander si son appel a une chance raisonnable de succèsFootnote 8.

[18] Pour les motifs qui suivent, je conclus que la requérante n’a pas avancé de motifs d’appel qui confèrent à son appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : Existe-t-il une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en refusant d’annuler ou de modifier sa décision datée du 27 mars 2019?

[19] Il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel. Une partie requérante doit démontrer que la division générale a agi de manière inéquitable, qu’elle a mal interprété le droit ou qu’elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteFootnote 9.

[20] Un appel peut seulement aller de l’avant si la permission d’en appeler est d’abord accordée par la division d’appelFootnote 10. À cette étape-ci, la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsFootnote 11. Il s’agit d’un critère auquel il est relativement facile de répondre, et cela signifie qu’une partie requérante doit présenter au moins une cause défendableFootnote 12.

[21] Le requérant souhaitait que la division générale rouvre sa cause, mais la seule façon de le faire était de présenter des faits nouveaux et essentiels qui, au moment de l’audience de mars 2019, ne pouvaient être connus malgré l’exercice d’une diligence raisonnableFootnote 13. La division générale a déterminé que l’allégation du requérant selon laquelle on lui a donné des conseils erronés au moment de présenter sa demande de pension retraite anticipée ne constituait pas un nouveau fait et essentiel, car il était facilement accessible au moment de la première audience.

[22] Je ne constate pas de cause défendable selon laquelle la division générale aurait enfreint un principe de justice naturelle ou commis une erreur de fait ou de droit lorsqu’elle a décidé de ne pas annuler ou modifier sa décision antérieure. La division générale a examiné le dossier et est arrivée à la conclusion défendable que les renseignements supposément nouveaux du requérant ne répondaient pas à la norme juridique applicable. Je n’estime pas avoir de motif pour interférer avec son raisonnement.

[23] Dans sa demande de permission d’en appeler, le requérant dit essentiellement à la division d’appel ce qu’il a dit à la division générale, à savoir que le personnel de Service Canada l’a mal conseillé lorsqu’il a présenté sa demande de pension de retraite anticipée du RPC. Bien que je compatisse avec le requérant, qui ne comprenait pas toutes les implications de demander une pension de retraite plus tôt que tard, la conduite de Service Canada n’est pas en cause en l’espèce. Le présent appel porte sur la question de savoir si la division générale a fait son travail adéquatement lorsqu’elle a conclu qu’il était raisonnablement possible que la pension de retraite du requérant et les circonstances qui l’entourent soient connues en mars 2019.

[24] Une audience devant la division d’appel n’est pas censée être une « reprise » de l’audience devant la division générale. En tant que membre de la division d’appel, je n’ai compétence que pour déterminer si l’un des motifs d’appel invoqués par une partie requérant se rattache aux moyens d’appel prévus et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès. En l’espèce, la décision faisant l’objet de l’appel portait sur une question plutôt pointue, soit de savoir si la preuve déposée à l’appui de la demande d’annulation ou de modification représentait un fait nouveau et essentiel au sens de la LMEDS.

Conclusion

[25] Après avoir apprécié les facteurs qui précèdent, j’ai conclu qu’il n’est pas indiqué en l’espèce de proroger le délai d’appel de 90 jours. J’ai jugé que le requérant avait raisonnablement expliqué le retard et manifesté une intention persistante de poursuivre l’appel. J’ai également estimé qu’il était peu probable qu’une prorogation du délai cause préjudice aux intérêts du ministre. Toutefois, j’ai conclu que les motifs d’appel avancés par le requérant ne donnent pas lieu à une cause défendable. C’est ce dernier facteur qui a été déterminant; j’estime qu’il ne sert à rien d’aller de l’avant avec l’appel puisque celui-ci est voué à l’échec.

[26] À la lumière des facteurs établis dans l’arrêt Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je rejette la demande de prorogation du délai d’appel.

Représentant :

J. R., non représenté

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